Ode au Chaos

Chapitre 4 : Acte I - Scène 3

3574 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/06/2024 16:27

Acte I - Scène 3

« Seuls survivent ceux qui le méritent. »


Les yeux fermement clos, j'attendis le choc avant l'immersion. Mais ma chute s'était déjà arrêtée. Lorsque j'ouvris les yeux, j'étais de nouveau sur le pont. Les bras de Zed s'étaient verrouillés contre de ma poitrine et mon dos maintenu contre son torse. La colère me submergea. Je hurlai. De toute ma rage, mes coudes lui fustigèrent les cotes. Comment osait-il me forcer à endurer ce déluge de souffrances ?! Lorsqu'il me lâcha, je m'effondrai en sanglots à genoux sur le plancher. Je compressai mon cœur, au supplice. 

« Cette souffrance... je veux que ça s'arrête... sanglotai-je. Pitié... »


Une main se posa sur mon épaule.

« J'ai peut-être de quoi l'atténuer un peu, déclara Zed. »


Étonnée, je séchai mes larmes d'un revers de manche, reniflai et me relevai tant bien que mal.

« Pour ça, je suis prête à tout accepter, déclarai-je.

— Suis-moi. »


Zed me conduit à la cabine principale et, à sa demande, je m'assis à la grande table sur laquelle il ralluma une bougie déjà fondue. Il fouilla rapidement dans le bar et revint avec deux bouteilles en verre : l'une qu'il posa sous mon nez dans un geste sec et l'autre face à moi où il prit aussitôt place.

« Ce n'est pas une solution à long terme, mais là... je crois que t'en as besoin... »


Je saisis son présent et l'interrogeai du regard.

« Rhum de Bilgewater, dit-il en avalant une gorgée au goulot. »


De tous les enseignements de Lyang, celui-ci me revint à l'esprit : inutile d'espérer noyer ton chagrin dans l'alcool, ce bougre sait nager. Mais dans le cas présent, j'estimais n'avoir rien à perdre. J'avalai quelques gorgées à la hâte. Mon palais flamba un instant, m'arrachant une grimace de douleur. Mais je m'accrochai à l'espoir de mettre fin à ma torture. Un long moment s'écoula dans un silence ponctuellement brisé par le claquement de nos bouteilles sur la table.

Les murs commencèrent doucement à vaciller. Zed prenait soin d'éviter quelconque échange de regard, alors je tentai de dénouer l'ambiance :

« Zed ? »


Il m'offrit aussitôt un regard attentif.

« Pourquoi tu es opposé au Kinkou ?

— (Il bu une gorgée avant de répondre) Je refuse simplement de laisser mon peuple se faire massacrer sans réagir... c'est pour cette raison que mes disciples me suivent... Nous défendons la justice, nous... »


Je ris doucement, branlante malgré ma position assise. Zed s'empressa de retirer la bouteille que j'avais sous le nez mais je le suppliai : 

« S'il te plaît ! Tu as dis seulement ce soir, alors laisse-la moi ! »


Il hésita un instant avant de reposer mon précieux sédatif à sa place. Je tentai de me ressaisir pour feindre un air sobre. Je posai ma joue dans ma paume de main, accoudée à la table et je déclarai en soupirant :

« Shen est un sale con... »


Zed eut un mouvement de recul.


« Oh pardon hein... mais il a refusé que je m'engage dans l'Ordre Kinkou !

— Tu voulais y entrer ? s'étonna-t-il.

— Ben ouais quoi... j'ai le pouvoir de disparaître, j'aurais pu m'en sortir pas trop mal... et puis maintenant j'ai aussi le pouvoir de contrôler les fluides alors... »


Zed manqua de s'étouffer avec son rhum. Sa bouteille heurta la table.

« Tu contrôles les fluides ?

— Bah ouais... ris-je. (Je levais la main dans sa direction) Je peux te vider de ton sang en quelques secondes... pssshhh ! »


Ses yeux s'écarquillèrent.

« Fais-moi penser à ne jamais te retirer ce bracelet...

— Ouais enfin... moi je m'en servais pour peindre hein ! C'est Lyang... il était persuadé que je deviendrais une artiste... ou alors c'est juste ce qu'il a dit pour me consoler quand Shen m'a recalé ! Ce fumier a dit qu'j'étais pas assez équilibrée !

— Qui est Lyang ?

— Mon père... celui que j'ai tué... (je repris la bouteille pour avaler une grande gorgée)

— Tu appelles ton père par son prénom ?

— Ahah non ! C'était mon deuxième père... mon vrai père est mort quand j'avais six ans... ainsi que toute ma famille d'ailleurs...

— Je suis désolé... Que leur est-il arrivé ?

— Ils ont été massacrés... sous mes yeux... Moi j'étais invisible, j'ai survécu mais j'ai tout vu, j'ai tout entendu... J'avais une famille... et en quelques minutes, (je claquai des doigts) elle s'est transformée en amas répugnant de chair et de sang. Tu sais, c'est ce que nous sommes tous, finalement... rien de plus que de la viande... Moi j'ai eu de la chance que Lyang s'occupe de moi... mais... je croyais que le Kinkou nous rendrait justice... »


J'avalai une gorgée de plus. Ma vision se troublait si bien que le visage de Zed m'apparut soudain moins crispé, ses traits s'étaient atténués, plus lisses, plus tendres... En somme, il me sembla si... délicieux.

« Il a préféré ne pas agir ? demanda-t-il.

— Qui ça ?

— Le Kinkou, c'est toi qui vient de le dire !

— Ah ! Ouais ! C'est ce qui m'a fait le plus mal... Personne n'a rendu justice à ma famille, à ma vie détruite... tout le monde a trouvé ça... normal... Ils ont dit que c'était moi qui ne l'était pas, que j'avais un trauma, que je m'en remettais pas, que je ne serais plus jamais... comme les autres. (je m'interrompis, constatant que Zed m'observait attentivement, le menton posé dans sa paume main) Oh je suis désolée, ça doit être chiant de m'entendre parler autant de moi...

— Non, continue, c'est intéressant. Tu voulais la justice et on t'a demandé de peindre des toiles ?

— J'ai essayé de trouver l'équilibre, j'te jure ! Mais je me sentais rejetée alors je haïssais tout le monde, et surtout le Kinkou ! (J'empoignai férocement ma bouteille) Ma vie était... enfin... Mes relations n'ont jamais fonctionné : amour ou amitié... partout où j'allais, chaque personne que je rencontrais ou avec qui je prenais mon pied... Tôt ou tard, je ne voyais plus en eux que cette future viande avariée. J'ai jamais trouvé en ce monde aucune forme de beauté. Jusqu'à ce que je le rencontre...

— Jhin ?

— (Je hochai vigoureusement la tête, ce qui me coûta un vertige) Lui, il était capable de sublimer cette chair et ce sang. Si cruel mais si juste. Ses œuvres m'ont touchées...

— Mes disciples sont des enfants qui ont tout perdu eux-aussi... parfois nos blessures nous rendent plus forts, parfois elles nous fragilisent. Mais ce qui peut tout changer, c'est la bonne personne pour nous guider. »


Oh ciel... Ses sages paroles n'avaient d'égales que la beauté de son regard. La flamme vacillante de la bougie parsemait ses yeux de lueurs écarlates. Son regard empli d'indulgence me transcenda. Mon cœur s'agita.

« Tu peux encore changer, lança-t-il. »


Ma tête s'abattit soudain sur la table. Et je ne trouvai pas la force de la relever.

« T'avais raison... il est bien ton remède... »


Zed se leva et m'empoigna le bras pour me redresser. Je suivis son mouvement mais je m'écroulai aussitôt dans ses bras. Il passa sa main sous mes jambes et me souleva pour me caler contre son torse. C'était décousu. Certaines secondes se décrochaient du temps. Dans ce décor tourbillonnant, je m'accrochai à son cou et posai ma joue contre sa poitrine musclée si confortable.

« Je suis désolée... m'excusai-je.

— Désolée pour quoi ?

— De te causer tous ces soucis... Tu m'en veux ?

— Non, je t'en veux pas, qu'est-ce que tu racontes ? grommela-t-il.

— T'es sûr ? Vraiment ?

— Ferme-la...

— Ton corps est si... athlétique...

— A quoi tu joues ?

— Si je saute encore, tu me rattraperas, Zed ?

— Hirose, est-ce que c'est la première fois que tu bois de l'alcool ?

— (Je m'agrippai plus fermement à son cou) Ne me lâche pas, Zed... je m'accroche à toi alors... ne me lâche pas... »


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Le soleil incandescent m'explosa le crâne. Y'avait-il une chose plus désagréable qu'être tirée du lit par une douleur aussi incisive ? La réponse ne se fit pas attendre : sans aucun doute une violente nausée. Je me levai d'un bond machinal et courut sur le pont pour vomir par-dessus la balustrade. J'évacuai péniblement le poison de mon estomac avant de m'effondrer sur le plancher, à l'agonie.

« Ça va aller ? »


Je m'essuyai la bouche avant de lever les yeux vers la jeune femme qui s'était accroupi face à moi.

« Ouais... le mal de mer... bredouillai-je.

— Ah je comprends, moi non plus j'ai pas l'habitude de naviguer... (Elle me tendit une main franche) Je m'appelle Lyrah.

— Hirose... répondis-je en saisissant sa main. »


Elle m'aida à me relever et rit :

« Ça je le savais. Je croyais que Zed te surveillait... ?

— Non... j'étais seule... »


Lyrah balaya le pont du regard.

« Bizarre... il ne doit pas être bien loin... »


Il était certain qu'avec mon comportement suicidaire de la veille, il ne devait pas être si loin. Lyrah retourna à ses occupations et aussitôt, je rejoignis la cabine principale dans l'espoir d'y trouver du calme et surtout, de l'ombre. J'eus à peine passé l'encadrement que j'assistai à une échauffourée entre Kayn et un homme encore plus imposant que lui. Il brandissait ses immenses bras couverts de tatouages noirs en rugissant comme un ours furieux. Sous la violence des coups que s'échangèrent ces brutes, plusieurs ondes de choc firent vibrer les tables et la vaisselle. Je reculai pour m'extirper des lieux plus vite que je n'y étais entrée.

Je posai une main sur ma tempe douloureuse, martelée par les assauts de la lumière. Une trappe située un peu en retrait attira mon regard. Sans trop me poser de questions et dans l'ultime espoir de fuir l'agitation et le soleil, je m'y engouffrai. 

Dans la pénombre de la pièce, je soufflai en silence. J'avais enfin trouvé un refuge et, surprise agréable, il y faisait frais. Je me frayai un chemin entre d'énormes tonneaux et caisses de cargaison vides et me laissai tomber assise entre deux d'entre elles, contre le mur. Je fermai les yeux, vaincue.

Quelques souvenirs de la veille refirent surface, mais tout était vague et fragmenté. Pour sur, la nuit m'avait submergé de souffrances et je m'y étais noyée au point d'enjamber la balustrade dans l'espoir de gaver quelques poissons. Mais Zed m'avait rattrapé. 

J'enserrai mes jambes contre moi, affligée par la honte. Comment avais-je pu le trahir après lui avoir promis de coopérer ? A croire que ce vice coulait dans mes veines. Ensuite, Zed m'avait reconduit à mon lit. Non ! Il m'avait proposé de boire un verre... ou une bouteille. Oui, j'avais forcé sur la bouteille, résignée à avaler des litres pour faire passer le goût amer de mes tourments. Et de quoi avions-nous parlé ? Du Kinkou et... Je serrai les poings, me rappelant que je lui avais révélé mon second don. Et ensuite ? Je l'ignorais. Nous avions parlé. Mes souvenirs volatiles s'effaçaient comme un songe incertain. Oh et cette migraine n'avait-elle pas l'intention de me lâcher ? 

J'arrêtai de résister et me laissai bercer par le lent reflux sous mon corps désormais affalé contre le plancher.


๑๑இ๑๑இ๑๑இ๑๑இ๑๑


La douleur finit par s'atténuer. Et je m'apprêtai à me lever quand je fus percutée par un corps qui exhibait son torse musclé. Kayn venait de s'extirper du plancher. Il me lança un regard à la fois étonné et embarrassé.

« Tu fous quoi ici ? me demanda-t-il.

— Je peux te retourner la question ! rétorquai-je. J'étais en train de... de décuver...

— Ah ouais ? Tu ferais bien de remonter... Maître Zed te cherche et... il est un peu... en colère. »


Mon cœur rata un battement. Oh, je savais ce que cela signifiait. La colère transformait Zed en être particulièrement désagréable et violent.

« J'ai envie de rester ici finalement... bredouillai-je.

— Ça, vraiment, je te le déconseille... »


A contrecœur, je suivis Kayn hors de la cale, la lumière m'aveugla au moment même où je me hissai laborieusement sur le pont.

« Maître Zed ! Elle est là ! »


Les yeux plissés et surtout fermement braqués vers le sol, je perçus le son et les ondes d'un pas lourd et empressé s'avancer vers moi. J'aurais tout donné en cet instant pour être capable de me fondre dans le plancher, moi aussi. Zed empoigna mon bras sans un mot et m'emporta jusqu'à sa cabine où il me poussa sans me ménager avant de claquer la porte dans un terrible fracas.

« Je te laisse un peu tranquille et tu te permets de te cacher ! aboya-t-il en levant brusquement les bras. »


Dans un réflexe stupide, je protégeai mon corps déjà trop meurtri et me reculai dans un coin de la pièce.

« Qu'est-ce que tu fais ? grogna-t-il. »


Je tremblai plus fort encore. Il s'adoucit.

« Je ne vais pas te frapper... »


Je tentai de reprendre possession de mes moyens et calmai mon cœur affolé.

« Je suis désolée... j'avais mal à la tête... alors je voulais juste trouver... du calme et... et de l'ombre...

— De l'ombre...

— Oui, il y avait du tapage dans la cabine tout à l'heure... et j'avais besoin de calme... Je suis désolée...

— Ça va, arrête de t'excuser. T'es encore là alors... c'est ce qui compte. »


On tambourina à la porte en criant :

« Maître Zed !

— Je suis occupé ! hurla-t-il avec une rage bestiale. »



Il s'avança vers moi, m'acculant contre le mur et me lança un regard affligé.

« J'ai cru que tu avais trahis ma confiance. Sache que j'ai risqué ma vie et celle de mes hommes pour te récupérer... alors je me suis emporté...

— C'est pas grave... je comprends. Je ne suis pas une personne digne de confiance... »


Son poing fendit l'air au-dessus de mon épaule pour s'engouffrer dans le mur dans un vacarme monstrueux.

« Arrête ça ! rugit-il.

— Désolée...

— Si tu veux que les autres aient de l'estime pour toi, commence par en avoir pour toi-même ! »


Son regard emprunt de colère me pénétra, mon cœur pulsa frénétiquement. Il me considérait mieux que j'en étais moi-même capable. Je ne savais plus en cet instant, comment agir ni comment penser.

« Dorénavant... (il soupira) Préviens quelqu'un quand tu comptes te planquer. (Il haussa le ton) Et arrête de te comporter comme une faible ! Je déteste les faibles ! »


Il tourna les talons et sortit précipitamment de sa cabine. Pourquoi me poussait-il à aller de l'avant ? Cet homme était une bombe à retardement, sa rage explosait à la moindre occasion et pourtant sa sagesse m'étonnait. J'avais sombré et il m'avait rattrapé en plein vol. Et je peinais à l'admettre mais quelque chose s'agitait dans ma poitrine : une envie et un besoin irrépressible de me relever et de faire face à mes propres ténèbres. 

Je posai mes mains sur mon cœur. Mon regard tomba sur la dernière entrave à la confiance que Zed m'offrait : ce maudit bracelet. Je le frottai doucement de ma main de fer et me fis une promesse. La promesse solennelle de briser cet artefact. Une fois libérée, je quitterais cet enfer : je reprendrais mon destin en main. 


Le soir venu, je mangeais pour la première fois avec tout l'équipage. Je ne leur parlais pas, cependant je constatai que je ne les dérangeais pas. Je peinais à croire que j'étais là, assise à leur table, acceptée à leurs cotés. Je mangeais et buvais avec eux. Ils n'en avaient peut-être pas conscience, mais cet acte si généreux réchauffa mon âme. Folle que j'étais d'oublier ma vraie nature, je dissimulai un sourire bien trop sincère pour être refoulé. 

Quand je relevai la tête, je croisai le carmin scintillant des yeux de Zed. Je détournai aussitôt le regard. Je n'avais pas perdu mon combat. Je n'étais pas vaincue tant que je respirais encore, quoique l'avenir me réserve. Emportée par cette vague d'enthousiasme je n'éprouvai en cet instant qu'un seul désir : le remercier.

« Regardez ce que j'ai trouvé ! s'écria soudain Lyrah. »


Debout au milieu de la cabine, elle brandissait un luth au-dessus de sa tête. Elle s'assit sur le rebord d'une table vide, croisa les jambes et commença à jouer. Religieusement, tout le monde se tut, et quelques accords s'élevèrent sur le navire. 

Puis la douceur de sa voix envahit tout l'espace :


La nuit poursuit tous tes rêves.

Une vie qui ne connaît de trêve.

Piégé au bord du précipice

Retenu par ce lien fragile

Le destin pourrait te saisir

C'est le diable qui revient

Frapper à ta porte !

Ton âme est si fébrile

Chaque soir quand les tambours résonnent

Réveille-toi, réveille-toi !

La voix qui t'invite et qui attise ta faim

Est un avant-goût du destin que tu poursuis.

Réveille-toi, réveille-toi !

Le combat est là, rejoins notre cause !*


Lyrah reprit le refrain, et tout l'équipage reprit avec elle, frappant sur les tables au rythme de sa musique :

Réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi !

Réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi !

Piégé au bord du précipice

Retenu par ce lien fragile

Le destin pourrait te saisir

C'est le diable qui revient

Frapper à ta porte !

Ton âme est si fébrile

Chaque soir quand les tambours résonnent

Réveille-toi, réveille-toi !

La voix qui t'invite et qui attise ta faim

Est un avant-goût du destin que tu poursuis.

Réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi !


Ses paroles animaient mon âme autant que mon corps, je reconnaissais ce chant de guerre Ionien capable d'emplir les cœurs de courage et de bravoure. Et en cet instant, j'en étais plus que jamais chargée.


Peu après, je profitai de la nuit paisible pour me promener sur le pont, au clair de lune. L'air iodé allégeait mon cœur à chaque inspiration. Je levai les yeux vers le ciel, aussi loin qu'il me fut possible de porter mon regard, prenant doucement conscience que c'était là-haut, au plus profond de l'obscurité, que les étoiles brillaient le plus. 

Où es-tu, Jhin ?

« T'as l'air plus en forme qu'hier... me surprit une voix désormais familière. »


Kyan s'avança derrière moi et je vérifiai que nous étions seuls.


« Oui... c'est vrai...

— Maître Zed est très fort, n'est-ce pas ?

— Quoi ?

— Je vais me faire enguirlander s'il l'apprend mais... j'ai entendu votre conversation hier... (Il pouffa) T'étais ronde comme un tonneau !

— Oui d'ailleurs, je ne me souviens pas de tout...

— C'est dommage. Tu lui as raconté ton histoire. Elle est très semblable à la notre... Pourquoi crois-tu que nous marchons aux cotés de Maître Zed ? Moi c'est différent, je suis bourré de talents, mais... plus sérieusement, nous avons tout perdu à cause de la guerre. La seule chose qu'il nous reste, c'est notre combat pour la justice, pour que d'autres enfants ne subissent pas notre sort. 

— C'est... inspirant...

— Je ne sais pas si je peux te faire confiance mais... j'ai confiance en Maître Zed. Et puis... tu me rappelle quelqu'un... 

— Kayn ! s'écria Zed. Ça suffit. »


Zed nous rejoignit comme un lion sorti de sa cage. Sa mèche blanche soulevée par la brise révéla un regard oppressant à l'encontre de son disciple. 

Il s'immobilisa soudainement. Une pesante atmosphère s'abattit sur le navire, comme si la Mort elle-même exhalait sur nous son haleine glaciale. Je frissonnai.

« Le navire s'est arrêté... murmura Zed, sur le qui-vive. »


Mon sang se figea. Au-dessus du pont, un sinistre brouillard plus noir que la nuit se rependait sur l'horizon. Mon cœur rata un battement. La mer brunissait à vue d'œil dans notre direction.

Je tremblais de la tête aux pieds. Les îles obscures n'étaient pas qu'une légende ? Etais-ce la ruine qui venait nous chercher ?

« TOUT LE MONDE SUR LE PONT !! hurla Zed à pleins poumons.

— Zed... (je le saisi par la manche) retire-moi ce bracelet !

— Inutile... Va te mettre à l'abri ! me somma-t-il, menaçant.

— Je ne serai à l'abri nulle part ! Je t'en supplie ! »



L'équipage se ruait sur le pont quand la main puissante de Zed se referma sur mon bras. Il me traîna jusqu'à sa cabine et m'y jeta avant de verrouiller la porte depuis l'extérieur.

« Qu'est-ce que tu fais ?! paniquai-je. »


Je tentai de forcer la porte en vain, tambourinai de toutes mes forces. Comment pouvait-il commettre une si grave erreur ? Je devais me défendre !

L'air se glaça brutalement dans un silence de mort. Et soudain, l'agitation gagna le navire : le fer claqua au-dehors, le navire craqua de toutes parts et plusieurs hurlements inhumains s'élevèrent. Si le navire s'était immobilisé, le reflux de l'océan aussi.

Une brume noire s'infiltra sous la porte et je reculai d'un bond à l'autre bout de la cabine.

Rejoignez nos rangs, vous qui osez naviguer sur nos mers.

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* Musique originale : https://www.youtube.com/watch?v=zF5Ddo9JdpY

— Awaken - League of Legends (ft. Valerie Broussard)

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