Bell de Bilgewater

Chapitre 86 : Partie 5 - Chapitre 16

8336 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/08/2024 16:26

     Alors que la nuit semblait bien entamée, et que la moitié des caravaniers avaient rejoint leurs tentes, le groupe d’enfant revint prendre place auprès de la yordle, qui restait avec Ileae. Ils rappelaient à cette dernière l’orphelinat à Zaun où elle et sa sœur avaient l’habitude de se rendre pour tenir compagnie aux enfants. Tout aussi aventureux que leurs homologues de la cité souterraine, les shurimiens étaient plein d’énergie, de curiosité. Comme toujours, Clapper faisait fureur auprès des plus jeunes, qui s’amusaient avec, au grand dam du petit rat des quais qui finissait toujours par se cacher en attendant qu’ils oublient sa présence.

         Apprenant que la scientifique vastaya n’avait jamais quitté sa ville auparavant, les jeunes itinérants entreprirent de lui faire découvrir un peu le coin. D’après l’un d’eux, l’endroit dans lequel ils étaient installés, à l’abris du désert du fait de la présence des formations rocheuses alentours, offraient un abris régulier à leurs convois.

         Bell les suivit, elle aussi traînée par la main. La lumière de la lune, très forte ce soir, éclairait parfaitement les roches, qui formaient avec leurs ombres un paysage somptueux.

 - On leur montre notre cachette ? S’exclama une des filles au reste du groupe.

 - Oh oui ! Répondirent les autres.

         La yordle regarda la troupe sautiller de joie, avant de se diriger vers un autre amas rocheux. D’une certaine manière, elle se voyait en compagnie de Cynthia et Jay à Bilgewater, explorant chaque pan de l’archipel, à toute vitesse. L’aquamancienne les avait d’ailleurs rejoints, soucieuse de partager du temps avec ses amies.

 - Tu sais de quoi ils parlent ? Lança Ileae qui avait retrouvé ses esprits.

 - Pas le moins du monde ! Mais ça a l’air chouette.

         Les enfants guidèrent les trois jeunes filles au cœur d’une formation de rocher atypique, par une entrée située sur son flanc. À la lumière de torches qu’ils avaient emportées, ils pénétrèrent une cavité tortueuse, probablement creusée à la main au vu de l’aspect des parois.

         Après plusieurs minutes au cœur d’un dédale, le groupe débarqua dans une grotte sensiblement plus grande, plongée dans la pénombre. L’un des enfants, un peu plus âgé, s’approcha d’un petit promontoire au centre, y déposa sa torche avant de réciter une incantation.

         Immédiatement après, un gigantesque brasier jaillit de ce qui ressemblait finalement à une sorte d’autel creux, et Bell écarquilla les yeux devant ce qui apparût devant elle. La grotte était bien plus grande qu’elle ne l’avait pensé, immense même. Partout autour, des bâtiments étaient taillés à même les parois, des chemins étaient tracés dans la pierre, tandis que la lumière des flammes léchait les façades. D’autres brasiers jaillirent dans d’autres parties de la cavité dévoilant encore plus de bâtiments, comme si une petite ville renaissait sous leurs yeux.

 - C’est… magnifique, souffla Ileae. On dirait la Décharge.

         Contrairement à ce que son nom indiquait, ladite Décharge était un lieu magnifique, qui les avait accueillis dans les tréfonds de Zaun.

 - C’est exact, dit Bell en s’approchant de bâtiments. Mais ici c’est moins vivant.

         La cavité ici était plus petite, et contrairement à sa consœur zaunienne, elle ne semblait accueillir aucun habitant. Cependant, comme l’avait fait remarquer la scientifique, l’architecture y était assez similaire, et la disposition des bâtiments aussi.

 - Vous avez vécu là-dedans pendant des semaines, murmura Cynthia. Ça a dû être dur.

 - C’était bien plus vivant, sourit Ileae. Et aménagé aussi. Vous savez quoi sur cet endroit ? Lança-t-elle aux enfant.

         Le plus âgé rejoint le trio, tandis que les autres couraient déjà un peu partout dans la grotte.

 - C’est un ancien temple, dit-il, d’après ce qu’en disaient des mercenaires. Apparemment ça daterait d’au moins avant l’ancien empire.

 - Je vois, et vous venez souvent ici ?

 - Dès qu’on passe dans le coin. C’est un super endroit pour s’amuser !

         Sur ces mots, il courut rejoindre ses camarades à leur jeu, le trio quant à lui se contenta de se promener tranquillement. Les bâtiments étaient tous vides, des siècles de pilleurs avaient dû se servir autant que possible, ne laissant que la pierre pour seule preuve du passé.

         Un peu partout, des gravures ornaient les murs, celles-ci dépeignaient des scènes de vie shurimienne, représentant des gens, des activités, et des créatures. Certaines étaient encore observables aujourd’hui, mais d’autres ressemblaient fortement à des dessins que Bell avait pu voir dans d’anciens livres sur le continent sud. Chaque scène était surplombée par des représentations de créatures aux formes diverses, d’humanoïde, à animal, à indescriptible. Drôles de divinités, songea Bell.

         Le bâtiment qui les intéressait le plus était le grand temple central. En pierre massive, orné de colonnes taillées à même la roche, il était impressionnant, néanmoins plus froid et morne que celui de la Décharge. Dedans, point de yordle menant un groupe de réfugiés, ou de grandes cartes de Zaun, seulement un calme absolu, parfois perturbé par la course et les éclats de rires des enfants. Des feux, probablement allumés en même temps que ceux dehors, éclairaient des fresques murales encore plus détaillées que les précédentes.

 - Regardez celle-ci ! S’exclama Cynthia en se précipitant vers un des murs.

         Le trio découvrit une scène magnifique, des bateaux par dizaines entouraient un drôle de portail loin sous les eaux. Des créatures marines semblaient agiter des bras en tous sens, avec autour d’eux des formes faisant penser à des lames d’eau. Plus bas, près du portail, des créatures difformes nageaient droit sur eux. Au-dessus, un gigantesque humanoïde tendait ses bras, entourant les êtres aquatiques comme s’il cherchait à les protéger.

 - On dirait des aquamanciens, murmura Bell.

 - Oui exactement. Mais les créatures en bas je ne vois pas ce dont il s’agit.

 - Elles me rappellent ce que j’ai vu sur Icathia dans un des ouvrages de l’académie à Piltover. Des êtres difformes venues du néant, que les transfigurés ont affronté.

 - Elles font froid dans le dos.

 - Et ça ? Demanda Ileae en pointant l’être qui surplombait tous les autres.

 - Sûrement une des divinités vénérées ici.

         Bell fixa l’être quelques instants, comme si elle avait déjà vu ce dernier, et les étoiles qui l’entouraient, quelque part auparavant, mais ne parvenait pas à se remémorer dans quel ouvrage. Elle finit par rejoindre ses deux amies, qui continuaient leur visite.

         Partout dans le bâtiment, elles trouvèrent d’autres fresques de pierre, dont les ombres mouvantes donnaient une impression de vie. Les scènes étaient toujours grandioses, et souvent prenaient place dans des paysages hors de Shurima.

         Dans une des salles, une des gravures, plus petites, détonait avec les autres. Cette dernière était moins grandiose, elles dépeignaient en deux parties une scène d’emprisonnement. D’un côté, une grande femme, avec plusieurs bras, étendaient ses derniers au-dessus de petites scénettes dépeignant des conflits, un sourire aux lèvres. De l’autre, on voyait plusieurs créatures, dont beaucoup avaient une fresque autre part dans le bâtiment, entourer une grande cage, qui renfermait la femme et ses plusieurs bras, qu’elle tentait d’étendre hors des barreaux. La yordle fixa la femme au centre, et ses grands bras, semblable à ses rubans. Cette fois elle ne souriait plus, au contraire, elle pleurait.

         Les enfants étaient eux aussi venus observer les décorations, discutant joyeusement avec la vastaya. Cette dernière ne pouvait contenir sa curiosité, et posait autant de questions que les enfants, ravie d’échanger avec eux sur leur quotidien. Bell la regarda longuement, elle souriait, ses yeux dorés pétillaient de joie.

 - Alors, glissa malicieusement Cynthia. Ça en est où ?

 - Oh euh… nous ? Eh bien disons…qu’on en a parlé et puis… enfin voilà quoi…

         La jeune mage ne put contenir un éclat de rire en voyant la petite yordle se contorsionner en marchant, rouge comme une pivoine.

 - C’est bon du coup ? Dit-elle en recoiffant ses cheveux roses.

 - Je crois que oui.

 - Donc, Ileae c’est ta ? Insista Cynthia.

 - Euh ma… petite amie ? Ma compagne ?

 - Ouiii !

         L’aquamancienne tapait dans ses mains et sautillait en riant, à la manière d’une enfant, sous le regard interrogatif de son amie velue. Clapper, qui s’était glissé à leurs côtés, tout en restant à distance pour éviter les enfants, sautillait gaiement autour d’elles, ravi de fureter dans un nouvel espace inconnu.

 - On a passé des semaines à se demander quand vous finiriez enfin ensemble, dit-elle en souriant. J’avais parié sur votre retour à Piltover mais c’est Reiner qui était le plus proche.

 - Vous avez parié sur le fait qu’Ileae et moi serions ensemble ?

 - Non pas Si vous finiriez ensemble, mais Quand, corrigea Cynthia. Oh allez fais pas la tête, ça crevait les yeux !

         Pour toute réponse, Bell envoya un petit coup de poing dans la cuisse de son amie, qui répondit par un rire résonnant. Étonnamment, la yordle eut l’impression d’entendre un autre rire, différent, mais il ne venait d’aucun des enfants autour. Surtout, il lui sembla familier.

         La visite continua, hors du temple principal. Autour d’eux, de jolis chemins paves menaient à d’autres bâtiments, d’autres fresques. Bell elle avait du mal à se concentrer, elle ressentait une sorte de gêne, dans la tête, et se sentait engourdie.

 - Bell ? Est-ce que ça va ?

         Elle retrouva un peu ses esprits, au son de la voix de Cynthia. Cette dernière la regardait avec un air inquiet, comme si la yordle était malade.

 - Oui… oui je suis juste un peu fatiguée.

 - On ferait mieux de rentrer…

 - PAS QUESTION.

         Bell eut un sursaut de surprise. L’instant d’avant elle avait en tête les images de sa maison à Bilgewater. Et là… c’est elle qui venait de répondre avec force, presque en criant.

 - Rentrer au camp, ajouta Cynthia en la regardant surprise.

 - Je… pardon je ne sais pas ce qui m’a pris. On ferait mieux d’y aller.

         Le groupe dirigea vers le centre de la grotte, suivant les enfants qui jouaient devant. Ileae, inquiète, se plaça aux côtés de la navigatrice, et lui attrapa la main. D’ordinaire, Bell trouvait réconfortant le contact avec la vastaya, mais cette fois…

         Sa main sembla la démanger, comme si son corps lui criait de la lâcher. Elle se sentait encore plus engourdie, avec l’impression de se détacher de la réalité, se sentant comme étrangère à elle-même. Elle regarda Cynthia, mais l’expression qu’elle vit l’horrifia. La jeune mage, tout en marchant, fixait Bell, un sourire dément lui barrant le visage. Paniquée, elle se tourna vers Ileae, et s’aperçut qu’elle aussi la fixait avec le même air.

 - Alors Bell, tu veux rentrer ? Lança la vastaya d’une voix acerbe. Rentrer où ? Tu crois peut-être que c’est chez toi, que tu es à ta place parmi ces pirates.

 - Ils sont ma famille, gémit la yordle. Je…

 - Ta famille ? Ce vieux marin n’attendait que ton départ, jamais une chose comme toi ne lui manquerait.

 - Ce n’est pas vrai…

         La navigatrice sentait ses sens s’engourdir, sa vue commençait à se brouiller, tandis qu’elle avait de plus en plus de mal à marcher.

 - Et nous, tu crois que tu nous manquerais ? Railla Cynthia. Tout l’équipage t’utilise pour atteindre leur objectif.

 - C’est n’importe… n’importe quoi, bafouilla-t-elle difficilement.

 - Tu es un outil, même la vastaya t’utilise comme moyen d’échapper à sa vie misérable. Pourquoi est-elle là à ton avis ? Pourquoi l’équipage continue malgré ta peur ?

 - Parce que… nous sommes là ensemble, soudés, articula Bell. Parce que je suis… leur amie, et Sa compagne.

         Cynthia et Ileae, entourée des nombreux enfants, la fixaient d’un regard effrayant. Ces dernières semaines penchèrent doucement vers les grandes oreilles de la yordle, avant de murmurer ensemble.

 - C’est faux. Tu es à MOI.

 

*

 

         Cynthia esquissa un sourire en voyant les enfants courir dans tous les sens. Malgré l’étrangeté de la cavité dans laquelle ils se trouvaient, elle ressentait la même chose que ses deux amies, la nostalgie, qui la frappait lorsqu’elle observait les jeunes shurimiens jouer. Ces derniers souhaitaient absolument jouer avec Clapper, mais le petit rat des quais ne semblait pas ravi à l’idée de se transformer en poupée, ce qui fit sourire la mage.

         Pourtant, cette dernière ne partageait pas l’enthousiasme de Bell et Ileae. Certes, elle était ravie d’avoir trouvé ce qui semblait être une gravure représentant des aquamanciens, dont ils partageaient la magie avec elle, mais rien ne lui garantissait que la grotte fût sans danger. Après tout ce qu’ils avaient traversé, qui sait ce que les temples pouvaient abriter ?

         Une autre chose la préoccupait. Devant elle, la yordle était un peu effacée, distraite, mais Ileae ne semblait pas avoir remarqué quoi que ce soit.

         Je me fais du souci pour rien, pensa-t-elle.

         La vastaya était d’une insouciance et d’une curiosité adorable, presque enfantine. Cynthia l’observa longuement, sa chevelure amarante coiffée simplement resplendissait à la lumière du feu, qui sublimait aussi les traits fins de son visage. Elle était vraiment belle, la guérisseuse comprenait pourquoi elle avait fait craquer son amie d’enfance.

         De loin, à mesure que le groupe explorait les temples, Bell lui sembla de moins en moins présente, elle avait du mal à suivre les conversations, et fixait les fresques qu’ils croisaient.

         Alors que la fatigue commençait à se faire sentir chez tout le monde, il fut décidé de se diriger vers le camp, pour profiter d’une bonne nuit de sommeil. Quelques jours de marche seulement les séparaient de Nerimazeth, la mage avait hâte de visiter une nouvelle ville, avant de joindre Targon.

 - Bell ? Est-ce que ça va ? Lança Cynthia.

         La yordle sursauta, comme si la soigneuse l’avait tirée de son sommeil.

 - Oui… oui je suis juste un peu fatiguée.

 - On ferait mieux de rentrer…

 - PAS QUESTION.

         Ce fut au tour de la jeune femme d’être surprise. Le ton de son amie était inhabituel, et surprenant au vu de la situation calme. Peut-être avait-elle simplement mal compris ?

 - Rentrer au camp, ajouta Cynthia en la regardant surprise.

 - Je… pardon je ne sais pas ce qui m’a pris. On ferait mieux d’y aller.

         Elle regarda son amie marcher, tandis qu’Ileae qui avait regardé la scène avec confusion, s’approchait d’elle pour lui prendre la main. Elle dit quelques mots à l’oreille de la yordle, qui ne sembla pas répondre. Elle se contenta de regarder la vastaya, puis Cynthia, le regard vide.

 - Elle ne va pas bien, gémit Ileae lui jetant un regard. J’ai un mauvais…

         Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, qu’elle fut surprise par Bell, qui empoigna son bras avec force, avant de la fixer, un air mauvais sur le visage.

 - Bell, tu me fais mal…

 - Non… non ce n’est pas vrai, articula la yordle. Tout ça est faux, entièrement faux.

         Elle ne desserrait pas sa prise sur Ileae, qui étonnamment n’arrivait pas à se dégager. Sentant le danger, Cynthia commença à s’approcher.

         Bell se tourna vers son amie, le regard méchant, un air de colère sur le visage.

 - Tu mens, cracha-t-elle. Tu ne peux pas dire ça.

         Un frisson parcouru le dos de la mage, qui continuait à s’approcher. Alors qu’elle se trouvait à seulement quelques mètres de son amie, une sensation liée à ses pouvoirs, comme un poids, l’envahit. Instinctivement, elle plaça ses bras replié devant elle, sans le savoir, elle venait de se sauver.

         Un coup la cueillit, directement dans sa garde. La force la surprit, la puissance de l’attaque fut telle qu’elle l’envoya voler plusieurs mètres derrière. Elle se releva rapidement, hébétée par la soudaineté de l’événement, fixant son amie qui n’avait pas bougé d’un pouce. Évidemment, la jeune mage garda son sang-froid, elle savait ce que la yordle traversait, et se doutait que la situation était critique, mais une chose l’avait surprise en revanche, et l’inquiétait.

         Elle n’avait rien vu de ce qui l’avait frappée.

         Bell, dont le visage dépeignait une colère incompréhensible, se tourna alors vers Ileae. Cette dernière avait profité de la distraction pour se dégager de la poigne dont elle était prisonnière, et reculer de quelques pas. La yordle se plaça face à elle, droite, comme si elle attendait qu’on se prosterne devant elle.

 - Bell ! Lança la vastaya. Bell c’est moi ! Je sais que tu m’entends, arrêtes ça je t’en prie !

         Le visage de la yordle se renfrogna, et elle esquissa un léger signe de tête. Cynthia n’eut pas le temps de prévenir Ileae, qu’un épais nuage de poussière se souleva de terre. À la place de cette dernière, une grande lézarde au sol, attestant d’une attaque.

         La scientifique avait par instinct esquivé le coup, elle comme sa camarade mage échangèrent un regard inquiet. Seule l’amie d’enfance de Bell savait pour les hypothèses concernant une possession.

 - Ce n’est pas elle, cria-t-elle, quelqu’un s’en prend à elle !

         Ileae n’eut pas le temps d’acquiescer, que Bell s’était jeté sur elle à toute vitesse. À l’aide de sa magie, invisible, elle réussit à frapper Ileae en l’air, alors qu’elle tentait d’esquiver la charge. La vastaya n’eut aucun moyen de réagir, elle lâcha un râle, projetée avec violence contre le mur.

         Cynthia cria, voyant avec effroi la yordle s’approcher doucement de sa compagne, incapable de se relever, sonnée. D’un geste de la main, l’invisible magie de la navigatrice souleva Ileae du sol, plaquée contre le mur. Cette dernière porta ses mains à son cou, tentant en vain d’écarter d’invisibles liens qui l’étranglaient.

 - Bell, grommela-t-elle peinant à respirer, je sais que tu es là. Arrête je t’en prie.

         Une grimace déforma le visage de la yordle, qui resserra son emprise sur Ileae.

 - À, Moi. Articula-t-elle en continuant à s’approcher.

         Cynthia regarda autour d’elle, paniquée. Ileae était en train de perdre connaissance, et les enfants s’étaient cachés un peu plus loin. Clapper s’était placé devant eux, comprenant que quelque chose clochait avec sa maîtresse.

 - Courrez chercher de l’aide ! Cria-t-elle à ces derniers. Je me charge de l’occuper.

         D’instinct le rat des quais comprit l’ordre de la mage. Il glapit sur le groupe d’enfants, avant de se diriger vers la sortie. Ces derniers, les larmes aux yeux, détalèrent sans demander leur reste, laissant la bilgewatienne s’occuper de la situation.

         Du coin de l’œil, elle vit une flaque non loin. D’un geste habile, elle arracha l’eau au sol, afin de former un fouet, et frappa Bell. Cette dernière ne bougea pas d’un pouce, continuant d’étrangler Ileae. Le cœur de Cynthia commença à accélérer, craignant de ne pas réussir à sauver ses amies. Elle regarda rapidement autour d’elle, tentant de ne pas succomber à la panique.

         Les puits !

         Rassemblant toute la concentration qu’elle put trouver en elle, elle fit appel à ses pouvoir, priant pour que ces puisards aient toujours de l’eau à offrir.

         Un doux écho afflua au travers d’elle, le pouvoir de l’eau répondait à son appel. En un instant, des dizaines de litres surgirent des trous, et virent former des volutes autour de l’aquamancienne. D’un élégant geste de la main, elle ordonna à la spirale aqueuse de former un fouet gigantesque, et frappa Bell de toute sa puissance.

         La yordle, qui n’avait aucunement porté attention à son amie, ne vit rien venir. Cueillie par la vague, elle vola sur le côté, roulant sur les pavés de pierre tandis qu’Ileae s’effondra à son tour, inconsciente.

 - Tu viens de commettre une grossière erreur, fulmina Bell en se relevant.

         Le visage de la yordle était déformé par un effrayant rictus de colère, ses yeux et les stries qui descendaient sur ses joues brillaient dans un bleu électrique, tandis qu’elle se positionnait face à son adversaire.

         D’un simple geste de la main, elle lança une attaque que Cynthia ne pouvait toujours pas voir. Cette dernière tenta tant bien que mal de parer en faisant apparaitre une vague sur son flanc, mais le coup à peine ralentit vint la frapper, coupant son souffle.

 - Tu… Tu n’es pas Bell, lança Cynthia essoufflée. Pourquoi tu t’en prends à elle ?

         Pour toute réponse, cette dernière esquissa un sourire mauvais. Se doutant que l’aquamancienne tentait de gagner du temps, elle ne prit pas la peine de répondre. D’un geste du bras, elle fit apparaitre une expression terrifiée sur le visage de son amie.

         Cynthia se jeta à terre, esquivant tant bien que mal une attaque qui fendit le sol sur lequel elle se tenait une fraction de seconde auparavant. Un grand fracas retentit, la mage eut tout juste le temps de voir que la façade derrière elle, fendue en deux, dont la moitié droite s’était effondrée dans un fin nuage de fumée sableuse. Sentant la suivante arriver, Cynthia se releva, évitant de justesse d’être frappée.

 - C’est tout ce que tu as ? lança Bell avec un regard de dédain. J’imaginais ses amis plus… intéressants.

         Sentant la colère monter, l’aquamancienne fit de nouveau appel à ses pouvoirs, rassemblant l’eau autour d’elle. Elle entama une série de mouvements qu’elle avait pratiqué ces dernières semaines. Autour d’elle, un flot aqueux prit vie, joignant l’élégante dance, que la yordle regardait avec amusement.

         Les gestes de Cynthia changèrent soudain, plus rapides, tournés vers son amie. L’eau qui l’entourait, empreinte de magie, formèrent des fouets qui virent frapper Bell à une vitesse fulgurante. Etonnée, cette dernière dut faire un pas sur le côté, mais Cynthia ne lâcha pas l’affaire, et continua d’asséner des coups, de plus en plus rapides, forçant son adversaire à se protéger. Bell esquissa un autre sourire mesquin. Le bleu qui brillait de ses yeux et son visage s’intensifia, elle poussa un cri, faisant exploser les fouets aqueux proche d’elle. Elle jeta un regard froid à Cynthia, avant de contre attaquer.

         Cette dernière dut se cantonner aux esquives. Par chance, elle parvenait à garder son calme, et analyser la situation. Elle commençait à comprendre trois choses : d’abord, les attaques de la yordle. Tout comme elle, elle semblait manier une magie sous la forme de fouets. Ensuite, la poussière, et la brume provenant de son eau restaient en suspension dans l’air, ce qui lui permettait de distinguer vaguement la forme de la magie utilisée par Bell. Enfin, il faisait plutôt frais dans la caverne.

         Des rubans, contrôlés, observa-t-elle, partant de son dos. Cynthia sourit, sentant son cœur accélérer. Elle avait un moyen de réduire les chances d’être touchées.

         Elle se mit à courir, tournant autour de la yordle sur ce qui était une grande place. Tout en faisant de son mieux pour esquiver les attaques de Bell, elle attira à elle de l’eau, petit à petit. Elle forma de nombreuses sphères, qu’elle projeta sur son adversaire.

         Cette dernière, pensant devoir contrer de puissantes attaques, contra avec force les sphères d’eau. L’impact de ses contre-attaques dans ces dernières les fix exploser une par une. Cynthia entonna alors plusieurs incantations, et gestes, dispersant les gouttelettes d’eau pour former une épaisse brume.

         Cette fois, ce fut autour de l’aquamancienne de sourire. Elle serra le poing, concentrant sa magie en plusieurs points, fixant la yordle. Autour de cette dernière, des billes de glaces apparurent, et avant qu’elle n’ait eu le temps de trouver une parade, lui foncèrent dessus.

         Touchée plusieurs fois, elle dut battre en retraite derrière un muret.

 - Je ne veux pas te blesser. Cria Cynthia. Relâche ton emprise sur Bell.

         Un ricanement accueillit l’ordre lancé.

 - Ne me donnes pas d’ordre, lança Bell dont le timbre se faisait chancelant.

 - Bell je sais que tu peux m’entendre, bats-toi on va t’aider.

 - BELL EST A MOI ! hurla la yordle à la voix déformée par la colère.

         Cynthia avançait prudemment face au muret, entourée morceaux de glace, et de volutes liquides.

         Soudain, un épais nuage de poussière jaillit, accompagné d’un bruit retentissant. L’aquamancienne dut se protéger comme elle put des morceaux du muret explosé, projetés partout autour.

         Bell lui faisait face, méconnaissable. Son visage affichait une expression démente, qui glaça le sang de son amie. Ses yeux, brillants, la fixaient.

 - TU NE PEUX EMPÊCHER CE QUI TE FAIT FACE HUMAINE, tonna-t-elle. TU NE PEUX L’ELOIGNER DE MOI.

         La voix de son amie était méconnaissable, horrifiante. En un éclair, elle fonça vers Cynthia, qui projeta sur elle les morceaux de glace. Les rubans autour d’elle firent voler en éclats les attaques, à peine distinguibles au cœur de la brume et de la poussière.

         L’aquamancienne prit de plein fouet la charge de Bell, ce qui lui coupa le souffle. Cette dernière lui assena de violents coups, qui malgré la taille de ses minuscules poings, provoquèrent une vive douleur chez la mage, qui roula au sol. Sonnée, elle ne put faire appel à sa magie. Les rubans la saisirent, et l’envoyèrent contre un mur, contre lequel elle vint s’écraser dans un râle.

         Le souffle coupé, le corps transi de douleur, Cynthia se laissa soulever du sol. Sa vue était obscurcie par le sang qui coulait sur son visage, elle vit Ileae plus loin, toujours inconsciente au sol.

         Face à elle, Bell se dressait, impérieuse, lévitant. Ses yeux, et ses marques faciales brillaient si forts que la mage eut du mal à garder son regard fixé sur elle.

 - Je dois admettre que tu te débrouilles mieux que ce que j’ai vu dans ses souvenirs, sourit-elle.

 - Rends… rends moi Bell… grommela Cynthia.

         La yordle esquissa un sourire satisfait. Un des rubans souleva le visage de l’aquamancienne en la tirant par les cheveux, qui grimaçait de douleur.

 - Tes pouvoirs sont intéressants humaine, mais clairement inférieurs aux miens. Laisse-moi donc t’avertir. Si toi, ou l’un de tes amis tente à nouveau d’empêcher la destinée de cette petite, je vous exterminerai.

         La mage soutint le regard lumineux, avant de lui cracher un mélange de sang et de salive au visage. Un rictus vint déformer à nouveau le visage velu de Bell, qui la jeta de toutes ses forces aux côtés de la vastaya gisant plus loin.

 

*

 

NOOOOOOOON

         Bell tentait de hurler de toutes ses forces. Depuis un moment déjà, elle avait totalement perdu le contrôle. Alors qu’elle et ses amies visitaient les ruines, elle avait commencé à se sentir mal, jusqu’à…

         Elle se sentait flotter, comme prisonnière de son propre corps, elle ne répondait plus de rien. Son pire cauchemar s’était réalisé, elle avait totalement perdu le contrôle, et s’en prenait à ceux qu’elle aimait.

         Déjà elle manqué d’étrangler Ileae de ses propres mains, mais désormais, Cynthia et elle s’étaient battues. Quelqu’un, ou quelque chose avait pris possession d’elle, la maintenait à l’écart, éveillée, pour qu’elle puisse assister à ce qu’il se passait.

         Bell voulait pleurer, hurler, mais elle ne pouvait pas.

         Devant elle, Cynthia gisait au sol, à peine consciente. Elle s’approcha doucement, toisant la mage du regard. Elle tentait en vain de reprendre le contrôle de son corps, mais rien n’y faisait. Sa main se souleva doucement, préparant une attaque, elle criait dans sa tête de toutes ses forces, priant pour que ce qui l’affectait s’arrête là, sans succès.

 - BELL !

         Une voix avait traversé la cavité, une voix puissante. Anna !

         La yordle interrompit son attaque, pour se tourner vers l’appel. Au travers de ses yeux, Bell vit accourir ses camarades, accompagnés d’Amara et d’un des enfants. Le groupe s’arrêta face à elle, en position de combat.

         Non, paniqua Bell, ne restez pas là !

 - Jeune fille, tonna Anna, on vient te chercher, patience !

         Sur ces mots, la freljordienne se jeta sur la yordle. Ce n’était pas la première fois que ces deux-là s’affrontaient, cependant cette fois le contexte était bien différent. Cette fois, Anna se battait sérieusement, la froideur de son regard donna à la jeune navigatrice un frisson.

         La lieutenante était bien différente de Cynthia, et son style de combat tout autant. Cette dernière fonça à toute vitesse sur Bell, qui n’eut que le temps d’esquiver. Sans se démonter, elle tenta d’asséner de puissants coups, qui au vu de la masse musculaire de la freljordienne, feraient des ravages.

         Bien qu’Anna ne connaisse que peu les capacités de la yordle, elle savait que ce qui avait pris possession d’elle usait principalement de magie. La lieutenante enchainant les attaques, fendant l’air de coups de poings et de pieds, ne laissant pas à Bell le temps de répliquer à l’aide de ses pouvoirs.

         À mesure que les minutes s’égrainaient, le combat tourna l’avantage d’Anna. Cette dernière laissait quelques failles évidentes dans sa garde, dans lesquelles son adversaire se jetait. Du coin de l’œil, la lieutenante repéra une erreur de placement de son élève, et saisit immédiatement sa chance. De toute sa force, elle lança son bras pour tenter d’asséner un coup de poing dévastateur, la yordle réagit d’instinct, et fit appel à sa magie. Sans qu’Anna ne puisse le voir, elle déploya ses multiples bras, et la frappa à son tour.

         Anna fut repoussée en arrière, tandis que Bell fut projetée quelques mètres plus loin, chaque coup avait touché.

 - Tu n’es définitivement pas mon élève, sourit la freljordienne.

 - Qu’est ce qui te fait dire ça ? Maugréa la yordle.

 - Elle ne ferait pas d’erreur aussi grotesque.

         La lieutenante se remit en position, son visage se transforma dans une expression de colère.

 - Il est temps pour toi de lui céder la place.

         Un frisson parcourut le dos de la yordle. Bell, qui assistait à la scène depuis sa propre tête ne pouvait qu’observer ce combat entre son corps et sa professeur. Fort heureusement, ce qui avait pris le contrôle maîtrisait peu le petit gabarit de la navigatrice, faisant d’elle une proie facile pour la masse de muscles qui s’opposait à elle.

         Une nouvelle rixe s’engagea alors, en une danse puissante. Le visage d’Anna trahissait une colère froide, qu’elle déployait en un style de combat méthodique. La freljordienne se battait à mains nues, bien qu’au vu de la musculature, ces dernières puissent être aisément qualifiées d’armes. Fidèle à un style de combat de sa région natale, elle canalisait ses émotions, les exploitait pour mieux accompagner chaque coup chaque mouvement. Elle apparaissait comme un monstre froid, surpuissant, qui aurait déjà fait fuir la plupart des combattants.

         Ne souhaitant pas blesser son élève, elle tentait de n’asséner que des coups visant à réduire sa mobilité, à épuiser ce qui avait pris possession de Bell, mais cette légère retenue suffisait à donner à cette dernière la possibilité de se familiariser avec le style de la lieutenante. Pour apprendre, elle apprenait très vite, et rapidement, elle parvint à suivre le rythme de la freljordienne.

         Anna grimaça, à mesure que le temps s’écoulait, l’entité en possession de la jeune navigatrice maîtrisait de mieux en mieux son corps, sans flancher. De son côté, la mercenaire puisait dans ses forces, misant sur un combat expéditif. La force des quelques coups qu’elle parvint à placer ne suffit pas à atteindre ses objectifs, et la yordle commençait à répliquer.

         De son côté, Bell ne pouvait qu’observer la scène, impuissante. Elle sentait que son agresseur utilisait la magie pour renforcer ses coups, elle le voyait. Contrairement à ses amis, elle pouvait voir les bras serpentique s’enrouler autour du sien pour frapper sa mentor, qui peinait à cacher la douleur qu’elle ressentait. Anna finit par reculer de quelques pas, maintenant une stature droite et fière tandis qu’elle jaugeait la yordle.

 - On se fatigue déjà ? lança la fausse Bell avec un sourire narquois.

         Un choc puissant vint soudain frapper l’épaule de la petite combattante, qui gémit de douleur. Bell, toujours prisonnière, ressentit comme une décharge en elle.

         Holly !

         Anna sourit, adressant un signe de la tête en direction d’un bâtiment non loin. Sur le toit, la commandante Bertillon était postée, tenant dans ses mains le fusil incapacitant fabriqué par Ileae. Aux côtés, de ses amies inconscientes, Reiner était accroupi, procurant de rudimentaires soins. La yordle grimaça, comprenant que la situation lui échappait.

         Changeant de stratégie, elle fonça d’abord sur les étals à l’abandon, près d’un des bâtiments. Faisant appel à sa magie, elle agita dans tous les sens les rubans, afin de faire planer sur la place un important nuage de poussière. Anna se précipita sur elle, de peur qu’elle ne fuie, il était hors de question que l’ennemi leur enlève leur navigatrice.

         Tandis qu’un combat hasardeux commençait en contrebas, la piltovienne pointait son arme en direction du nuage de fumée. Elle gardait son air froid, imperturbable, malgré le fait qu’elle peine à viser sa cible. Entre les tissus morcelés des tonnelles de marché, et la poussière, elle devait faire attention à ne pas toucher sa camarade.

         Dans le marché, la yordle et la mercenaire se livrait un combat acharné, cette dernière étant de plus en plus fatiguée. Elle s’était laissé avoir, ayant trop sous-estimée son adversaire, elle s’épuisait petit à petit, tandis que la navigatrice ne montrait aucun signe de ralentissement.

         Holly grimaça, elle devait descendre si elle souhaitait avoir un meilleur angle de tir. Une fois au sol, elle continua de tirer dès que possible, ne touchant qu’en de rares occasions sa cible. Bell, toujours prisonnière, ressentait chaque décharge que son corps recevait, elles étaient efficaces, elle sentait l’être en elle gémir.

         Alors que les deux combattantes pensaient enfin avoir trouvé un rythme qui les mènerait à la victoire, un sourire dérangé barra le visage de la yordle. Elle poussa un cri, et des bras que seule Bell put distinguer surgirent de son dos, fracassant tous les pylônes de bois alentours. Les toiles poussiéreuses s’effondrèrent tout autour dans un vacarme et une confusion totale. Déstabilisées, les deux camarades durent reculer le temps de recouvrer leurs repères.

         Un violent coup atteint la commandante dans le flanc. Le souffle coupé, elle vola sur le côté, projetée contre un mur. Dans le nuage de poussière, elle vit deux yeux bleutés s’entrouvrir, qui lui foncèrent dessus. Elle tenta de contrer avec son arme l’attaque imminente, en vain. Les rubans invisibles la frappèrent, envoyant le fusil au loin, puis assénèrent un coup dans toute la longueur, touchant la femme de plein fouet, qui s’effondra, le visage en sang.

         Anna, qui ne pouvait que distinguer la scène, poussa un hurlement glaçant, chargeant de toutes ses forces la navigatrice. Cette dernière esquiva sans aucun mal, en ricanant. Elle posa ses mains au sol, entonnant une incantation courte, avant qu’une série de lézardes lumineuses n’en jaillissent, fonçant vers la freljordienne. Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, la yordle finit son incantation, une explosion retentissante et lumineuses jaillit, aveuglant et assourdissant le peu de personnes conscientes autour.

 

         Après de longues secondes de silence, la poussière retomba doucement au sol. Bell, ou plutôt ce qui en avait pris possession, se tenait debout, au milieu des débris. Holly était inconsciente contre un mur, Anna, appuyée plus loin, peinait à garder les yeux ouverts, le corps recouvert de brûlures. Reiner, accroupi aux côtés de Cynthia, observait sans dire mot.

         A l’intérieur, Bell bouillonnait de rage. Les décharges reçues grâce à la commandante n’avaient pas suffi à lui laisser l’occasion de reprendre le contrôle, et désormais la quasi-intégralité de leur troupe était défaite, blessée.

 - Je crois bien que c’est à mon tour, lança une faible voix plus loin.

         Un homme courbé fit son entrée sur la placette, enjambant les pylônes et les toiles au sol. Nâmis.

         Non, NON ! cria Bell dans sa tête. PAS TOI NÂMIS ! FUIS !

         Plus que jamais elle souhaitait hurler, pleurer, mais elle n’était pas aux commandes.

         Un sourire sinistre peignit l’expression de son visage, tandis qu’elle s’apprêtait à se jeter sur le vieillard. Ce dernier, pas impressionné, saisit son bâton et se mit en position, répondant à son rictus par un doux sourire.

         Soudain, une musique retentit dans la grotte. De douces notes, formant une mélodie calme, ricochaient sur les parois, sans qu’il ne soit possible d’en identifier la provenance.

         Pas inquiétée, la yordle se jeta sur le sage. Alors qu’elle pensait sa victoire rapide et facile, ce dernier fit preuve d’une étonnante agilité, esquivant sans aucun mal ses coups, ripostant même avec son bâton. Méfiante, la navigatrice mut un peu de distance entre elle et lui, avant de faire jaillir et frapper de ses rubans invisibles. Nâmis continua d’esquiver les attaques, sans chercher à la blesser.

         Il cherche à gagner du temps ! comprit Bell.

         Trop surpris par la combativité du vieux shurimien, l’être ayant pris possession de son corps se concentrait sur ce dernier. Nâmis faisait étal de capacités jusque-là insoupçonnées par la navigatrice, qui s’engagea avec lui dans une chorégraphie aussi dangereuse que frustrante pour elle. Pas une fois elle ne parvint à le toucher, et ce dernier la narguait ouvertement, en rythme avec la musique qui emplissait leurs oreilles.

         A mesure que les minutes s’écoulaient, Bell sentit peu à peu l’étreinte qui la retenait prisonnière s’effacer, doucement mais sûrement. Son corps se fatiguait irrémédiablement. Finalement, la yordle s’écarta, pour se concentrer sur la situation.

         Tu perds pieds, siffla Bell dans sa tête. Abandonne.

         Son agresseur répondit en grimaçant. Il tenta de reprendre le combat, mais les jambes de la navigatrice refusèrent l’ordre. Il était paralysé, presque entièrement. En son for intérieur, Bell jubilait, elle allait enfin pouvoir reprendre le contrôle.

 - Qui que tu sois, lâcha Nâmis en s’approchant, sache que nous ne te laisserons pas lui faire de mal.

 - Vous ne pouvez rien faire, siffla la yordle, vous ne pourrez empêcher ce qui est à l’œuvre.

 - Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi tout ça ?

 - Tout, je veux tout. La liberté par-dessus tout.

         Sa voix se faisait de plus en plus faible, tandis que Bell reprenait le contrôle de son propre corps, petit à petit. Le sage planta son regard dans le sien, de longues secondes, tandis qu’Amara émergea d’un des bâtiments non loin. Il entonnait un chant d’un peuple du désert, d’une voix calme et sereine, une vielle dans les bras.

         D’un coup, l’expression sur le visage de la yordle changea, elle chancela et manqua de chuter. Nâmis la rattrapa, souriant.

 - Bon retour parmi nous, dit-il simplement.

         Bell était là, elle regarda ses mains, hébétée, bougeant ses doigts dans tous les sens, sa tête lui faisait un mal atroce.

         Elle regarda autour d’elle, cherchant ses amis. Aux côtés de leur soigneur, elle vit qu’Ileae avait repris conscience. Cette dernière la fixait, arborant sur son visage une expression qui mêlait inquiétude, et terreur.

         Ensuite, plus rien.

 

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