Bell de Bilgewater
Le mercenaire regarda le trio s’éloigner dans la pénombre du désert, en direct des lumières du camp. Comme plusieurs autres soirs, les jeunes voyageuses qui accompagnaient avec leur groupe la caravane avaient passé un peu de temps avec lui. D’ordinaire, il se contentait de rester à l’écart, et de jouer sa musique pour les vents qui caressaient les dunes, cependant, cette attitude solitaire avait plus l’air d’attirer ces étrangères. Depuis combien de temps n’avait-il pas eu l’occasion de voyager avec un groupe comme cela ? Des années ? Des siècles ?
Au moins elle a quelqu’un à ses côtés, pensa-t-il en regardant la yordle disparaître dans le noir.
L’inconvénient de l’immortalité résidait justement dans sa durée, incompatible avec celles de la vie de la plupart des gens. Amara détestait l’immortalité, plus que tout au monde, arguant que les proches avaient la fâcheuse habitude de mourir.
Une pensée traversa son esprit, triste principalement. Il avait pitié pour elle, pas uniquement pour sa condition d’immortelle, mais pour ce qu’elle traversait, et ce qui arriverait ensuite. Pour l’heure, il avait une tâche importante à accomplir.
Il se leva doucement, portant son instrument en bandoulière, puis laissa le sable encore tiède le porter. Une bonne partie des itinérants était endormie, comptant sur les autres mercenaires pour veiller sur eux. Autour d’un feu, le groupe de la jeune yordle était encore éveillé, sans elle ni son amie vastaya.
- Alors c’est pour aujourd’hui ? Lança une voix qui le surprit.
Il se retourna, et surtout en voyant Victor qui l’attendait les mains sous son ample tenue.
- Je pense en effet, sourit Amara. Et je te remercie de m’accompagner mon vieil ami.
Le mercenaire se dirigea vers le feu, et ceux qui se trouvaient autour, suivi par le maître caravanier. Ces derniers discutaient tranquillement, mais un silence lourd vint peser sur l’ensemble, sont les visages s’assombrirent d’un coup.
- Amara, Victor, salua Nâmis en les invitant à s’asseoir.
Anna, de toute sa stature, se posa face aux deux hommes, fixant le mercenaire du regard.
- Holly nous a dit que tu avais à nous parler, lâcha-t-elle. C’est à propos de Bell si j’ai bien compris.
- C’est exact.
- Nous t’écoutons.
L’atmosphère était pesante, les camarades de la jeune navigatrice attendaient avec appréhension ce dont le shurimien avait à évoquer.
- Comme vous le savez, j’ai emmené votre amie chez une connaissance à la capitale, dans l’espoir de faire la lumière sur ce qui lui arrive.
- Elle nous a dit que cela s’était avéré relativement infructueux, dit la freljordienne.
- Ce n’est pas exactement le cas. Avant de repartir mon contact m’a donné plus de détails sur ce qu’il est en train de lui arriver, d’où ma demande auprès de dame Bertillon.
La froideur de l’expression sur le visage de la commandante fut perturbée par un léger rictus, laissant présager de la suite.
- La prêtresse affirme qu’il s’agit non pas d’une malédiction, mais d’une possession.
- Pardon ? Lâcha Anna. Qui ferait une chose pareille ?
- Je ne sais pas, certainement un puissant mage, de Targon d’après mon contact.
L’expression des membres du groupe se transforma en grimace, clouant un silence lourd sur l’équipage.
- Elle a été claire sur un point, ce qui lui arrive est inévitable, c’est trop tard.
- C’est insensé, s’emporta Anna. On ne peut rien y faire ?
- L’éloigner à tout prix du mage, fuir Targon ralentirait le processus et lui laisserait le temps de profiter un peu de sa vie, conclut Amara.
- Mais cela reviendrait à la lui faire abandonner notre mission, et la recherche de ses parents, bredouilla Cynthia, elle ne sera jamais d’accord !
- Et si on tuait le responsable ? Lâcha Holly.
Un silence tomba sur le groupe, qui fixa la commandante.
- On soupçonnait un cerveau derrière les actions menées à Zaun, qui serait l’élément déclencheur semble-t-il, alors on fonce à Targon, on retrouve celui qui s’en prend à Bell, et je le couche.
- Vous prendriez le risque d’accélérer la possession, remarqua Victor, et vous ne savez même pas si ça fonctionnera.
- C’est peu probable, admit le mercenaire.
- Nous devons lui demander, c’est aussi son choix, dit calmement Nâmis. Ce sont de bien sombres nouvelles. Merci de votre transparence jeune homme.
- Amara n’est pas aussi jeune que vous le pensez, sourit le caravanier, et justement nous aimerions vous expliquer la raison de ma présence, je n’ai pas joué un grand rôle dans tout ceci, vous vous en doutez.
- J’ai officié auprès d’un mage durant des décennies, bien avant de voyager en Runeterra, expliqua le shurimien. Mon maître est un éminent mage, même si nous ne nous sommes pas revus depuis plusieurs siècles. J’ai de nombreuses aptitudes en magie et connaît très bien Targon, et je pourrais vous être d’une grande aide.
La commandante grimaça. Elle ne faisait pas confiance au mercenaire, et les révélations ne faisaient que confirmer le fait qu’il cache de sombres secrets.
- Vous voulez nous accompagner, conclut Anna. Mais qu’est-ce que vous avez à y gagner ?
- J’ai moi-même de nombreuses questions sur son cas, déformation professionnelle de mage j’imagine. Et j’aimerai sortie un peu de mes habitudes, ces cent-cinquante dernières années à Shurima ont été sympathiques mais je désire reprendre un peu la route.
- Et je suis là pour l’aider à vous convaincre, sourit Victor. Amara est, pour moi et ma famille, un membre presque divin du désert, une ombre connue des voyageurs émérites, s’il y a bien une personne qui peut vous aider c’est lui.
Un lourd silence pesait sur le groupe, la situation était bien plus alarmante que ce qu’ils avaient pu envisager, chacun aurait besoin de réfléchir quelques temps.
- Nous aurions besoin d’un guide, pour nous mener vers une tribu au nord du mont Targon, expliqua Nâmis. Notre client affirme qu’un contact aurait des informations quant à nos objectifs parmi les pèlerins.
- Les nomades des montagnes suivent les saisons tout autour de la montagne sacrée, le timing est serré, admit le mercenaire, mais avec un rythme soutenu et un départ rapide de Nerimazeth nous devrions arriver à les rejoindre.
- Bien, lâcha Anna, nous avons besoin de temps, et surtout d’en parler à Bell avant tout. Merci pour ces informations Amara.
Le nomade salua la freljordienne de la tête, avant de se lever et de s’éloigner, accompagné de Victor.
*
Durant encore quelques jours, la caravane continua sa route calmement, les paysages autour d’eux étaient devenus bien différents des milliers de dunes côtoyées auparavant. Le fleuve Mère creusait petit à petit un lit de plus en plus bas dans un canyon au cœur des roches, les terres alentours étaient moins arides, plus rocailleuses, et des îlots de végétation au cœur de ce paysage calme venaient apporter une touche de nouveauté. Le soir, Bell s’amusait à voir qui d’elle ou de sa camarade vastaya grimperait le plus rapidement aux quelques arbres présents. Cynthia quant à elle bougonnait, une simple humaine avait bien du mal à suivre ces êtres avantagés.
Cette dernière avait retrouvé avec bonheur la proximité avec son élément magique : l’eau. Le fleuve lui offrait l’occasion de parfaire ses compétences d’aquamancienne. Reiner comme à son habitude, prenait très à cœur la formation de sa jeune élève, malheureusement le médecin ne pouvait que lui apporter des connaissances médicales. Ce fut d’une manière très surprenante Amara qui, au cours d’une discussions, accepta de l’aider. Une mage certes douée aurait besoin de quelques notions de combat, cependant une personne comme Holly n’utilisant aucune capacité magique n’était pas à même de former la jeune femme. Le mercenaire s’avéra être un excellent professeur, un redoutable mage de bataille à n’en pas douter.
À trois reprises, la caravane avait fait escale dans de petits villages situés aux abords du fleuve. Des groupes d’habitants du désert, adepte d’un mode de vie plus sédentaire, s’étaient installés sur ces terres fertiles. Malgré cela, l’hospitalité du désert les empêchait d’être autonomes, et ces derniers comptaient sur les caravanes de passage pour marchander les ressources nécessaires à leur survie, et vendre leurs productions. L’arrivée des itinérants étaient alors comme un moment de fête pour eux, et l’occasion pour les voyageurs de faire escale en des endroits autrement plus accueillant que le sol désertique.
- Comment te sens tu en ce moment jeune fille ? sourit le Maître caravanier en s’asseyant aux côtés de Bell.
La jeune fille observa les gens autour d’elle. Ils avaient parcouru les deux tiers de la distance les séparant de Nerimazeth, et s’apprêtaient à partager un repas du soir comme à leur habitude.
- Fatiguée je dirais, admit-elle. Mais ça va toujours.
Victor sourit tristement. Pour le moment, son groupe n’avait pas encore pris le temps de lui annoncer les récentes nouvelles, et la décision qu’elle aurait à prendre. La lieutenante Wajäard avait évoqué l’idée de le faire une fois arrivés à Nerimazeth, ce qui serait plus simple dans le cas d’un éventuel abandon de leur mission.
- En es-tu sûre ? N’oublie pas que tu peux nous demander si tu as besoin de quoi que ce soit.
- Merci maître, sourit-elle. J’y songerais.
Elle lui avait dit la vérité, en quelque sorte. Elle se sentait exténuée.
Malgré la présence rassurante d’Ileae la nuit, elle continuait de faire d’horribles cauchemars, dont elle ne parvenait pas à se rappeler au matin. Elle craignait désormais tellement d’utiliser sa magie qu’elle n’osait même plus s’entraîner à ressentir et visualiser les flux autour d’elle. L’atmosphère dans le groupe s’était alourdie depuis leur passage à la capitale, elle se sentait perdue.
Au cœur de tout cela, une chose rayonnait sur elle : Ileae. La jeune scientifique débordait d’énergie, elle s’intéressait à tout, tout le monde, pratiquait et apprenait avec Bell, et d’autres. La yordle n’aurait jamais imaginé que son amie puisse s’épanouir à ce point. Son sourire seul, sur ce visage heureux, suffisait à soulager l’esprit et le cœur de la navigatrice.
Comme à son habitude le soleil du désert frappait avec ardeur les voyageurs sur le dos de leurs Skallashis. Ces derniers, ayant régulièrement de l’eau grâce à la proximité du fleuve, ne montraient aucune trace de fatigue, et continuaient d’avancer inlassablement sans broncher. La yordle avait passé la journée à discuter avec Nâmis et Mora, apprenant aux côtés d’Ileae.
Alors que la lumière commençait à décliner, annonçant la fin de la journée, un son parvint aux oreilles de Bell. Au loin droit devant, elle crut distinguer le bruit d’une corne.
- Vous entendez ? Dit-elle.
Ileae acquiesça, elle avait une excellente ouïe, et avait déjà repéré des sables charriés par le vent plusieurs kilomètres plus loin. Sables en suspension dans l’air, devina-t-elle, provoqué par du mouvement.
Instinctivement, la vastaya porta la main à la sacoche qu’elle gardait non loin d’elle, cette dernière contenait son arme. Malgré l’ambiance positive du convoi, aucun n’avait oublié l’attaque de Kmiros qu’ils avaient subi avant d’arriver à la capitale. Un son rauque, artificiel, retentit au loin, accompagnant la fin de journée.
- Vous pouvez vous détendre, sourit Jolyne à l’avant du Skallashi, il ne s’agit ni de pillards, ni d’insectes.
- Je suppose que nos éclaireurs nous auraient prévenus en cas de danger en effet, répondit Bell en scrutant le nuage au loin. De quoi s’agit-il ?
- D’une chose rare mais bienvenue, vous allez pouvoir goûter à un autre élément de notre culture !
Les jeunes filles échangèrent un regard curieux, tandis que Nâmis lui souriant joyeusement. Il semblait étrangement impatient. Depuis le Skallashi devant eux, qui conduisait le maître caravanier, le son d’un cor retentit, similaire à celui qu’ils avaient entendu.
Au loin, le nuage se grandissait, indiquant que ce qui venait à leur rencontre s’approchait petit à petit. Malgré cela, après de nombreuses minutes, ce dernier sembla s’amenuiser, jusqu’à disparaître complètement. Il ne leur fallut qu’une heure pour parvenir au niveau d’où provenaient les derniers appels de cor. Dans les dunes autour d’eux, des silhouettes glissaient sur le sable, similaires à celles d’Amara et de la créature qu’il chevauchait.
Nous sommes observés, comprit la yordle.
Au détour d’un pic rocailleux, Bell aperçu un campement, entouré en demi-cercle, où brillaient plusieurs feux dans le début de pénombre.
- Une autre caravane ! s’exclama Ileae.
Mora esquissa un sourire, avant de se diriger vers le flanc de sa monture. En quelques habiles mouvements, ce dernier descendit par les cordages et joignit un mercenaire qui l’emmena vers le convoi au repos, précédé par son père.
Tandis que les caravaniers rejoignaient un groupe venu les accueillir, Jolyne suivit la tête de la caravane. Ils placèrent eux aussi leurs montures en arc, complétant le cercle qui fut formé avec le groupe déjà installé. Comme à leurs habitudes, Bell et Ileae installèrent leurs tentes, aidèrent leurs compagnons, puis rejoignirent le reste de l’équipage.
- Mes amis, sourit Nâmis, ce soir nous faisons la fête !
- Une occasion particulière ? demanda Cynthia.
- Nous croisons rarement d’autres caravanes, mais lorsque cela arrive, il est dans nos mœurs d’organiser de grandes festivités.
Sur ces mots, il entraîna à sa suite les jeunes filles. Comme le disait le sage, les caravaniers continuèrent à travailler un peu plus, ainsi proposèrent-elles leur aide à toute personne l’acceptant. De leurs chargements, les caravaniers sortirent des pots, des caisses, renfermant des denrées qu’ils conservaient d’ordinaire pour la vente. Chaque groupe apportait différents mets et boissons, que tous cuisinèrent. Les sourires, les discussions et les rires se joignirent aux odeurs qui parcouraient le campement, Cynthia vagabondait entre les différents postes de cuisine, discutant avec joie de ce qu’ils préparaient.
Pour plus de confort, les shurimiens avaient sorti des coussins de leurs réserves, qu’ils placèrent sur les grands tissus qui accueilleraient le repas. Dans un grand cercle, entourant un gigantesque feu, un véritable festin prit place. Soucieux de créer l’échange, les itinérants se plaçaient n’importe où, loin de leurs connaissances, et échangeaient avec tout le monde.
Le repas fut servi, des spécialités shurimiennes par dizaines, Bell avait l’eau à la bouche. Un vieil homme et une jeune femme s’assirent à ses côtés, tous deux venaient de l’autre caravane. Le premier était un mercenaire, pour qui le frisson du voyage empêchait la retraite, tandis que la seconde était une marchande, experte en cuir et cordages, aidant à réparer les selles et accessoires que portaient leurs montures.
Quelques musiciens offrirent de jouer une musique d’ambiance, et évidement, le solitaire Amara rompit ses habitudes pour se joindre à eux. Bell put voir de loin son amie vastaya, qui buvait, encore, du jus de cactus avec d’autres voyageurs.
J’espère qu’elle n’abusera pas cette fois, sourit-elle.
Après chaque aller-retour aux cuisines, chacun changeait de place, pour discuter avec d’autres têtes. Comme à son habitude, la yordle attira les enfants, qui la faisaient rire de leur insouciance et de leur curiosité. Une petite chose velue étant rares, ces derniers posaient sans cesse des questions.
- Pourquoi tu es petite ?
- Pourquoi tu as de la fourrure ?
- C’est quoi les traits sous tes yeux ?
Bell répondait poliment à leurs demandes, parlant de son voyage, de ses compagnons, de son espèce.
- T’as pas trop chaud dans le désert ?
- On fait avec, sourit la jeune navigatrice. Et puis je m’amuse bien, avec mes amis, donc j’y pense peu.
- Pourquoi tu as peur alors ?
Elle accueillit la question avec un air étonné. Certes la situation était complexe, mais son visage trahissait-il à ce point ses émotions profondes ? Elle se sentait d’ailleurs bien, elle ne ressentait presque pas de peur en réalité. Comment… ?
- La fille serpent là-bas, elle nous a dit que tu savais faire de la magie ! dit un des garçons. C’est vrai ?
- Oui, dit-elle. Mais je ne peux pas vous montrer, je suis trop fatiguée.
Une moue boudeuse vint perturber le visage des enfants. Bell quant à elle fixa du regard son amie. La vue de la scientifique, rayonnante et heureuse, bien que sous l’effet du jus de cactus, vint réchauffer son cœur.
- Là t’as pas peur, remarqua le garçon. T’es amoureuse beurk.
Les jeunes voyageurs reprirent l’expression exagérée de dégoût du petit, avant de tous partir dans un éclat de rire franc. Bell, le visage rouge, ne put se retenir de rire de concert.
Petit à petit, à mesure que la soirée avançant, de plus en plus de voyageurs rejoignaient leurs tentes pour se reposer. Le lendemain, tous reprendraient la route, chaque convoi de son côté. L’idée de croiser ces personnes, pour ne probablement plus jamais les revoir, pinça le cœur de la jeune fille.
- L’aspect éphémère de nos rencontres, la joie puissante et temporaire, est ce qui apporte un aspect des plus mémorables à ces instants.
Une main s’était posée sur l’épaule de Bell. Ileae se tenait à ses côtés, un verre à la main.
- La joie, nuancée par cette légère peine, est… fin bref c’est triste mais c’est beau quoi.
La navigatrice leva un sourcil.
- Serais-tu ivre ?
- Que… comment tu le sais ? demanda Ileae.
- Rien seulement une intuition.
Ça, et le fait que la vastaya utilisait la petite yordle comme support pour tenir droite.
Les deux s’assirent sur des coussins, face au brasier qui leur tenait chaud dans cette nuit désertique. Ileae, légèrement éméchée, se blottit contre la yordle, en souriant.
- Je t’aime tu sais.
Bell lui rendit son étreinte, souriant à son tour.
- Moi aussi.
Elles restèrent ensemble, éclairée et réchauffée, avant que des pas ne viennent perturber leur quiétude.
- J’espère ne pas vous interrompre, dit Mora en s’asseyant.
- Non je vous en prie, dit Bell poliment en lui indiquant de prendre place.
Le caravanier avait en ses mains une petite boite en bois, ornée de quelques gravures typiquement shurimiennes.
- Je pense que vous avez apprécié la fête ?
- Oui, beaucoup, sourit la yordle. Encore un souvenir inoubliable.
- L’itinérance est une vie rude, mais pas dénuée de plaisirs. Nous célébrons chaque rencontre avec les nôtres comme si elle était la dernière.
- Parce qu’elle peut l’être justement, devina-t-elle.
- Exactement. Seuls les caravaniers comprennent vraiment la difficulté de notre mode de vie. Nous sommes là les uns pour les autres.
- J’aimerais que les rapports entre équipages de Bilgewater soient aussi cordiaux.
- Pas de solidarité entre pirates ?
- Cela dépend. Lorsqu’un danger guette notre île, notre mode de vie, les habitants de l’archipel sont capables de prouesses. Mais en temps normal, de grandes tensions existent entre nous.
- Je vois, c’est bien dommage.
- En effet.
Un élan de mal du pays envahit Bell. Malgré ses défauts, sa terre lui manquait cruellement, et avec elle, son grand père. Elle aussi avait choisi sa voie, et ne le regretterait pour rien au monde, pensait-elle en serrait la main d’Ileae.
- Nous arriverons à Nerimazeth dans quelques jours, dit Mora. Toi et les autres avez été d’une grande aide, je vous ai apporté un petit présent.
La yordle saisit le petit coffret doucement.
- Je… il ne fallait pas c’est normal.
Elle ouvrit la boîte, et saisit précautionneusement son contenu : une tige en bois, ornée de gravures complexes, sertie d’une fine lame en son extrémité. Sur le flanc de cette dernière, elle put constater la présence d’un symbole. Une rune !
- Tes progrès en gravure sont remarquables, dit l’itinérant. J’ai trouvé ça chez un artisan à la capitale. Il permet non seulement de graver le cuir, mais aussi le bois, mais aussi la pierre ! La lame est enchantée, ne crains pas de l’abîmer.
La jeune fille sentit des larmes qu’elle contint à grand peine. Elle serra le caravanier dans ses bras. Ileae, émue par l’attention, renifla bruyamment avant de serrer les deux dans ses propres bras.
- Merci, peina-t-elle à articuler. Merci beaucoup.