Bell de Bilgewater
Une bourrasque chaude vint écarter les mèches qui pendaient devant le visage de la yordle, trop occupée pour les repousser elle-même. Depuis leur départ, elle passait le plus clair de son temps à l’écart, assise sur le dos de leur Skallashi, à dessiner. Selon Mora, ses cartes devenaient de plus en plus précises, et les annotations fleurissaient des détails apportés par lui ou Nâmis. Malgré leur jeune âge, le couple de caravanier connaissait déjà énormément de choses sur le désert, et ne tarissaient pas d’histoires improbables sur le passé de Shurima.
Autour les dunes avaient repris le dessus sur le peu de roches visibles entre leur point de départ et Zuretta, seules quelques oasis pointaient parfois, laissant au convoi la possibilité de s’arrêter pour camper.
Après les nombreuses journées passées dans le continent, chacun avait fini par trouver ses habitudes, Nâmis continuait d’instruire la jeune fille durant la journée, tandis que le soir elle continuait à s’entraîner avec Anna. Reiner le médecin faisait de même avec son amie Cynthia, qui perfectionnait ses connaissances en soin, profitant du peu de points d’eau pour s’exercer à la magie élémentaire.
La commandante Bertillon s’ouvrait petit à petit aux caravaniers, discutant beaucoup avec eux et les mercenaires de l’escorte. Malgré l’air froid et impassible qui campait son visage, elle nouait une relation de confiance avec beaucoup, apprenant de leurs coutumes et habitudes, aussi préoccupée par les potentiels dangers qui recelait le désert. Elle avait accepté d’entraîner Ileae, qui se laissait malmener par la sérieuse piltovienne. La vastaya avait énormément changée depuis Zaun, de par son entraînement avec leur amie Klem l’Ombre, elle avait gagné en force, mais surtout en agilité et en assurance. Elle parvenait même à donner à sa nouvelle tutrice du fil à retordre.
Clapper lui, dormait, courrait, et mangeait, comme tout bon rat des quais le ferait.
Parmi eux, c’est Anna, la freljordienne, qui s’inquiétait le plus. Son élève restait enfermée dans son mutisme depuis déjà quelques temps, sans que quiconque sembla être au courant des raisons. Lorsqu’un de leurs camarades tentait de lui parler, elle détournait le sujet, se gardant bien d’expliquer ce qu’il se passait.
Le soir venu, elle tenterait de la faire parler, et ce par la force s’il le fallait.
Après l’installation du camp, sous un soleil couchant, le duo reprit ses exercices quotidiens, renforcement musculaire, endurance, mouvements et maîtrise des armes, avant un duel. Cette fois cependant, ce n’est pas la montagne de muscle qui affronterait la jeune yordle, mais Holly. La commandante et elle s’étaient rapprochées, malgré le fait que la piltovienne n’en laisse rien transparaître, elle était inquiète.
- Je serai ton adversaire aujourd’hui, dit-elle de sa froideur habituelle.
Un air contrit perturba le visage de la jeune fille. Elle était surprise évidemment, mais avait en elle un ressentiment qu’elle gardait depuis Zaun. Elle l’avait affronté une fois, et la commandante l’avait humiliée, dominé sur toute la ligne. Et elle n’aimait pas son comportement, du tout.
La piltovienne se plaça face à son adversaire, attachant les longs cheveux violets qui lui arrivaient habituellement jusqu’à la taille. Depuis leur départ elle avait troqué sa tenue militaire pour une de voyage, qui soulignait ses formes élancées, et laissait ressortir la couleur de sa chevelure. Elle rayonnait d’une élégance froide, impériale, presque menaçante.
Elle saisit d’un geste précis un bâton de combat, et se mit en position. Bell se plaça en face d’elle, avec dans une main un khopesh en bois, et dans l’autre une dague d’entraînement. En face d’elle, son adversaire faisait au moins deux fois sa taille, était bien plus entraînée, redoutable.
- Faisons un petit jeu, dit Holly en esquissant presque un sourire. Le perdant de ce duel devra une faveur à l’autre.
- Va pour, siffla Bell crispée.
Immédiatement, la yordle se précipita à toute vitesse sur la combattante en face. Pas tellement surprise, cette dernière n’eut aucun mal à contrer les attaques la visant, malgré la vitesse de ces dernières. Bell enchaîna les coups, tentant de ne laisser aucun répit à la commandante. Elle profitait de sa petite taille pour esquiver avec agilité les contres, insaisissable.
Malgré ses efforts, Holly ne sembla pas déstabilisée, bien au contraire. Elle avait observé la jeune fille depuis Zaun, et connaissait ses moindres techniques et toutes les avancées faites depuis. Elle repéra bien vite les failles dans sa garde, et en profita pour asséner des coups visant à la provoquer.
Immédiatement, Bell répliquait en redoublant d’effort. Son esprit était vide, seuls ses mouvements, et ceux de la femme qu’elle affrontait avaient de l’importance. Ignorant les douleurs qu’elle ressentait, elle continua de chercher à toucher les points sensibles de son adversaire. Plusieurs fois, elle se fit surprendre par un coup, en se concentrant trop sur le bâton, la yordle oubliait que son adversaire utilisait aussi bien son corps comme une arme.
Plusieurs minutes passèrent, avec pour seul bruit celui du choc des bois. Le bilan pour le moment était clairement en faveur de la piltovienne, qui avait placé plusieurs coups douloureux, alors que la jeune mercenaire n’avait que très peu atteint sa cible. Les deux s’éloignèrent quelques secondes, le temps de souffler, se faisant face.
- Tu n’es toujours pas capable de te défendre seule, lança la commandante. Tu te reposes sur tes seules armes.
La yordle grimaça. Encore une fois, Holly dominait le combat sans aucun mal. Elle sentit en elle monter un râle, une colère chaude, venant droit de son cœur.
Elle s’élança à nouveau, mais cette fois elle délaissa le khopesh, lourd et lent, au profit de sa seule dague en bois. Elle entama une danse avec la piltovienne, tournoyant agilement comme un acrobate en plein spectacle, toujours plus vite.
Cette fois, elle parvint à asséner plus de coups, et un sourire moqueur barra son visage. Mais alors qu’elle s’engouffrait dans une faille au sein de la danse piltovienne, un violent coup de bâton la cueillit au flanc. Contrairement à ce que la commandante laissait paraître, elle possédait une force hors norme.
Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, Holly saisit un des bras de la jeune fille, et lui porta un coup de pied si violent qu’elle en eut le souffle coupé. Elle roula sur plusieurs mètres, dans la poussière.
Elle se releva difficilement, les membres transis de douleur, tremblants. Elle n’avait plus sa dague en main.
- On n’a pas fini, marmonna-t-elle.
- C’est une épreuve, lança Anna, tu n’es pas obligée de continuer.
Pour toute réponse, la yordle se replaça, en garde, sans arme.
- Lorsqu’un combat est en ta défaveur, c’est là que tu as besoin de tes alliés, dit Holly. C’est pour cela qu’on ne combat pas seul.
- Vous l’avez dit vous-même, siffla Bell, je dois apprendre à me défendre seule.
- Tu ne gagneras pas à tous les coups.
Un silence accueillit sa remarque. Anna soupira, son élève passait à côté de ce qu’elles essayaient de lui expliquer. La commandante regarda la jeune combattante dans les yeux, et lança sur le côté, avant de se mettre en garde. Bell esquissa une grimace.
Elle me provoque, elle se moque de moi.
La colère qu’elle ressentait continuait de croître, prenant le pas sur la raison. Elle devait la battre, à tout prix.
- Tu dois apprendre à compter sur les autres, soupira Holly, pas que sur toi-même.
Sans daigner répondre, Bell s’élança à nouveau. L’élégant combat armé se transforma alors en pugilat. Les deux adversaires enchaînaient les coups, qu’elles paraient ou esquivaient si elles en avaient la possibilité. La petite taille de la yordle l’aidait grandement, d’autant qu’une prise martiale de la piltovienne pourrait signer la fin du combat. Malgré l’avantage, elle recevait des coups de plus en plus violents, comme si la force et l’agilité de son adversaire croissait en même temps que la colère qui montait en elle-même.
La douleur se faisait de plus en plus intense, venant de tout son corps. Heureusement, la commandante avait fait exprès de viser des points qui l’empêcheraient de se battre, non pas pour la blesser et la mettre en danger.
Un coup à la cuisse sapa la force de sa jambe, la forçant à reculer rapidement pour récupérer. Elle se sentait mal, non pas à cause de la douleur, mais de ce qu’elle ressentait. Elle avait envie de hurler, si fort qu’elle s’en déchirerait les cordes vocales. Elle voulait voir son adversaire perdre, se plier à sa volonté.
Inconsciemment elle profita de ces quelques secondes pour se concentrer. Depuis leur départ de Zaun, et les visions, elle n’avait osé utiliser à nouveau sa magie, par peur. Cependant, toute trace d’inquiétude et de peur avait laissé place à une rage intense et brûlante.
Elle visualisa les flux l’entourant, ils dansaient autour d’elle, agités. Contrairement aux siens, les filins lumineux entourant la commandante étaient calmes et ternes.
Comment peut-elle être aussi calme, fulmina Bell intérieurement.
- Tu dois apprendre à nous faire confiance, lança Holly. Tu te reposes trop sur toi-même, et tu oublies que nous sommes un groupe, un tout.
- Te faire confiance ? maugréa Bell.
- Je suis ton alliée, et tes amis aussi, nous ne voulons que ton bien.
- Personne ne sait réellement ce que tu veux, rétorqua la yordle. Tu utilises les gens, tu les manipule comme des outils. Bas-toi.
Holly tourna autour de son adversaire doucement, gardant une distance entre elles.
- Je suis ton alliée.
- C’est faux, tonna la navigatrice d’une voix forte. Tu ne sers que ton but. Tu veux me contrôler.
- Tu te trompes, nous avons les même objectifs toi et moi.
- Tu as voulu me contrôler, cria la yordle. PERSONNE NE ME CONTRÔLE.
Le hurlement fit frissonner la commandante, et Anna qui restait en observatrice. Elles échangèrent un regard inquiet, constatant que la voix de leur protégée avait changée, torturée, presque monstrueuse.
Sans plus laisser de temps à la discussion, la yordle se précipita vers son adversaire. Immédiatement, celle-ci constata un net changement. Bell était plus rapide, bien plus rapide. Elle esquivait désormais sans aucun mal les coups et prises de la commandante, et parvint même à asséner plusieurs coups.
Ne se laissant pas démonter, Holly changea son style de combat, pour un plus agressif. Elle tentait de déstabiliser la yordle en attaquant aussi vite et fort qu’elle, touchant plusieurs fois à son but. Malgré cela, cette dernière ne ralentit pas la cadence, elle semblait insensible à la douleur, l’ignorant complètement.
Une lueur brillait dans les yeux de la jeune fille, qui semblait ne plus vraiment regarder ce qu’il se passait, tout son esprit allait au combat, rien d’autre ne comptait, si ce n’est la rage qui explosait en elle.
Ne parvenant pas à prendre l’ascendant, Bell fit encore plus appel à ses pouvoirs. Bien que personne d’autre ne puisse le voir, une nuée de bras invisibles, semblables à des rubans, surgirent du dos de la jeune combattante.
Surprise par des attaques qu’elle ne pouvait voir, Holly ne peut que tenter d’encaisser les coups, ce qu’elle fit finalement plutôt bien. Malgré la force décuplée par la rage et la magie de son adversaire, elle para les attaques, aussi solide qu’un roc. Les bras invisibles cependant restaient un sérieux problème, mais ce que Bell ne savait pas, c’est que la commandante avait déjà eu à combattre des zauniens équipés de bras mécaniques assez similaires.
Bien que cela ne l’aide pas à retrouver l’avantage, Holly eut au moins de quoi temporiser. Elle observa les mouvements de la yordle, qui avaient très peu varié, tandis que ses bras semblaient se comporter comme ceux vus à Zaun, à une sacrée différence de vitesse près.
Quelques minutes de combat passèrent, sans que Bell ne sorte de sa rage combattante. Elle se démenait, tandis qu’Holly peinait à suivre le rythme, et ce malgré sa capacité d’observation et d’adaptation hors norme.
Au détour d’un mouvement, un sourire malsain apparut sur le visage de Bell. Elle avait mené son adversaire où elle le voulait. Ayant placé ses bras autour, elle avait tissé un piège, qui se referma soudain sur la commandante. Les bras se saisirent de cette dernière, avant de la rouer de coups.
Impuissante, la piltovienne subit, lâchant quelques râles de douleur, provoquant chez Bell un sentiment de joie aussi intense que la colère qui la rongeait.
J’ai gagné.
Cette dernière s’approcha doucement de son adversaire immobilisé, un air dément sur le visage. Sur le côté, Anna s’apprêtait à intervenir, comprenant que son apprentie avait complètement perdu le contrôle.
Soudain, alors que la yordle s’élevait dans les airs face à Holly, cette dernière profita de ce moment pour lui asséner un coup de tête violent. L’espace d’un instant, l’étreinte se relâcha, elle libéra sa main, et d’un geste rapide se saisit d’un revolver zaunien qu’elle portait à la ceinture sous son manteau.
Elle le brandit vers la tête de la yordle et tira un coup de feu, qui retentit dans toute la vallée.
***
Une légère brise vint caresser le visage de la jeune yordle, agitant le duvet qui la recouvrait. Elle ouvrit péniblement les yeux et se releva, son corps lui faisait un mal de chien, et semblait d’une lourdeur inhabituelle.
Elle était allongée sur une paillasse, à côté d’un feu crépitant dans la pénombre qui semblait s’installer. Plus loin, ses amis discutaient, l’air préoccupés.
A ses côtés, elle remarqua qu’une personne était assise. Ileae, recroquevillée la tête sur les genoux, regardait le feu d’un air triste. Bell la regarda en silence. A la lumière du feu, sa chevelure amarante ressortait, embellie par les ombres dansantes. Ses yeux jaunes fendus d’une pupille verticale sertissaient son visage blanc, dont les écailles bleues contrastaient.
Elle était simplement magnifique.
La vastaya remarqua soudain que Bell était réveillée, et accourut à ses côtés.
- Tu es réveillée ! s’écria-t-elle. Comment tu te sens ?
- Pas trop mal, j’ai l’impression qu’on m’a marché dessus, et que j’ai un peu trop dormi.
- Tu es restée inconsciente plus de deux jours…
- Pardon !?
Entendant le bruit des voix, leurs camarades étaient venus s’installer autour, regardant la jeune fille avec inquiétude.
- Que s’est-il passé ? Je me souviens qu’Anna a voulu me faire affronter Holly, ce qu’on a commencé à faire, mais après, plus rien…
- Tu as été prise d’une rage incontrôlable petite, expliqua Anna. Tu as pris le dessus sur Holly, qui a tiré un coup de feu pour te surprendre et t’assommer. Sans ça tu étais bien partie pour… lui faire passer un mauvais moment.
Un air horrifié se dessina sur le visage de la yordle. Elle sentit son cœur subir une pression énorme, tandis qu’un sentiment de honte l’envahit. Elle croisa le regard de la commandante, qui comme à son habitude arborait une expression ferme et froide, cependant… Bell y décela tout de même un semblant de sourire.
J’espère qu’elle ne m’en veut pas…
- Ce qui est arrivé est hors de nos compétences, soupira la freljordienne. Je pense que tu nous dois quelques explications.
La yordle se releva, penaude. Elle regarda ses camarades, tous suspendus à ses lèvres, attendant d’entendre ce qu’elle avait à dire.
- Depuis des années j’ai des visions, expliqua-t-elle. Je vois le mont Targon et ses paysages, et ça concordait bien avec l’idée du doyen Hekins que mes parents y soient, j’ai toujours pris ces rêves comme des indications. Mais il y a eu Zaun et… les expériences. Depuis notre passage chez Krenn, mes pouvoirs se sont grandement développés, je peux me téléporter, détruire ce que je touche, et manipuler les émotions des gens via la magie. Tout ça me dépasse, gémit la jeune fille en se recroquevillant.
- Les changements physiques sont aussi à prendre en compte, ajouta Ileae qui serrait la main de son amie. Du peu qu’on sache des yordles, leur fourrure et leurs yeux ne changent pas de cette manière.
Autrefois blanche et pure, sous forme de duvet, la fourrure de la navigatrice était d’abord devenue rosâtre, mais virait maintenant vers une sorte de bleu pâle. Ses yeux, auparavant violets, se nuançaient d’une teinte bleue elle aussi, tandis que des taches blanches apparaissaient en leur centre.
- Mais il n’y a pas que ça, ajouta Bell en bredouillant. Depuis les guérillas dans Zaun, je ressens des émotions que je ne peux contrôler. Une sorte de colère, qui se mue parfois en une rage brûlante… Je ne peux rien y faire, j’ai l’impression de perdre le contrôle. Ce n’est pas moi… je n’ai rien à voir avec ça… Je crains de perdre le contrôle, et ça s’intensifie, plus le temps passe et moins je parviens à contenir cette chose en moi…
La voix de la navigatrice se faisait de plus en plus chevrotante, à mesure qu’elle se renfermait sur elle-même. Ileae passa le bras autour de ses épaules.
- J’aurai du vous le dire avant… je vous mets tous en danger par ma présence.
- Nous sommes des mercenaires, sourit Anna, le danger fait partie de notre métier, tout comme l’aide à apporter à nos compagnons.
- Et si c’était un avertissement ? Demanda Cynthia. Une mise en garde pour nous prévenir que nous n’allons pas dans la bonne direction ?
- Il est possible que l’on se trompe lourdement, lâcha Reiner. Nous aurions besoin de contacter le doyen.
Horace Hekins, le doyen de l’académie de Piltover, était leur commanditaire. Il chapotait toutes les recherches sur Ruine et la Brume Noire depuis la cité, c’est lui qui leur avait indiqué que les parents de la jeune Bell avaient un lien avec, et qu’ils se trouveraient à Targon.
- Je pense que nous allons dans la bonne direction, affirma Bell.
- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Anna se tourna vers la yordle, plantant son regard dans le sien. Elle comprit ce qu’elle avait l’intention de faire, et donna son approbation d’un signe de la tête.
- Le doyen en sait bien plus qu’il ne le dit. Malgré le fait qu’il ignore la source de mes problèmes, il nous cache des choses, à commencer par son espèce…
Le groupe regarda la jeune fille fixement, attenant qu’elle termine sa phrase.
- Hekins est un yordle, assena Anna.
- PARDON ?
Un silence s’abattit sur l’équipage, qui ne savait que répondre.
- Les yordles ont accès à une magie de manipulation qui cache leur apparence, expliqua Bell, et les fait passer pour des simples humains, elle peut aussi agir sur la mémoire et soit déguiser soit effacer les souvenirs que les gens ont d’eux.
- C’est ce qui expliquerait pourquoi ceux qui ont connu tes parents ne se souviendront de rien à leur propos, remarqua Cynthia.
- Et le doyen est celui qui s’en souvient le mieux, finit Bell, nous sommes sur la bonne voie.
Anna posa sa grande main sur l’épaule de la jeune fille en souriant.
- Et peu importe de quelles embûches elle est pavée, nous sommes là tous ensemble.
Un à un, chacun des membres du groupe salua la yordle, avant de se diriger vers leurs tentes respectives. Autour du feu, seules restèrent avec elle Holly, et Ileae qui ne la lâchait plus.
- Je suis désolée pour ce qu’il s’est passé, finit par dire Bell en rompant le silence.
- Ne t’en fais pas, j’en ai vu d’autres. Manquer de mourir deux fois de plus ce n’est pas grand-chose.
La yordle regarda la commandante, confuse. Deux fois ?
- Après que tu as perdu le contrôle, j’ai utilisé mon revolver. Le bruit a fait accourir tout le monde, et lorsque ton amie t’a vue étendue au sol, devant moi armée, elle aussi a vrillé.
Bell se tourna vers Ileae, qui détourna le regard en rougissant.
- J’ai bien cru qu’elle allait me tuer, soupira la commandante, une vraie furie. Vous allez très bien ensemble.
Cette fois ce fut au tour de la yordle de rougir. Les mots très justement choisis par la piltovienne provoquaient chez elle un sentiment qu’elle avait du mal à contenir.
- Je ne sais pas si tu te souviens de ce que tu as dit lors de notre duel, mais tu avais raison sur plusieurs aspects, admit Holly. Je n’en donne peut-être pas l’impression, mais je tiens aux gens qui m’entourent. Tu devrais faire plus confiance à tes camarades, ne leur cache rien.
Sur ces mots, la commandante se leva, et se dirigea d’un pas léger vers sa tente. L’espace d’un instant, Bell avait cru voir sur son visage un léger sourire. Ileae serrait la yordle dans ses bras, comme si elle avait peur que cette dernière ne disparaisse.
- Tu as encore changé, finit-elle par dire.
Immédiatement, la yordle attrapa un petit miroir qu’elle conservait dans son sac, et se regarda. Le rose de sa fourrure était de moins en moins vif, et ses cheveux comme ses yeux viraient de plus en plus vers un léger bleu.
- Qu’est-ce qu’il m’arrive… murmura-t-elle.
Elle se releva d’un coup, cherchant à enlever son haut rapidement. A son grand soulagement, le tatouage sur son omoplate était toujours à son emplacement.
- Je t’avais dit que je te mettais en danger.
Ileae, qui avait détourné le regard, se retourna vers la yordle. Elle s’assit à ses côtés, et l’enlaça.
- Ne dis pas n’importe quoi, répondit-elle. On va trouver des solutions.
Bell ne dit rien, préférant simplement lui rendre son étreinte.
***