Bell de Bilgewater

Chapitre 75 : Partie 5 - Chapitre 5

2866 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 11/08/2024 15:43

     Portés par les courageux Skallashis, la caravane reprit son cours, avançant au travers des dunes lentement. Parfois, les longs horizons de dunes laissaient entrevoir des formations rocheuses, vestiges d’un paysage disparu depuis des siècles au profit du désert aride.

         Sur leur monture, le couple discutait parfois avec Bell, ravie de pouvoir découvrir le quotidien des caravaniers. La plupart du temps cependant, Nâmis se chargeait de continuer son instruction, rappelant qu’elle devait toujours apprendre avant de devenir leur navigatrice attitrée.

 - Les caravanes sont très similaires à vos convois maritimes, sourit Mora assis à côté de sa femme. Notre mer à nous est quelque peu différente mais nous sommes pareil dans le fond.

 - On dit que le désert est aussi grand qu’un océan, dit Bell, comment vous faites pour vous y retrouver ?

 - Tout comme vous, nous suivons les étoiles. La nuit nous observons les constellations, cartographiées par nos ancêtres, puis nous avisons à l’aide de nos cartes.

 - Vous avez des cartes !? Demanda Bell les yeux brillants. Je peux en voir une ?

         L’homme sourit, et se leva. Il passa de la tête du Skallashi au dos, puis d’un geste habile glissa le long d’une corde jusqu’à une des cahutes attachées aux flancs de la bête. Il en ressortit avec deux rouleaux de cuir qu’il serra contre lui en remontant vers les passagers.

 - C’est une de mes premières cartes, sourit-il, elle manque de détails mais père dit que c’est un bon début.

         La yordle déplia le rouleau de cuir qui devait déjà avoir plusieurs années. Le continent de Shurima s’étendait sous ses yeux, accompagné de nombreuses annotations, de lieux précis, renvoyant à de probables notes.

 - Nous sur terre avons la chance de bénéficier de repères précis, des pics rocheux des oasis des ruines. Les étoiles et ça nous permettent de savoir où aller.

 - Et d’avoir des points de repli pour camper le soir, ajouta Bell, c’est ça ?

 - Précisément !

         Le jeune caravanier lui tendit l’autre rouleau avec lequel il était remonté. La jeune fille poussa un long soupir d’admiration en découvrant son contenu : des dizaines de constellations avaient été dessinées, aux côtés d’autres annotations diverses.

 - C’est impressionnant !

 - C’est un savoir-faire, sourit Mora. Un apprentissage.

 - Tu vas maîtriser tout ceci, intervint Nâmis. C’est l’objectif de ces prochaines semaines !

 - Je sais déjà dessiner des cartes, bien qu’elles manquent de tels détails j’ai réussi à cartographier une partie des tréfonds de Zaun.

         Le jeune caravanier poussa un soupir admiratif à son tour. Il avait entendu parler des souterrains de la cité sous Piltover, si la yordle disait vrai alors elle devait avoir un certain talent.

 - Une carte ce n’est pas juste un dessin, expliqua le sage, c’est un outil autant qu’un objet d’art. Une encyclopédie concentrée et graphique, qui demande un investissement fort. Tu dois maîtriser tous les aspects de sa conception.

 - Ces cartes sont faites d’un cuir spécial, ajouta Jolyne qui guidait leur monture. On le trouve sous la carapace des Kmiros, il régénère les petites coupures lorsqu’on le nourrit d’une huile spécifique.

 - Ce qui signifie… dit Bell pensive.

 - Que tu peux dessiner ce que tu désires, et jouer de la régénération pour corriger ou faire évoluer ta carte, compléta Nâmis.

Bell regarda à nouveau la carte dans ses mains, pensive.

 - Une carte pour un caravanier peut durer une vie, sourit le sage. C’est une tradition chez nous.

 - Je peux vraiment m’en faire une !?

         Les trois shurimiens rirent à la vue de la yordle dont les yeux implorants pétillaient d’impatience. Le sage acquiesça, selon lui, une bonne carte était la marque des plus grands navigateurs.

 - Celles-ci sont faites de simple cuir régulier, sourit-il, tu vas devoir t’entraîner avant de pouvoir imiter nos hôtes.

 - De plus, ajouta Mora, le cuir de Kmiros est rare, et au vu du danger qu’ils représentent, j’espère en réalité ne pas croiser un essaim.

         La jeune fille acquiesça, elle savait ce qu’une attaque signifierait, et malgré son envie de chasser l’insecte tueur géant, elle espérait un voyage calme.

 

         Après un repas bien mérité, le vieux Nâmis laissa son élève en compagnie du couple de caravaniers, et profita d’un passage proche du Skallashi d’Anna pour la rejoindre. Bell pour sa part s’assit aux côtés de ses hôtes, profitant du calme mouvement de tête de leur monture pour observer le calme désert.

         De loin, elle vit des formes qui dépassaient des dunes, progressant dans le sens inverse.

 - Des connaissances ? Demanda-t-elle à Mora.

 - Probablement, sourit-il. Il n’est pas rare d’apercevoir d’autres caravanes de loin.

 - Vous en connaissez beaucoup d’autres ?

         Le shurimien réfléchit un instant, cherchant à compter le nombre de convois qu’il avait croisé jusqu’ici.

 - Je dirais cinq ou six, mais père ou même mes frères et sœurs doivent en connaître bien plus. Parfois lorsque nous passons plus proches les unes des autres nous nous arrêtons pour camper ensemble.

 - Ce n’est jamais… dangereux ?

 - Rarement, les caravaniers sont des gens respectables, les conflits restent aux villes, nous appartenons au désert.

 - Je vois.

 - Et vous, à Bilgewater ? Demanda Jolyne en souriant.

         Bell réfléchit quelques instants. L’archipel était considéré comme un des endroits les plus dangereux de tout Runeterra, pourtant elle s’y sentait chez elle et elle y avait ressenti un esprit de camaraderie qu’elle n’avait retrouvé qu’au plus bas des pires quartiers de Zaun.

- Ça dépend, dit-elle enfin. C’est compliqué dira-t-on.

 - Je comprends. Vous n’êtes pas tous de la mer dans votre groupe ?

 - Négatif, dit Bell en secouant la tête. Comme vous le savez, Nâmis est né à Shurima, Cynthia est de Bilgewater, Reiner de Demacia, et Anna est issue d’une famille de Freljord, les Wajäard. Clapper bien sûr vient de chez nous, sourit-elle.

         Elle caressa le rat des quais qui se cachait sous un tissu, pour se protéger de la chaleur et du soleil.

 - Et les autres ?

 - La grande là-bas c’est Holly Bertillon, une militaire de Piltover, et la vastaya c’est mon amie, née à Zaun.

         Une grimace apparût sur le visage de la femme lorsque la yordle mentionna la jumelle supérieure.

 - C’est une bien drôle de troupe, sourit Jolyne. Vous devez vivre de sacrées aventures.

 - C’est peu de le dire, sans eux je ne serais pas là. Surtout Holly, elle nous a sauvé Ileae et moi, elle ferait tout pour nous protéger tous, malgré son air froid.

         L’expression de la caravanière s’adoucit un peu en entendant Bell décrire avec un grand sourire la piltovienne.

         La jeune fille continua à scruter le paysage, cherchant des yeux les points de repère placés sur la carte. Alternant pour la conduite du Skallashi, le couple discutait volontiers de leurs coutumes avec elle, laissant passer les heures calmement.

         D’après les deux shurimiens, le désert fourmillait de trésors insoupçonnés, laissés en place dans des ruines oubliées. L’empire, ses factions résiduelles, les différents cultes et ordres, avaient laissé au cours de siècles nombre de secrets qui continuaient d’appeler les aventuriers par dizaines.

         Mora parla de temples somptueux, à la gloire des transfigurés, êtres humains devenus mi bêtes après leur ascension au disque solaire. Plus proche de Targon, il décrivit des constructions complexes, à la gloire de divinités cachées dans les étoiles. Il parla d’êtres ayant forgé l’univers et les étoiles, venus sur Runeterra pour se divertir, prenant place parmi les vivants en choisissant leur porteur au sommet de Targon. Certaines légendes décrivaient un divinité de la guerre morte de la main d’un transfiguré déchu, de dieux de la lune et du soleil en armure, d’une jeune fille manipulant qui elle souhaitait avec ses bras tentaculaires, d’une autre très proche apportant le changement, voir même une divinité protégeant la beauté.

 

         Le soleil déclinant apporta le signal journalier de la mise en place du campement. Comme lors des derniers jours, une fois à terre Bell s’activait immédiatement à aider pour la mise en place des tentes.

         De leur côté, Reiner et Cynthia apportait des mains supplémentaires à la cuisine, toujours accueillis avec le sourire par les itinérants. Le reste du groupe participait aux repérages et rondes de surveillance, espérant une soirée et une nuit calme.

         Ayant bien progressé, la yordle souhaita montrer ses travaux à Mora. Le jeune caravanier découvrit ébahi les dizaines de croquis que la navigatrice avait réalisé dans son carnet, les notes, qui noircissaient déjà près de deux cents pages.

 - Et ça ce sont les fameux plans de Zaun ? Demanda-t-il stupéfait en dépliant une grande feuille.

 - Ce ne sont que quelques districts, ceux auxquels on avait accès depuis notre planque.

 - Vous vous cachiez ?

 - Disons que… le gang local était à ma recherche, leurs chefs en avaient après moi.

 - Ont-ils arrêté de te poursuivre ? Demanda l’homme avec un air inquiet.

 - Techniquement oui, ils sont tous les deux morts.

         Un regard de stupéfaction barra le visage de son hôte qui regardait bouche bée la yordle désinvolte hocher les épaules comme si la situation était normale.

 - Un seul des deux l’est par ma faute, dit-elle en rougissant. L’autre a dû être réduit au silence par une personne au-dessus d’eux

 - Et c’est lui que vous recherchez ?

 - C’est un peu ça oui, admit la yordle. On pense que celui ou celle qui se cache derrière pourrait nous aider.

 - Le fera-t-il ?

 - Il n’aura pas le choix.

         Le caravanier déglutit en voyant l’expression de colère qu’affichait le visage de la navigatrice. Il se releva d’un coup, cherchant sa femme du regard.

 - Tes progrès du jour sont intéressants, tu devrais aller les présenter à père. Il est toujours de bon conseil.

 - Merci Mora ! Dit Bell qui avait retrouvé une expression des plus joyeuses.

 

         Près d’un feu, Bell trouva le maître caravanier assis, qui griffonnait dans un carnet. Est-ce qu’il tiendrait un journal de voyage ? Se demanda-t-elle. On serait deux alors ! Elle s’approcha doucement, s’asseyant aux côtés de Victor.

 - Bonsoir jeune fille, on prend un peu de repos ?

 - Bonsoir maître, en effet, le voyage dans le désert est plus éreintant encore que je ne l’eusse imaginé.

 - Et tu n’as pas chômé, mes compagnons apprécient grandement l’aide de votre groupe.

 - Mais c’est normal, sourit la yordle.

 - Tous les mercenaires ne sont pas aussi avenants, bien au contraire. Tu avais quelque chose à me dire ?

         La jeune fille tendit sa carte, griffonnée sur un cuir récupéré dans les réserves de leurs hôtes. L’homme la déplia, puis l’observa en silence, prenant son temps pour en apprécier tous les détails. Bien évidemment, il ne s’agissait que d’un entraînement, visant à améliorer sa technique, mais le caravanier semblait satisfait.

 - Mon fils semble être un bon professeur, dit-il en lui rendant sa carte. De nombreux points restent à approfondir, mais c’est un début solide, on sent ici une apprentie navigatrice.

 - Mora et sa compagne m’apprennent énormément de choses, c’est un plaisir de voyager à leurs côtés.

 - Pour moi aussi, nous avons ici à cœur la transmission de nos connaissances, et qui de mieux qu’un enfant pour reprendre le flambeau de son parent.

 - Vous avez d’autres enfants ? interrogea Bell. Mora a mentionné sa fratrie l’autre jour.

 - Mon premier fils est devenu marchand, nous le croiserons probablement, de même que ma fille, elle a sa propre forge à Zuretta !

         Bell siffla d’admiration. Quelques mois auparavant, elle avait eu l’occasion de rencontrer un couple d’artisanes à Piltover, qui avaient déterminé que sa dague proviendrait d’une ville à l’ouest de Shurima. Une autre artisane, hâte de la rencontrer Ileae sera intéressée, sourit la yordle en pensant, enfin pas trop quand même j’espère…

 - Je peux vous poser une question ? lâcha Bell pensive.

 - Je t’en prie.

 - Pourquoi avez-vous fait le choix de cette vie ? Le voyage, l’itinérance.

         Le maître referma son carnet, et réfléchit quelques secondes, le regard dans le vide.

 - Un peu la même chose que toi je dirais.

 - Vous cherchiez vos parents ?

         L’homme lâcha un rire, surpris par la désinvolture de son interlocutrice.

 - Non du tout, sourit-il, mes parents se portent bien chez eux. Je parlais de cette soif de découvrir, de bouger, d’aller partout, je me cherchais. Nâmis et moi, vieux amis que nous sommes, partagions la même envie.

 - Je vois, répondit Bell.

 - Ce vieux brigand m’a parlé de votre périple. Puisses-tu trouver tes réponses quelque part en ce monde.

 - Avez-vous trouvé les vôtres ?

 - Absolument, sourit le vieil homme. Mais pas seulement.

         Il regarda sur le côté, en souriant. Le groupe de la yordle était assis autour d’un feu, et discutait. Un sourire barrait le visage de ses membres, qui appréciaient la fraiche soirée shurimienne.

 - Le désert m’a donné une famille, lâcha le caravanier, il semblerait que ton aventure ait guidé tes pas vers la tienne.

         Bell regarda à son tour. Holly semblait se dérider légèrement depuis quelques temps, plus à l’aise, de même que Reiner. Ils ont un caractère finalement proche, pensa la jeune fille. Anna comme à son habitude braillait, accompagnée du plus discret Nâmis, pendant que Cynthia son amie d’enfance les écoutait en souriant. Enfin, Ileae était assise à leurs côtés, appréciant leur compagnie, heureuse, les yeux brillants.

 - Je crois bien avoir trouvé bien plus, dit-elle en souriant.

 

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