Bell de Bilgewater

Chapitre 73 : Partie 5 - Chapitre 3

3787 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/08/2024 15:36

     Bien avant que l’effervescence de la ville fût à son apogée, la yordle émergea dans la rue. Aujourd’hui était le jour de leur grand départ, une traversée du désert de Shurima, durant plusieurs semaines, il était hors de question d’être en retard.

         Elle rejoignit le reste de sa troupe, déjà rassemblée devant l’auberge. Comme à son habitude, Ileae se chargeait de porter le paquetage de Bell, bien que cela la dérange. Il fallait dire qu’en comparaison de la minuscule yordle approchant le mètre, même la stature fine de la vastaya semblait plus imposante.

         La jeune navigatrice observa son amie tandis qu’elle marchait à côté d’elle. Elle avait attaché sa chevelure rouge ardent en une discrète queue de cheval, le soleil faisait briller les écailles bleues sur son nez et ses joues, et sa queue serpentine s’agitait en rythme avec le pas de la scientifique. Sa peau blanche faisait ressortir le jaune vif de ses yeux à la pupille verticale.

 - Tu devrais regarder devant toi, plaisanta Cynthia qui avait rattrapé son amie, elle finira par se sentir observée à force.

         Bell rougit, et resta silencieuse. Le simple fait de la regarder suffisait à faire peser un poids sur son cœur, mais cela l’apaisait aussi.

         Cynthia soupira en souriant, avant d’accélérer le pas pour se placer à hauteur de Nâmis. Petit à petit, le groupe s’éloigna du centre-ville, pour s’approcher de la périphérie. La chaleur allait en empirant, à mesure qu’ils s’éloignaient des côtes. Il ne faisait aucun doute que le désert rappelait sa présence aux voyageurs.

         En bordure de la cité, les bâtiments étaient de plus en plus écartés, petits et simples, le sable du désert s’immisçant partout, et recouvrant de plus en plus le pavage du sol. Finalement, le sage mena le groupe vers un grand bâtiment, en arc de cercle, dans lequel la troupe pénétra. En son sein régnait une atmosphère agitée, des douzaines de shurimiens allaient et venaient en tous sens, chargés de caisses et de sacs. Au centre de l’édifice, de gigantesques animaux étaient assis au sol.

 - Des Skallashis, énonça fièrement Nâmis. De fidèles mais caractériels compagnons. Ce sont eux qui nous emmèneront vers notre objectif.

         Bell regarda attentivement les bêtes. Assez similaires à des bisons, ils différaient de leurs cousins par une taille démesurée. D’une longueur d’environ une dizaine de mètres, leur tête à elle seule faisait deux fois la hauteur de la yordle.

         Bell s’approcha doucement. Un des Skallashis tourna lentement sa tête, et regarda la navigatrice. Il avait sur son cou une élégante selle de tissu, des décorations ornaient les deux grandes cornes qu’il arborait. Sur ses flancs, deux sortes de cahutes étaient attachées, reliées par son dos à deux autres de l’autre côté.

         De lourds bruits de pas se firent entendre. Bell se tourna en leur direction, et recula de stupeur. Elle n’avait pas pu le constater du fait de sa position assise, mais un Skallashi était grand.

         Bigrement grand.

         Le nouvel arrivant devait au bas mot mesurer une quinzaine de mètres, dépassant de très loin la plupart des bâtiments alentours.

 - Impressionnant n’est-ce pas ? Lança une voix qui s’approchait.

         Le groupe répondit. Nâmis sourit, il savait que ces bêtes faisaient leur petit effet sur les voyageurs fraîchement arrivés à Shurima.

 - Merci de nous accueillir parmi les tiens Victor, lança-t-il à l’homme.

 - Mais c’est tout naturel, dit l’intéressé en étreignant le sage, nous serons ravis de bénéficier et d’une protection supplémentaire, et de votre compagnie !

         L’homme était un shurimien d’une cinquantaine d’années, habillé d’une étoffe colorée, rouge vif. Il guida le groupe vers son Skallashi, désignant ce qui serait leur moyen de transport. Toutes les bêtes avaient sur leurs flancs des petites cahutes en bois, servant à stocker les effets personnels des caravaniers, mais aussi les marchandises.

 - Je suis Victor, maître caravanier ! Se présenta l’individu. Certains d’entre vous ont-ils déjà monté ces bêtes ?

         Nâmis Reiner et Anna levèrent la main, tandis que Bell, Ileae Cynthia et même Holly, n’avaient encore jamais fait l’expérience.

 - Vous monterez avec d’autres membres ne vous en faites pas.

 - Anna et Reiner iront avec le maître, indiqua Nâmis, Bell avec moi, et Ileae accompagnera Holly et Cynthia après nous.

         Le groupe acquiesça. Comme à son habitude, elle aurait à étudier avec Nâmis, qui avait en charge sa formation de navigatrice.

         Nâmis guida la yordle vers une autre bête, laquelle était aussi lourdement équipée. Un jeune couple vint se présenter au duo, il s’agissait du fils du caravanier et de sa compagne, ayant rejoint leur père dans son entreprise.

         Après un rapide chargement des affaires du groupe, les caravaniers finirent de préparer les cargaisons. Bell insista pour aider ses hôtes à la tâche, ils allaient passer les prochaines semaines en leur compagnie, il était important de s’intégrer au mieux.

 

         Quelques heures suffirent pour laisser à tout le monde le temps de terminer les préparatifs. D’abord, le couple invita Bell et le vieux Nâmis à monter sur le dos de leur Skallashi. Ce dernier était calme, et accepta sans broncher la présence de deux passagers supplémentaires.

         Afin d’atteindre les selles, ils avaient à se hisser par des cordages, qui permettaient aussi d’accéder aux cahutes. La yordle accepta sans hésiter les conseils du couple, la monture faisant près de cinq fois sa taille. Finalement, c’est assez proche des cordages d’un navire, pensa-t-elle en s’imaginant grimper aux mats du Somua.

         Le duo s’installa confortablement sur le dos du Skallashi, attendant le départ imminent. Devant eux, le jeune couple prit place sur l’arrière de la tête de leur monture, faisant un petit signe à la yordle, qui patientait.

         De loin, elle vit Ileae grimper avec aisance aux cordages, parvenant en une fraction de seconde en haut. Elle, plus habituée aux laboratoires tranquilles, avait grandement évoluée depuis leur séjour en Zaun. Bell était fière d’elle, et l’admirait beaucoup.

         Un sifflement du maître caravanier indiqua à tous le départ. Chaque conducteur s’adressa à sa monture, avec autant de respect qu’un ami. Les muscles sous la yordle se raidirent, et le Skallashi commença à bouger. En quelques secondes, le sol s’éloigna avec une vitesse surprenante, l’instant après, elle surplombait la ville.

         Nashramae rayonnait sous le soleil du désert, la pierre jaune contrastait avec le bleu de la mer qui brillait au loin. De sa quinzaine de mètres de haut, Bell put observer les quartiers commerçants, ainsi que l’immense marché qui grouillait de monde. Aveuglée par le soleil elle enfila les lunettes offertes par Ileae, dont les verres teintés soulagèrent ses yeux.

         La monture se tourna, doucement, et bientôt le désert fit face à la navigatrice. Il était immense, véritablement gigantesque, et si calme. Les rocailles laissaient au loin place à une étendue de sable paisible et silencieuse.

         Bell enfila sa cape et revêtit sa capuche, pour se protéger du soleil qui frappait déjà fort.

 - Prête pour ta première traversée ? Sourit Nâmis en lui tendant un peu de nourriture.

         La jeune fille hocha la tête, observant les alentours. Les paysages perdaient petit à petit leurs arbres pour laisser place à des horizons vides, ne laissant rien paraître des dangers qui y résidaient.

 - C’est magnifique, souffla-t-elle béate.

 - C’est votre première fois si j’ai bien compris, lança leur hôte, mon nom est Jolyne.

 - Enchanté, sourit le sage. Pour ma part je suis du coin, mais ma jeune amie découvre.

 - Son expression en est la preuve. D’où venez-vous ?

 - De Bilgewater.

         La shurimienne se tourna vers son mari, échangeant quelques rapides mots avec lui. L’homme était le portrait craché de son père, se prénommait Mora.

 - Vous êtes le groupe qui voyage vers Targon ? Lança-t-il. Vous y avez des affaires ?

 - On peut dire cela. Et vous ?

 - Nous avons rejoint mon père pour l’aider, je compte bien continuer à faire vivre la caravane après lui, je suis en plein apprentissage.

 - La jeune yordle ici est apprentie aussi, sourit le sage, navigatrice en devenir.

 - Puisse le sable guider vos pas, salua la shurimienne.

         Bell répondit par un petit signe de la tête, heureuse d’en savoir un peu plus sur leurs hôtes.

         Elle se tourna pour observer les alentours. Leur monture était la seconde, juste derrière celle du maître Victor qui accueillait Anna et Reiner. La lieutenante Wajäard avait franchement l’air de s’éclater, en discutant avec le médecin à la mine renfrognée.

         Derrière eux se trouvaient une dizaine d’autres Skallashis, tous chargés de marchandises. Bell sentit un souffle chaud passer sur son cœur lorsqu’elle vit de loin l’élégante silhouette de son amie vastaya. Ileae semblait aux anges, discutant avec Cynthia en s’agitant pour regarder tout autour. Derrière, la yordle distingua la commandante Bertillon, qui s’accrochait aux cordages avec force. Malgré son visage de marbre, la gestuelle de la piltovienne semblait trahir un manque d’aisance, presque une inquiétude, qui fit sourire Bell.

         Le paysage ne tarda pas à changer, se transformant au fil des minutes, puis des heures. Les environnements rocheux et encore vivants des côtes avaient laissé place aux étendues de sables brûlant. La lumière frappait la navigatrice, qui soupira de soulagement en remerciant Ileae pour les lunettes qui la protégeaient.

         Autour d’eux, les vents balayaient les gigantesques dunes qui s’offraient à sa vue. Le désert, imperturbable, délivrait à ses voyageurs une vision aussi impressionnante qu’apaisante. Seuls le bruit des Skallashis et de ceux qui les accompagnaient venaient perturber la quiétude qui régnait ici.

         Bell reporta son attention sur ces derniers. Plusieurs groupes se déplaçaient autour de la caravane, des hommes et femmes arborant de lourdes capes, et des armes. Ils avaient aux pieds d’étranges dispositifs en os, leur permettant de se déplacer sur le sable à une vitesse impressionnante.

         Un des hommes se tenait cependant sur une monture étrange, sorte de créature écailleuse à six pattes qui glissait silencieusement sur le sable brulant. Sur chaque dune elle se dressait sur ses pattes pour s’arrêter, et permettre à son cavalier d’observer autour. L’homme sembla familier à la jeune fille, il arborait d’étranges souliers similaires à ceux que Cynthia avait acheté en ville la veille.

 - C’est notre escorte, dit Jolyne en souriant. Grâce à eux nous pouvons traverser l’esprit tranquille.

 - Quel genre de dangers rôdent dans le désert ? Demanda Bell.

 - Des maraudeurs, des pillards, souvent des Kmiros.

 - Ce sont des insectes géants, carnivores, qui chassent en essaim, éclaircit Nâmis, on en voit s’attaquer aux caravanes, et massacrer les moins préparées.

         L’image fit frissonner Bell, qui n’osait imaginer ses compagnons lutter contre un essaim meurtrier. Fort heureusement, leur escorte semblait solide.

 - Votre présence rassure nos compagnons, sourit la shurimienne, avec vous nous n’aurons rien à craindre.

         Nâmis en profita pour décrire à son élève la faune du désert. Contrairement à ce qu’il pourrait sembler, ce dernier regorgeait de vie. De petits animaux vivaient du peu d’eau et de nourriture présents, souvent proies des fameux Kmiros. Ces derniers étant la nourriture principale d’une espèce de créature gigantesque : le fendeur de dunes. Ces énormes animaux écailleux, longs de plusieurs dizaines de mètres, traversaient Shurima, sans se soucier des autres êtres autour.

         En écoutant le sage décrire sa contrée natale, la yordle s’était saisi de son carnet, et griffonnait quelques croquis. Elle dessina le paysage, les dunes qui ondulaient doucement sous le bleu pur du ciel, la caravane traversant paisiblement ces étendues hostiles.

 

         Alors que le soleil commençait à décliner, la température suivit le mouvement, laissant quelques frissons parcourir les voyageurs inhabitués au désert. La pénombre de plus en plus pesante força le caravanier à lancer le signal indiquant qu’ils allaient s’arrêter pour la nuit.

         Doucement, le maître dirigea son convoi vers une formation rocheuse, qui devait leur servir de repère. Les Skallashis marchèrent doucement, formant un cercle à côté du grand pic rocheux. Ils s’abaissèrent doucement vers le sol, allongés à la manière de chameaux géants. Les attelages se posèrent, laissant les bêtes se reposer.

         Au signal de leur chef, les caravaniers s’activèrent, descendant de leurs montures avec agilité par les cordages. Ceux-ci sortirent divers paquetages de leurs attelages, qu’ils défirent.

 - Va les aider, dit Nâmis en pointant le couple de la tête.

         Bell acquiesça, et accourut aux côtés de ses hôtes, ces derniers acceptèrent avec un grand sourire le coup de main. En quelques minutes, les itinérants avaient installé une trentaine de tentes, capables de les accueillir eux, ainsi que leur escorte.

 - Il est temps de reprendre les entraînements sur terre ! Clama la freljordienne en s’approchant. Maintenant que tu sais te battre, on va faire du renforcement.

         La yordle acquiesça en souriant. Voir ainsi son mentor reconnaître le fruit de ses efforts lui procurait une immense fierté. Elle était loin de pouvoir la battre, mais elle savait se débrouiller.

         Sous les ordres de la musculeuse femme, Bell enchaîna une série d’exercices, qui s’avèrent plus difficile qu’elle ne l’imaginait. La chaleur ayant sapé une bonne partie de son énergie, elle se sentait lourde. Anna lui promit un entraînement diurne, afin qu’elle puisse s’habituer aux températures élevées petit à petit.

         Sur le côté, Clapper s’agitait aussi. Soucieux de protéger sa maîtresse, le petit rat des quais semblait vouloir s’entraîner, ses petits bruits de mâchoire et son agitation firent sourire le duo, apportant de la bonne humeur pendant l’effort.

 - Alors cette première journée, lança l’entraineuse en s’approchant, c’était comment ?

 - Vraiment intéressant, sourit la yordle. Shurima est magnifique.

         La freljordienne s’assit sur un rocher. Bell la rejoint en regardant le camp un peu plus loin. Les caravaniers semblaient s’atteler à la préparation du repas.

 - Et tu n’as encore rien vu ! S’exclama la lieutenante. Les abords du fleuve Mère de la Vie sont sublimes, et je ne te parle même pas du Disque Solaire à la capitale !

 - Nâmis m’en a parlé ! On a vu quelque chose de similaire à Zaun, dans les grottes de la Décharge, d’une taille bien plus raisonnable cependant.

         Anna regarda son apprentie en silence. Cette dernière avait changé, et pas que dans son apparence, elle lui semblait différente, plus forte, mais aussi plus triste.

 - Tu sais, Morgan s’en veut beaucoup pour ce qu’il s’est passé.

         Bell sourit timidement, elle sentait que la lieutenante était gênée, mais aussi en colère.

 - Le capitaine n’y pouvait rien, soupira-t-elle. C’est comme ça c’est tout.

 - On aurait dû écouter la commandante Bertillon, elle nous avait mis en garde.

         La yordle posa sa petite main sur l’énorme bras de la freljordienne.

 - Merci pour ce que vous faites toi et les autres, mais ne vous inquiétez pas. Tout va bien.

 - J’ai l’impression qu’il y a des choses que tu ne nous as pas dites sur ton séjour dans les tréfonds.

 - Je sais. J’y viendrais mais, j’ai encore besoin de temps.

         Cette fois ce fut au tour de la lieutenante de poser sa main sur l’épaule de la jeune fille. Sa main mesurait certes la largeur de son buste, mais elle était réconfortante pour la yordle qui apprécia le geste.

         Une voix appelante se fit entendre au loin. Bell distingua son amie Ileae, qui courait en sa direction, agitant les bras. Elle s’arrêta à son niveau et posa ses bras sur les épaules de la yordle

 - Bell ! C’est absolument fantastique, on est au milieu du d’un désert ! Est-ce que tu as vu tout ce sable ? Ces dunes ? Et les Skallashis sont si gentils et calmes !

         Tout en décrivant ses découvertes, Ileae s’était mise à secouer son amie comme un arbre dont on voudrait faire tomber les fruits.

 - Holly a dit qu’elle m’entraînerait aux arts martiaux piltoviens ! Annonça-t-elle.

 - Oui j’ai vu tout ça, répondit-elle en tentant de rester stable.

 - Je n’imagine même pas ce qu’on va voir ensuite ! Et je meurs de faim… Tu viens manger ? Elle peut venir manger ?

         Anna acquiesça sous le regard implorant de la vastaya, qui entraîna Bell comme s’il s’agissait d’une peluche.

         Plusieurs feux avaient été allumés par les caravaniers, qui se retrouvaient en petits groupes pour partager leur dîner. Le groupe de la jeune yordle resta de son côté, savourant le potage préparé par leurs hôtes. Chacun parla de son ressenti sur l’expérience de la traversée, ou surtout Bell, Ileae, Cynthia et Holly, étant donné le fait qu’il s’agissait de leur première fois dans ces contrées.

         Les discussions allèrent bon train, aucun ne perdait de vue leur objectif : Targon. Chacun savait désormais que quelque chose se tramait et qu’ils auraient-ils à découvrir qui utilisait la brume noire pour nuire. Bell eut une petite pensée pour ses parents, elle se rapprochait peut-être d’eux, doucement.

         La soirée touchant à sa fin, le groupe se retrouva devant leurs tentes, montées avec leurs hôtes. Chacun ayant la sienne, toutes identiques, Bell devina qu’elle retrouverait sa solitude nocturne.

 - Vu ta taille, sourit Cynthia, ta tente c’est un palace !

         Une moue vexée s’afficha sur le visage de la yordle, qui frappa la jambe de son amie, qui riait de concert avec leurs camarades. La tente étant prévue pour les plus grands gabarits humains, une si petite yordle n’aurait que trop de place.

         Chacun gagna sa couche, et petit à petit, le silence du désert s’abattit sur le camp.

 

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