Bell de Bilgewater

Chapitre 68 : Partie 4 - Chapitre 32

3425 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 18:03

           Chapitre 32

 

         Comme les précédentes nuits, le sommeil de Bell fut encore agité. Troublée, elle se voyait utilises ses pouvoirs, ces pouvoirs. Si la situation semblait petit à petit s’arranger, elle avait encore des tas de questions.

         Elle s’approcha de son bureau, son regard se posa sur l’esquisse qu’elle avait volée dans le laboratoire Ratel. La yordle dessinée continuait à la fixer, un sourire triste sur le visage. Bell aurait des questions à poser, si Vildoric disait vrai, certains parmi ses camarades lui mentaient.

         Holly l’attendait, pour leur entrevue du jour avec les pontes des Ratels. Comme l’avait dit cette apparition dans son rêve, elle avait fini par utiliser sa magie pour prendre le pouvoir. Elle avait insisté pour que Vira assiste avec elle à cette rencontre.

         Après avoir passé la veille avec Ileae, elle était d’excellente humeur, d’attaque pour peu importe ce qui pourrait arriver. Elle avait aussi échangé avec sa grande sœur, et passé un accord. Elles avaient un plan.

         Sur la grand-place, la commandante l’attendait, son habituelle froide expression sur le visage. À ses côtés, Nahia était assise, elle sourit lorsqu’elle vit la jeune fille se diriger vers elles, aux côtés de la sœur d’Ileae.

 - Bonjour jeune fille, prête pour ta prise de pouvoir ?

         Bell répondit avec un sourire gêné, les images de ses rêves lui revinrent en mémoire. Je ne veux pas de ça.

 - Pour quand est prévu notre retour ? demanda-t-elle à Holly.

 - Pour très vite, le temps qu’Ileae soit transportable, elle sera soignée chez Johan Grimbel.

         Le souvenir du médecin-joaillier la fit sourire, elle avait hâte de revoir ses camarades.

 - Je me demande comment les Ratels comptent recevoir ton refus de les commander, s’interrogea la cheffe en se mettant en route. Leur défaite risque de les pousser à prendre des décisions inattendues.

         Aucun de leurs élévateurs ne menant au district principal du gang, le trio dut en traverser deux. L’atmosphère autour était différente, loin d’être légère ou soulagée, la foule semblait expectative, tous maintenant avaient eu vent de l’apparence de celle qui avait vaincu le Baron, et observaient maintenant cette bien curieuse yordle dans les rues.

         Un manoir, de pierre et d’acier, aux façades travaillées, accueillait à la base son meneur. C’était dans cette demeure impressionnante que se tiendrait le rassemblement du jour.

         À l’entrée, des Ratels armés les accueillirent, vérifiant tout de même qu’il s’agissait bien de leurs invitées. À l’intérieur de l’édifice, elles croisèrent bien d’autres membres. Certains saluèrent respectueusement Bell, d’autres lui jetèrent un regard dédaigneux.

 - Entrez je vous prie, dit un majordome arborant un masque respiratoire.

         Autour d’une immense table, une assemblée de zauniens très hétéroclites patientait en silence. Des hommes et femmes, habillés de vêtements étranges, tous modifiés, leur stature et style démontrait cependant une certaine forme de rang social.

 - Chers amis, commença un vieil homme, nos invités étant arrivées nous pouvons débuter cette assemblée extraordinaire.

 - C’est donc ça qui a tué Vildoric, cracha une femme un peu plus loin. S’il a été vaincu par cette chose, peut-être ne suivait-on pas la bonne personne.

         Un brouhaha naquit, des commentaires et discussions entre Ratels. Certains semblaient d’accord, d’autres simplement se posaient des questions, ceux qui avaient assisté au combat restaient silencieux.

         Dans le fond, cette assemblée rappelait à la yordle celle qui employait son équipage, à Piltover. L’Ordre de l’Ambre, et son maître Horace Hekins.

         Je vais bientôt revoir le doyen, sourit Bell. Lui sait des choses c’est certain.

 - Calmez-vous je vous prie, tonna le vieux ratel. Comme vous le savez, le baron Mesrine a été tué il y a maintenant trois jours. La rumeur vous l’a apprise, cette jeune fille ici est celle qui a porté le coup fatal à notre meneur. Comme le veut la règle…

 - Hors de question ! l’interrompit un homme, lourdement modifié. Cette yordle était recherchée, la proie de Vildoric, une ennemie, il est impossible qu’elle prenne sa place.

 - C’est vrai, dit la femme qui avait parlé plus tôt. Qui sait si cela ne faisait pas partie de leur plan ? Elles ont déroulé un insidieux plan pour s’emparer du pouvoir.

 - On ne sera pas dirigés par cette chose ! crièrent quelques autres voix.

 - ASSEZ !

         Le vieil homme avait frappé de son poing métallique sur la table.

 - J’étais présent lors du duel, expliqua-t-il, de même que certains autres ici. Nous ne vous laisserons pas bafouer l’honneur de notre clan, les préceptes seront respectés.

 - Tout ça c’est à cause de cet ami du Baron ! brailla une voix. Il l’a entraîné dans cette guerre.

 - Nous écoutons nos invitées maintenant, dit le vieil homme en invitant lesdites invitées à prendre la parole.

 - Je commencerais, dit Holly en se levant. Je suis Holly Bertillon, commandante des Forces de Régulation de Piltover, et chargée de la protection de celle que vois aviez tenté de capturer ici présente. Vous savez déjà qui sont mes Hommes, alors je me passerais de donner plus de détails.

         Quelques murmures se firent entendre, tous connaissaient la réputation des escouades de régulation, mais les bruits parlaient moins de leur commandante. Sous les regards méfiants des Ratels, Holly se tenait droite, impérieuse, inflexible.

 - Vous avec déclenché un conflit avec Piltover, cependant je ne suis pas ici pour parler en leur nom. Ma mission est d’en apprendre plus sur les personnes ayant mené à une telle catastrophe, Krenn est captif, et sera jugé, votre Baron a été abattu, alors dites-moi tout ce que vous savez sur cet « ami » qui l’aurait entrainé.

         Les membres du gang se regardèrent, cherchant qui désigner pour répondre à la militaire. Heureusement pour eux, il semblait qu’Holly n’en ai pas après eux, mais tous savaient que la moindre tentative de résistance pourrait les placer dans le viseur des escouades.

 - Nous n’en savons que très peu, indiqua le vieil homme. Un étranger, vraiment différent. Il faisait faire des recherches sur la Brume Noire, et la Ruine, et souhaitait la capture de cette jeune fille. Nous n’avons entendu parler de lui à nouveau qu’une seule fois après qu’elle se soit échappée.

 - C’est vraiment tout ce que vous avez ? railla la commandante. Pourquoi une guerre ? Pourquoi capturer cette fille ?

         Un lourds silence s’abattit sur le salle, c’est à nouveau le même qui répondit.

 - Le baron souhaitait se battre pour l’indépendance de Zaun tout entière. L’étranger n’a fait que nous donner quelques moyens supplémentaires en échange de services. Rien ne nous a été dit sur ses intentions avec la jeune yordle.

         Bell sembla déçue. Même les dirigeants des Ratels n’étaient pas au courant de tout.

 - Cette guerre a semé les graines d’une opposition à Piltover, intervint Nahia. Il est temps de cesser le combat, et d’ouvrir les négociations.

 - Et vous êtes ?

         La cheffe se leva, debout sur son siège elle ne faisait qu’à peine la taille des autres membres, assis. Malgré cela, elle dégageait une aura charismatique.

 - Je suis Nahia, cheffe de la Décharge, et à la racine du soulèvement qui vous a fait tomber.

 - Alors c’était vous…

         Quelques rares ratels échangèrent de discrets regards. Bien que secrète, la Décharge faisait l’objet de rumeurs, connues de peu.

 - Il est à présent temps, continua le vieil homme, d’écouter les paroles de notre nouvelle Baronne.

         Un silence pesa à nouveau sur l’assemblée. Bell se leva à son tour. Les regards perçants des Ratels étaient fixés sur elle, attendant qu’elle prenne la parole. Elle se leva doucement, jeta un petit regard en coin à Vira, qui lui sourit.

 - Mon nom est Bell, et c’est probablement la seule chose que vous saviez de moi lorsque vous tentiez de me capturer. Je suis une mercenaire de Bilgewater.

         La jeune fille se concentra, et visualisa les flux des gens autour. Chacun d’entre eux avait de discrètes ondes lumineuses qui dansaient autour, paisiblement. Tous étaient accrochés à ses lèvres, impatient d’en savoir plus.

         Je dois le faire.

         Un petit rire résonna dans sa tête, une voix, celle d’une fillette, à nouveau.

 - Je suis à la recherche de cet étranger, qui vous a mis sur ma route. Je vous ai résisté, combattu. Vous avez fait du mal à mes amis, tués des êtres chers. Maintenant, je suis votre punition.

         Quelques murmures se firent entendre dans la salle.

 - J’ai affronté votre baron, dans un duel. Je l’ai tué, j’ai fait exploser son cœur, lui ai offert une mort honorable.

         De fins rubans violets émergèrent de derrière elle, flottant doucement vers les membres présents. Leurs flux s’agitaient, doucement, tandis que les paroles de la yordle tombaient comme des coups sur eux.

         Elle put voir plus clairement l’effet de sa magie, ses rubans s’immiscèrent dans les flux de son auditoire, changeant leur teinte pour un bleu-violet discret.

 - À partir d’aujourd’hui, et pour les temps à venir, je serais connue comme votre meneuse, assena-t-elle d’une voix dure. Je répondrais ici au nom de Baronne Colfer.

         Nahia et Holly étouffèrent un hoquet, jetant à Bell un regard surpris.

 - La vision de Vildoric Mesrine ne s’éteint pas avec lui, continua la jeune fille, cependant ce conflit est terminé. Vous rappellerez les troupes, cesserez tout combat, et libérerez les prisonniers. Dans les prochains mois, les Ratels s’évertueront à reconstruire Zaun, réparer les dégâts. Nous serons, aux côtés des autres gangs de la cité, le poids dans les négociations avec Piltover. Zaun sera indépendante, unie, et rayonnera autant que sa jumelle !

         Des applaudissements accueillirent les paroles de la yordle, qui constatait avec une certaine appréhension l’efficacité de son pouvoir.

 - Cependant, dit-elle en dispersant le bruit ambiant, je me dois de poursuivre mon voyage. J’ai une mission à accomplir. En mon absence, c’est Vira ci-présente qui se chargera de diriger le clan. Vous suivrez ses consignes comme si elles étaient les miennes. Si l’un de vous avait dans l’idée de s’en prendre à nouveau à elle, alors vous subiriez le même sort que votre ancien Baron.

         Les Ratels acquiescèrent comme d’un seul homme. Leurs regards étaient maintenant teintés d’une même couleur bleutée, visible semblerait-il uniquement par elle. Leurs flux quant à eux, ondulaient paisiblement, sous l’influence de son pouvoir.

 

***

 

 - Pourquoi as-tu fait ça ? demanda Holly en sortant du manoir.

         La commandante fixait Bell dans les yeux, immobile. Un regard froid et perçant que Bell soutint en silence.

 - L’idée n’est pas mauvaise, commenta Nahia, dissoudre le gang aurait créé tout un tas de petites factions, on aurait risqué une guerre interne. Reste à savoir s’ils resteront unis longtemps.

 - Il n’y aura aucune mutinerie, rétorqua Bell. C’est impossible.

         Nahia acquiesça, sans réellement comprendre. La jeune fille semblait sûre d’elle, elle choisit de lui faire confiance. Elle aurait donc à travailler avec Vira, ce qui faciliterait la tâche.

         L’ancienne intendante restait en retrait, laissant les trois amies discuter entre elles. Nahia lui adressa un sourire, sachant qu’elles seraient souvent amenées à se voir.

         Bell s’approcha d’elle. La grande vastaya s’accroupit, se plaçant au niveau de sa jeune amie.

 - Je compte sur toi, lui dit Bell. Tu vas avoir du travail ici. Ça va aller ?

 - Évidemment, sourit-elle. Je suis honorée d’être celle qui se chargera de rallier Zaun.

 - Cela ne va pas être simple, les gens ont peur des Ratels.

 - Ils leur en veulent, ce qui est normal. Mais ils feront avec, comme moi. J’ai un service à te demander en échange.

         Bell porta toute son attention sur son amie.

 - J’ai besoin que tu prennes soin d’Ileae pour moi.

 - Mais tu pourras…

 - Je peux pas m’en charger, l’interrompit Vira. Elle doit rester loin de Zaun et de ses dangers. Je ne pourrais pas gérer un gang et protéger ma sœur. Toi et elle êtes proches, bien plus que ce que tu sembles voir. Elle tient à toi, et si tu tiens à elle en retour, elle aura besoin de toi.

         L’intendante fixa son regard dans celui de la jeune yordle, tenant fermement son bras.

 - J’y veillerais, sourit Bell.

         La vastaya sera la nouvelle baronne dans ses bras, si fort que cette dernière peinait à respirer.

 - Merci… murmura-t-elle. Merci pour tout Bell.

         Après que la jeune femme eut relâché son étreinte, elle regarda le trio s’éloigner en silence. Elle se tourna vers le manoir, prête pour cette mission qui était maintenant sienne.

 

***

 

         Sur le chemin, un cri retentit. De loin, le trio vit un homme courir dans leur direction, semblant les appeler. Nahia reconnut un des habitants de la Décharge. Ce dernier s’arrêta, essoufflé.

 - Cheffe, bredouilla-t-il, cheffe…

 - Calme-toi, dis-nous ce qui t’amène. Mon pauvre tu es à bout de force.

         Quelques secondes de pause furent de mise, le temps que le zaunien se remette et soit capable de parler.

 - Il y a eu une attaque, à la Décharge.

 - Les Ratels !? s’insurgea Holly. Ils n’ont pas osé…

 - Non du tout, c’est autre chose… en fait on sait pas ce que c’est.

 - Comment ça ?

 - Vous devriez aller voir…

         Immédiatement, le trio se mit en chemin. Ils laissèrent le pauvre homme derrière.

 

         Sur la grand-place de la Décharge, Venos attendait la venue de la cheffe avec impatience. Il était en train de diriger toute une troupe de volontaires qui tentaient de remettre de l’ordre.

         Çà et là, des couvertures recouvraient ce qui ressemblait à des corps.

 - Situation ? demanda simplement Nahia.

 - Une attaque éclair, répondit le second. Un homme est entré, drapé, impossible à identifier. Il était accompagné d’être difformes, et cette brume…

         Holly et Bell échangèrent un regard inquiet. Brume noire et goules, conclurent-elles ensemble. Aucun doute, il s’agissait de l’étranger.

 - Que sont-ils venus chercher ? demanda Nahia. Qu’ont-ils pris ?

 - Rien… Ils ont saccagé la place, l’homme est allé vers les cellules. Certains ont tenté de l’arrêter… Ils l’ont payé cher.

         Venos désigna les corps. Le visage de Nahia se teinta d’un voile de tristesse. Holly se dirigea d’un pas pressé vers lesdites cellules, inquiète.

         Sur place, les portes avaient été défoncées, les murs étaient recouverts de griffures. Elles se dirigèrent vers la seule pièce occupée du bâtiment, pour y trouver une vision d’horreur.

         Krenn gisait adossé à un mur, le visage déformé par la peur. Dans son torse était fichée une dague, recouverte de sang.

         C’est ma dague.

         La yordle s’approcha, et ôta froidement la dague de l’homme, qui tomba à la renverse.

 - Qu’est-ce qu’on doit en penser ? demanda Nahia, les dents serrées.

 - Toutes les personnes ayant des informations ont été éliminées, dit Holly tout haut, et cette dague…

 - Il sait que je le cherche, affirma Bell.

 - Pourquoi ne pas avoir tenté de te capturer alors ?

 - Je ne sais pas, peut-être qu’il n’en a plus besoin.

         Le trio ressortit du bâtiment, laissant les médecins s’occuper du corps de Krenn sans vie.

 - Je dois continuer mon voyage, lâcha Bell. Je n’ai plus aucune réponse à tirer de Zaun.

         La commandante réfléchit, puis s’arrêta devant la jeune yordle, s’arrêtant pour s’accroupir, et la regarder droit dans les yeux.

 - Tu avais dit à ta rencontre avec Horace Hekins à l’académie, que tu pensais que cette recrudescence des apparitions de phénomènes liés à la brume noire pourraient être le fruit d’une personne ou d’un groupe. Les autres ne t’avaient pas cru, moi si, on en a maintenant la preuve. Je pense que cet étranger est la raison pour laquelle la Ruine s’étend d’autant plus.

 - Il sait qui je suis, affirma Bell, plus que moi-même apparemment. Je le retrouverais.

 

***

 

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