Bell de Bilgewater

Chapitre 66 : Partie 4 - Chapitre 30

5634 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 18:01

           Chapitre 30

 

- Vous n’êtes ni des goules, constata une voix grave, ni mes hommes. Qui êtes-vous donc et que faites-vous chez moi ?

         Un homme avait pénétré la pièce. Il était grand, immense même, il devait probablement dépasser Anna d’une tête. Bell réfléchit une seconde, si la seconde du capitaine faisait déjà un peu plus de deux mètres… alors l’homme qui les toisait devait en faire au moins deux et demi.

         Non content de faire presque quatre fois la taille de la jeune fille, l’individu était une véritable force de la nature, une musculature impeccable, une stature impressionnante, il était habillé d’une élégante tenue, et frottait une discrète moustache.

 - Vous ne devriez pas être ici, dit Nahia en se mettant sur la défensive.

         L’homme scuta la vieille yordle, levant un sourcil. Il n’avait aucune idée de qui était ce groupe devant lui.

 - Je suppose que vous êtes ceux qui ont mené les quelques opérations chez moi, et soulevé Zaun, soupira-t-il. Qui êtes-vous ?

 - Nous sommes les laissés pour compte, les déchets, cracha la cheffe. Nos hommes et femmes sont celles que vous jetez après les avoir détruits.

 - Cela explique vos actions, railla-t-il. Bouchers.

         Bell avait du mal à comprendre, voyant cet homme faire face à une Nahia et une Klem prête à se battre. Sur le côté, le regard d’Ileae s’illumina, elle dégaina son fusil et se mit en joue.

         Pour toute réponse, il croisa ses énormes bras sur sa poitrine. Bell regarda plus attentivement son corps, il était parcouru de modifications, mais elle n’avait jamais auparavant vu un travail aussi détaillé, aussi propre, et complexe. Stature, prestance, et même ses équipements, tout se mariait sans que rien ne paraisse étrange.

         En un mot, il était beau.

 - Vous avez massacré mes hommes, partout dans Zaun, dit-il avec une voix teintée de colère.

         Klem se détendit légèrement.

 - Vous parlez des attaques n’ayant laissé aucun survivants ? Ces actions ne sont pas de notre fruit, nous avons aussi enquêté là-dessus mais sans rien trouver.

 - Demandez donc à cette jeune fille ce qu’elle en pense. Elle connait le tueur.

         Tous se tournèrent vers Bell, qui pointait l’homme. La jeune fille les regarda, sans comprendre. Elle était restée coincée avec eux, elle n’avait rien à voir avec ça.

 - Par ailleurs je ne suis pas venu pour vous, comme vous le voyez nous avons eu quelques soucis. Votre présence me fera gagner du temps, j’en ai assez de te chercher partout.

         Bell recula d’un pas en voyant le zaunien se tourner vers elle. Un frisson parcouru son corps, transpercée par son regard. Instinctivement, elle porta la main à sa dague. Un détail attira son œil, une lumière brillait sur son torse, très légère, au travers des vêtements. Soudain, les pièces du puzzle s’imbriquèrent. Je sais qui tu es.

         Vildoric Mesrine, chef des Ratels.

 - Mes ordres ne concernent que cette jeune yordle, soupira-t-il en voyant les trois autres se rapprocher de Bell. Écartez-vous et je vous laisserai tranquille.

         Un court silence accueillit ses mots.

 - Qui t’emploie ? demanda Bell.

 - Tu n’es pas encore prête.

 - Tu sais qui je suis, s’emporta-t-elle. Tu sais d’autres choses j’en suis sûre, tout comme Krenn.

 - Il n’aura plus l’occasion de parler de toute manière, pour le reste pourquoi tu ne demanderai pas à tes amis en haut ? Tu les crois si ignorants que cela ?

 - ASSEZ ! cria-t-elle alors que les larmes lui montaient aux yeux. J’EN AI PLUS QU’ASSEZ, TOUT LE MONDE EN SAIT PLUS, PERSONNE NE PARLE.

 - Tu n’es pas encore prête.

         Bell s’avança, faisant face à l’imposant chef de gang.

 - Si je vous bat, vous me direz tout ce que vous savez.

 - C’est un défi ? dit-il en souriant.

 - C’est un ordre, assena-t-elle en saisissant sa dague.

 - Soit. Tes amis souhaitent participer ? Je déteste avoir à tuer des innocents.

         L’homme défit la cravate qu’il portait au cou, et quelques boutons de sa chemise, laissant entrevoir les modifications qui parcouraient son torse. Il fit face aux quatre, se mettant en garde.

 

***

 

         Sans plus attendre, Vildoric fonça sur les combattantes. Chacun de ses pas faisait vibrer le sol, Bell pouvait ressentir chacun des impacts. Malgré sa masse imposante, il était furieusement rapide. Ileae et Nahia commencèrent à dégainer leurs armes, et tirer une salve de décharges rouges. Les impacts ne le ralentirent même pas.

         En quelques fractions de seconde, il fut sur la vastaya, frappant un grand coup. La scientifique esquiva sur le côté, mettant de la distance entre elle et lui.

         Le coup qu’il porta toucha le sol, faisant vibrer la dalle de toute la pièce, fissurant le carrelage pourtant épais. Il se retourna rapidement, et continua à pourchasser Ileae. Voyant que les impacts n’avaient quasiment aucun effet sur lui, Klem rejoint leur amie en brandissant une dague, tandis que les deux yordles continuaient à les appuyer à distance.

         Le zaunien était rapide, presque assez pour toucher Ileae. Cette dernière, qui avait laissé de côté son fusil, n’avait pas l’intention de se laisser faire, elle évitait chaque coup, tentant elle aussi de frapper son ennemi. Couvert de modifications, ce dernier ne laissait apparaître aucun point faible.

         La jeune scientifique mit à profit son entraînement, à quatre pattes, elle était agile, insaisissable, autant que gracieuse. L’homme, pourtant élégant, paraissait lourd et pataud à côté d’elle.

         Nahia et Bell changèrent de mode de tir, pour tenter d’augmenter leur puissance de feu. Après un court chargement, deux salves d’énergie rouge sang jaillirent, et s’écrasèrent sur le dos de leur ennemi. Cette fois-ci, il fléchit sous l’impact.

         Klem et son apprentie y virent une ouverture, et s’élancèrent rapidement. Malheureusement pour elles, Vildoric eut le temps de réagir. Il ramassa une barre en fer, avec laquelle il frappa de toutes des forces la scientifique. Le souffle coupé, cette dernière vola sur plusieurs mètres, gémissant de douleur.

         Dans un même temps, il se saisit de Klem. Elle tenta de se dégager de son emprise, mais rien n’y fit. De toutes ses forces, il l’écrasa au sol, plusieurs fois, puis contre un pilier, avant de l’envoyer contre un mur.

         Il se tourna dans la direction des yordles. Il avait compris que les fusils, bien que requérant un temps de refroidissement entre chaque gros tir, seraient un problème. Il s’avança d’un pas lourd vers Nahia.

         Cette dernière saisit son khopesh, et s’élança à son tour, comptant sur Bell pour la couvrir. De par sa petite taille, l’homme avait du mal à l’atteindre. De son côté, la cheffe parvint à lui assener quelques coups, mais aucun ne fit de réels dégâts.

         La lame rebondissait sur les nombreuses modifications métalliques, qui agissaient comme une armure.

         Après de longues minutes, Ileae se releva enfin, elle prit le temps de porter secours à Klem, qui gisait sur le côté. Un rapide diagnostic lui permit de comprendre rapidement que son amie était hors combat. Elle était à moitié inconsciente, sa modifications au bras était en miettes, elle avait plusieurs os brisés et aurait besoin de soins rapidement.

         D’un regard, elle fit comprendre à Bell qu’elles devraient se débrouiller à trois. Elle épaula à nouveau son fusil, et rejoint la yordle.

         De son côté, Nahia avait de plus en plus de mal à lutter contre le géant. Les longues minutes de combat qui s’écoulèrent commencèrent à égrainer son endurance et sa force, tandis que l’homme n’avait que quelques blessures superficielles. Bien que protégé par son armure métalliques, ce dernier commençait à sentir l’effet des décharges d’énergie qui pleuvaient sur lui. La chemise et la veste qu’il portait étaient presque entièrement carbonisés, laissant aux combattantes le loisir d’observer les nombreuses modifications qui couraient sur sa musculature.

         Après une salve particulièrement puissante, il vacilla un instant, juste assez pour permettre à Nahia de projeter sa lame vers sa tête.

         Il s’agissait d’une feinte.

         Il saisit la yordle par la jambe, et d’un geste puissant, il se releva et la projeta de toutes ses forces. La cheffe vola, et s’écrasa contre une des cuves en fonction. Son corps heurta violemment la vitre, la fissurant, et elle tomba au sol, inerte.

 - Ça commence à sentir mauvais cette histoire, marmonna Ileae.

         Bell acquiesça. Elles s’éloignèrent, continuant à tirer sur l’homme en espérant l’épuiser assez pour l’assommer. La scientifique avait attentivement observé les modifications de l’homme, et tirait à présent sur les points faibles qu’elle avait pu identifier. À chaque coup, le zaunien laissait échapper un petit râle, laissant aux jeunes filles entrevoir une victoire.

         Malheureusement pour elles, Vildoric avait très bien compris la situation, il concentra à nouveau ses efforts sur Ileae. Incapable de continuer à se battre à distance, la scientifique dut se résoudre à l’affronter au corps à corps.

         De par son espèce, la jeune femme était plus endurante que ses amies, ce qui couplé à son agilité lui permit de tenir tête à Vildoric. Elle avait récupéré la dague de Klem, et entamé un duel avec l’homme. Entre les puissants coups de ce dernier, elle virevoltait, frappait, aussi rapide et dangereuse que la foudre.

         Bell continua à soutenir son amie de loin, mais elle n’avait pas l’œil expert de la vastaya, et ne savait pas où tirer.

 - Les flux, cria Ileae. Regarde ses flux.

         Un regard dubitatif naquit sur le visage de leur adversaire, mais Bell avait parfaitement compris. Elle se concentra, faisant appel du plus profond d’elle-même à ses aptitudes. Petit à petit, elle put commencer à voir les flux présents dans la salle. Face à elle, le zaunien en grouillait, des filaments colorés lui collait à la peau. Après quelques minutes, elle put les distinguer plus clairement, le fluide chemtech qui coulait dans les tuyaux, et dans ses veines, brillait ardemment, convergent vers le point le plus lumineux.

         Son cœur.

         Chaque coup était accompagné d’une puissance magique, ce qui expliquait en partie une telle puissance. Il pourrait briser n’importe quoi, pensa Bell, il est trop dangereux, Ileae est en danger.

         La lame de la vastaya traçait de longues estafilades sur la peau, tandis qu’elle tentait d’abîmer les modifications corporelles. Jouant d’une faille dans la garde de son adversaire, elle parvint à planter l’arme dans une plaque de son torse. Elle appuya de toutes ses forces, l’utilisant comme un levier, et dans un bruit effroyable de crissement métal contre métal, arracha plusieurs plaques et tuyaux.

 - Petite garce, grogna Vildoric.

         Agacé, le zaunien redoubla d’effort. Toute vastaya qu’elle était, Ileae ralentissait à mesure que le combat s’éternisait. Malgré son entraînement, elle restait une jeune fille inhabitée aux affrontements, et finit par commettre une erreur.

         Constatant une faille dans la garde de la scientifique, Vildoric parvint à se saisir de la queue de cette dernière. Il l’empoigna, et l’envoya violement voler contre un mur. Il ramassa la barre de fer, et la lança de toutes ses forces, en usant comme d’un javelot.

         La barre transperça l’abdomen de la jeune fille, la clouant au mur.

 

***

 

 - ILEAE !

         Une expression d’horreur déforma le visage de Bell. À la vision de son amie, perdant petit à petit du sang, des larmes montèrent à ses yeux, une rage incommensurable naissait en elle.

         Vildoric regarda avec une moue le corps de la vastaya qui haletait avec difficulté. Il s’en approcha doucement, attrapant un morceau de tuyau, avec l’intention d’achever la scientifique.

 - NON.

         La jeune yordle se téléporta, et apparut face au zaunien. Elle s’interposa entre lui et son amie.

 - Ne t’approche pas d’elle, gronda-t-elle.

 - Tu penses pouvoir la sauver ?

 - Je la sauverai.

         Vildoric s’arrêta, toisant la jeune fille. Elle était minuscule, et avait l’air si fragile, mais elle lui avait tenu tête, puis échappé pendant des semaines, et avait lutté. Une flamme de rage brillait dans ses yeux.

         Je comprends maintenant, pensa-t-il, pourquoi Il tient tant à elle.

 - Ne rends pas la chose plus difficile, rends toi.

 - Pourquoi moi ? Pesta Bell. Qui m’en veut à ce point ?

 - Il a besoin que tu sois prête.

 - Qui ça ? QUI ?

         Sans un mot de plus, l’homme se remit en garde. Il ne parlera pas, pesta la yordle dans ses pensées en faisant de même.

         Derrière Vildoric , Nahia se releva doucement, et contourna l’homme pour s’agenouiller auprès d’Ileae. Il échangea un regard avec la cheffe, et n’essaya pas d’intervenir. De ce seul regard, la vieille yordle avait scellé un accord, elles avaient perdu, et il les laissait vivre.

         Face à ce géant, une minuscule yordle faisait face. Dans ses veines coulait une haine pure à l’encontre du zaunien. Il l’avait éloigné de ses amis, l’avait blessée, refusait de livrer ses informations, et par-dessus tout…

         Il avait blessé Ileae.

         Il lui fallait rapidement mettre fin au combat, sans quoi son amie pourrait ne pas survivre à la blessure. Au moins avait elle l’aide de la cheffe.

         Le duel s’amorça, la yordle fut la première à attaquer. L’adrénaline en elle poussa son corps, portée par la rage qui lui tordait le cœur. Elle avait bien observé le style de combat de Vildoric, elle avait maintenant l’avantage.

         Rapide, agile, elle esquiva chacune de ses attaques, traçant des stries d’un rouge vif sur le corps de son opposant. À chaque coup porté, elle répondait par une contre-attaque, s’efforçant de saper ses forces.

         Malgré les blessures, le zaunien ne ralentissait pas, ne s’embêtant même pas à contrer les coups de Bell. Cette dernière comprit, après de longues minutes d’affrontement, que son ennemi avait un lourd désavantage : il devait la garder en vie, entière. Tels étaient ses ordres.

         Elle ne s’embarrasserait pas de telles contraintes.

         Après un rapide coup d’œil sur le côté, constatant qu’Ileae respirait encore, elle raffermit sa poigne sur la poignée de sa dague, et continua son œuvre. Pour Vildoric, atteinte une cible aussi petite et agile était un défi, mais pas impossible.

         Il parvint, lors d’un faux mouvement de la jeune fille, à se saisit de son bras. Un sourire satisfait barrait alors son visage, il resserra sa prise, provoquant une vague de douleur dans le membre de Bell, qui grimaça de douleur. Il se mit en position, et de toute son inhumaine force, la projeta vers le mur.

         À sa grande surprise, la yordle ne fut pas étonnée, en une fraction, de seconde durant son vol, elle se tourna comme si elle souhaitait frapper le mur…

         Et elle disparut.

         Une protection métallique vint heurter son visage, avant qu’il ne comprenne pourquoi, une dague était plantée dans son épaule. Il tituba, surpris.

 - C’est pas fini, grimaça Bell.

         Elle s’élança vers lui, détachant une autre dague de sa tenue. Les premiers coups de l’homme furent plus lents, le temps qu’il comprenne et retire la lame de son corps. Cela laissa amplement le temps à Bell de planter son arme dans une plaque de son torse.

         Il baissa les yeux, fixant le visage de la jeune fille, qui arborait désormais un sourire narquois. Il la saisit à nouveau et tenta de l’envoyer contre le sol. Elle disparut entre ses mains.

         Avant de réapparaitre, face à lui, lui fonçant droit dessus. Elle utilisa son inertie, et son corps pour appuyer sur la dague encore plantée dans son torse. Dans un bruit métallique, ce qu’il restait de modifications sur le torse tomba en morceaux, s’arrachant à la poitrine de Vildoric.

         Ce dernier repoussa Bell d’un coup de poing rapide, qui cette fois n’eut pas le temps de réagir. Elle roula sur plusieurs mètres avant de heurter le mur, le souffle coupé.

         Heureusement qu’il n’y a pas mis toute sa puissance, pensa-t-elle en gémissant.

         Elle se releva doucement, faisant encore face à l’homme. Ce dernier respirait plus fort, et semblait très légèrement fatigué. Vraiment très légèrement. Son torse brillait, et Bell put découvrir… que l’intérieur était à nu.

         Sa cache thoracique, ouverte comme une trappe donnant sur le cœur d’une machine, laissait entrevoir de ombreux tuyaux, mais surtout, un cœur.

         Un cœur fait de métal.

         Vildoric Mesrine, dit Cœur d’Airain.

 - L’heure est donc aux petits tours, sourit-il élégamment. C’est à mon tour.

         Il secoua ses épaules, raffermit sa position, pendant que Bell se concentrait. De loin, elle vit la lumière de son cœur s’intensifier, et ses flux s’agiter, de plus en plus rapidement. Bientôt, toute la puissance du cœur se trouva dans les modifications de tout son corps.

         Des bruits de pas précipités inondèrent la salle, ainsi que des éclats de voix, beaucoup de voix. En quelques secondes, d’innombrables hommes de main de Vildoric se trouvaient dans la salle, se dirigeant vers Bell et ses camarades.

         Le chef les arrêta d’un signe de la main. Quatre d’entre eux s’avancèrent, demandant la raison de cet ordre.

 - C’est entre elle et moi, laissez ses amis en paix.

         Il se mit en position, et s’élança, vite. Si vite, que Bell n’eut pas le temps de penser à esquiver. Une plaque en métal qu’il avait ramassé en passant la cueillit, l’envoyant s’écraser contre un mur. Une vague de douleur traversa l’entièreté de son corps, comme si un feu déferlait en elle.

         La douleur agit comme un coup de fouet, la faisant revenir dans le combat. Elle esquiva la seconde charge en se téléportant, durant laquelle il enfonça la plaque dans le mur. Si il la touchait à nouveau, elle ne donnait pas cher de sa peau.

         Il ne cherche plus à me ménager, comprit Bell, c’est lui ou moi.

         Il se tourna, mais cette fois ce fut à la jeune fille de tenter sa chance. Elle se téléporta, apparaissant sur son flanc pour taillader sa cuisse. L’instant d’après, elle était derrière, traçant une estafilade dans son dos en tombant. Elle réitéra la manœuvre, prenant soin de ne pas se téléporter trop souvent au même endroit, pour éviter de se faire attraper.

         Vildoric ne savait plus où donner de la tête, son adversaire ne restait pas matérialisée plus d’une fraction de seconde, il ne pouvait pas prévoir ses attaques. Il patienta, le pouvoir déversé dans son corps par son cœur artificiel l’empêchait de ressentir la douleur. Mais c’était aussi son point faible.

         Bell l’avait aussi compris, et tenta une percée vers ledit cœur, espérant l’abimer assez pour affaiblir son adversaire. Manque de chance pour elle, Vildoric l’avait vu venir, il arrêta la lame de sa main, empoignant celles de la yordle. Il la souleva au niveau de sa tête, un sourire triste habillait son visage.

         Bell gigotait dans tous les sens, cherchant à se défaire de la poigne, en vain.

 - Je pense que nous arrivons au bout de cet affrontement, dit-il simplement. Tu n’auras pas tes réponses, et tu ne pourras pas sauver ta petite amie.

         L’évocation d’Ileae fit bouillir le sang de la yordle, qui s’agita d’autant plus. Elle perdit le fil de ses pensées, ne ressentait qu’une haine profonde pour cet être si calme. Une vague de chaleur envahit son corps, elle ressentit un curieux mélange de bien être, et de douleur intense, un poids pesait sur son cœur. Elle n’entendait plus rien, pas même les cris des Ratels autour célébrant leur victoire, excepté une voix, familière, féminine.

         Manipule.

         Bell se débattait comme un diable, insensible à ce qu’il se passait autour, notamment aux paroles de Vildoric qui tentait de la raisonner. Elle s’arrêta d’un seul coup, fixant l’homme dans les yeux. Son regard lui apparut vif, empli d’une rage intense. En cœur avec la voix, elle murmura.

         Manipule.

         Sorti du sol, un ruban jaillit. Une main au bout de ce dernier, tournoyant autour de la tête de l’homme, invisible. Une petite voix lui murmura gentiment, de desserrer très légèrement sa poigne.

         Surpris par cette voix attirante, inconnue et pourtant semblant familière, le chef se détendit un peu, tout juste assez pour laisser le temps à Bell de se défaire de son emprise. Elle s’écarta rapidement, ne le quittant pas du regard. Comprenant son erreur, il se précipita sur la jeune fille pour la capturer.

         Elle disparut.

         Désormais, la voix résonnait dans sa tête. Une image lui apparut, un grand ciel, étoilé, au-dessus des nuages. Un visage, un visage gigantesque, qui lui souriait. Elle ne réfléchissait plus, seul son instinct la guidait. Elle se matérialisa.

         Sur le torse de l’ennemi.

 - Qu’est-ce que… eut le temps de lâcher le combattant.

         Bell attrapa les rebords du trou dans son torse. Une fraction de seconde lui suffit.

Détruis, lui murmura la voix.

         Ses yeux s’illuminèrent, d’une lumière d’un bleu violet si vif qu’elle irradia la pièce. De ses mains, et sur tout son torse, des lignes lumineuses se mirent à courir, droit vers le centre. Son cœur fut bientôt enchainé de filaments lumineux.

         Détruis, répéta-t-elle.

         Un silence long d’une fraction d’une seconde s’abattit sur la salle, pesant de tout son vide sur les observateurs autour. La lumière s’intensifia.

         Le cœur implosa.

 

***

 

         La puissance de l’explosion, faite de pure magie, souffla la foule qui s’amassait autour de la scène. Bell, et même Vildoric, furent violement projeté à l’opposé l’un de l’autre, heurtant les murs avec violence.

         Un silence de mort pesa sur l’assemblée, qui se relevait doucement. La première debout fut Bell, toujours portée par l’adrénaline. Elle se précipita vers son adversaire, qui gisait assis contre le mur d’en face.

         L’homme était mal en point, son cœur vidé de toute énergie n’était qu’un tas de métal fumant. Il marmonna quelques mots, souriant à la yordle alors que la vie le quittait doucement.

 - Je veux mes réponses maintenant, grogna Bell entre ses dents. Dites-moi qui est avec vous.

 - La vache, t’es coriace, dit-il en riant entre deux soubresauts.

 - Parle, PARLE !

         Il détourna le regard, avant de s’éteindre doucement. Bell sentit les larmes lui monter aux yeux, elle avait tué cet homme, qui se refusait pourtant à la tuer.

         Une foule se rassembla, petit à petit. Les Ratels venaient constater la mort de leur meneur, et regarder la meurtrière. Cette petite chose aux grandes oreilles velues, qu’ils avaient eu l’ordre de capturer depuis des semaines, cette petite chose à moitié inconsciente.

         Des voix s’élevèrent, la foule s’écarta, pour laisser passer les nouveaux arrivants. Bell aperçut de grands cheveux violets s’agiter.

         Holly !

         La commandante l’aida à se relever, tentant de communiquer avec la jeune fille. Elles faisaient face à tout un groupe de Ratels, armés. Aucun n’osa bouger, personne ne dit un seul mot, ils venaient de voir leur chef respecté mourir, l’heure était au deuil.

 - Mon dieu Bell que s’est-il passé ici ? marmonna la piltovienne.

         Bell ne répondit pas, et se laissa porter par la grande femme. Du coin de l’œil, elle vit des hommes accroupis près d’un mur, et d’autres plus loin, près de corps. Une expression horrifiée déforma à nouveau son visage.

 - ILEAE !

         Les derniers excès d’adrénaline dans son corps lui permit de sauter des bras de la commandante, et de se précipiter vers l’un des blessés. Elle y trouva Klem, dont le corps gisait, dans des angles improbables. Elle respirait à peine, et les hommes d’Holly tentaient de la stabiliser.

         Elle releva la tête, avant de courir vers les deux autres, dont le médic. Ileae elle aussi était à terre. Les piltoviens avaient retiré la barre en fer qui l’avait traversée, et s’évertuaient à maintenir la blessure, épongeant le sang qui coulait doucement. La vastaya avait le souffle court, et faisait de son mieux pour rester consciente.

 - Ileae non ! cria Bell en se précipitant à ses côtés.

         Elle s’agenouilla, attrapant sa main pour l’enfouir dans les siennes.

 - B… Bell…

 - Je suis là, regarde je suis à côté.

         La scientifique leva difficilement la tête, tournant vers Bell un regard faible. Des larmes commencèrent à monter aux yeux de Bell, alors que son amie tentait de sourire.

 - J’ai… froid…

 - C’est rien, tu auras moins froid une fois rentrée.

 - J’ai mal…

 - Je suis là, répéta-t-elle en embrassant sa main. Ne me laisse pas, reste avec moi.

         Le souffle d’Ileae se fit plus faible encore, elle laissa tomber son menton sur son torse. Elle murmura des excuses.

 - Me laisse pas je t’en supplie, sanglota Bell. M’abandonne pas par pitié.

         Une main tira la yordle en arrière, qui fondit en sanglots Toutes les émotions réprimées depuis le début de leur mission ressurgirent, d’un seul coup, Bell s’effondra.

         Holly s’accroupit, caressant ses cheveux doucement.

 - Ils vont les sauver, dit-elle en parlant de ses hommes. Ça va aller ne t’inquiètes pas.

         Un grand sourire triste barrait le visage de la commandante, et une larme coula sur sa joue.

         Elle attrapa la yordle, recroquevillée, et la souleva, comme une mère portant un enfant apeuré. Elle se dirigea vers la sortie, fendant la foule de Ratels qui assistaient à la scène dans un silence de plomb.

 

***

 

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