Bell de Bilgewater

Chapitre 63 : Partie 4 - Chapitre 27

3027 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:58

           Chapitre 27

 

         L’air frais de la Décharge emplit leurs narines. À cette heure, la plupart des habitants étaient déjà levés, et au travail. Dans les rues, des regards pleins de compassion et des sourires accompagnèrent les jeunes filles.

         Sur la place centrale, une vingtaine de volontaires étaient repartis par petits groupes, tous armés et équipés. Nahia et Holly distribuaient les consignes, apprêtant tout le monde pour le départ.

         La cheffe salua les jeunes filles, avant d’entamer un petit discours devant tous. Ses mots d’encouragement se lièrent aux applaudissements des observateurs venus, soutenus par le regard inquiets mais déterminés des membres.

         Un à un, chaque groupe prit le départ, vers les différents élévateurs menant à Zaun. Une fois tout le monde parti, les jeunes filles furent rejointes par Nahia, et Klem.

 - Comme notre dernière mission en groupe, dit Ileae en souriant, nous quatre.

 - Comme la première mission, en effet.

 - Et donc on va où comme ça ?

         Nahia guida le groupe au travers de la cavité, en direction des élévateurs. Le bruit assourdissant des câbles accompagna leur ascension, vers une des nombreuses cavités de Zaun.

         Le groupe sortit du bâtiment cachant l’ascenseur hurlant, pénétrant dans une rue zaunienne. Dès leur arrivée, le bruit des coups de feu retentit au loin, résonnant dans toute la gigantesque grotte.

 - District Anzis, commenta Klem, un des plus anciens districts. Les Ratels ont peu d’influence ici, nos alliés en ont profité et ont récupéré une partie de la zone.

 - Seule une poche Ratel résiste, compléta Nahia. D’après nos informateurs un laboratoire important s’y trouverait, mais il est défendu et rendu inaccessible.

         Le district se situait au sein d’une grande cavité de forme vaguement ovale, sombre, contrairement à la Décharge qui baignait dans la lumière de son disque. Abritant plusieurs milliers d’âmes, il était cependant séparé en deux par une crevasse large de plusieurs dizaines de mètres. C’est de l’autre côté que se trouvait leur objectif.

         Le groupe accéléra la marche, se rapprochant petit à petit des coups de feu éparses. À mesure qu’ils approchaient du front, les passants se firent plus rares, de même que le bruit des combats.

         Jusqu’au silence.

         Quelques voix leur parvinrent, des hommes discutaient plus loin. Le groupe déboucha dans une grande avenue, qui prenait la direction de leur objectif. La plupart des bâtiments, construits dans un mélange de pierre, d’acier et de verre, étaient vides, éventrés.

         Peu avant la fin de la route, une énorme série de barricades se dressait, faite de pavés, et de plaques de métal. Une dizaine de combattants veillaient derrière la barrière haute de presque trois mètres. Trois lignes successives de protection, recouvertes de plaque d’acier formant un toit.

 - Vous êtes Nahia c’est ça ? Lança une femme qui s’approcha. Bonjour Klem.

La zaunienne salua leur contact en silence, la suivant avec le reste du groupe.

 - Quelle est la situation ?

 - Pour tout vous dire, on piétine, admit la femme. Dès les premiers jours les Ratels se sont terrés de l’autre côté, ils ont fait sauter les ponts.

 - Celui-ci est le dernier qui reste, compléta Klem. Plus facile à défendre. Dans ce district le soulèvement date d’il y a déjà deux semaines, dit-elle à l’intention des jeunes filles.

 - Ils doivent tenir à leur labo, marmonna Nahia. Leurs moyens ?

         La soldate les invita à pénétrer un bâtiment. Elle les mena vers une pièce bordant la rue qui longeait la crevasse. Les fenêtres avaient été remplacées par de lourdes plaques de métal, percées de petites ouvertures.

         En jetant un œil, Bell constata l’envergure du problème. Un gigantesque ravin se dressait en bas, la séparant du territoire Rare. Le pont apparaissait comme un véritable no-man’s-land, un épais nuage de Gris recouvrait le fossé, interdisant leur vision de l’autre côté.

 - Quiconque tente de passer est systématiquement abattu, soupira la soldate. Des jours que nous sommes coincés ici.

 - Au moins les deux tiers du district ont été libérés, sourit Nahia. Vous avez fait du bon boulot.

 - Merci, on compte sur vous pour prendre la situation en main.

         Sur ces mots, la zaunienne guida le groupe dehors. Elles approchèrent de la dernière ligne de la barricade, séparées en deux sections par une ouverture donnant l’impression de mener à une petite grotte. Elles pénétrèrent sous les grandes plaques de fer. Entre deux barrières de pavés, des hommes et femmes étaient assis, à jouer aux cartes, discutant avec le sourire à la lumière d’appareils chemtech. D’autres se reposaient dans des couchettes.

         Par un des deux passages menant de la seconde, elles arrivèrent derrière la dernière barricade. Une épaisse couche de pavés, de plaques métalliques, les séparaient du carrefour du pont.

 - Comme vous pouvez le voir, expliqua la soldate, on n’y voit rien, et ce depuis des jours. Dès qu’on s’approche du pont ils nous canardent.

 - Tireurs embusqués ? Demanda Klem.

 - Oui, nous avons repéré plusieurs positions, mais ce n’est pas le plus inquiétant.

         Un bruit assourdissant retentit, puis d’un second. Chacun fut suivi d’un son de fracas explosif, et d’un impact si puissant qu’ils firent sursauter les occupants de l’abri.

 - Des canons, comprit Bell. Ils ont des canons. Comme sur nos navires.

 - Leur armement est différent de ceux en marine, dit Nahia. Leurs canons sont plus petits.

 - C’est exact, acquiesça la soldate en les raccompagnant dehors. Ils sont limités par leur emplacement. Les bâtiments de l’autre côté sont des immeubles d’habitation, ils ne permettent pas d’accueillir des plus grosses armes.

 - Combien en ont-ils ?

 - Trois en théorie, dans des fortifications improvisées à des étages différents. Les autres pièces ont été détruites.

 - Un moyen de les détruire à distance ?

 - Pas d’ici, le Gris nous empêche de les voir.

         Klem réfléchit un instant. La venue d’une pièce d’artillerie ici serait possible, mais son utilisation requêterait de s’approcher, mais leur lenteur les rendrait vulnérables aux tireurs embusqués.

-       Montrez-moi vos armes.

         La zaunienne les invita à la suivre, vers un immeuble un peu plus en retrait. Là, un stock d’armes et de munitions attendait d’être utilisé. La soldate attrapa une grande tige en fer se terminant par une espèce de champignon en métal.

 - Ce petit bijou nous permettrait de détruire leurs positions d’artillerie.

 - Combien on en a ?

 - Deux, soupira la soldate, les autres ont été utilisés lors de plusieurs tentatives.

         Un silence emplit la pièce, chacun cherchant des idées qui leur permettraient d’utiliser leur matériel à bon escient.

-       Ont-ils la possibilité de tirer sur le pont ? Demanda Ileae.

-       Non, répondit la soldate, ils sont dans les bâtiments c’est trop bas.

-       Alors on doit s’approcher, j’ai une idée suivez-moi.

         La vastaya s’engagea dehors, rapidement suivie par le groupe. Elle sembla chercher quelque chose du regard, défit son lourd paquetage, avant de se diriger d’un pas sûr vers un bâtiment abandonné. Sous les regards incompréhensifs de ses camarades, elle arma son fusil, et se mit en joue.

         Deux coups de feu furent tirés. Les puissantes décharges d’énergie fusèrent, et touchèrent les gongs énorme porte en acier. Cette dernière, large d’au moins deux mètres, pour une hauteur de quatre, bascula et tomba sur le sol.

 - Nous aurons notre protection, dit-elle en souriant.

         Le regard de Nahia s’éclaira tandis que la scientifique continuait son œuvre. Elle sortit de son sac un outil, se saisit d’un morceau de fer tordu qu’elle souda à la porte, pour en faire des poignées. Puis, devant le regard étonné de ses amis, souleva la plaque sans trop d’efforts, pour en tester la solidité.

 - Bell, Klem et moi on vous couvre, et vous, dit-elle à la soldate, trouvez-nous des tireurs.

 - Sans problème. Quel est le plan ?

         Tandis qu’Ileae s’affairait à préparer une seconde plaque, Nahia s’approcha de la barricade.

 - On utilise les plaques pour s’approcher et viser, vous les abattrez lorsque le Gris sera moins épais. Une fois de l’autre côté, on supprime les tireurs, et on s’empare de l’autre versant.

 - C’est ingénieux, commenta la zaunienne.

 - Remerciez la vastaya, elle est maligne. Reste à savoir qui portera la seconde protection.

         Un bruit métallique leur parvint. D’une seule main, Klem souleva la seconde porte d’acier.

 - Modifications, sourit la soldate. Joli.

         La zaunienne fit signe à Bell et Nahia de la suivre. Comme d’un seul homme, chacun des membres du groupe sortit son fusil, avant de grimper sur le toit de la barricade. La jeune yordle défit son arme en bandoulière, vérifia les mécanismes, et grimpa.

         Le dessus de la barricade n’était protégé que par le premier mur, plus haut. Elle se plaça, aux côtés de ses camarades, ainsi que d’autres zauniens armés de fusils standards. Le silence pesant ne fut interrompu que par le bruit des pas de Klem et Ileae. Bell regarda les deux jeunes femmes se placer, portant sans mal les lourdes plaques de métal. Comme dans tous les districts situés en souterrain, le leur baignait dans une pénombre, mélangée à un très épais Gris, bloquant leur vue a une douzaine de mètres. La zone sinistrée avait vu la plupart de ses éclairages détruits, seules les lampes des combattants brillaient faiblement.

         Klem et Ileae sautèrent en bas de la barricade, atterrissant lourdement sur le pavage. Elles se placèrent côte à côte, avant de soulever leur plaques pour former une pointe protectrice. Quatre zauniens se mirent en position derrière, équipés de fusils et des lance-roquettes.

         Nahia donna son signal, et le groupe entama sa marche. Lentement, ils s’approchèrent de la crevasse. Ils s’engagèrent, tandis que les tireurs sur la barricade se tenaient prêts à appuyer leurs camarades.

 

PAN

 

         Un coup de feu retentit, immédiatement suivi du bruit d’un ricochet métallique.

Ils tirent sur Ileae.

         Bell épaula son fusil, scrutant en face d’elle tandis que de nombreux coups de feu ricochaient contre le métal et la pierre. Elle ne pouvait même pas distinguer les bâtiments de l’autre rive. Un autre bruit retentit, et une vive lumière verte illumina le champ de bataille.

Une fusée éclairante… comprit la yordle, je les vois !

         La lumière incandescente faisait timidement apparaitre les façades face à eux. D’autres bâtiments zauniens se dressaient, impassibles. On pouvait aisément distinguer plusieurs positions renforcées à des étages divers, dans plusieurs immeubles, seules trois étaient en état.

         Les coups de feu reprirent, mais cette fois, les alliés répliquèrent. Les détonations et la vibration des coups saisirent les oreilles de la jeune fille. En contrebas, elle voyait le groupe progresser vers le centre du pont. Ileae tenait bon, au grand soulagement de Bell.

         Un impact fit voler un pavé en éclats à côté d’elle, la tirant de sa béatitude. Elle épaula à nouveau, et scruta les façades.

         Elle détecta un mouvement par une des fenêtres. Elle visa, et appuya sur la détente sans hésiter. Une vive décharge d’énergie rouge fila à toute vitesse vers sa cible, produisant un son aigu. La fenêtre vola en éclata, une forme tomba.

         Autour de la yordle, quelques combattants la fixaient, bouche bée.

         Elle se concentra sur ses tirs, accompagnés de Nahia, et de leurs alliés. En bas, leur groupe progressait, et arriva bientôt au milieu du pont.

 

BOOM. BOOM.

 

         Le bruit d’un canon retentit, faisant sursauter tout le monde, et une fraction après, un pan de mur explosa, projetant deux de leurs hommes en arrière. Tandis que d’autres s’occupaient des blessés inertes, Klem et Ileae posèrent les plaques, les maintenant fermement au milieu du pont.

         Comprenant qu’ils s’apprêtaient à tirer les explosifs, la soldate exhorta les troupes à redoubler d’efforts. Grâce à leur couverture, deux des zauniens en bas sortirent de leur abri, et comme d’un seul homme, tirèrent.

 

BOOM

 

         Deux des trois positions d’artillerie explosèrent dans un fracas assourdissant. Bell sourit, l’opération se déroulait comme prévu.

Après quelques secondes d’accalmie, les échanges de tir reprirent, plusieurs zauniens tombèrent de leur côté, certains ne furent que blessés, d’autres n’eurent pas cette chance.

 

BOOM

 

         Un autre coup de canon retentit. La troisième pièce, comprit Bell. Elle repéra dans la pénombre d’où le coup était parti. Du coin de l’œil elle remarqua que Nahia la regardait. Cette dernière montra son fusil, puis désigna le dernier canon, situé dans une tour qui sortait du bâtiment.

         Bell hocha la tête, et se mit en joue. Elle saisissait l’idée de la cheffe.

Elle régla la puissance, puis pressa la détente. Sans lâcher.

         Le deux yordles se crampèrent sur leur position, synchronisées, et lâchèrent dans un même temps la pression à leur doigt.

         Un bruit retentit, si difforme qu’il ne s’approchait de rien de naturel. Deux salves rouges fusèrent vers le bâtiment, laissant derrière elles une traînée de sang vif dans le Gris. Les décharges frappèrent en même temps, si fort que la pierre et l’acier furent fissurés et déformés. Dans un craquement sinistre, la tour commença à pencher, puis chuta lentement dans l’abîme, emportant avec elle ses occupants et le canon.

         Des cris résonnèrent dans la rue, des dizaines de zauniens armés prirent d’assaut le pont, sous les tirs des Ratels. Bell, Nahia et les soldats sur la barricade firent de leur mieux pour couvrir leurs alliés, tentant de neutraliser autant de tireurs que possible.

         Les combattants déferlèrent dans les bâtiments, et en quelques minutes, le carrefour bordant la rive opposée fut conquis. Le calme revint, le silence pesait sur les soldats.

         Ils avaient réussi.

 

***


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