Bell de Bilgewater

Chapitre 61 : Partie 4 - Chapitre 25

3691 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:57

           Chapitre 25

 

         Le cliquetis d’une serrure résonna dans la pièce, suivi du grincement d’une lourde porte. Une faible lumière pénétra la pièce, suivi de bruits de pas. L’homme, assis sur une paillasse contre un mur, releva la tête.

         Il sourit tristement.

 - Bonjour Krenn.

         Le professeur se releva doucement, frottant la blouse sale qu’il portait. Il tira une chaise qu’il plaça devant les barreaux qui scindaient la pièce en deux.

 - Bonjour jeune Bell, répondit-il avec une voix faible. Que me vaut l’honneur de ta visite ?

         La yordle serra les poings, luttant pour ne pas se mettre en colère. L’homme passa nonchalamment la main dans ses cheveux hirsutes.

 - J’ai quelques questions à vous poser, et vous avez les réponses.

 - Répondre à des questions… soupira-t-il. Je ne fais que ça depuis votre agression.

 - On en serait pas là sans vos expériences immondes, sans votre kidnapping.

 - C’est de bonne guerre en effet, j’ai mérité ce qu’il m’arrive non ? C’est ce que tu penses.

         La yordle soupira à son tour. Elle alla chercher une chaise à son tour, avant de sauter pour s’asseoir.

 - Que faisiez-vous dans votre laboratoire ? commença par demander Bell.

 - Eh bien, des recherches. L’un des cœurs de notre travail est la Ruine, l’infection causée par la Brume Noire.

 - Vous mentez, rétorqua Bell sèchement. Vous ne cherchez pas à soigner les gens, vous les utilisez.

 - C’est une nuance encombrante jeune fille. Il n’y a pas que tes employeurs qui cherchent des solutions, l’ordre de l’ambre quelle blague… Nos méthodes sont juste différentes.

 - VOUS AVEZ TUÉ SES PARENTS ! enragea la navigatrice. Eux et tant d’autres, vous êtes un monstre Krenn.

         Le professeur détourna le regard. Bell ne sut pas dire s’il était sincèrement peiné, ou si il feignait le remords.

 - Je suis désolé pour ton amie, dit-il finalement. Et pour tous les autres. Mes méthodes déplaisent, mais personne n’a autant progressé que moi. Pense à tous les infectés que l’on pourrait sauver au travers tout Runeterra !

 - Vous avez contaminé ces gens, vous les avez tués. Pourquoi, et comment ?

 - Les cas d’infectés sont rares, et ils ne restent stable que quelques jours. Impossible de faire venir les malades d’ailleurs, ils se transformeraient avant.

 - Vous me dégoûtez.

 - Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez, vous êtes plus préoccupés par vos principes que par les véritables personnes qui souffrent.

         Bell serra les poings. Les paroles du professeur provoquaient en elle une vague de chaleur, bouillonnante dans ses veines. Elle avait envie de pénétrer la cellule, et de lui faire passer l’envie de justifier ses atrocités.

 - Changeons de sujet. Que m’avez-vous fait ?

 - Comment-ça ? demanda le professeur intrigué.

         Bell s’approcha des barreaux, se plaçant face à l’homme. À la lumière, il comprit en voyant son ancienne prisonnière.

 - Intéressant, tu as subi d’autres changements ? Des voix dans ta tête ? Des pouvoirs ?

 - Que… Comment vous savez tout ça ? Ça veut dire quoi ?

 - Aucune idée, lâcha-t-il en déplaçant dans sa cellule. Mais c’est intéressant.

 - Que m’avez-vous fait !? s’emporta Bell. RÉPONDEZ !

         Le professeur était de plus en plus agité, nerveux. Il parlait plus vite, comme si son esprit était en proie à de trop nombreuses pensées.

 - Rien que je ne puisse t’expliquer en détail, dit-il en souriant. Je n’ai fait que te donner un petit coup de pouce.

 - Vous ne m’aidez pas là.

 - Quoi qu’il se passe, expliqua-t-il en se rapprochant, ça vient de toi. C’était en toi, je n’ai fait que l’aider à sortir.

         Bell remarqua une lueur nouvelle dans les yeux de l’homme. Il était différent, comme s’il laissait… sincère.

 - De quoi ? Qu’est-ce que vous avez aidé ?

 - Le changement ! s’écria-t-il en reculant, les bras levé. Le grand changement ! Mais je t’en dis trop… Il m’en voudrait.

 - Qui ça ?

 - Je doute que ce soit le bon moment pour t’en parler. Oh pauvre Bell, on te cache tellement de choses. Ce n’est pas à moi de te donner ces réponses.

 - Vous pensez tout savoir, vous croupissez au fond d’une cellule, et malgré ça vous restez confiant.

 - C’est énervant n’est-ce pas ? Alors que penser du fait que ton propre entourage te cache certaines choses ? Tes bienfaiteurs sont-ils si bénéfiques que cela ? Dis-moi jeune Bell, as-tu confiance en chaque personne que tu croises, surtout lorsqu’elle te connait déjà ?

         Tout en parlant, le professeur allait et venait dans sa cellule, comme un animal enfermé. Il semblait presque parler seul.

         Les pensées de Bell fusaient à toute vitesse dans a tête. Disait-il vrai ? Se pourrait-il que certaines connaissances lui soient cachées par ses compagnons ? Non ils ne feraient pas ça…

 - Qui me ferait-une telle chose ? demanda-t-elle.

 - Non… non tu ne te poses pas les bonnes question.

 - Pourquoi moi ?

         Le piltovien colla son visage entre deux barreaux, fixant la jeune fille. L’habituel homme souriant avec confiance avait disparu, remplacé par un Krenn qui semblait de moins en moins sain d’esprit.

 - Ceci jeune fille, est une question pertinente. Qu’est-ce qu’une petite yordle insignifiante aurait d’important ? Oui… Non ! Elle ne vaut pas la puissance de la science ! Pourtant c’est vous qu’Il veut.

         Plus le professeur parlait, plus son esprit semblait distant.

Il perd la raison…

 - Toi, et tes compagnons, lança-t-il en s’asseyant sur sa paillasse. Vous avez tous votre rôle à jouer. Je ne peux pas t’en dire plus.

         L’homme se coucha, en boule, la tête dans ses mains.

 - Non… attendez, j’ai besoin de réponses.

         Le piltovien resta silencieux, recroquevillé sur sa paillasse. Bell insista, mais rien n’y fit, il ne dit plus un mot.

 

***

 

         L’interrogatoire du professeur lui avait permis d’obtenir quelques réponses, mais encore plus de questions. Le piltovien semblait cependant confirmer ce qu’elle avait dit à Hekins et son ordre de l’Ambre, une force était en action, restait maintenant à savoir si elle se cachait ou non dans Zaun.

         Elle souhaitait parler de tout ça avec Ileae, elle avait besoin de son amie vastaya près d’elle. Pour le moment, elle avait promis de la retrouver à son atelier pour tester ses dernières création.

         Dans une cavité périphérique, un grand bâtiment surplombait les autres, il s’agissait de l’endroit qui servait d’ordinaire aux réparations de machines. La scientifique y avait installé son atelier, où elle travaillait depuis de nombreuses semaines maintenant.

         En pénétrant l’édifice de métal, elle constata à nouveau l’évidence de la présence de son amie. Les murs étaient jonchés de dessins, schémas plans et calculs, les meubles croulaient sous les objets posés un peu partout. Bell le savait, seule la vastaya savait se retrouver au sein de son bazar.

         Du coin de l’œil, elle aperçut des machines, avec plusieurs petits bras. Elle reconnut immédiatement le type d’appareil qui servait à confectionner les cristaux magiques que son amie avait créés.

         La yordle frissonna, sa première rencontre avec un de ces engins avait été musclée. Elle avait aidé à en maîtriser une qui s’était mise à tirer des lasers dans toute la pièce. Elle sourit, il s’agissait aussi de la première fois qu’elle avait parlé à Ileae.

         Des voix s’élevèrent d’une pièce plus loin. Bell s’y dirigea, et trouva tout un attroupement réuni autour d’une table.

         Nahia et son amie Klem, ainsi qu’Holly et ses Hommes, regardaient attentivement un objet posé sur un piédestal.

         Une arme.

 - Bell est là ! l’accueillit la cheffe en souriant. Ileae ne voulait pas commencer sans toi.

         La jeune yordle se fraya une place aux côtés de son aînée, avant de porter son attention sur l’objet. Il s’agissait d’un fusil, à l’allure toute particulière. Il était imposant, long de plus d’un mètre, une magnifique pièce de menuiserie maintenue par un travail du métal impeccable.

         Trois cristaux d’un rouge sang brillaient sur celui-ci, un petit à l’avant, un moyen au milieu, et un très imposant un peu avant la crosse. Bien que ces derniers aient été directement coulés dans l’objet, de par leur procédé de fabrication, ils avaient été finement taillés pour leur donner un aspect de bijou.

         Bell se souvint que le mentor de son amie, Johan Grimbel, était aussi joaillier, et devina d’où ces talents lui venaient.

 - Bien ! lança Ileae en tapant dans ses mains. On peut se lancer maintenant.

         Le groupe cessa de discuter, pour se concentrer sur la présentation de cette bien curieuse arme.

 - Mesdames et messieurs, entama théâtralement la vastaya, je vous présente le fruit de mes récents travaux : le fusil Mle S-01 ! C’est une arme non-léthale, et la première arme magique à basse puissance !

         Bell avait entendu parler de quelques prototypes d’armes exploitant les cristaux Hextech. Leur puissance était telle qu’hormis tuer, ces armes étaient surtout connues pour leur capacité de dévastation.

 - Pourquoi modèle S-01 ? intervint Nahia. Et pourquoi non léthal ?

 - S pour Sinensis, c’est mon nom, expliqua Ileae. Son but sera de nous aider lors de nos missions, sans pour autant provoquer de massacre.

         La vastaya jeta un regard à Holly, qui ne broncha pas.

 - Cette arme, continua la scientifique, possède plusieurs modes d’utilisation. Le stade un permet un tir de faible puissance, les décharges sapent les forces de la cible, jusqu’à provoquer une perte de conscience.

         Sur ces mots, elle se saisit de l’objet, arma un levier secondaire d’un geste vif, avant de se mettre en joue. Elle pointait le canon vers un mannequin dans un coin opposé de l’atelier. Tenant fermement le fusil, elle tira une salve de décharges sur sa cible, une série de petites impulsions rouge sang fusèrent, frappant le mannequin.

         Ileae saisit fermement son arme, et actionna le levier de culasse, qui laissa échapper une vapeur rosâtre.

 - Voilà pour le premier stade, sourit-elle, le second n’est qu’une version plus puissante du premier : moins de précision, de tirs avant surchauffe, mais plus d’efficacité, et une puissance d’arrêt à l’impact.

 - L’action du levier permet de laisser s’échapper les résidus d’énergie, intervient Holly, c’est ça ?

 - Exactement ! Pas de cartouches, les cristaux ont une capacité d’une vingtaine à deux centaines de coups en fonction de la puissance sollicitée. Plus les tirs sont puissants, plus courtes seront les intervalles entre les refroidissements.

 - Et qu’en est-il du troisième mode ?

         La vastaya afficha un grand sourire satisfait, ravie de l’intérêt de son public à l’égard de son travail.

         Elle arma le dernier mode, se plaça en joue face au mannequin. Elle raffermit ses appuis, et actionna la détente.

         L’arme vibra un instant, Bell n’eut même pas besoin de se concentrer pour voir des flux d’un rouge aussi intense que celui de la chevelure de son amie jaillir des cristaux, tournoyant autour de l’arme.

         Une salve d’une puissance foudroyante jaillit du canon, fusant sur le mannequin. La puissance du tir fit reculer Ileae de quelques centimètres.

         L’objet frappé de plein fouet vola et s’écrasa violement contre le mur du bâtiment. Un silence régnait dans la pièce, tous impressionnés par la démonstration.

 - Chose intéressante, le troisième mode vous permet de rester quelques secondes appuyé sur la détente, ce qui charge un tir encore plus puissant. Cependant, il vous faudra actionner le levier entre chaque coup. Alors, vous en pensez quoi ?

         Bell, comme une bonne partie de l’auditoire, resta bouche bée. La commandante piltovienne elle, souriait

 - Très impressionnant, remarqua-t-elle. Peut-on l’essayer ?

 - Évidemment !

         Pleine d’entrain, la vastaya invita le groupe à la suivre dehors. Elle les mena vers un stand de tir improvisé. Nahia, Klem et Holly purent essayer différents modèles. Ce fut ensuite le tour de l’escouade Êta, qui jugea l’arsenal intéressant. La scientifique leur confia un modèle à chacun.

         Ce fut au tour de Bell de tenter sa chance. Son amie lui tendit une arme, mais un détail la frappa. Le fusil était bien plus grand que la yordle, d’au moins une trentaine de centimètres.

         La jeune fille, convaincue, refusa de laisser passer sa chance, et insista pour tester, sous le regard amusé de ses camarades.

 - Très bien, lui expliqua la scientifique, maintiens bien ton arme, fermement mais pas trop, ne sois pas trop rigide. Quand tu te sens prête, tir. Surtout, ne la lâche pas !

         Bell se plaça, prit le temps de viser le mannequin à l’autre bout du terrain, avant d’appuyer sur la détente. Cependant, elle avait oublié une chose.

         Relâcher la détente.

         L’arme vibra un court instant, avant de cracher une salve d’énergie surpuissante. La fraction de seconde suivante, la minuscule yordle fut projetée en arrière. Volant sur plusieurs mètres, elle atterrît sur une cabane en bois qui s’affaissa sur elle dans un fracas assourdissant.

 - BELL !

         La vastaya se précipita vers le point d’impact. Elle dégagea les planches et débris aussi vite que possible, guidée par les gémissements de douleur. Elle finit par retrouver son amie. À moitié allongé, sous le choc, elle ne semblait pas blessée.

 - Ça va !? Tu n’as rien !?

 - Non je… j’ai pas lâché t’as vu.

 - Ah ça on a vu, répondit la vastaya en l’aidant à se relever. Viens par là.

 

***

 

         Suite à l’incident de tir, accompagnant le vol d’essai de la yordle, Ileae fit le choix de développer de nouveaux modèles, plus petits. Bell, pas découragée, aida son amie durant plusieurs jours, toujours ravie d’apporter un peu d’aide où elle pouvait. La vastaya avait même pour idée de concevoir un modèle précis pour les yordles, et autres individus d’espèces à la petite taille.

         Dans un même temps, les deux continuèrent à rendre visite aux enfants de la mine, participant aux jeux, courses, et séances de bricolage dans leur repaire.

La situation dans Zaun changea brusquement. Les liens tissés par la Décharge avaient portes leurs fruits, la cité commençait à se soulever. Dans nombre de districts, les gangs, ou ce qu’il en restait, prirent les armes, fournies par leur camarade du clan des Poinçonneurs.

         Zaun entra en guerre civile interne.

         Maintenant, les Ratels auraient à lutter contre les piltoviens à la surface, contre l’union des gangs reprenant le contrôle de leurs territoires, ainsi qu’aux tentatives de mutineries.

         Dans les premiers jours, Bell et Ileae espérèrent que l’évolution du conflit leur permettrait de trouver une voie de sortie. En effet, les renégats purent libérer quelques districts et quartiers, mais les forces Ratels restant conséquentes, chaque jour se transforma en lutte pour conserver ce qui était récupéré.

         Derrière d’immenses barricades, les zauniens luttaient contre leurs frères et sœurs.

         La fin approchait. Bell le sentait.

 

         La yordle, comme promis, parla du tatouage proposé par la cheffe et Klem a son amie. Cette dernière fut ravie de la proposition, considérant la proposition avec joie, à condition que Bell accepte elle aussi.

         Pour sa part, cette dernière mit plusieurs jours à se décider, le tatouage à Bilgewater était considéré comme une tradition. Elle doutait. Recevoir son premier tatouage dans de telles circonstances, d’être digne de cette marque. Finalement, c’est son amie vastaya qui acheva de la convaincre.

         Ayant reçu la nouvelle, Nahia les convoqua chez une des habitantes de la Décharge, leur tatoueuse. Une femme d’origine ionienne accueillit le duo en souriant.

 - Bonjour jeunes filles, enchantée. Je crois savoir pourquoi vous êtes ici.

         Elle lança un regarde souriant à la cheffe qui les accompagnait, avant de guider les jeunes dans une salle derrière.

 - Dites-moi tout, où voulez-vous votre marque ? Demanda l’artiste.

 - Eh bien, sais là, indiqua Ileae. Juste en haut de l’omoplate.

 - Oh excellent choix, c’est une zone simple. Et toi jeune yordle ?

 - Je… je sais pas trop, admit Bell. Avec la fourrure…

 - Oh tu sais, ce tatouage est spécial, les poils qui poussent dessus se teintent des mêmes couleurs, il sera visible partout !

         La yordle réfléchit une seconde. Malgré l’explication de la tatoueuse, elle souhaitait une zone ou sa fourrure était le moins épaisse.

 - Je voudrais le même endroit s’il vous plaît, mais l’autre épaule.

         Le regard de l’artiste passa de la yordle, à la vastaya, avant qu’elle lance un sourire malicieux.

 - Je vois… je vois… Au travail alors !

         De longues minutes s’écoulèrent, tandis que la peau des deux filles se noircissait sous les assauts de la pointe de la tatoueuse. Une fois l’œuvre terminée, Bell et Ileae purent admirer leur marque.

         Ensemble.

 

***

 

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