Bell de Bilgewater
Chapitre 23
Le puissant bruit des élévateurs emplissait la petite cage de fer, faisant presque bourdonner les oreilles de ses passages. Malgré cela, ce dernier accompagna une atmosphère de détente. Tout le monde rentrait, entier, et même plus.
L’escouade des forces de régulation se chargeait de transporter leur prisonnier. Le professeur n’avait pas encore repris connaissance, il aurait bientôt la joie de découvrir une geôle préparée spécialement pour lui. Bell et Ileae pour leur part étaient occupées à soutenir la sœur de cette dernière. L’élégante intendante en cheffe était très diminuée, en manque probable de nourriture et de sommeil depuis de nombreuses semaines.
Leur arrivée assez tardive ne fut pas accueillie par grand monde, seuls quelques curieux venaient discuter avec les piltoviens, heureux de voir tout le monde en vie. Leur regard changeait en voyant Krenn inconscient, sachant qui il était et ce qu’il représentait.
Dans la grande salle, Nahia trônait dans un haut fauteuil, face à la grande table et aux cartes. La cheffe était entourée de ses compagnons Klem et Venos, ainsi que la commandante piltovienne.
Alors que le groupe pénétrait la pièce, le regard de cette dernière passa de la satisfaction en voyant Krenn, à la surprise lorsqu’il croisa celui de Vira. Contre toute attente, la piltovienne ordonna l’enfermement de la vastaya. Sa sœur protesta immédiatement, protégeant sa sœur.
- Je vous interdis de porter la main sur elle, gronda-t-elle en serrant sa sœur plus fort. Elle est la seule famille qui me reste…
- C’est une traitresse, lâcha Holly, elle est avec eux, et lui.
La piltovienne regardait de haut le professeur inconscient. Tous dans la pièce savaient de près ou de loin le genre d’exactions perpétrées par l’homme, et ce qu’il représentait dans ce conflit.
En revanche, peu savaient le rôle qu’avait joué Vira dans la capture des deux jeunes filles.
- Elle était captive, ajouta Bell, je doute qu’elle représente un danger.
La militaire ne partageait pas l’avis des deux amies, et indiqua à ses hommes de se saisir de l’intendante vastaya. Bell relâcha la vastaya pour s’interposer, prête à réagir face aux membres de l’escouade.
- Ce n’est pas la première fois que vous vous trompez de cible, siffla-t-elle. Elle n’est pas notre ennemie.
- La jeune yordle et son amie ont contrecarré nos objectifs, dit le sergent à sa commandante. Les deux se sont opposées aux ordres et la zaunienne a même désactivé les explosifs.
- Vos ordres, ajouta Bell. Pas les miens.
Un air de surprise manqua de perturber le visage froid de la femme, qui regarda silencieusement la yordle. Elle n’avait pas pour habitude qu’on lui résiste, personne n’osait s’opposer à elle de peur des représailles/
D’une certaine manière, cette petite boule de fourrure rose était bien plus brave que la plupart des hommes et femmes qu’elle ait rencontrés.
Ou bien moins sensée.
- CALMEZ VOUS, cria une voix, VOUS ME FATIGUEZ.
Nahia s’était levée, s’interposant entre l’escouade et les jeunes amies.
- Je ne comprends rien à vos histoires, il va falloir m’expliquer un peu.
- La militaire, par désir de détruire un des ateliers de recherche Ratels, a ordonné la mort de nombreux zauniens retenus captifs et forcés de travailler, expliqua Vira d’une voix faible. Nous avons empêché cela.
- Et vous avez de concert laissé un avantage à nos ennemis, rétorqua Holly.
- Mademoiselle Bertillon, commença Nahia. J’apprécie votre compagnie, et votre aide, mais il serait de bon ton de vous rappeler une chose. Vous êtes ici à la Décharge, en Zaun, rien ne vous autorise à prendre vos aises.
- Vous êtes la première à dénoncer le problème que représentent les Ratels…
- Et donc ? l’interrompit la cheffe. Ce n’est pas en tuant leurs prisonniers qu’ils s’arrêteront.
- Les explosifs ont bien détonnés, intervint Ileae. J’ai diminué leur puissance, et saboté les machines sur lesquelles laisser des explosifs auraient été trop dangereux. Avec Vira.
Un sourire narquois vint barrer le visage de Bell, accompagnant un air de fierté sur celui de la cheffe. La commandante ne répondit rien, de même que ses camarades.
- Vous auriez dû nous parler de cette partie de vos plans, continua Nahia. Il n’y aura plus de plans secrets. Personne ici n’emprisonnera mes invités. Klem, aide nos amies à conduire cette jeune femme dans un appartement proche du leur.
- Très bien, je ferais selon vos règles. Il faut enfermer Krenn, dit Holly en croisant les bras. Comme convenu on l’extradera vers Piltover pour qu’il soit jugé.
- Pauvre de lui, souffla Nahia. La justice piltovienne est peut-être un sort plus douloureux que les rues de Zaun…
***
Bell, accompagnée de son amie vastaya, retrouva leur logement. Plusieurs jours en mission les avaient épuisées, elles rêvaient d’une grosse nuit de sommeil.
Quelques denrées leur avaient été déposées dans leur cuisine. Ileae reconnut l’œuvre de Klem, ayant eu une petite pensée pour elles à leur retour. Sans veiller elles s’endormirent, ensemble, dans le confort d’un lit, en sécurité.
Le lendemain, les deux choisirent de rester dans leur appartement, ne souhaitant ni croiser les piltoviens, ni personne, elles avaient besoin de calme. Bell passa sa journée à lire, dessiner et écrire. Elle souhaitait garder une trace de tout ce qu’il se passait, pour tout raconter à son grand père lorsqu’elle rentrerait. Il m’avait dit que Zaun était bien plus amusante que Piltover, pensa-t-elle avec un sourire, je comprends pourquoi.
Ileae quant à elle continua de travailler sur quelques schémas, dressant des tableaux et couchant sur papier des calculs et théories incompréhensibles pour la yordle. Elle semblait travailler sur des armes, toujours non léthales.
Le soir venu, la scientifique proposa à son amie de l’accompagner pour cuisiner, ce qu’elle accepta avec un grand sourire.
La scientifique était aussi excellent professeur, constatant avec joie que Bell se prêtait eu jeu, très volontaire. Elle avait passé du temps avec le cuistot du navire, Boniface, et était ravie de mettre la main à la pâte.
Quelques coups à la porte vinrent interrompre leur activité, Bell s’empressa de se laver les mains pour aller ouvrir.
Vira se tenait sur le pallier, un peu gênée.
- Bonsoir, dit-elle penaude. Je… n’ai pas de quoi manger, je peux m’inviter ?
La yordle réfléchit une seconde. Elle était partagée, d’une part l’intendante avait trahie sa confiance, ce qui avait mené à leur capture par Krenn, d’une autre elle savait que la vastaya s’était certainement fait manipuler…
- Je t’en prie entre, dit-elle en lui souriant. On a un peu trop préparé de toute manière.
La jeune femme pénétra l’appartement doucement. Entourée par le bazar dans lequel sa jeune sœur avait plongé le logement, elle sourit. Ça au moins n’avait pas changé.
- Et donc vous vivez ensemble… demanda-t-elle à la yordle.
- Oui.
- Et entre vous..?
- Comment ça ?
Vira laissa échapper un petit sourire, qu’elle cacha sous sa main avant de détourner le regard. Bell l’installa dans leur salon, tandis qu’elle et Ileae finissaient leur œuvre.
- Depuis combien de temps êtes-vous ici ? demanda l’intendante durant le repas. Et pourquoi n’êtes-vous pas remontées ?
- Depuis un peu plus de deux mois, expliqua Bell. La guerre civile nous en empêche.
- La guerre ? demanda Vira confuse.
L’expression confuse de l’intendante fit rapidement comprendre à Bell que la jeune femme n’avait pas été tenue au courant des récents évènements.
- Longue histoire… commença-t-elle. On s’est échappé du laboratoire, entre temps les Ratels du Puisard ont lancé une guerre de territoire contre Zaun, prenant d’abord le contrôle d’une majeure partie de la cité. Ils ont ensuite formé un blocus aux frontières de Piltover, et s’affrontent.
- C’est un des gangs les plus discrets, paniqua Vira, mais aussi extrêmes que nombreux. J’ai raté ça…
- Actuellement les combats continuent à la surface, on ne peut plus remonter… En bas ils patrouillent à notre recherche, ils capturent des tas de gens pour les faire travailler ou combattre.
- C’est terrible… Vous vous en êtes pas mal sorties au final. Tu as un peu changé non..?
Bell regarda rapidement ses mains. Ah oui, la fourrure rose.
- Eh bien… Il y a eu les expériences de Krenn… et puis quelques aventures ici-bas, on a eu de quoi s’occuper.
Depuis l’arrivée de sa sœur, Ileae n’avait pas lâché un seul mot. Elle regardait ailleurs, serrant les poings sous la table. Vira gênée, tenta de lui parler, mais elle ne répondait que par de brefs sons.
- Tu sais, que tu peux me parler… je suis toujours là.
- Je veux savoir pourquoi, lâcha Ileae la voix tremblante. Pourquoi t’as fait ça.
- Je ne savais pas… j’ai juste voulu…
- PÈRE ET MERE SONT MORTS. Cria-t-elle en frappant la table. Ils se sont probablement transformés en monstre avant de mourir, en souffrant…
Ileae se replia sur elle-même, la voix presque éteinte. Quelques larmes coulaient sur les écailles de ses joues. Bell, assise à côté, s’approcha et l’enserra de ses bras.
- Quelques jours avant tout ça, Krenn m’a contacté. Père et mère étaient venus à lui, ils étaient déjà infectés. Je les ai vu, j’ai pu leur parler… ils m’ont dit de ne pas t’en parler immédiatement.
Vira semblait avoir perdu la confiance dont elle faisait preuve auparavant. L’intendante était fatiguée, affaiblie, loin de l’apparence et de la confiance irréprochable dont elle faisait preuve quelques lors de leur rencontre en Piltover.
- Krenn a dit qu’il pouvait peut-être trouver une solution, continua-t-elle. Mais il avait besoin d’un élément qui changerait la donne dans ses recherches.
La jeune femme se tourna vers Bell, pointant un regard désolé sur la yordle.
- Cet élément c’était toi. Il avait besoin de toi, et m’a demandé de te faire venir. Je comptais t’y mener plus tard, mais finalement tu es venue avec ma sœur.
- A-t-il dit plus de choses sur moi ? demanda Bell curieuse. Je ne comprends pas ce qu’il me veut.
- Il n’a pas sauvé nos parents… soupira Vira. Tout ceci est ma faute pardonnez-moi.
Un long silence triste s’installa dans la pièce. Ileae tentait de recouvrer son calme, avec l’aide de Bell, tandis que l’intendante faisait de son mieux pour ne pas pleurer elle aussi.
Finalement, la yordle se leva, et s’approcha. Debout, elle était n’arrivait qu’au buste de la jeune femme, mais cela ne l’empêcha pas de la prendre à son tour dans ses bras.
Sans un mot, la vastaya lui rendit son étreinte, soulagée.
***