Bell de Bilgewater

Chapitre 50 : Partie 4 - Chapitre 14

4507 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:45

           Chapitre 14

 

         Bell, entre lecture et entraînement, aidait souvent aux réparations. Durant une journée entière, elle assista Venos sur la réparation d’une machine chargée de purifier l’air venant de Zaun. Les indications d’Ileae sur les pièces et les méthodes de réparation les aidèrent à remettre en marche certaines tombées en panne depuis des années.

         Avant d’arriver ici, Bell n’avait que très rarement bricolé. À la maison, Papy se chargeait de remettre en état leur logement lorsque nécessaire. Dans son travail, le vieil homme avait plus souvent affaire à des réparations d’appareils aux mécanismes aussi complexes que des horloges, pas à des machines énormes.

         Une voix retentit du couloir menant à la machinerie. Après avoir terminé les dernières opérations, Venos et elle commencèrent à amorcer leur redescente. En bas, Nahia attendant ses deux camarades.

 - Cheffe ! salua Venos. Content de vous voir, nous avons réparé un des anciens purificateurs.

 - C’est ce que je vois, dit-elle avec un sourire. Vous faites un excellent travail.

         Bell sourit. Elle était ravie de pouvoir apporter un peu d’aide.

 - Dis-moi jeune fille, que dirais tu de m’accompagner dehors ? Ça ne te dérange pas Venos ?

 - Oh nous avions fini notre journée, la rassura ce dernier. Une après-midi de réparation c’est bien assez.

 - Je te laisse prendre une douche et te préparer ? lança Nahia à la jeune yordle. Je t’attends à l’élévateur 7.

         La yordle s’exécuta et se dirigea vers ses appartements.

          Quelque minutes lui suffirent, douche rapide, des vêtements propres, elle claqua la porte de son logement pour rejoindre la cheffe qui l’attendait. Rien de tel qu’une petite sortie pour finir une journée, se dit Bell en souriant. Depuis quelques jours, avec la situation tendue, ses sorties étaient plus rares, plus dangereuses.

         La cheffe était mieux habillée que d’habitude, d’un manteau de cuir élégant. La yordle l’observa en approchant. Bien qu’elle soit âgée de plusieurs siècles, elle paraissait très jeune. Elle était en réalité un peu plus petite que Bell, environ soixante-cinq centimètres estimait-elle. Sa fine fourrure blanche laissait ressortir des yeux d’un vert éclatant, deux joyaux sertissant un visage surmonté d’une chevelure noire de jais.

         La cheffe l’accueillit avec un grand sourire, l’invitant à la suivre dans l’élévateur. La montée fut rapide, et bruyante, comme d’habitude. Elles émergèrent dans un district d’habitation relativement calme.

 - Où nous dirigeons-nous ? demanda la jeune fille à travers son masque.

 - Nous avons un entretient avec Ezra.

 - Le chef des Poinçonneurs ? Comment vont-ils ?

 - Nous verrons, pour l’instant ils ont l’air de s’en sortir.

         Elles parcoururent le district, en évitant soigneusement les patrouilles Ratels dans le coin. Malheureusement pour elles, aucun élévateur ne menait directement en territoire Poinçonneur. Elles contournèrent une des barricades armées des Ratels, sachant qu’elles ne parviendraient pas à passer les contrôles.

         Nahia avait eu vent d’un réseau de tunnels, désaffectés. À la base, ces derniers auraient dû servir à créer des conduites pour les réseaux chemtech, mais le projet avait été abandonné pour des raisons inconnues.

         Une fois dans la ravine accolée au district des Armuriers, les deux femmes purent pénétrer la périphérie sans problème. Les Ratels ne semblaient pas avoir pris possession des lieux.

         Après quelques minutes de marche dans un calme plat, elles arrivèrent dans une grande avenue. Derrière elles, le pont qu’elles avaient dû éviter se dressait, sans personne dessus.

         Une énorme barricade se dressait devant elles. Dans un amas apparaissant comme étrangement organisé, des plaques de métal, encastrées dans des piles de pavés déchaussés du sol formaient un mur. Les deux yordles se sentirent minuscules face à un tel ouvrage improvisé.

         Elles s’approchèrent en longeant les parois, avant d’arriver à un bâtiment. Devant une lourde porte de fer, menant de l’autre côté, deux zauniens armés montaient la garde.

         Nahia les salua, montrant aux deux une lettre. Ceux-ci reconnurent le sceau en bas, et les laissèrent pénétrer.

 - Ils ont l’air de bien se maintenir, commenta Bell une fois de l’autre côté.

 - Je doute que l’on ait besoin de trop s’inquiéter en effet.

         Derrière la barricade, de nombreux autres zauniens étaient assis à des tables, armes non loin. Hommes comme femmes participaient, et Bell devina à leurs visages que de nombreux affrontements avaient dû avoir lieu.

         Nahia demanda poliment son chemin à l’une d’entre eux, qui lui indiqua leur lieu de rendez-vous. Il s’agissait d’une demeure un peu plus grande que la moyenne, dans le centre du district. Au moins un qui ne fait pas dans l’extravagance, pensa la jeune yordle.

         Contrairement à la périphérie, les parties protégées du district étaient abondantes de vie, ce qui rassura les deux visiteuses. Les gens allaient et venaient, malgré l’atmosphère de guerre civile qui flottait dans l’air aux côtés du Gris.

         Un autre garde les accueillit, qui comme ses pairs, était équipé d’une arme. Bell regarda avec plus d’attention le fusil, qui lui sembla être bien différent de ce qu’elle avait vu jusqu’alors.

         Les habituels mousquets de Bilgewater lui parurent bien rudimentaire à côté de leurs carabines. Celles-ci avaient des cartouches en métal, contrairement aux revolvers qu’elle avait utilisé une semaine auparavant. Sur ces armes, nul besoin de charger soi-même la poudre et les balles par la bouche du canon, une ouverture sur le côté, et un levier, permettait un chargement et un armement rapide.

         On dirait le fusil de la commandante Holly, pensa Bell. Le souvenir de la grande et élégante femme lui rappela ses amis, toujours au-dessus, certainement morts d’inquiétude.

         Le garde les guida jusqu’au bureau du chef, sortant la jeune yordle de ses pensées.

 - Bonjour mes amies ! s’exclama l’homme en se levant. Je suis ravi de vous revoir, comment vous portez vous ?

 - Très bien, répondirent les yordles en chœur. Et vous ?

 - À merveille ! Nous avons beaucoup à nous dire !

         Il ment, put déceler Bell. En effet, il avait les traits tirés, son visage son sourire un peu forcé et son corps trahissaient son état physique. Les derniers jours ont dû être durs…

 - Vous vouliez vous parler, dit finalement Nahia. Nous n’avons pas eu l’occasion de nous revoir depuis votre évasion, quelles sont les nouvelles ?

         Le chef se rassit, poussant un long soupir tandis que son sourire se ternit légèrement.

 - Comme vous vous en doutez, les Ratels n’ont que moyennement apprécié notre départ, expliqua-t-il. Nous avons eu pour choix de nous rendre pour être exécutés, ou résister et plonger le district dans le conflit.

 - Je devine que vous ne vous êtes pas rendus. La question est : comment avez-vous tenu tête aux Ratels ?

 - Nous sommes inférieurs en nombre, très largement même, admit l’homme. Mais nous avons discuté avec les autres gangs du district, une bonne partie ont accepté de se joindre à nous.

 - C’est louable, commenta Nahia. Ça a suffi ?

 - Nous avons laissé le choix aux habitants, savoir si nous devions nous sacrifier pour une paix. Après avoir subi le traitement de ces terroristes, et vu les récentes attaques, la réponse a été unanime. Nous avons combattus, et nous sommes retranchés.

 - C’est impressionnant, souffla Bell. Les Ratels sont assez puissants pour tenir tête aux pacifieurs de Piltover.

         Un sourire reparut sur le visage du chef, cette fois sincère.

 - C’est ce qui nous a aidé. De plus, mes camarades ne sont pas bons qu’à la confection d’armes, nous savons nous battre. Et vous ? Nous ne savons même pas qui vous êtes ni d’où vous venez. Vous êtes des fantômes.

         Ce fut au tour de Nahia de sourire, elle savait que le secret de la Décharge tiendrait. Même si elle désirait se trouver des alliés, il était important que même eux en sachent le moins possible.

 - Nous sommes nombreux, dit simplement Nahia. Et nous sommes partout.

 - Quant à nous, nous sommes moins nombreux, et coincés ici, plaisanta Ezra. Cependant nous sommes bien équipés et apte à produire. C’est pour ça que je voulais vous parler.

 - Que proposez-vous ?

 - Nous sommes dans la même situation, face aux Ratels. De plus nous avons une dette envers vous. Nous pourrions vous entraider. D’autres gangs d’autres districts voudront certainement se soulever. Non seulement nous pourrions nous apporter beaucoup, mais nous pourrions aussi prendre les Ratels à revers.

 - Vous proposez d’enflammer tout Zaun pour une guerre civile ? demanda Nahia.

 - Nous sommes déjà en guerre, Vildoric contrôle quatre-vingts pourcent de la cité, et représente une menace sérieuse pour Piltover. Même si nous sommes opposés à ces aristos, nous ne pouvons pas gagner notre indépendance au prix de nos vies, et de notre liberté.

         Nahia acquiesça, pensive. Comme la plupart des zauniens, l’idée de se séparer de Piltover était alléchante, mais elle reconnaissait au poinçonneur un point, et crucial. Bell de son côté, se concentra une seconde. Elle souhaitait observer les flux de l’homme.

 - Qu’en penses-tu jeune yordle ? demanda le chef à l’intention de Bell.

 - Je… je ne sais pas je ne suis pas apte à donner mon avis.

 - Je t’ai invitée, ton avis m’intéresse.

         Bell réfléchit un instant.

 - Les Ratels sont dangereux, finit-elle par dire. Je pense qu’il faut les empêcher de nuire. Mais en même temps… Ils sont les seuls à s’être opposé à l’autorité de Piltover.

 - Quitter un impérialisme pour un autre en somme.

         Les flux de l’homme changèrent de teinte, vibrant un peu plus fort. Le chef semblait approuver ses mots.

 - Je pense… Que le mal reste le mal, quel que soit son degré. Son appréciation est floue et arbitraire, quitte à choisir, je préfère me tenir sur une autre position.

 - Qui est ? demanda l’homme, le regard rivé sur Bell.

 - Faire tomber les deux.

         L’homme resta stupéfait une seconde, puis s’esclaffa d’un puissant rire. Il lui fallut de longues secondes pour reprendre son souffle.

 - J’apprécie ta franchise, et ta façon de penser jeune fille. Tu me plais.

         La yordle rougit, gênée. Elle avait parlé sincèrement, les mots étaient venus sans même qu’elle ne réfléchisse, par instinct.

         Les filament qui tournoyait autour de l’homme s’étaient teinté d’une belle couleur violette, et vibraient paisiblement.

 - L’idée d’une alliance est intéressante, dit Nahia. Nous réfléchirons sur l’aspect guérilla, mais je pense que l’on peut beaucoup s’apporter mutuellement.

         Le chef s’accordait sur les propositions de Nahia. Ils échangèrent longuement, sur les détails de leur collaboration. D’une part, Nahia accepta que certains de ses ingénieurs gagnent la Décharge, sans qu’ils voient le chemin évidemment.

         De son côté, Nahia apporterait une aide logistique. La Décharge avait l’avantage de pouvoir envoyer ses membres dans une bonne moitié de Zaun, et seraient aptes à obtenir les renseignements et objets utiles aux Poinçonneurs.

         De plus, le chef était convaincu qu’ils pourraient nouer des relations avec d’autres gangs, qu’ils soient mineurs ou non. La Décharge devant rester secrète, elle aurait eu du mal à convaincre de potentiels alliés. Cependant, un gang certes petit néanmoins réputé opposant une résistance dans tout un district, voilà qui pouvait amener un véritable argument de poids.

         Jusqu’au début de soirée, les deux meneurs échangèrent, négocièrent, et planifièrent leurs actions futures. La Décharge pourrait aussi aider aux soins des blessés chez les Poinçonneurs, régulièrement victime d’assauts Ratels. Ces derniers semblaient plus prompts à laisser le gang rebelle de côté, pour se concentrer sur les forces piltoviennes.

         Les discussion finirent par arriver à leur terme, alors que la soirée approchait. Le chef de gang les accompagna vers la sortie, Bell pouvait sentir le soulagement qui émanait de lui. De ce qu’elle avait vu, les flux de l’homme semblaient laisser transparaître sincérité et calme.

 - Oh, jeune fille, lança-t-il à Bell. Je n’en ai pas eu l’occasion, mais merci encore, de nous être venus en aide.

         La yordle rougit, sous sa fourrure rose.

 - Quel est ton nom ?

 - Bell, répondit-elle.

 - C’est un joli nom. Bell comment ?

 - Bell tout court. De Bilgewater.

 

***

 

 - Alors ça y est on est en guerre ?

 - Nous oui, soupira Nahia, il semblerait. Toi et ton amie non, vous devez repartir pour Piltover au plus tôt.

 - Mais on peut vous aider ?

         Nahia s’arrêta. La cheffe, légèrement plus petite que Bell, planta son regard dans le sien, le visage ferme.

 - Ce n’est pas votre rôle, tu as ton propre combat à mener, un but et un voyage qui t’attendent là-haut.

 - Mais je…

 - Ces gens se battent pour leur vie, tu n’es pas obligée de risquer la tienne pour eux, pour nous.

         Bell regarda autour d’elle. De nombreux zauniens arpentaient les rues, la fatigue pouvait se lire sur leur visage. Ces derniers jours ont dû être durs… pensa la yordle. Des groupes d’hommes et de femmes, armés, se dirigeaient vers une des barricades, pour prendre la relève de leurs camarades.

 - Tu as déjà bien assez risqué ta vie, ajouta Nahia. Je ne peux pas t’en demander plus.

 - Tant que je suis ici, finit par dire Bell, j’irais où Ileae ira.

         La cheffe soupira, exaspérée, mais souriante tout de même. Dans le fond, elle lui rappelait Klem.

         Les deux yordles ressortirent du district par le même chemin qu’à l’aller. Après un contrôle de garde, un parcours discret dans les réseaux désaffectés, elles furent rapidement de retour dans le quartier où se situait l’élévateur. Nahia s’éclipsa quelques secondes pour acheter des plats à emporter auprès d’un marchand, et les deux purent déguster les spécialités zauniennes en descendant.

 

         Après cette dure journée, la yordle chercha à regagner ses appartements. Chaque jour passé dans les Tréfonds apportait son lot de changement, sans pour autant qu’elle ait l’impression de voir arriver le moment de leur sortie.

         Elle retrouva ses quartiers, et Ileae. La voir assise à son bureau la rassura. Elle se sentait plus détendue, et après l’avoir saluée, elle prit une longue douche.

 - Excuse moi je n’ai pas encore eu le temps de ranger, dit Ileae en tentant de mettre un peu d’ordre en panique.

         Lorsque la yordle se déplaçait dans l’appartement, elle devait faire attention où elle marchait. Des plans, tombés des bureaux ou s’étant décrochés des murs, jonchaient le sol, de même que quelques bricoles. Elle travaille autant assise à un bureau que par terre, sourit Bell.

         Elle en observa certains, de très nombreux croquis représentaient des machines des systèmes. Elle reconnut en vrac des pompes pour l’eau, des installations chemtech, des armes, des accessoires et gadgets divers, tous sortis de l’imagination de la vastaya.

         Plus les jours passaient, plus le logement commençait à ressembler à un laboratoire. Ou plutôt à la chambre de la jeune scientifique, dans le manoir Grimbel-Wajäard.

 - Comment avancent tes recherches ? demanda Bell.

 - Je progresse vite ! Les réparations sont presque terminées, les fermes verticales aussi. J’ai aussi un paquet d’idées.

 - Je vois ça…

         Bell s’assit à un bureau, à côté de son amie. Elle attrapa un crayon, ouvrit un de ses carnets pour y inscrire les endroits qu’elle devrait dessiner le lendemain. Ses cartes de Zaun continuaient d’évoluer, représenter la verticalité représentaient un véritable défi pour la jeune navigatrice.

 - Tu continueras ces travaux-ci en revenant à Piltover ? lança-t-elle à la vastaya penchée sur un appareil.

 - Je… ne sais pas trop. Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire. Toi tu feras quoi ?

         Bell griffonna quelques mots, pensive.

 - Non, oublie. C’est stupide comme question… finit par dire Ileae d’un air triste. Tu vas partir pour Targon le plus rapidement possible.

         Bell sentit comme un poids se poser sur son cœur. Elle avait encore tellement de chose à faire à Piltover, mais elle devait reprendre son voyage. C’est mon rêve… mais d’un autre côté ils ont besoin d’aide ici…

 - Pour le moment on doit trouver un moyen de remonter à Piltover.

 - Exact. Avec Klem on essaie de trouver des points de sortie, expliqua Ileae. Plus on monte plus les districts sont bien gardés, impossible de passer où que ce soit sans se faire abattre.

 - Je vois…

         Bell finit de consigner quelques indications qu’elle se réservait pour le lendemain, avant de refermer ses carnets. Elle rejoint le lit, et s’enfouit dans la couverture bien au chaud.

 - Tu sais utiliser la magie toi ?

 - Pas vraiment, répondit la vastaya. Ma sœur a un peu plus d’affinité avec que moi, mais chez moi c’est quasi nul.

 - C’est dû à quoi tu penses ? Le fait que certains y soient sensibles et d’autres non.

 - Aucune idée, mais c’est une question intéressante. Certaines espèces y sont plus sensibles, comme les vastayas, ou les yordles. Et chacun la voit à sa manière.

 - Personne ne voit la même chose ? Pourtant à l’académie la prof parlait de flux.

 - Chacun se fait sa représentation de la magie qui entoure les gens et les choses. Les flux sont un peu une base, mais d’autres la voient sous forme d’ondes, de brume, d’intensité de couleurs. Certains même ne la voient pas du tout ! Ils la ressentent, température, son, chacun a sa manière de l’appréhender.

 - Ça me parait bien obscur…

 - On a beaucoup de mal à rationaliser la magie, à la représenter, l’écrire et l’expliquer. Si tu devais décrire la manière dont tu agis comment ferais tu ?

 - Je dirais que pour l’instant, je suis capable de voir des flux, qui tournent autour de gens, de certains objets magiques. Je peux les capter, ils ont des formes et intensités de couleur, de vibration très distincts.

 - C’est amusant, dit Ileae pensivement, ta manière de les voir se base sur divers facteurs.

 - Je dirais aussi, continua la yordle, que c’est en visualisant un endroit, que je suis capable de demander à mes flux de m’y transporter. Instantanément.

 - Ton « Pas » c’est bien cela ?

         La yordle acquiesça. Elle savait que d’autres étaient capables de se transporter, ce qui est relativement peu courant comme forme de magie. Elle se demandait aussi quel était le lien avec ses flux.

 - Je me demande comment il fonctionne.

 - Lorsque je visualise mon arrivée à un endroit, expliqua Bell, je vois que mes flux s’y dirigent, et s’y amassent. Quand je le fais, j’ai une impression de chaleur, puis de froid immense, un peu comme si j’implosais… c’est difficile à décrire.

 - Et si, lorsque tu veux aller quelque part, tes flux s’y plaçaient, en créant une connexion. Ensuite, ils déstructureraient ton corps, pour le restructurer de l'autre côté. C’est assez courant chez certains mages capables de faire disparaître et réapparaitre des choses.

 - Tu veux dire, que je me décompose et me recompose à chaque Pas ?

 - En quelque sorte, acquiesça Ileae en souriant.

         Bell eut un frisson dans le dos. Que se passerait-il si je ne me recomposais pas ? se dit-elle.

 - La plupart des mages habitués des déplacements se basent soit sur une miniaturisation couplée à une vitesse énorme, soit à des portails. C’est la première fois que j’entends parler de ça.

 - J’ai aussi tenté d’observer les flux d’autres gens. J’ai l’impression qu’ils réagissent, quand on parle. Et cette autre fois chez les Ratels, contre l’infecté. J’ai… eu comme l’impression que je pouvais les toucher.

         Ileae réfléchit quelques instants. Elle avait passé assez de temps à étudier les mages et la magie, au cours de ses travaux sur ses cristaux, pour avoir une vague idée de son fonctionnement.

 - La plupart du temps, les mages utilisent ces flux que tu vois, souvent les leurs ou les sources naturelles. Les magies standard les exploitent, elles sont passives. En revanche, les magies plus actives, moins communes, peuvent les manipuler. C’est aussi rare que complexe, c’est par exemple ce qui permet à certains de prendre le contrôle du corps d’autres gens, ou même insufflent de la magie dans les choses ou les gens.

 - Je vois.

 - Tu as déjà essayé de contrôler quelqu’un ? demanda la scientifique. De faire briller une personne ?

 - Briller ? Attends tu crois que je pourrais faire ça ?

         La scientifique ouvrit un carnet à côté d’elle, notant frénétiquement ce qu’elles avaient dit jusqu’alors. Elle se leva et rejoint son amie dans le lit.

 - Je pense oui. Tu devrais demander conseils à ton amie Cynthia, elle est mage et très douée si je me souviens bien.

 - Je trouve ça effrayant… admit la yordle en s’emmitouflant un peu plus dans la couverture.

 - Je trouve ça classe, répondit Ileae. Peut-être que tu seras une mage de renom ! Voyageant à travers le monde avec son équipage.

         Bell sourit. Elle ne cherchait pas la gloire, mais avoir un nom connu jusqu’aux Quai-Abattoirs, ça c’était une idée intéressante. Elle ne put s’empêcher de déceler une pointe de tristesse dans la voix de son amie lorsqu’elle parlait de voyage.

 - On sera bientôt sortie d’affaire, ajouta la vastaya. J’en ai la conviction.

 

***

 

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