Bell de Bilgewater

Chapitre 49 : Partie 4 - Chapitre 13

2874 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:38

           Chapitre 13

 

 - Bell ! appela une voix.

         La yordle posa les caisses qu’elle transportait au sol, avant de se tourner dans la direction d’où provenait l’appel.

 - Bonjour Klem ! répondit-elle. Comment vas-tu ?

 - Très bien, sourit la zaunienne. Nahia m’a parlé de tes recherches et questions, j’ai quelque chose à te montrer.

 - J’ai quelques objets à livrer aux agriculteurs, j’arrive dès que j’ai fini !

 - Laisse-moi t’aider alors.

         Klem se pencha et ramassa une partie des caisses de la pile, pour suivre la jeune fille. Malgré sa très petite taille, Bell aidait au mieux, elle qui avait été accueillie à bras ouverts donnait de son temps et énergie à venir en aide aux réfugiés. Ces derniers étaient très gentils avec elle, reconnaissants envers celle qui les avait aidés à échapper aux ratels. Cependant, leur attention la gênait, elle préférait rester discrète.

         Les outils qu’elle portait servaient aux agriculteurs, dans une autre cavité reliée à la principale, les habitants de la Décharge avaient aménagés des champs sur les toits de nombreux bâtiments bâtis en paliers. Ils faisaient ici pousser de très nombreuses plantes, légumes comme fruits. Ces fermes pouvaient bénéficier de l’eau pure filtrée par la roche.

         Dans un pan de l’immense grotte, haute elle aussi de plusieurs dizaines de mètres, de hautes séries de fin bacs pendaient à des câbles reliant le sol et le plafond. Dans ces derniers d’autres plantes poussaient, reliées à une série de tuyaux.

 - Ileae fait des merveilles, commenta Klem. Elle nous a aidé à développer ces cultures verticales.

 - Permaculture, ajouta Bell, elle m’en a parlé. C’est impressionnant.

         Un zaunien approcha, les saluant. Il venait récupérer les caisses apportées par les deux femmes.

 - Vous en construisez plus ? demanda la yordle.

 - En effet ! Il faut au moins ça pour nourrir le monde supplémentaire. Nous aurons enfin des stocks en cas de problèmes.

         Klem acquiesça. Dans quelques temps ils pourraient commencer à exploiter les fermes verticales. Ces dernières, tout comme les cultures normales, bénéficiaient de la lumière des disques au plafond de la cavité, ayant les même propriétés qu’un soleil. Quelques jours avaient suffi à la jeune vastaya pour lancer ces projets.

         La Zaunienne donna à l’homme ses caisses, et entraîna Bell à sa suite après avoir pris congé de l’agriculteur.

         Quelques minutes de marche les menèrent dans un des souterrains du grand bâtiment au centre de la Décharge. Dans un couloir, Bell pénétra une pièce immense, et un sourire apparut sur son visage.

 - Voici nos archives, dit la zaunienne amusée en voyant la yordle trépigner. Peut-être trouveras-tu des choses intéressantes.

 - Merci beaucoup Klem. Je pense que je vais passer un peu de temps ici.

         La zaunienne prit congé, glissant en silence vers la porte tandis que Bell entreprit d’explorer la pièce.

 

         À la lumière d’une lampe chemtech, Bell passa de nombreuses heures à parcourir les étagères. Ces dernières éraient remplies de nombreux ouvrages, tous très différents.

         Dans un coin de la pièce, la yordle trouva des registres, où étaient consignées les arrivées et décès des habitants. Les derniers semblaient remonter à de très nombreuses années, voire décennies.

         Dans une autre section, des journaux, écrits par d’anciens habitant. Il y avait aussi de nombreuses encyclopédies, essais scientifiques, et même des livres de fiction !

         Sans attendre, Bell en prit quelques-uns, de tous genre. Entre les séances d’entraînement, l’aide apportée sur les différents projets d’aménagement de la Décharge, la yordle éplucha un nombre incalculable d’ouvrages. Elle lisait très rapidement comme à son habitude, dévorant des centaines de pages sans ciller.

         Elle suivit l’histoire d’un mage demacien poursuivi et persécuté par ses pairs, venu en Zaun pour se cacher, celle d’un noxien en quête de vie éternelle. Elle suivit les traces d’un capitaine yordle portant à chapeau à moustache, d’une chèvre guérisseuse de Targon. Un livre signé Colfer compilait d’innombrables écrits et dessins sur la flore du continent shurimien, un autre la description d’un continent inconnu appelé Camavor.

         À côté, ses sorties en dehors de la Décharge se faisaient de plus en plus rares, les missions devenant de plus en plus risquées. Les Ratels, mis en alerte par l’attaque sur leur atelier, ainsi que la rébellion des Poinçonneurs s’en étant évadés, avaient accéléré leur mouvement. Leur contrôle sur Zaun était renforcé, des barricades dressées partout, pour filtrer les passages.

         Le gang du Baron tenait toujours face aux Piltoviens, qui face à leur résistance s’étaient aussi retranchés derrière leurs protections. Une guerre civile immobile était à l’œuvre en surface, rien ne bougeait. Les habitants étaient pour certains enrôlés, mais tous sous le joug du gang.

 

***

 

         Une fine pluie perçait le Gris qui flotillait dans la ravine, humidifiant les muscles de la jeune fille, collée à une paroi rocheuse. Sa respiration était calme, elle cherchait calmement ses prises, parcourant la façade de pierre. Plus bas, un des districts zauniens brillait, ne laissant que quelques lumières apparaître au travers du brouillard.

         Non loin d’elle, Klem grimpait. Comme à son habitude, elle glissait sur la surface sans sembler faire d’effort. Sa respiration était calme, chacun de ses mouvements élégant et calculé. Efficace, remarqua Ileae, rien de superflu.

         Les deux femmes échangeaient rarement de mots, surtout en plein exercice physique. La zaunienne l’avait emmenée dans un des districts peu surveillés, parlant simplement d’une mission d’observation, et de recherches dans un district supérieur.

         Elle ne pouvait cependant pas dire si elle l’avait fait passer par la ravine pour contourner les Ratels, ou simplement par plaisir.

         Elles approchaient petit à petit des bâtiments inférieur du district au-dessus. C’était un quartier connu comme étant relié au spectacle et à la fête. Probablement un des rares endroits où les zauniens pouvaient encore se changer les idées.

         Alors qu’elles étaient proche d’une plateforme métallique, des éclats de voix retentirent, suivi de coups de feu. Le bruit d’une balle se fichant dans la roche lui parvint non loin, rapidement suivi d’autres.

 - Nous sommes repérées, commenta Klem avec calme.

         Tirer ensuite, réfléchir après, analysa Ileae, ratel tout craché ça. La zaunienne avait accéléré le rythme, qu’elle suivit sans grand mal. Elle commençait à avoir l’habitude de ces séances d’escalade, souvent entrecoupées de course, ou même de combats.

         Heureusement pour elles, la distance les séparant de la barricade fut assez grande pour qu’aucune balle ne les atteigne. Elles couvrirent les quelques mètres restant en quelque seconde. La vastaya se hissa agilement sur la plateforme, sous les yeux de son amie.

 - Trop lente, remarqua-t-elle.

 - Le Gris et la distance m’ont couvert.

         Klem haussa un sourcil, avant de se détourner. Pour éviter la barricade, dont les gardiens avaient tenté de les abattre, elles durent passer par les réseaux qui courraient sous le grand pont. À quatre pattes, elles pouvaient sans aucun mal se glisser dans le district.

 - Ils ont même pris ce quartier… soupira Ileae. Une chance qu’il ne soit que peu surveillé.

 - Nous sommes bien loin de la surface, et des combats. Leur surveillance est une passoire.

         Elles se glissèrent, telles des ombres, dans les rues périphériques de la zone. Peu de gens passaient ici, quelques camés gisaient au sol, trop défoncés pour porter attention aux deux femmes encapuchonnées qui marchaient en silence.

 - Pourquoi est-on ici ? demande Ileae tout bas.

 - Nahia s’occupe de nos alliés, moi de nos ennemis.

 - On élimine quelqu’un !?

         Klem soupira en souriant. Parfois, l’insouciance de sa jeune amie la surprenait, autant qu’elle l’amusait.

 - Non, je cherche des informations. Ça parle beaucoup dans les bars, et je veux savoir de quoi.

         À mesure qu’elles se rapprochaient du centre, l’activité se fit plus intense dans les rues. Le Gris, plus dissipé, ondulant entre les pieds des passants. Les lumières illuminaient les façades, d’où provenaient les musiques d’ambiances ou de spectacles.

         Sans un mot, Klem pénétra un établissement, passant devant un groupe d’hommes visiblement armés. Ileae lui emboîta le pas, peu rassurée.

         À l’intérieur, une forte musique accueillit les femmes, accompagnée de lumières colorées, brisant la pénombre dans laquelle elles étaient plongées. Au milieu de la pièce, plusieurs hommes et femmes dansaient sur une scène.

         Ileae rougit lorsqu’elle put mieux les observer Les danseurs étaient presque nues, exhibées au milieu d’une foule de zauniens et zauniennes qui buvaient en se délectant du spectacle.

 - Ne te laisse pas distraire, on a du boulot.

 - Je euh… Non..!

         La scientifique peina à suivre Klem, qui traversait la foule sans la moindre difficulté. Elle remarqua que de très nombreuses espèces étaient représentées, des humaines bien évidemment, des vastayas oiseaux et félins, et même… une yordle ! Masquée, le corps recouvert d’un accoutrement composé de sangles et de fins tissus transparents. Et si Bell portait ça..? Ileae chassa immédiatement cette idée de sa tête en rougissant à nouveau.

         Klem s’engagea dans un couloir, avant de pénétrer un pièce. Dans celle-ci bien plus calme, des zauniens discutaient à voix basse avec des hôtes et hôtesses, habillées de tenues moins légère. Les deux femmes prirent place à une table, en silence.

 - Je suppose qu’on attend quelqu’un ?

         La vastaya avait bien supposé, un hôte entra dans la pièce, et vint directement à leur table pour s’asseoir. Il était énorme, au sens propre. Il devait au moins mesurer deux mètres, une montagne de muscle. Il portait un pantalon, quelques sangles sur le torse, et un grand masque jaune à corne sur le visage.

         Klem le salua de la main, tandis qu’il servait trois verres d’une boisson sur la table.

 - J’ai entendu dire que tu cherchais les Têtes, dit-il avec une voix grave.

         La zaunienne acquiesça. Elle sortit de sa veste une petite boîte, qui semblait contenir des pilules. L’homme les prit, les enfouit dans une poche de son pantalon discrètement.

 - Il y a quelques semaines, un laboratoire près de la surface s’est fait prendre d’assaut. Personne ne sait par qui et pourquoi.

 - Allons Finn, lâcha Klem. Je t’ai payé pour des informations, pas des questions.

 - Je sais je sais. Il est dit qu’une des têtes des Ratels y était, elle devait être la cible de l’attaque.

         Ileae réfléchit, en silence. La clinique dans laquelle Bell et elle avaient été enfermées… peut-être cet homme parlait-il de leur geôle.

 - Il en a réchappé. Quelques jours plus tard un autre homme a été vu avec des Ratels sur les lieux.

 - Le Cœur d’Airain ?

 - Très probablement.

         Klem réfléchit quelques instants.

 - Et la cible, demanda Ileae. De quoi avait-elle l’air ?

 - Aucune idée, il est piltovien ça c’est sûr.

         Le cœur d’Ileae s’accéléra. Elle sera les poings et la mâchoire. Il est en vie.

         La zaunienne continua d’échanger avec l’hôte. Selon lui, certains gangs mineurs réfléchissaient à se rebeller, mais sans rien faire par crainte d’être exterminés par les Ratels. Il leur donna de nombreuses information sur le dirigeant du gang, ou plutôt sur les actions de ses lieutenants.

 - Des informations sur les attaquants, pas la moindre idée ? demanda-t-elle.

 - Aucune, ça parle ici-bas, mais rien de sûr.

         Klem acquiesça doucement. Elle salua l’homme, et se leva, faisant signe à Ileae de la suivre. Dehors, même deux heures après leur entrée, l’agitation dehors était toujours la même. D’après Venos, ce quartier de dort jamais, se dit Ileae.

         Malgré cela, ses pensées restaient occupées par Krenn. Il était là, quelque part dans Zaun. Elle voulait le retrouver, même s’il lui fallait retourner chaque district, affronter chaque Ratel.

 - Je sais à quoi tu penses, dit Klem.

         La vastaya serra les poings. Elle se doutait que son mentor finirait par lui en parler.

 - Tu veux le retrouver n’est-ce pas ?

 - Oui.

 - Pourquoi ? Que feras-tu une fois que tu l’aura à ta merci ?

         Ileae réfléchit un instant. Elle n’en avait en réalité aucune idée. Elle voudrait le tuer, froidement, venger ses parents et sa sœur.

 - Qu’est-ce qui te motive ? La vengeance ? Les questions ? La fin de cette guerre ?

 - Je…

 - Tu penses pouvoir faire justice toi-même ?

         La remarque fit tiquer la vastaya. Elle se sentait en colère, contre Krenn évidemment, mais aussi contre elle-même. Elle détestait ressentir ce que ses souvenirs lui inspiraient. Elle voulait s’en défaire, être enfin libérée.

 - Pourquoi le poursuis-tu ?

 - Il doit être arrêté, et jugé, dit finalement Ileae.

 - Mais pourquoi toi tu le poursuis ?

 - Je… je veux des réponses.

 - Que représente-t-il pour toi ?

 - Il est comme une attache à cette ville, dit la vastaya. Je veux m’en défaire. Pour être libre.

         Klem sourit. Elle n’avait pas devant elle une jeune fille perdue cherchant à assouvir une vengeance. Elle avait enfin une potentielle membre des Ondes.

 

***

 

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