Bell de Bilgewater

Chapitre 47 : Partie 4 - Chapitre 11

4720 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:34

           Chapitre 11

 

         Bell marchait rapidement dans les couloirs, elle aurait volontiers voulu courir, mais elle craignait de se faire repérer. Elle fit une pause pour rapidement décrocher son masque et regarder ses réserves. Un liquide violet flottait dans deux réservoirs transparents. Moitié plein, constata-t-elle. Est-ce que ces produits sont aussi chimiques que ceux des tuyaux..? Elle se remit en route, laissant les curieuses questions en suspens le temps d’accomplir sa mission.

         Elle évita avec soins les quelques Ratels qu’elle croisa, observant qu’aucun n’avait dû découvrir les corps inconscients de leurs camarades, cachés un peu partout. Elle parcourut l’édifice à la recherche de ses amis.

         Alors qu’elle se trouvait dans une partie encore inconnue pour elle, elle entendit un grand bruit. Une sorte de sifflet à vapeur hurlait quelques salles plus loin, qui sembla se répandre dans le bâtiment à mesure que d’autres se mettaient eux aussi à siffler.

         Devinant qu’il devait s’agir de ses camarades, elle se précipita dans la direction dont venait le bruit d’origine. Dans une grande salle d’expérimentation, elle les trouva aux prises avec un certain nombre de gardes. L’un d’entre eux venait d’être assommé par Ileae, la main encore sur un levier.

 - Bell ! cria Nahia. Vous avez du nouveau ?

 - On les a trouvés ! mais on a besoin d’aide pour évacuer, ils sont beaucoup. On a besoin de plus de masques.

 - On a eu quelques soucis ici…

         Bell constata le nombre de gardes inconscients, et le bruit des sifflets qui réduisant doucement dans tout le bâtiment. Elle indiqua aux autres de la suivre, laissant les Ratels au sol. Au moins on a plus besoin de les cacher, se dit la jeune fille.

         Nahia envoya leur camarade zaunien retourner vers leur porte de sortie. Les autres groupes doivent être mis au courant de l’évacuation d’un grand nombre de personnes. Ileae fut chargée de récupérer le sac de ce dernier.

         Les trois femmes s’élancèrent dans les couloirs, légèrement embrumés du fait des sifflets à vapeur. Elles croisèrent quelques gardes, armés et parés, mais purent s’en défaire sans grand problème.

 - Ils sont nombreux, commenta Nahia. Vous êtes surs de vouloir évacuer tout le monde ?

 - Tout le monde. Répondit fermement Bell.

         Nahia acquiesça avec un sourire. Elle non plus n’aimait pas l’idée de laisser des gens aux mains des Ratels.

         Un coup de feu retentit, le trio accéléra la cadence. La situation venait de prendre une tout autre ampleur, et Nahia sortit de son sac une arme à feu qu’elle chargea de quelques balles, avant de la tendre à Bell, et d’en préparer deux autres, dont une pour la vastaya.

 - Qu’est-ce que… hasarda la yordle.

 - Première fois avec une arme à feu ? demanda Ileae en chargeant la sienne. C’est un revolver. Tu arme ici le percuteur, tu vises et tu appuies sur la détente. Attention au recul.

         Bell regarda avec stupeur l’objet. C’était techniquement la première fois qu’elle avait dans les mains une arme à feu, elle n’avait fait qu’assister les tireurs lors de leur combat en mer. Elle avait entendu beaucoup de choses sur celles fabriquées à Piltover. Puissantes, précises et robustes, Zaun avait rapidement innové pour faire de même. À moins que ce ne soit l’inverse ?

         Très peu de gardes étaient équipés d’armes à distance, la majorité d’entre eux ayant simplement des matraques. Pour économiser leurs munitions, le trio préféra les neutraliser en quelques coups.

         Finalement, elles parvinrent aux cellules, où Klem et son camarade étaient en train d’organiser la fuite des dizaines de personnes retenues.

         Les jeunes filles distribuèrent des masques à ceux n’en ayant pas reçu. Nahia rassura rapidement les futurs évadés, paniqués par le bruit de l’alarme et des affrontements. Fort heureusement, leurs cibles se trouvaient bien parmi les prisonniers, Klem leur distribua des armes, puis ouvrit la marche vers leur porte de sortie.

         Sur le chemin, les instructions étaient claires : tirer à vue. Il leur était impossible de faire marche arrière maintenant, et ils devaient à tout prix rester en mouvement. Les quelques gardes qui tentèrent de s’opposer à leur progression furent abattus, tandis que certains des évadés furent légèrement blessés.

         Bell Ileae et Nahia fermaient la marche, ce qui les plaça en première ligne lorsqu’un groupe de Ratels débarqua d’un couloir. Instinctivement, Bell leva son arme, et tira après avoir vaguement visé. Une épaisse fumée s’échappa de l’objet, qui faillit s’envoler de ses mains.

         Le recul et le bruit avaient abasourdi la jeune fille, qui regarda le zaunien s’effondrer au sol, mort.

         L’odeur d’œuf pourri qui accompagna la détonation était si forte qu’elle pénétra le respirateur de Bell, la ramenant à la réalité. Autour d’elle Ileae et Nahia se débarrassaient de leurs assaillants, et entreprirent de recharger leurs armes.

 - Tiens, tu en aura besoin pour recharger, dit Nahia.

         Leurs revolvers n’étaient pas jeunes, et n’acceptaient pas les cartouches métalliques. Pour éviter de les recharger à la main, la cheffe avait fabriqué au préalable des petites cartouches de papier, contenant de la poudre et une balle.

         Bell se saisit de ces munitions de fortune, et suivit le reste du groupe.

 

***

 

         Malgré une certaine résistance des quelques gardes présents dans le complexe, le groupe avançait à un bon rythme. La tête de la cohorte avait réussi à atteindre leur point de sortie, laissant à Klem la tâche de les guider sur la passerelle faire de tuyaux. Le vide sous leur pieds ne sembla pas retenir les évadés, qui commencèrent leur traversée.

         Une lueur d’espoir figurait sur le visage des zauniens, voyant la liberté à quelques mètres.

 - Tu entends ça ? demanda Ileae à Nahia qui fermait leur marche.

         La yordle n’eut pas le temps de tendre l’oreille, qu’un violent bruit d’acier froissé leur parvint. Un cri inhumain résonna dans le couloir proche de leur position, accompagné d’autres, de quelques évadés paniqués. Bell remonta la colonne, pour s’assurer que tout allait bien. Elle n’en eut pas le temps d’atteindre le croisement.

         Trois zauniens, quelques mètres devant elle, furent violement fauchés par un énorme morceau de métal, projeté d’un couloir qui croisait le leur.

         Bell tourna lentement son regard sur sa gauche. Contre un mur un peu plus loin, une énorme machine était encastrée dans le mur. Plus aucune trace des trois évadés.

         Une expression de dégout déforma le visage de la jeune yordle, la stupeur paralysait ses membres.

 - Restes pas là ! cria Ileae.

         La vastaya tira violement la yordle en arrière, avant de la secouer.

 - Non… non… bafouilla Bell.

         Encore…

         Un cri s’éleva dans le couloir, mélange de rage et de douleur, atroce. La personne, où plutôt la chose qui avait projeté la machine s’approcha rapidement du groupe, et fit irruption dans le croisement.

         Un être difforme se dressa, toisant les évadés de son regard. L’humanoïde était très sensiblement un membre des Ratels, qui, pour faire face aux infiltrés, s’était injecté du shimmer. Le produit avait décuplé sa masse, déformé son corps, il représentait un danger imminent.

 - Un baroud d’honneur, cria Nahia aux jeunes filles. Il faut l’empêcher de s’attaquer au groupe.

         Sur ces mots, elle brandit son arme, et tira une salve de coups de feu en plein sur l’infecté. Les tirs n’eurent pas autant d’effet qu’escompté, leur ennemi n’avait pas bronché. Bell se ressaisit, prenant le relai pendant que la cheffe rechargeait son arme, aux côtés d’Ileae.

         L’arrière du convoi d’évadés profita de la diversion pour continuer son chemin vers la sortie.

 - Quels sont les ordres ? lança un des zauniens qui les avait accompagnées.

 - Dis à Klem d’évacuer et de sceller la sortie, cria-t-elle. Foncez au point de rendez-vous.

 - Et vous ?

 - On distrait cette chose, on se débrouillera.

         Ladite chose, n’avait pas l’intention de laisser la cheffe et les deux jeunes filles se débrouiller. Elle promena lentement son regard entre les deux yordles, et la vastaya. Elle voyait la crainte. Elle voyait l’inquiétude. Elle sentait la peur.

         D’un mouvement rapide, elle arracha quelques morceaux de métal qu’elle projeta sur les deux à sa portée. Bell et Ileae n’eurent d‘autre choix que de se jeter sur le côté pour esquiver.

 - ON COURS ! Cria Nahia en s’élançant dans le couloir.

         Les jeunes filles se relevèrent en vitesse, suivant la cheffe tout en essayant de tirer sur l’infecté. Elle était certes rapide, mais elle restait au moins gênée par les tirs reçus.

         Au détour d’un couloir, Nahia s’approcha du mur, posant un objet qu’elle avait sorti de sa sacoche. Elle tira à elle ses camarades dans une pièce, leur indiquant à la hâte de se boucher les oreilles. La créature les ayant suivis pénétra le couloir, mais avant qu’elle n’ait le temps de les chercher, reçut de plein fouet une violente explosion.

         Sans perdre de temps, le trio se remit en route, la cheffe prévoyait probablement d’attirer la créature vers un endroit où elles auraient de meilleurs chances de l’affronter, au moins le temps de trouver un moyen de s’échapper.

         Au fur et à mesure qu’elles traversaient le complexe, les possibilités se faisaient de plus en plus incertaines. Leur ennemi était de plus en plus enragé, et plus de Ratels ne tarderaient pas à débarquer.

         Elles finirent par atteindre à nouveau la salle où étaient retenus leurs camarades. Spacieuse, elle offrait un excellent terrain pour le trio.

         L’infecté pénétra d’un pas lent la pièce, devinant l’affrontement qui aurait lieux. Elle respirait fort, émettant un râle qui, comme ses cris, faisaient autant penser à la respiration d’une bête, qu’à un gémissement de douleur. Autour d’elle, ses opposantes l’encerclaient, concentrées sur son unique présence.

         En un éclair, elle projeta ce qu’elle trouva sous son énorme main vers la cheffe, avant de fondre sur Ileae. Cette dernière esquiva sa charge, abandonnant l’idée d’utiliser son revolver, préférant sortir une dague de sa sacoche.

         Elle évitait agilement les attaques de l’infecté, pourtant rapide. À chaque ouverture qu’elle voyait, la vastaya assénait un coup de sa lame, traçant des lignes rouges sur sa peau. Nahia rejoignit rapidement la mêlée, attaquant elle aussi sans relâche, engagée dans une danse endiablée avec leur ennemie.

         Bell restait en retrait, tétanisée. Elle avait vu la puissance de l’infecté, et avait encore en elle les images des évadés écrasés contre le mur plus tôt. Elle n’osait pas utiliser son arme, de peur de blesser ses amies. Voyant Ileae distraire agilement l’être tandis que Nahia infligeait de lourdes blessures, elle constata cependant que ce dernier ne semblait nullement ralentir. Elles avaient besoin de quelque chose de plus puissant.

         Si je peux voir les flux, alors je peux sûrement faire quelque chose, pensa Bell. Je DOIS faire quelque chose.

         Elle resta un peu en retrait, fermant les yeux. Elle souffla longuement, fit le vide dans son esprit, et se concentra.

 

***

 

         Le bruit autour d’elle se fit de plus en plus ténu, l’affrontement se fit de plus en plus distant à mesure que Bell faisait le vide dans son esprit. Elle ressentit une profonde impression de quiétude et de calme. Elle se vit, seule, au milieu d’absolument rien.

         Des lumières émanèrent de son corps, de longs filaments brillants, qui ondulaient autour d’elle calmement. Mes flux ! pensa la yordle. D’autres lumières lui parvinrent, d’autres flux non loin semblaient onduler. Ils étaient eux mobiles, bien moins calmes que les siens.

         Ileae ! Nahia ! s’écria Bell dans sa propre tête.

Elle distinguait, entre ses deux amies, des flux d’une nature différente. Ils semblaient très agités, se mouvant violemment, par à-coups, comme s’ils étaient sous la contrainte, torturés.

         D’un seul coup, la scène lui apparut. Elle avait ouvert les yeux. À quelques mètres devant elle, Ileae et Nahia étaient toujours aux prises avec l’infecté. Elles peinaient, ce n’était qu’une question de temps avant que l’une d’entre elles finissent par commettre une erreur.

         Je dois agir, pensa Bell. Elle regarda ses mains, entourées de filaments colorés.

         Elle se tourna vers l’infecté, leva sa main doucement. Comme s’ils répondaient à sa volonté, les filaments s’assemblèrent comme des bras, et foncèrent vers le Ratel enragé. Ils s’enroulèrent autour de ses membres.

         Ce dernier fut immobilisé par une force dont il ne comprenait pas la provenance, ses bras et jambes bloqués, retenus par des bras invisibles. Ne comprenant pas non plus ce qu’il se passait, Nahia et Ileae s’écartèrent prudemment pour observer.

         Bell faisait maintenant face à l’infecté, seule. Elle s’approcha doucement, planta son regard dans les yeux à peine visible de son ennemi. Cette dernière enrageait d’autant plus qu’elle était maîtrisée par un être minuscule.

         Bell aussi ressentit une intense colère. Cette créature avait tué des gens qu’elle tentait d’aider. Elle s’attaquait à Ileae. À cette idée, la yordle serra les dents, et les poings. La pression s’accentua sur les membres de la créature, pliant sous la contrainte. D’autres bras surgirent, s’accrochant à elle. Ces derniers n’essayèrent pas d’immobiliser l’infecté, mais semblèrent agir sur… ses flux.

         Sous les regard fixe de Bell, ces derniers s’agitèrent encore plus. Une vibration les parcourut, d’abord douce, puis au fur et à mesure de plus en plus violentes. La créature gémit à mesure que les filaments qui la parcouraient étaient de moins en moins perceptibles.

         Le Ratel se contorsionna, émit un gémissement de douleur, qui se mua en un râle, puis en un cri. Les bras de la yordle enserrèrent leur prise une dernière fois, et sous le regard médusé du trio, le zaunien implosa.

 

***

 

         Une série de coups de feu tirèrent retentirent, l’odeur de la poudre envahit les narines Bell, qui reprit son souffle.

 - Bell !? Bell est-ce que ça va ?

         La yordle se releva, elle était allongée par terre. Ileae se tenait à ses côtés, et avait l’air très inquiète.

 - Qu’est-ce que…? Marmonna-t-elle confuse.

 - L’infecté nous a attaquées, dit Nahia qui s’accroupit sur sa gauche. Durant le combat tu t’es immobilisée, puis tu t’es évanouie.

         Bell regarda autour d’elle, la salle était sens dessus dessous, les meubles et murs lacérés. Le zaunien gisait au sol non loin. Entier.

 - Comment...?

 - Comment on l’a eu ? Il s’est immobilisé d’un coup en plein combat, expliqua la cheffe en haussant les épaules, alors on en a profité on lui a explosé le crâne.

         Bell mit quelques instants à se remettre les idées en place. Elle finit par se lever, l’air désorientée. Ileae s’approcha de la fenêtre, semblant avoir entendu du bruit.

 - Des Ratels ! Lança-t-elle. Beaucoup de Ratels !

         Ses deux camarades s’approchèrent de la fenêtre. Étant trop petites, elles durent pousser un meuble contre le mur pour se hisser a bonne hauteur. Par le vitrage, elles apercevaient une des passerelles. Plusieurs douzaines d’hommes et de femmes armés avançaient d’un pas vif vers le bâtiment.

 - Même pour moi ça fait beaucoup, lâcha Nahia.

 - On a pris trop de temps, il faut qu’on s’échappe.

         Les deux passerelles étaient pleines d’ennemis, leur point d’entrée avait dû être scellé par Klem sur ordre de Nahia, et un gouffre d’une profondeur abyssale les séparait du district.

         De loin, la cheffe arriva à distinguer le bout des lignes de tuyaux. Comme elle le pensait, les Ratels avaient compris comment ils étaient entrés, et avaient postés des tireurs.

         Des éclats de voix leur parvinrent de dehors, les renforts étaient arrivés. D’ici quelques minutes, ils seraient submergés.

 - Je crois que j’ai une idée… dit timidement Ileae. Mais c’est risqué.

 - Dis toujours.

 - Il va falloir que vous me fassiez confiance. Et que vous portiez des lunettes.

         Ileae sortit de sa sacoche trois paires de lunettes bricolées, ressemblant fortement à celles qu’elle avait à Piltover. Les yordles enfilèrent chacune une paire avant de suivre la vastaya.

         Cette dernière les mena en courant vers une grande salle, où trônaient de nombreuses machines. Ces dernières pulsaient en rythme reliées aux réseaux de tuyaux par lesquels elles étaient arrivées auparavant.

 - Tu as vu qu’ils avaient des tireurs ? Demanda Bell. Impossible de traverser sur ces réseaux…

 - Qui a parlé de passer dessus ?

         En entendant la vastaya, Nahia afficha un grand sourire, autant amusée qu’intéressée par la proposition. Ileae s’accroupit au bord d’un des tuyaux, regardant attentivement sa surface. Elle sortit un petit outil de sa sacoche, sorte de tournevis maison. Lorsqu’elle l’appuya sur les attaches, il émit un léger vrombissement, et ces dernières sautèrent dans problème.

 - Donc, ton plan c’est de passer dans leur réseau d’alimentation techno-chimique, demanda Nahia.

 - Exactement ! Répondit la vastaya en faisant sauter une plaque de protection.

         La cheffe étouffa un rire en constatant la mine décomposée de Bell. La jeune fille observait avec une certaine inquiétude le plasma verdâtre et fumant qui ondulait dans le tuyau.

 - Très bien ! Dit Ileae en se tournant vers ses deux comparses. Techno-chimie zaunienne, liquide toxique corrosif et explosif. Pas d’étincelles, pas de mouvement de panique, on garde bien son masque et ses lunettes. Si tout se passe comme prévu, on aura assez d’oxygène, on trouvera un point de sortie, rien n’explosera. Avec un peu de chance on arrivera même peut-être avant d’être dissoutes.

         Nahia leva un sourcil en regardant la scientifique donner ses indications.

 - C’est sa manière à elle de nous rassurer, murmura Bell à la cheffe.

 - On en est où niveau respirateurs ?

         Chaque membre du trio prit le temps d’enlever son masque pour vérifier les réserves. Bell constata que la graduation de la sienne indiquait qu’il ne lui restait qu’une quinzaine de pourcents, et à voir la tête de tiraient ses camarades, aucune ne devait avoir guère mieux.

 - Je passe en première, dit Ileae. Je devrais démonter de l’intérieur une de ces plaques pour nous faire sortir. C’est parti !

         La jeune vastaya se plaça au-dessus de l’ouverture, replaçant ses lunettes. Elle plaça ses mains contre les parois, et sans broncher, commença à plonger dans le liquide visqueux. Rapidement, elle s’immergea, et commença à remonter le tuyau.

         Nahia indiqua à la jeune fille de suivre son amie. Elle-même fermerait la marche, veillant à replacer la plaque de l’ouverture, pour camoufler leur moyen de fuite le temps qu’elles sortent.

         Bell observa le plasma quelques seconde avant de plonger, le liquide vert ondulait tranquillement. J’espère que ma fourrure ne sera pas dissoute… Elle se rasséréna, respira un grand coup, et commença à plonger. Immédiatement, elle sentit contre sa fourrure et sa peau la matière verdâtre, mais aucune douleur.

         Complètement immergée, elle commença à remonter le tuyau, espérant ressortir aussi vite que possible. Elle parvenait à apercevoir Ileae, quelques mètres plus loin. Au début, le liquide chimique ne provoquait à la yordle une qu’une sensation chaude, presque agréable. Après quelques minutes de trajet, elle finit par ressentir une gêne, et des picotements aux endroits où sa peau était en contact avec le plasma.

         Heureusement pour elles, les réseaux qu’elles avaient escaladés à l’aller, formaient maintenant une pente descendante, elle n’eut aucun mal à se déplacer. Nahia suivait le rythme derrière elle.

         J’espère qu’Ileae sait ce qu’elle fait…

         Le picotement changea à mesure que la dénivelée se faisait moins importante, de simple gêne, il passa bientôt à une brulure dérangeante. Avec l’effort croissant, la difficulté des masques à filtrer les petites réserves d’air se faisait sentir. Ileae lui avait expliqué un jour que ces masques, conçus pour filtrer l’air ambiant, étaient très limités, elle bricolait les siens pour leur permettre de disposer d’une petite réserve dans le cas où elle serait immergée.

         La pente commença à remonter en sens inverse, le trio dut bientôt fournir plus d’efforts pour avancer. L’air dans leurs masques se faisait de plus en plus impropre, Bell peinait à respirer. Ileae était moins soumises aux faiblesses physiques, elle avançait plus vite, à tel point que la yordle finit par la perdre de vue.

         Derrière, elle n’apercevait plus Nahia. On va trop vite !? Entre le manque d’oxygène, et sa peau qui commençait à lui rappeler le concept de douleur, la panique gagnait la jeune fille.

         Quelques mètres de plus eurent raison des dernières onces d’assurance que Bell conservait. Elle suffoquait dans son masque, ne voyant plus personne ni devant ni derrière elle. Elle avait désormais la sensation que des milliers d’insectes lui piquaient et dévoraient la peau, son visage la brulait de plus en plus.

         De l’air, de l’air, de l’air. Elle accéléra le rythme, ses pensées étaient désormais occupées par l’unique idée de sortir.

         Petit à petit, la vue de Bell se brouilla, un voile flou commença à tomber sur ses yeux. Ses muscles ankylosés ne parvenaient pas à l’emmener plus loin.

         C’est ici que je vais mourir, pensa-t-elle. Pour un marin, je n’aurai même pas réussi à périr en mer.

         Elle put entendre son propre pouls ralentir, dans le silence du plasma l’entourant, suivant des respirations ne lui apportant plus d’oxygène. Les dernières images qui lui parvinrent furent celles des produits chimiques verts et des parois métalliques autour.

 

***

 

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