Bell de Bilgewater
Chapitre 9
Le bruit des bois s’entrechoquant résonnait dans la grande salle, entrecoupés de respirations et du bruit des chaussures sur le tapis central. Bell faisait face à son homologue zaunienne, armée elle aussi d’une grande lame d’entrainement.
Pour les observateurs, il était clair que la jeune fille n’était pas autant à l’aise que son aînée, mais elle réservait à Nahia de nombreuses surprises, ne manquant pas d’étonner la cheffe.
Elles alternaient des affrontements, au cours desquels cette dernière faisait varier son arme, afin d’entrainer Bell. Toutes deux s’appliquaient, et pour se reposer travaillaient des mouvements, côte à côte, en profitant pour discuter.
- Toujours rien de nouveau sur les affrontements dans le district marchand ?
Nahia réfléchit une seconde. Ce district, à moitié en surface, était un des rares menant à Piltover, et actuellement en proie à des rixes entre Ratels et Pacifieurs piltoviens.
- Blocus total, admit-elle. Des passeurs tentent de forcer mais même les plus aguerris n’y parviennent pas. Les Piltoviens sont trop méfiants, et les Ratels attentifs.
La yordle s’accorda une petite pause, elle alla s’asseoir sur un banc, en quête d’eau.
- Deux semaines, soupira-t-elle… Cela fait plus d’un mois depuis notre capture…
Nahia posa sa main sur l’épaule de la jeune fille, lui adressant un sourire. Elle comprenait les inquiétudes de son invitée, cette dernière sachant les efforts réalisés par les membres de la Décharge.
- Et les autres gangs ? Les barons ?
- Ils se contentent de collaborer, ou de bloquer leurs territoires, soupira Nahia. La situation évolue mais il faut être patiente…
- Tout le monde m’attend là-haut. Notre expédition vers Targon, les recherches sur la Ruine…
- Je suis certaine que de leur côté eux aussi agissent, si nous ne trouvons pas un moyen, peut-être qu’après un contact avec eux nous aurons une solution ?
La yordle acquiesça. Elle s’accommodait de son nouveau quotidien ici-bas, mais à mesure que les jours passaient, elle s’avérait contrariée. Elle souhaitait retrouver Krenn, mais souhaitait aussi partir loin d’ici.
Alors qu’elles s’apprêtaient à retourner sur le tapis, un homme pénétra la salle, essoufflé.
- Cheffe ! Argos est de retour, il y a des blessés.
Nahia posa rapidement son khopesh en bois dans le rack, et courut vers l’homme, indiquant à Bell de la suivre. Ce dernier les guida vers l’infirmerie de la Décharge, d’un pas pressé.
- Ils étaient dans le district des armuriers, expliqua-t-il, les Ratels les ont attaqués par surprise. Nos camarades ont été pris au piège et sont revenus blessés. Une est infectée au shimmer.
Sans demander plus de détails pour le moment, les yordles suivirent leur camarade.
Dans plusieurs endroits des tréfonds, Bell avait pu croiser une catégorie d’habitants marginaux. Le shimmer, produit dopant, donnant des capacités hors normes aux utilisateurs, était accessible à un certain prix, qu’il soit monnaie ou non. Ces infortunés, rendus accros par des gangs, se voyaient prélevés de leurs richesses, de leurs biens, et finissaient généralement asservis par ces même gangs. Dans les tréfonds, il n’était pas rare de croiser quelques hommes et femmes en manque, devenus rien de moins l’ombre de ce qu’ils étaient auparavant.
L’infectée, qui reposait sur une table, n’était pas consommatrice, son corps réagissait mal au produit, auquel elle avait dû être exposée à trop forte dose. Elle se débattait comme une démente, aux prises avec des médecins, et Ileae sur le côté qui tentait de préparer des calmants.
Notant le manque de bras dans l’équipe, Bell rejoint immédiatement les autres pour tenter de contenir la femme. Cette dernière se tordait de douleur, hurlait.
- Comment cela est-il arrivé ? demanda Nahia.
- Elle s’est battue avec un Ratel, expliqua un médecin ? Il l’a piquée avec un appareil et lui a injecté une forte dose.
- Quelles sont ses chances ?
- Elle est forte, mais nous ignorons la dose. Les calmants aideront mais elle va avoir besoin de médicaments plus forts.
La cheffe n’eut pas le temps de réfléchir, que l’infectée redoubla d’effort pour se libérer. Sa force décuplée lui permit de se dégager de l’emprise des médecins, qui, surpris, furent envoyé au travers de la pièce. Un infecté en fureur libéré dans la Décharge représenterait un risque énorme pour les habitants, Nahia se plaça donc entre sa camarade enragée et la sortie.
Les membres de l’infectée avaient presque doublé de volume, les muscles torturés étaient parcourus de veines violettes. Face à elle, une yordle désarmée, qui lui arrivait à peine à la taille. Nahia repoussa une mèche de ses cheveux noirs qui couvrait son visage, et se mit en garde.
Sa camarade lui fonça dessus, lâchant un hurlement inhumain, et tenta de se saisir de son adversaire. Immédiatement, cette dernière esquiva la charge, usant de sa petite taille à son avantage. Sans sourciller, l’infectée pivota et continuer à tenter d’attraper la yordle, qui bondissait dans tous les sens.
L’assaillante eut pour idée d’utiliser le mobilier à son avantage, elle projeta sur Nahia divers meubles, des objets qu’elle saisissait. Elle était si rapide, que cette dernière n’eut pour seul choix que de courir au travers de la pièce.
Les médecins autour étaient figés, sachant que la poigne seule de l’infectée suffirait à leur briser les os, et observaient avec inquiétude l’affrontement.
Ileae elle restait active, cachée sous une table pour éviter les débris, elle bricolait avec un calme impressionnant. Finalement, elle fit signe à Bell, lui exhibant fièrement une sorte de mécanisme portant en son sein eu seringue. En un regard, elles conclurent sur un plan d’action.
De son côté, Nahia peinait à contenir les assauts de leur camarade malade. Cette dernière, lassée de lancer des objets, s’était dangereusement rapprochée. La cheffe tentait de porter des coups, mais le shimmer avaient rendu leur adversaire insensible.
Pour détourner son attention, Bell siffla en sa direction, lançant une fiole d’un contenu inconnu. Perturbée, la femme décida de changer de cible pour éliminer cette petite chose poilue. Avant qu’elle n’ait le temps de charger, Ileae bondit derrière, et colla son appareil dans le cou de l’infectée. Un bruit de mécanisme retentit, et en un éclair le contenu de la seringue pénétra dans sa peau.
La malade, d’autant plus enragée, attrapa d’un bras la vastaya, qu’elle projeta avec force contre une armoire, réduite en morceaux sur le coup. Ses mouvements se firent rapidement plus lents, hasardeux, avant qu’elle ne s’affale sur le sol.
- ILEAE !
***
Un calme plat régna dans la salle, la peur en chacun les empêchait de s’approcher du corps endormi de leur camarade infectée. Bell avait accouru auprès de son amie, encastrée dans les débris de meuble.
- Je vais bien, lâcha cette dernière en gémissant.
Bell tenta de la dissuader de se relever, mais la vastaya insista. Bien que la yordle soit plus de deux fois inférieure en taille, elle l’aida à se rapprocher de la femme qu’elle avait mise hors d’état de nuire. Une expression de douleur et de terreur restait figée sur son visage.
- Attachez là, et soignez la, ordonna Nahia. Ça va jeune fille ?
Ileae acquiesça avec peine. Malgré son calme durant les minutes précédentes, elle accusait un choc et laissait maintenant aller sa peur, tremblotante.
- Argos vous attend dans la grand-salle, dit un des médecins. Je pense que vous devriez écouter ce qu’il a à dire.
Nahia répond par un signe de tête, pensive. Une attaque des Ratels sur les siens était très mauvais présage, son visage trahissait un mélange d’inquiétude et de colère.
- Tu peux marcher ? lança-t-elle à la vastaya.
- Oui mais…
- Venez. Nos amis vont s’occuper d’elle, elle ira bien.
Elle se dirigea d’un pas pressé vers la sortie, suivie de Bell et son amie claudicante.
***
Nahia pénétra d’un pas pressé la salle, rejoignant la grande table centrale. Tout atour, plusieurs membres de la Décharge discutaient, l’atmosphère était bruyante et lourde. Klem et Venos étaient présent, les deux camarades discutaient avec un autre zaunien, que Bell devina être un de ceux de retour de Zaun.
- Je peux savoir ce qu’il se passe ? lança Nahia en s’asseyant. Venos explique-moi.
- Les Ratels ont lancé une offensive sur le district Armurerie, et s’en sont pris aux aciéries d’un gang jusqu’ici neutre, les Poinçonneurs.
- Je les connais un peu, lâcha Nahia. Des fabricants d’armes et d’équipements miniers, de bons éléments, ils vendent toujours à tous les camps.
- On pense que c’est ce qui a déplu aux Ratels, expliqua le second. Ils ont besoin d’armes, et leurs propres manufactures auraient besoin de l’aide exclusive de ces usines.
- Et quel est le lien avec le fait qu’on ait une infectée ?
L’homme qui n’avait pas encore parlé jusqu’alors semblait un peu mal en point, mais s’il était là c’est qu’il devait absolument transmettre quelque chose.
- Nous étions allé chercher quelques pièces chez un de nos contacts ingénieurs, quand leur attaque a commencée. Nous avons été pris dans les affrontements.
- Mis à part l’infection, comment vont les autres ?
- Ils ont capturé deux d’entre nous… admit l’homme.
Nahia frappa du poing sur la table, et envoya valser quelques plans qu’elle eut sous la main, une expression de colère sur le visage. C’était la première fois que Bell la voyait hors de son calme habituel, mais elle voyait bien qu’une grande inquiétude se mélangeait à sa rage.
- On en sait plus ? demanda-t-elle la mâchoire serrée.
- Oui, dit Klem. Leur attaque était pressentie, un contact m’en avait parlé. D’après ce que j’ai compris, ils détiendraient maintenant de nombreuses personnes dans un district proche. Nous ignorons la situation de nos camarades…
Les jeunes filles purent lire sur le visage de la cheffe à quel point la situation était problématique. La Décharge, dont l’existence n’était que rumeurs, se devait de rester neutre et demeurer cachée.
- Nous devons aller les sauver. Lâcha Nahia après réflexion.
- Mais, tu sais ce que ça signifie ? rétorqua Klem. Votre existence ne sera plus fantasmée mais avérée aux yeux de Zaun. Les ratels ne sont pas idiots ils chercheront des coupables.
- Nous redoublerons d’effort pour rester discret dans ce cas.
- On ne sait même pas la situation de nos camarades, on…
- On ne les laissera pas aux mains des Ratels, l’interrompit Nahia. Qui sait ce qu’ils pourraient faire d’eux ? Des sujets d’expérience, des esclaves… On ira les chercher.
Un silence de plomb s’abattit sur la salle, tous s’accordaient sur ce qu’ils devaient faire, mais briser le secret de la Décharge était-il la solution ?
Les mots de la cheffe ravivèrent quelques souvenirs chez Bell, qui revoyaient les images des essais menés sur elle dans la clinique du docteur Krenn. Pour Ileae, cela était bien pire. Le piège de sa sœur Vira, leur capture, la torture de Bell, le meurtre de ses parents…
- Bien, lâcha Nahia. Nous allons monter une mission de sauvetage. Il y a de grandes chance que nous ayons besoin d’intervenir à plusieurs équipes.
Quelques murmures parcoururent l’assemblée. La cheffe semblait être décidée à intervenir, nul doute qu’elle puisse trouver le moyen de parvenir à ses fins. La Décharge avait pleine confiance en sa meneuse.
- J’en suis, dit Ileae en brisant le brouhaha.
- C’est une mauvaise idée, rétorqua Nahia, on sera en plein chez les Ratels, et s’ils te voient…
- Vous aurez besoin de compétences médicales, insista la vastaya. Je veux sortir ces gens des geôles du gang, je sais mieux que quiconque ici ce qu’ils risquent.
Ileae parlait avec une assurance impressionnante, laissant les zauniens silencieux. Klem sourit fièrement, la jeune fille avait fait de grands progrès. Elle qui n’arrivait qu’à peine à parler aux autres, parvenait maintenant à s’imposer.
- C’est d’accord… soupira la cheffe. Et toi ? demanda-t-elle en se tournant vers Bell.
La yordle croisa les bras, campée aux côtés de son amie.
- J’irai partout où elle ira, affirma-t-elle.
La résolution des jeunes filles arracha un profond soupir à Nahia, suivit d’un petit rire. Dans le fond, elle était ravie de pouvoir compter sur de l’aide supplémentaire. La vie de ses camarades était en jeu, et la vastaya avait raison, personne ne connaissaient mieux qu’elles les risques au sein des infrastructures ratels pour l’instant.
***
Pour Bell et Ileae, récemment arrivées au sein de la Décharge, ce que leur intervention impliquerait restait incertain. Cependant, en voyant les visages fermés et sévères des membres en quittant le bâtiment central, les jeunes filles devinaient l’ampleur de la situation.
Nahia, qui clôturait la marche, semblait plus tourmentée encore que les autres, en s’approchant du duo.
- Vous n’êtes pas obligées de participer, dit-elle en souriant malgré tout.
- Si vos camarades subissent la même chose que nous, argumenta Bell, il est normal pour nous de tenter de les aider.
- Vous connaissez toutes les deux les méthodes des Ratels, vouloir retourner dans de tels lieux… peu en seraient capables.
- La Décharge passera d’un statut de paradis mythique, soupira Nahia, à celui d’un groupe armé… Notre réputation en prendra un coup, ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie.
- Est-ce une si mauvaise chose que votre existence soit avérée ? demanda Ileae.
- Il n’y a pas que du négatif. Tu as quelque chose en tête non ?
Ileae réfléchit une seconde. Un groupe aussi bien caché, capable d’apparaître dans tous les recoins de Zaun, jouissant d’une réputation discrète mais positive, pourrait aisément apporter du positif à la situation.
- La Décharge est cachée, et assez isolée pour être facilement défendue, énuméra la vastaya. Ses accès sont bien répartis en Zaun, tenus secrets, et vous êtes symbole d’espoir pour beaucoup.
- Non seulement nous avons des atouts pour combattre sur le terrain, mais aussi pour aider nos semblables à se soulever contre les Ratels.
- Et en sortant victorieux, vous auriez une voix forte à élever contre Piltover. Vous pouvez retourner la situation à votre avantage, conclut Ileae.
Après avoir écouté attentivement la jeune fille, Nahia partit dans un grand éclat de rire, surprenant ses interlocutrices.
- Nous n’en sommes pas à une guérilla petite, dit-elle. Pour le moment on va sauver nos camarades. Vous devriez vous reposer, dès demain on s’y met.
Bell, de même que son amie, regarda avec stupeur la cheffe. Si vite ? aurait-elle voulu demander. Si Nahia disait qu’ils interviendraient demain, alors elles seraient prêtes.
***
Durant les quelques heures qui les séparaient de la fin de la journée, chacun vaqua à ses occupations. La situation était quelque peu tendue parmi les habitants de la Décharge, nombre d’entre eux étaient déjà au courant de leur plans, mais personne n’eut rien à dire. Tous ici avaient connu une situation atroce, jetés par la ville dans les pires recoins, dans les pires états. Ils avaient été recueillis, sauvé, et avaient acquis une valeur, bien plus développée chez eux que chez les simples zauniens.
L’entraide. À tout prix.
Nombre d’anciens camarades avaient choisi de retenter leur chance dans la ville, ou ailleurs, ne choisissant pas une vie paisible mais recluse. Cependant, tous étaient, au moindre signe de danger, prêts à aider leurs camarades.
Bell admirait cet aspect des zauniens, qu’elle n’aurait jamais eu la chance de découvrir si elle n’avait pas été capturée. Malgré tout, elle était heureuse.
Chacun pour se détendre choisit d’aller de son côté, Bell s’exerça avec son khopesh en bois, tâchant de vider son esprit en se défoulant. Elle gardait en mémoire les images de l’infectée, se demandant si elle pourrait être sauvée. Elle revoyait sa rage, et Ileae, projetée contre un meuble. Elle a réagi si vite à la situation… se dit-elle. Elle avait tout compris. La vastaya avait en effet pris sur soi et bricolé en plein affrontement de quoi calmer la pauvre femme. Elle s’était mise en danger.
À ce moment-là, en voyant son amie essuyer un coup surpuissant, Bell avait eu peur. Une peur presque panique, accompagnée d’un poids sur le cœur, qui s’était plus accéléré que jamais auparavant. Je ne comprends pas… se disait-elle pensivement. Elle était distraite, et inquiète, en présence de son amie.
Pour chasser ces questions, elle se concentra à nouveau sur ses enchaînements.
***
Ileae retrouva Bell à leur appartement, sortie de la douche, elle devina que son amie revenait de la salle d’exercice. Elle-même avait passé les trois dernières heures dans un atelier, à bricoler pour se vider la tête.
- Tu as pu avancer sur tes machines ? lança la yordle tandis qu’elle-même prenant une douche.
- Oui.
Malgré leurs efforts, elles avaient, comme tous, l’esprit encombré, tendu. Une attaque, une infectée, et une mission de sauvetage le lendemain. Pour la vastaya, la vue de leur camarade enragée par la substance l’horrifiait.
Mes parents… ont-ils subis la même chose ? se demandait-elle.
Elle chassait rapidement ces idées, après tout l’habitante avait été exposée au shimmer, produit Zaunien. Ses parents avaient quant à eux été aux prises avec la Brume Noire, plus proche d’une malédiction, ou d’une maladie arcanique.
Elle s’allongea dans le lit, affalée sur le flanc. Elle n’arrivait pas à empêcher son cerveau de penser. D’y penser.
- Tu vas bien ? demanda Bell, inquiète.
Ileae détourna évita le regard de son amie qui approchait, en marmonnant. Elle ne savait pas quoi lui dire. Cette dernière s’assit à ses côtés, posant sa petite main sur son bras.
- Tu n’es pas obligée de parler, dit-elle. Mais si tu veux, je suis là.
Un doux silence accueillit sa proposition, tandis qu’un triste sourire naquit sur son visage.
- J’ai une idée ! dit la yordle avec un air jovial. Tu veux un massage ?
Cette fois, la vastaya réagit. Face à cette idée inattendue, elle leva un sourcil curieux, tournée vers son amie.
- Allez, insista Bell. Tu verras ça fait du bien.
Ileae soupira en souriant. Sa très petite amie sur le côté la regardait avec des yeux implorant, et un grand sourire. En voyant la vastaya se relever, Bell laissa échapper un petit cri enjoué.
Elle observa Ileae s’asseoir, dos à elle. Cette dernière retira la chemise qu’elle mettait pour dormir, se retrouvant sans haut. Comme toujours, elle était subjuguée par les lignes d’écailles irisées qui se traçaient sur la peau de la scientifique. Son regard suivit l’élégante courbure de son dis écailleux, de la racine de ses cheveux pourpres.
Ileae se plaça sur le ventre, sans dire un mot.
Bell plaça ses petites mains sur le dos de son amie, fébrile. Même si elles dormaient ensemble, elle ne s’était toujours pas habituée à son contact. Une peau froide, mais d’une grande douceur. Surtout, elle ne pouvait pas empêcher son cœur de battre la chamade lorsqu’elles étaient ensemble.
Qu’est-ce qu’il m’arrive ? se demanda Bell. Elle ne parvenait pas à réfléchir correctement, elle avait un poids sur le cœur, qu’elle souhaitait évacuer, mais ne parvenait pas à parler.
Elle prit une grande inspiration, expira longuement, avant de commencer à bouger ses mains sur le dos d’Ileae. Elle sentait les muscles sous ses mains, réagir à leur passage. Elle est si tendue… pensa-t-elle.
- Depuis quand sais-tu masser ? finit par dire timidement Ileae.
- Oh je… bredouilla la masseuse, Anna m’a appris, c’est très utile pour détendre les muscles noués par l’entraînement.
Bell sentit son amie de détendre, ses muscles se délier, petit à petit. Ileae finit par se relever pour s’étirer, la remerciant, et la gratifiant d’un radieux sourire. Bell rougit, autant par le compliment reçu, que par le fait que la seule chose qui couvrait la vastaya était un bout de chemise négligemment maintenu.
- J’aurai souvent besoin de massages, admit-elle en se rhabillant. Tu as d’autres talent insoupçonnés ?
- Qui sait, répondit Bell avec un sourire malicieux. J’apprends tous les jours de nouvelles choses.
- Ton grand père sera sûrement impressionné.
- C’est sûr. Il aura bien du mal à me reconnaître.
Bell se coucha aux côtés de la vastaya, se glissant avec adresse sous les draps.
- Tu as beaucoup changé, et pas que physiquement. Je pense qu’il aura hâte de découvrir tout ce que tu vis.
- Tu penses ?
- J’en suis sûre ! affirma Ileae.
Bell se tenait sur un côté du lit. Au fond d’elle, elle mourrait d’envie de se rapprocher de la vastaya. La plupart des nuits, elle restait un peu à l’écart, de peur de la gêner. Pourtant, son corps, autant que son cœur, lui hurlaient de s’approcher.
Finalement, c’est Ileae qui s’approcha. Faisant plus de deux fois la taille de Bell, elle pouvait aisément se placer autour d’elle sans que cela ne soit dérangeant. Je me demande ce qu’elle en pense… se demandait Bell. La scientifique était depuis quelques temps bien plus entreprenante. Elle n’hésitait pas à se coller à elle pour dormir, prétextant que la fourrure de Bell l’aidait à dormir. Cette dernière, trop heureuse de leur proximité, ne protestait pas sur sa condition de peluche.
C’est ça, admit-elle, je suis une peluche.
- Je ne suis pas la seule à avoir changée, finit-elle par dire.
- Mmh ?
- Tu sembles… différente depuis quelques temps.
Bell tourna sa tête vers son amie. Elle planta son regard dans le sien, deux yeux violets comme l’améthyste, dans deux orbes dorées. Leurs visages à seulement une douzaine de centimètres, elle pouvait sentir le souffle frais de la vastaya.
- Tu es plus sûre de toi, parles plus. Tu bouges différemment aussi… un ne sais pas trop comment l’expliquer… Tu dégages quelque chose, de ténu mais de bien présent.
- Tu… as remarqué !? demanda Ileae avec un grand sourire.
- Nahia m’a dit que tu étais souvent avec Klem, admit Bell.
- Elle m’aide et m’apprend beaucoup. Elle est géniale tu sais !
Pour une fois, Bell voyait le visage de son amie s’illuminer, ce lorsqu’elle parlait de la zaunienne. Elle ressentit une chose qu’elle n’avait jamais senti auparavant, comme un poids douloureux sur le cœur. De la… jalousie ?
- Tu sembles beaucoup l’apprécier, souffla-t-elle.
- Oui, elle me fait penser à Vira lorsque nous étions petites.
- Alors tu… la vois comme une sœur ?
La vastaya détourna son regard, et réfléchit un instant.
- C’est ça, admit-elle.
Bell poussa un nouveau soupir discret. Cette fois elle sentait le poids sur elle se lever. Elle ferma les yeux, laissant son esprit divaguer le temps de trouver le sommeil. Une main vint trouver son bras et se poser dessus. Demain une journée chargée les attendait, mais elle avait au moins la certitude d’affronter les évènements à venir aux côtés de quelqu’un.
***