Bell de Bilgewater

Chapitre 44 : Partie 4 - Chapitre 8

4818 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:30

           Chapitre 8

 

         Au détour d’une conversation sur la structure si complexe de la ville, et des différents districts de Zaun, Bell eut l’occasion de découvrir les plans sommaires dressés par les membres de la Décharge au cours des nombreuses décennies. La carte étant assez ancienne, nombre de galeries de remontées avaient été condamnées, puis remises en service quelques années plus tard. Le plan n’était plus qu’un assemblage de raturages dans tous les sens.

 - Comment faites-vous pour ne pas vous perdre ?

         Aux côtés de la yordle se tenait Venos, ainsi que la cheffe.

 - Nous utilisons plus nos connaissances que les plans pour être honnête, répondit-il.

 - Mais vous avez besoin de ces cartes, pour la communication et l’apprentissage, je me trompe ?

         Nahia acquiesça.

 - Où veux-tu en venir, demanda-t-elle curieuse de savoir ce que voulait son invitée.

 - Je suis navigatrice, dit Bell. Je ne sais pas que lire les cartes, je sais aussi les dessiner. En explorant un peu Zaun je pourrais aisément mettre à jour vos plans

         Nahia sourit, amusée. Elle interdisait à la jeune fille de remonter en Zaun, de peur qu’elle se montre et se mette en danger. Sa simple présence pourrait mettre un quartier entier en quarantaine, le temps que les Ratels ne la trouvent.

         Techniquement je ne suis qu’apprentie, pensa Bell, je n’ai qu’à moitié menti ?

 - Il faudrait me prouver que tu as de tels talents, commença la cheffe, si tu pouvais pour commencer dresser…

 - C’est déjà fait, l’interrompit la jeune fille avec un grand sourire.

         Elle sorti d’une sacoche un grand plan, enroulé. Elle le déplia sur la table, laissant à Nahia et Venos le loisir de découvrir une carte de la Décharge.

         Finement dessinée, elle avait en son centre une représentation de la cavité, avec sur les côtés le détail des différents niveaux, ainsi que quelques indications, textes, et dessins d’illustration pour embellir le tout.

 - C’est… un excellent travail, souffla Venos admiratif,

 - Quand as-tu demandé les outils..?

 - Demandé ? sourit Bell. Je n’ai pas besoin d’autorisations.

         Le souhait de la jeune fille était de leur faire comprendre qu’elle désirait sortir, ne pas rester en place. Et avec ou sans leur autorisation, elle irait se promener où bon lui semble.

 - Je vois, soupira Nahia. C’est un excellent travail, tu es douée petite.

 - Merci ! répondit l’intéressée, un grand sourire sur le visage.

         Sur le côté, Venos était au bord du fou rire, observant la cheffe qui aimait l’ordre et la discipline aux prises avec une forte tête, partagée entre l’envie de la féliciter et de la réprimander.

 - Pour être sincère, je pensais à t’autoriser à sortir, sous certaines conditions, précisa-t-elle. Tu es assez forte pour te débrouiller, et on a besoin de tes talents. Que dirais-tu de participer aux ravitaillements ? Il s’agit de missions comme celle que l’on a mené l’autre jour en sortant, mais le but est généralement d’obtenir de grandes quantités et de les transporter.

 - Avec joie ! Je pourrais aussi cartographier ?

 - Si Klem est d’accord elle pourra t’emmener en vadrouille, expliqua Nahia.

         Bell afficha une moue dubitative, elle ne voulait pas de quelqu’un qui la gênerait en l’empêchant d’aller où elle voulait.

 - J’irais seule, affirma-t-elle.

         Nahia croisa le regard de son camarade, qui la fixa avec un grand sourire amusé. Il eut presque l’impression de voir une mère négocier avec son enfant.

 - Très bien, soupira la cheffe. Accordé.

         Bell sauta de joie, en tapant dans ses mains comme une enfant, ce qui ne manqua pas de faire soupirer son interlocutrice.

 

***

 

         Dans un même temps, Ileae eut aussi droit de quitter la cavité régulièrement, et d’aller à Zaun. Elle avait eu l’occasion de parler à Nahia, qui l’avait autorisé à aller à la rencontre de certains marchands pour trouver les pièces dont elle avait besoin. Klem était évidemment d’accord pour l’accompagner.

         La zaunienne, tout comme la cheffe, avait l’habitude de se déplacer au sein de la jumelle terne, et connaissait la plupart des districts comme sa poche. Elle avait pour habitude de prendre des chemins pour le moins… différents. Elle ne se gênait jamais pour escalader une façade et passer par les toits, de s’engouffrer dans des lieux interdits, ou suivre les divers réseaux qui passaient partout dans Zaun.

         Leurs trajets incongrus mettaient souvent la vastaya à l’épreuve, qui suivait tant bien que mal sa camarade.

         L’aisance et l’assurance avec laquelle Klem se déplaçait la frappait toujours. Plus que l’habitude, elle ne semblait rien redouter, n’avoir jamais peur de tomber, et n’hésitait jamais lorsqu’elle s’engageait dans une voie, sans pour autant rechigner à changer de trajet lorsqu’elle l’estimait nécessaire.

         Outre son aisance, Ileae admirait le caractère de la zaunienne. Toujours calme, elle comprenait instinctivement ce qui l’entourait. Contrairement à elle, la femme savait impressionner leurs interlocuteurs, sa force d’esprit et son assurance apparurent à Ileae comme un don.

         En général, la zaunienne parlait très peu, plutôt d’un genre taciturne dans le fond. Cela ne dérangeait pas outre mesure Ileae, qui se contentait de la suivre. De temps en temps elle finissait même par parler, un peu en monologue. En réalité, la vastaya avait trouvé en la zaunienne une confidente, à qui elle parlait de tout ce qui la rongeait. Klem, pas le moins du monde dérangée, se contentait de lui offrir une oreille, et parfois de l’aider à réfléchir sur elle-même.

         Une fois de plus, Klem guida sa nouvelle amie vers des lieux auxquels aucune personne normale n’aurait accès.

 - J’ai remarqué, dit Ileae essoufflée, qu’on fait plus de détours qu’autre chose. Pourquoi on passe ici et non dans la rue ?

         Klem sourit en regardant la jeune fille peiner à reprendre son souffle. Elle posa les sacs dans lesquelles elles avaient rangées des pièces qui serviraient à la scientifique, et s’assit sur le promontoire où elles s’étaient arrêtées. Elle invita son amie à faire de même, et observer.

         Ileae obtempéra en silence, et regarda avec attention autour d’elle. Elles étaient sur une plateforme désaffectée, en bord de ravine. Au-dessus d’elles, elle pouvait apercevoir, à peine perceptibles au travers du Gris, des passerelles et le district résidentiel dont elles venaient. Quelques dizaine de mètres en dessous, un autre district, plus industriel.

         Quelques minutes passèrent, et soudain, un rayon de soleil finit par percer les épaisses fumées grises de la ravine. Le soleil est à son zénith, devina Ileae. Les rayons limoneux, profitant de l’axe de l’astre pour arriver d’aplomb dans la ravine, rendirent le Gris plus diffus. Dans un même temps, il traversait le district supérieur. Diffractée par le verre, et rebondissant sur le métal, le dessous du quartier se transforma, et devint tel un ciel étoilé, projetant des rayons de lumière dans tous les sens.

         Ileae se délectait du spectacle, il était si rare de voir un si beau spectacle en Zaun, ses yeux brillaient presque autant que les passerelles les surplombant.

         Une fois les lumières passées, la vastaya observa le district inférieur. Il grouillait de gens, tous trop occupés par leur dur labeur dans leurs ateliers, n’ayant pas le loisir de voir ce à quoi elles venaient d’assister

 - J’ai de la peine pour vous, murmura-t-elle. Être coincés en Zaun…

 - Ils ne sont pas si différents de toi, rétorqua Klem avec un sourire. Te sentais-tu libre là-haut ? Pouvais tu agir à ta guise ? Partir lorsque tu le voulais ?

 - Pas vraiment… admit la jeune fille.

 - Ces gens, malgré la différence de milieu, sont comme toi, obnubilés par leur quotidien, piégés dans leur vie bien rangée. N’est-ce pas ce que tu souhaites briser ?

         Ileae ne répondit pas. Dans le fond, elle était d’accord avec Klem, coincée dans un chemin tout tracé, sans qu’elle n’ait eu le courage d’en sortir.

 - Pourquoi tu restes à Zaun ?

 - Tu penses que je suis coincée moi aussi ? Je ne viens pas d’ici en réalité.

 - Ah bon ?

 - Je suis née à Demacia, j’ai fait partie d’un corps d’armée du royaume.

 - Que s’est-il passé ?

 - Demacia est un royaume maudit. Ils sont accablés par leur peur des mages, qu’ils éliminent sans relâche. Ils sont corrompus et se cachent derrière une jolie façade immaculée et droite. J’ai été contrainte de participer à une traque à l’encontre d’un groupe de renégats, les mages ont décimés mes amis, j’y ai perdu près de la moitié de mon corps. Quand les renforts sont arrivés, ils ont massacré le restant de mes camarades, l’échec était intolérable.

 - Oh… comment… as-tu survécu ?

 - Les mages m’ont recueilli, et soignés, dit -elle simplement. J’ai fui ma terre natale, et voyagé. Un jour j’ai fini à Zaun, où j’ai croisé Nahia, qui m’a trouvé un artisan modificateur, j’ai eu droit à un nouveau bras, et ai un visage entier, bien que mécanique. Depuis je voyage tout le temps, je reste de temps en temps à la Décharge, comme en ce moment pour aider.

 - Tu ne vis pas ici en fin de compte… murmura Ileae.

 - Je vis partout où j’en ai envie.

         Un long silence pesa sur le duo, Ileae était loin d’imaginer ce qui se cachait derrière le métal de sa camarade.

 - Tu souhaites toujours changer ? finit par demander la zaunienne.

 - J’aimerai…

 - Je ne peux pas te libérer de tes chaînes, expliqua-t-elle. Ce que je peux t’offrir en revanche, c’est un chemin, une voie, qui pourrait te mener vers tes objectifs.

         Ileae acquiesça. Elle savait qu’elle n’avait pas besoin qu’on la libère, si elle voulait être réellement libre cela n’arriverait pas en se reposant sur quelqu’un. Elle devait évoluer, devenir forte, comme Klem, et Bell.

 - Il existe une caste noxienne, assez secrète, une sorte de guilde, qui se sont réunis autour d’une idée. Des êtres libres, détachés des affaires du monde, ils… pourrons t’aider à trouver ce que tu cherches.

 - Tu en fais partie ?

 - J’ai été formée, et ai suivi les enseignements d’un maître, mais j’ai été en désaccord avec certains au sein de leur ordre, j’arpente ma propre voie aujourd’hui. On les appelle les Ondes.

 - Tu pourrais me former !?

 - Non, je n’en ai pas le droit.

         Ileae ne put retenir une expression déçue d’apparaître sur son visage.

 - Cependant, glissa Klem, je peux cependant faire deux choses. L’une consiste à t’apprendre les bases physiques, comment escalader, courir, être capable d’aller n’importe où, mais surtout, comment te battre. La seconde, sera de te mener à une personne capable de te former.

 - Pour ça il faudrait qu’on sorte de Zaun, remarqua la vastaya.

 - Exactement, dès que nous trouverons une faille, je t’accompagnerais, si alors tu souhaites toujours changer tu sauras où te rendre. Qu’en dis-tu ?

         Ileae laissa aller son regard sur la foule en contrebas. Elle sentait son cœur s’emballer, Klem lui proposait une voie, de l’aider à réaliser ce qu’elle désire depuis si longtemps. Au pire, je ferais mon choix plus tard, se dit-elle, nous sommes coincées pour le moment…

         Elle se tourna vers la zaunienne, et planta son regard dans le sien.

 - Je marche.

 

***

 

         Ileae avait beau avoir de par sa nature de vastaya une condition physique avantageuse, elle devait être guidée. Pour Klem, l’agilité l’endurance et la force naturelle de sa nouvelle camarade seraient autant des avantages que des problèmes, elle risquerait d’avoir trop confiance et de trop se reposer dessus.

         Dès le lendemain, la zaunienne lui imposa un rythme important.

         Levée tôt, la vastaya partait directement dans Zaun, pour courir, grimper, sauter, au travers des divers districts dans lesquels elles partaient en reconnaissance. Finalement, le duo ne se déplaçait presque jamais dans les rues, Klem choisissant des parcours ardus.

         Malgré ses capacités naturelles, Ileae parvenait à peine à suivre la zaunienne, qui non seulement ne faisait que se promener, mais semblait aussi n’être qu’en promenade. Elle se déplaçait comme à son habitude avec une élégance et une assurance qui laissait la scientifique pantoise. De toits en toits, glissant sur des corniches comme une ombre, Klem parcourait des chemins inaccessibles aux personnes normales.

         La plupart du temps, Klem emmenait sa protégée dans les districts comptant des effectifs des Ratels, pour observer. Partout où elles allaient, les élévateurs étaient solidement gardés, de même que beaucoup de points de passage entre districts. Fort heureusement, la Décharge pouvait compter sur plusieurs éléments, d’une part leur réseau d’élévateurs secrets, leur garantissant l’accès aux Tréfonds, mais aussi les capacités et connaissances de certains éléments tels que Venos et Klem, connaissant Zaun comme leur poche.

         Après quelques échauffements, Klem passait à des exercices plus complexes pour Ileae. Elle avait de nombreux contacts un peu partout, souvent dans des endroits sordides et dangereux. Cependant, l’attitude assurée néanmoins sévère de la zaunienne impressionnait les rares opportuns pensant pouvoir s’en prendre à la jeune femme.

         Un jour comme un autre, les exercices de Klem les menèrent à un bar, très profondément caché dans un des lieux les plus pauvres de Zaun. Le Gris, relativement peu présent si profond, était cependant épaissi par les fumées expirées par les clients.

         Klem, totalement à l’aise, pénétra les lieux, suivie par une Ileae en retrait, jetant des regards autour d’elles.

 - Tu devrais te détendre, souffla la zaunienne. Ils voient tous que tu as peur.

 - Je n’ai pas peur, gronda la vastaya, je me méfie. Je ne connais pas ces gens.

         Un des hommes assis à une table près de l’entrée, se leva lourdement et s’approcha des jeunes femmes. Il était grand, plutôt musclé, mais très peu modifié, contrairement à son comparse, bien plus menu, qui l’accompagna.

 - Bonjour mesdemoiselles, dit-il avec un grand sourire. Vous désirez boire un coup, manger, ou… vous amuser ?

         Des rires gras accompagnèrent la fin de sa question, tandis qu’une expression de dégoût apparut sur le visage de Klem.

 - Depuis quand tu laisses les petites frappes se servir chez toi ? lança-t-elle au tenancier, qui semblait la connaître.

         Elle ignora complètement les deux zauniens, contournant le plus grand. Ce dernier n’apprécia pas qu’on lui manque de respect de la sorte, sa mâchoire se serra, et il tenta de saisir l’épaule de la femme.

 - Dis donc, on t’a jamais appris à…

         Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Klem se retourna, se saisit de son bras. D’un mouvement agile elle l’emporta derrière l’homme, lui tordant l’épaule violement, et asséna un grand coup de genou dans la jambe de ce dernier. En l’espace d’une fraction de seconde, le malheureux se retrouva plaqué au sol, une jambe douloureuse, et une zaunienne dans le dos, tordant son bras.

         Le second homme, pas découragé, choisit plutôt comme cible Ileae, qui lui sembla immédiatement plus facile à attraper. Il s’approcha, avec sur le visage un air qui dégoûta la vastaya.

         Je ne vais pas le frapper…? se dit-elle en gardant entre eux une distance respectable. Autour d’elles, la salle s’était tue, et observait, n’osant agir en faveur d’un des deux partis.

         L’homme se jeta sur elle, pour tenter de la saisir. Ileae choisit pour réaction de suivre l’exemple de son ainée, elle s’accroupit, et les mains au sol, lança sa queue dans les jambes du zaunien. Ce dernier, fauché, s’affala lourdement au sol. Il parvint cependant à saisir le vêtement de la jeune fille, et tira dans le but de lui saisir le visage. Ileae esquiva, mais reçut fut surprise par des lames sortant des manches de l’homme, lui griffant le visage.

         Sans plus réfléchir, elle lança un second coup, directement au visage de son assaillant, l’assommant.

 - Ne les abimes pas trop Klem, lança le tenancier de son bar. Ils dissuadent une bande de voleurs qui rôde.

         Klem laissa aller son regard entre l’homme maîtrisé, et son comparse inconscient. Elle se releva, et alla simplement s’asseoir à une table non loin, rejointe par Ileae.

         Les discussions reprirent, et le bar retrouva bientôt une atmosphère bruyante.

 - Tu as réagi trop tard, dit Klem en constatant les griffures sur son visage. Il était armé.

 - Je sais. Rétorqua-t-elle durement.

         Ileae était frustrée. Elle aurait dû être plus méfiante, Klem n’avait eu aucun mal à maîtriser le costaud de son côté, elle aurait besoin de quelques leçons de combat.

         Une personne finit par s’approcher de leur table, et après un rapide signe de Klem, elle s’assit en face des deux femmes de la Décharge. Par son accoutrement léger, Ileae devina instantanément que leur interlocutrice provenait d’un milieu… dont elle n’avait aucune envie de prendre connaissance.

 - B… bonjour, lança Ileae peu rassurée. Vous avez des informations à nous faire parvenir ?

         Sur les dernières missions, Klem avait chargé la vastaya des échanges avec ses contacts. Petit à petit, la frêle jeune fille semblait gagner en assurance, même s’il lui restait du chemin à faire.

         Leur interlocutrice haussa un sourcil en voyant les blessures fraîches d’Ileae, mais ne chercha pas à en savoir plus.

 - J’ai très peu de nouveau, dit-elle, mais il semblerait que les Ratels préparent une attaque sur un gang.

 - Une idée des cibles ?

 - On pense aux manufactures d’armes chemtech, et les usines de respirateurs.

         Ileae jeta un regard à Klem, qui se contentait de réfléchir, les bras croisés.

 - Quand passeront-ils à l’action ? demanda la vastaya.

 - Aucune idée, ils pourraient être déjà à l’œuvre.

         Klem sortit de son mutisme pour prendre le relais, et demander quelques détails supplémentaires. Les affaires extérieurs ne concernaient habituellement pas la Décharge, mais leur objectif de faire sortir Bell et Ileae de Zaun, demandait quelques implications.

         La femme salua ses interlocutrices et s’éclipsa. Klem laissa quelques minutes passer, puis finit par quitter le bar, suivie de sa protégée, retournant à leur quotidien.

 

         Pour tenter d’égaler la zaunienne lors de leurs sessions d’entrainement, Ileae s’était essayé à la création de gadgets pouvant combler ses lacunes. Elle avait pu mettre au point une sorte de grapin, et des griffes qu’elle avait fixé à ses gants et chaussures pour escalader plus aisément.

         Klem avait remarqué que la jeune fille gagnait en assurance, et peinait largement moins à la suivre.

         Au cours de l’une de leurs missions, la zaunienne amena Ileae vers un des nombreux points traversant une ravine. Elle planta la jeune fille face à un mur.

 - Grimpe. dit-elle simplement.

         Ileae la regarda avec un air curieux. Elle avait depuis plusieurs jours l’habitude de suivre la femme un peu partout dans les souterrains, se pliant à ses exercices physiques. Son corps s’adaptait très rapidement à ses nouvelles situation, elle avait déjà gagné en musculature, particularité héritée de ses parents.

         La zaunienne pointa une plateforme quelques dizaines de mètres au-dessus. Ileae s’approcha du mur, prête à commencer son escalade.

 - Sans tes accessoires, dit Klem.

         Ileae regarda le mur devant elle. Il était lisse, très lisse, et la plateforme était loin. Elle jeta un coup d’œil un peu paniquée à sa camarade, qui lui répondit avec un visage ferme. Elle soupira et retira son équipement.

 - Je n’y arriverai jamais… souffla-t-elle. Sans mes outils…

 - C’est difficile, mais pas impossible. Je peux le faire, à ton tour.

         La vastaya voyait bien qu’elle aurait un mal fou à escalader, les prises étaient très petites, éparses.

 - Toi tu as tes modifications, argumenta-t-elle.

 - Tu es esclave de tes outils, soupira Klem. Tu dois apprendre à ne te reposer ni sur tes armes ni sur tes gadgets.

         Sur ces mots, elle appuya de sa main sur son bras mécanique, et dans un bruit sec et mécanique, le tourna. Elle détacha sa modification, se trouvant amputée d’un membre, qu’elle plaça dans sa sacoche.

         Elle s’approcha de la faça de pierre, et commença à grimper, sous les yeux de la vastaya. Après quelques mètres, elle se tourna vers la jeune fille au sol.

 - Tu ne vas pas rester là toute la journée ?

         Ileae se rasséréna, et s’avança vers le mur. Moi aussi je peux le faire, se dit-elle pour se donner du courage. Elle saisit de ses mains les quelques arrêtes visibles, et commença à se hisser vers la plateforme.

         Comme elle l’imaginait, l’ascension fut rude. Elle devait s’accrocher à de minuscules prises, et hisser son corps du bout des doigts et des pieds. À la moitié du chemin, ses muscles commencèrent à la bruler, et quelques crampes firent leur apparition. Elle manqua de tomber à plusieurs reprises, et aux douleurs musculaires s’ajoutait une boule au ventre et un poids sur les épaules : la peur de la chute.

         Klem était à ses côtés, et lorsque sa camarade faiblissait, elle utilisait sa jambe pour la rattraper. Malgré la difficulté, la zaunienne se mouvait aussi agilement et aisément que si elle se trouvait au sol. La facilité avec laquelle elle grimpait déconcertait Ileae, comme si elle glissait sur le mur.

         Elles parvinrent à la plateforme, la vastaya s’écroulant après tant d’effort. Ses équipements lui manquaient atrocement, mais d’un autre côté, elle était fière d’avoir réussi.

 - Tu vois, tu en étais capable au final, sourit Klem.

         Ileae marmonna quelque chose en tentant de récupérer une respiration calme. Elle scruta la plateforme autour d’elles, une porte se trouvait contre le mur, cachant certainement un couloir de maintenance de réseaux d’aération ou minier.

         Hormis ça, la plateforme était vide.

 - Pourquoi sommes-nous montées ici ?

 - Parce que j’en avais envie, répondit Klem avec un sourire. Tu n’en avais pas envie toi ?

         Ileae marmonna à nouveau. Elle savait pertinemment pourquoi elle l’avait faite escalader ce mur. Elle restèrent quelques minutes à observer les quelques passagers en contrebas sur le pont. Comme toujours, de nombreux hommes armés parcouraient les rues. Les Ratels, pensa Ileae. Et dire que ce satané professeur est toujours libre…

 - Fin de la pause ! dit Klem en se relevant. On redescend.

         Ileae poussa un profond soupir, cette fois en souriant. Elle avait réussi à monter, elle pourrait aussi descendre.

 - Demain nous commencerons aussi à voir quelques techniques de combat, lança Klem déjà en chemin.

 

***

 

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