Bell de Bilgewater
Chapitre 7
À plusieurs dizaines de mètres au-dessus de leurs têtes, un homme franchit une porte. Malgré sa carrure, il n’était pour une fois pas gêné pour passer l’encadrement, ce qui l’étonna. Cependant, ce qui lui fit le plus d’effet, fut l’état de la porte.
Dégondée, et explosée, ladite porte n’était plus qu’un amas d’acier en plusieurs morceaux. Il faut une force colossale pour en arriver à cet état… pensa l’homme.
Autour de lui, les murs n’étaient pas dans un état plus enviable, striés de marques de griffures, comme si une bête sauvage était passée ici. Son souci ? Aucune bête de la sorte n’existait en Zaun. Des modifications ? se dit-il en touchant une des marques. À moins que… Singed aurait sorti son chien ? Peu probable.
Un de ses hommes s’approcha. Il devait être nouveau, car lorsqu’il vit la personne arrivée, il eut une hésitation avant de lui parler.
- Chef ! lança-t-il. Nous avons sécurisé le site.
- Des survivants ? demanda l’intéressé. Et une idée sur l’origine de ses marques ?
- Non, monsieur, rien du tout. Le professeur Krenn n’était pas sur place il est sauf. Vous devriez aller voir… les autres…
Le chef haussa un sourcil, curieux quant à l’attitude de son interlocuteur. Il retira son manteau, laissant apparaître ses membres hautement modifiés, et une lumière sur son torde, qui pulsait calmement. Juste au cas où, se dit-il. Un manteau serait gênant en cas d’affrontement.
Il laissa l’homme de main derrière lui, et pénétra la clinique. La scène était troublante, en intérieur, tout était ravagé, les meubles en morceaux, les murs striés. Après avoir traversé quelques couloirs, il tomba sur un médecin accroupi avec ses équipes en groupe.
En l’entendant arriver, tous se relevèrent et saluèrent leur chef.
- Bonjour Baron ! crièrent-ils. Vous venez constater ?
- En effet, maugréa-t-il.
Le spectacle qu’il eut sous les yeux était encore plus triste que celui autour de lui. Un homme de Krenn, ou du moins ce qu’il en restait, probablement un garde, était à terre. Il était aussi marqué que les murs, mais ce qui le frappa fut l’expression d’horreur qu’il avait sur le visage. De sa longue carrière, et malgré toutes les atrocités qu’il avait pu voir en Zaun, jamais il n’avait vu de telles choses.
Il salua ses hommes, et repartit vers les profondeurs de l’édifice. Il trouva un de ses hommes, un des responsables des recherches de Krenn, accompagné d’hommes de main.
- Alors professeur, une expérience a mal tourné ? lança-t-il à ce dernier.
- Chef, salua-t-il. Non j’en doute, c’est une attaque extérieure.
- Un des gangs qui se rebellent ? Piltover ?
- Rien ne nous permet de l’affirmer. Il pourrait s’agir d’une attaque isolée…
- Je vois. Vos sujets d’expérience ?
- La plupart ont été tués, seuls les prisonniers encore… humains, sont restés, et se cachaient. Deux sujets manquent à l’appel monsieur et…
- Qui ça ? l’interrompit l’homme.
Le scientifique lui tendit une planchette, sur laquelle de nombreux noms étaient soit rayés, soit encadrés. En dessous, le dossier des deux prisonnières manquantes. Le chef soupira longuement avant de lui rendre sa liste.
- On va avoir des problèmes. On sait où elles sont parties ?
- Elles n’ont pas pu regagner Piltover, doit-on mettre les équipes en alerte ?
- Donnez à tous mes hommes un signalement, nous retournerons la ville s’il le faut. Si on la laisse filer, Il nous le fera payer cher.
Entre le bâtiment ravagé par un ou des inconnus, et le fait de voir même son chef inquiet des répercussions, l’anxiété montait parmi les hommes de main.
- Nous avons trouvé quelqu’un ! lança un homme de loin.
Le chef indiqua au professeur et ses camarades de continuer leur travail, tandis qu’il se dirigeait vers le couloir. Il débarqua dans une pièce où plusieurs hommes entouraient un dispositif, dans lequel une personne se cachait.
L’individu était une femme, vêtue d’une tunique en lambeaux fournie par la clinique. Un sujet d’expérience. La femme lui sembla avoir une trentaine d’années, elle avait des cheveux rouge comme le plus brulant des feux, des oreilles pointues, et des écailles bleues parsemaient sa peau blanche.
- Eh bien, on dirait que c’est ton jour de chance, lui dit-il en s’approchant.
La femme était méfiante, elle avait peur.
- Tu as été libérée, tu peux venir nous allons t’aider, dit-il en tendant la main.
Toujours sans dire un mot, la femme finit par attraper sa main. Elle était terrorisée, mais elle souhaitait avant tout sortir de cet endroit.
*** ***
Une expression impassible et froide, habituelle pour Holly, était plaquée sur son visage. Malgré cela, les sentiments qui l’habitaient étaient inhabituels, bien moins calmes et sereins. Un mois auparavant sa protégée avait été capturée alors qu’elle se rendait à la clinique du docteur Krenn dans les quartiers médians de Zaun. Alors qu’elle planifiait les recherches, les Ratels du Puisard avaient soulevé la ville du dessous contre sa jumelle, il lui était impossible de secourir qui que ce soit.
On frappa à la porte, et le capitaine pénétra la pièce en saluant.
- Commandante, le doyen Hekins souhaite vous voir.
Holly soupira. Pour la première fois de sa carrière, le capitaine put presque déceler une expression sur le visage de sa supérieure. Elle ne laissait jamais paraitre ce qu’elle ressentait, mais depuis près de vingt ans de collaboration l’aidait à décrypter l’énigmatique femme.
Elle était furieuse.
- Amenez le moi, lâcha-t-elle. Un thé avec un vieil ami me fera le plus grand bien.
Le capitaine salua de nouveau, et s’exécuta en quittant la pièce. Quelques minutes plus tard, le doyen de l’académie, Horace Hekins, prenait une tasse de thé chaud dans ses mains en compagnie de la grande femme.
- Comment vas-tu très chère ? demanda-t-il en souriant.
- J’ai échoué, dit-elle. Je n’aime pas ça.
- Je comprends. Où en est la situation ?
- Tous les accès sont bloqués, quelques altercations entre les pacifieurs et les ratels, mais peu de victimes. C’est un blocus.
- Des suspects pour la capture des jeunes filles ?
- Je pense à Krenn, la sœur vastaya Vira est probablement dans le coup.
Le doyen répondit par un marmonnent. Il resta pensif, soufflant sur son thé pour le refroidir.
- Les aristocrates ont été stupides de lui faire à nouveau confiance, pesta la commandante. Ce sont des idiots.
- Je tente de contacter des amis en Zaun, dit le vieil homme. Mais les communications sont quasiment impossibles. Mes sources indiquent que le laboratoire de Krenn a été attaqué.
- Comment !?
Il était rare de voir Holly laisser aller ses émotions. Le doyen put lire sur son visage, dont le calme et la froideur avait disparues, un mélange de stupéfaction et d’inquiétude.
- Je pense cependant que Krenn est bien dans le coup, et avec les Ratels c’est certain. Il y a dans cette histoire un troisième parti. Tout est bien plus complexe que l’on n’accepte de l’imaginer.
- Si c’est le cas, alors les jeunes sont livrées à elle-même dans les Tréfonds, continua la commandante sur un ton acerbe.
- Calme-toi Holly, dit le vieil homme avec dureté. Elles sont débrouillardes, j’ai confiance en elles.
- Ce sont des Tréfonds dont nous parlons, et potentiellement d’un baron à leur recherche. Il faudrait un miracle pour qu’elles leur aient échappées, en admettant qu’elles aient profité de l’attaque pour disparaître.
- Dès lors que nous aurons trouvé une faille, nous devrons y envoyer des hommes les récupérer. Vos escouades sont-elles elles prêtes ?
- Oui. Mais je vous avais prévenu, vous et cet irresponsable de Johan, vous l’avez laissé fureter partout sans la protéger.
Le doyen soupira, et tenta de siroter sa tasse de thé sous le regard foudroyant de sa camarade.
- Vous auriez dû lui dire.
- Comment ? demanda-t-il.
- Elle ne sait pas, ce que vous êtes.
- Je… je m’en chargerais lorsque nous l’aurons récupéré.
Ce fut au tour de la commandante de soupirer. Elle, habituée des renseignements, était presque allergique aux petits secrets et manipulations.
Elle aurait du travail, d’abord elle devait percer le blocus des ratels, pour ensuite parvenir à trouver sa protégée. Si en prime elle pouvait trouver le responsable du bazar provoqué dans ses villes, elle en profiterait pour lui flanquer son poing dans le visage.
*** ***