Bell de Bilgewater

Chapitre 42 : Partie 4 - Chapitre 6

6103 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2023 17:26

           Chapitre 6

 

         La nuit dans la grotte était plutôt fraîche, mais les logements étaient parcourus d’une douce chaleur. Elles n’étaient évadées de la clinique de Krenn que depuis une journée, qu’elles avaient déjà eu droit à une course-poursuite avec un gang, de mauvaises nouvelles, et une rencontre avec une yordle.

         Dès leur entrée dans l’appartement, Bell fonça prendre une douche. Elle avait besoin d’eau chaude pour calmer son esprit. Elle resta de longues minutes à attendre, sentir les gouttes d’eau frapper sa fourrure, et encore une fois, elle se détendit.

         Lorsqu’elle sortit de la salle d’eau, en tenue de nuit, Ileae était en train d’écrire sur un carnet, assise à un bureau. De loin, Bell put apercevoir quelques schémas, et des calculs griffonnés sur le papier. Elle ne s’arrête jamais, sourit la yordle, mais où a-t-elle trouvé ce carnet ?

 - Klem a confirmé que les points de passages étaient pour le moment imprenables, dit Ileae en refermant le livret.

 - On va être coincé ici un moment… soupira Bell en s’affalant dans un fauteuil.

 - Venos a besoin d’aide sur les machines, mes talents seront utiles ici. Et toi tu as une idée de quoi faire ?

         Elle réfléchit un instant. Après tout, les missions de ravitaillement dans Zaun semblaient l’intéresser, mais elles étaient relativement rares selon Klem.

 - Je dois reprendre mon entraînement, j’ai perdu en agilité. Faut croire que des jours de captivité sous drogues anesthésiantes n’aident pas à se maintenir.

 - Tu crois ? Si tu t’ennuies tu pourras m’aider ! Proposa la vastaya. J’adorerai t’avoir comme assistante !

         Ileae avait un sourire jusqu’aux oreilles, et en venait presque à taper dans ses mains comme une enfant, sous le coup de l’excitation. Devant son regard implorant, Bell ne put qu’accepter.

 - C’est d’accord…

 - Super !

         Ileae avait bondit de son siège, et trépignait de joie. Elle attrapa quelques affaires sur le lit et commença à se changer devant un miroir.

         Avant que Bell n’ai pu réagir, Ileae avait retiré la quasi-intégralité de ses vêtements, ne conservant que le bas de son sous-vêtement. Stupéfaite, Bell ne dit rien, c’était la première fois qu’elle voyant en détail une vastaya, d’autant que les hybrides reptiles étaient rares en Bilgewater.

         Sa peau restant d’une pâleur presque partout, devenant un peu plus foncés par certains endroits qu’il n’était pas donné à tout le monde de voir. Les oreilles pointues de la vastaya étaient couvertes d’écailles bleues irisées, que l’on retrouvait par habitude sur son nez, ses joues. Elles s’étendaient aussi de la paume de ses mains, en passant par le dos de ses bras, et finissaient dans le haut du dos.

         Poussée en partie par la curiosité, elle continua d’observer. Elle put aussi constater la même large ligne écailleuse sur l’extérieur de ses jambes. Enfin, une dernière série courait de sa nuque, le long de sa colonne vertébrale, et descendaient jusqu’à la pointe de sa queue.

         Pour toute tenue de nuit, Ileae garda simplement son sous-vêtement et enfila une large chemise, avant de détacher ses cheveux rouge feu.

 - Tu te déshabilles comme ça devant tes amies en général ? Lança Bell en souriant.

         Comprenant immédiatement qu’elle venait de se donner en spectacle, la vastaya devint aussi rouge que ses cheveux, et commença à bafouiller, sous le regard amusé de son amie.

 - Non.. ! Je…euh.. Pas avec non…

 - Oh c’est donc un traitement de faveur ? Demanda Bell en haussant un sourcil, amusée.

         Ileae était rouge de honte, à tel point qu’elle ne parvenait plus à articuler un mot, et se cacha le visage dans les mains. Bell fut prise d’un fou-rire en voyant son amie se décomposer de gêne.

 -Je te taquine, finit par lâcher la yordle une fois son souffle repris. Il est temps de se coucher maintenant on a besoin de repos.

         Ileae aussi reprit son calme, et rejoint Bell dans le grand lit. De solides journées les attendaient demain, et au vu de leur état de fatigue, il y avait fort à parier qu’elles n’auraient aucun mal à trouver le sommeil.

         Tandis qu’elle s’allongeait à ses côtés, la yordle ressentit un mélange de soulagement, et de joie incontrôlable qui lui pesait sur le cœur. Une seule pensée et envahissait maintenant son esprit.

         Elle voulait serrer Ileae dans ses bras.

 

***

 

         Un souffle chaud caressa la fourrure de son cou, la faisant frémir. Elle ouvrit les yeux, presque aucune lumière ne parvenait à ses yeux, et une fois de plus, elle n’était ni dans son lit chez Papy à Bilgewater, ni dans le manoir Wajäard qui l’accueillait à Piltover, et encore moins dans sa couchette, au cœur du Somua, en réparation au port.

         Une fois de plus, elle s’éveillait à un endroit où elle ne devait pas être.

 

         Elle sentit des mouvements à ses côtés. Inquiète, elle n’osa cependant pas tourner la tête pour regarder. Elle entendit un curieux grognement, puis un bras émergea dans son champs de vision. Ledit bras se tendit, tâtonna, et une fois qu’il eut repéré Bell, c’est toute la masse à son extrémité qui entra en mouvement.

         Bell sentit un corps se glisser à ses côtés. Ce dernier saisit la yordle et l’enserra comme une peluche, avant de se recroqueviller contre elle en marmonnant. Ileae, identifia la yordle.

         La peau de la vastaya était froide, mais très agréable au toucher. Ce qui étonna le plus la jeune fille, ce fut la douceur des écailles qui parcouraient le corps de son amie. Apaisée, la yordle se tourna finalement face à face avec Ileae, se laissant enlacer. Après hésitation, elle passa son bras autour de sa hanche, avant de sombrer dans un profond sommeil, un grand sourire aux lèvres. Elle n’était peut-être pas où elle le devait, mais une elle était sûre d’une chose.

         Elle était là où elle le souhaitait.

 

***

 

         La douce lumière du disque solaire qui inondait la cavité perça par un espace entre les rideaux, et vint se poser délicatement sur les deux dormeuse. Ileae fut la première à se réveiller. Elle eut la surprise de découvrir Bell nichée au creux de ses bras, dormant à points fermés. Elle prit le temps de prendre une douche avant de réveiller son amie. Cette dernière semblait avoir pu passer une nuit reposante.

         Leurs premières journées les attendaient. Déterminées à s’intégrer au mieux le temps de trouver un moyen de remonter en Piltover, le duo tenterait d’apporter autant d’aide que possible.

         Comme promis, Ileae eut le droit de jeter un œil aux machines filtrant l’air dans les conduites creusés, qui les reliaient à Zaun. Elle aida dans un premier temps Venos et ses équipes à réparer et entretenir ces engins qui tournaient continuellement depuis des décennies.

         En quelques jours, elle développa des systèmes de secours, parvint à améliorer la fiabilité et l’efficacité de leurs purificateurs, et eût même le temps d’apporter quelques modifications à leurs systèmes d’irrigation. Nahia et ses camarades eurent vite compris les capacités et la réputation de la vastaya.

         Quelques jours suffirent à la scientifique pour revoir leur technologie. Elle prit soin de leur expliquer leur fonctionnement exact, qu’un des membres doués en lettre et dessins inscrivit dans un ouvrage qu’il copia. Tout ceci fut rendu possible par le travail des équipes de Klem, chargées de dénicher tout ce dont la vastaya aurait besoin. Bell quant à elle, restait avec les habitants, avec l’interdiction de remonter à Zaun sans autorisation.

         Bien qu’elle passe la plupart de son temps avec Venos et les quelques scientifiques de la Décharge, Klem rendait souvent visite à Ileae, profitant de ses pauses pour discuter avec elle.

 - Qu’est-ce qu’une vastaya aux capacités physiques hors norme faisait enfermée dans un laboratoire ? finit par demander la zaunienne.

 - Je… mes parents souhaitaient que je puisse habiter Piltover, et quitter les bas quartiers où nous vivions.

 - Ce sont eux qui t’ont fait devenir une chercheuse ?

 - En partie… j’adorais les sciences et le bricolage, alors ça m’arrangeait.

 - Bien des gens jalouseraient tes aptitudes physiques, autant que ton mental.

 - Certes… mais ce n’est pas ça qui m’aurait garanti une place à Piltover.

         La zaunienne resta pensive, pianotant sur une table. Et pourtant… se dit-elle.

 - Je te sens troublée… souffla-t-elle.

         Ileae leva un sourcil, intriguée. La zaunienne avait changée, son ton n’était plus amical, il était… d’une sincérité et d’une justesse qui troubla la jeune fille.

 - Tu sembles en proie à des contrariétés, continua-t-elle, tu es confuse.

 - Je… ne sais plus trop où j’en suis… admit-elle.

 - Développes je t’en prie.

 - J’ai suivi les désirs que mes parents avaient pour moi, suis sortie de Zaun, ai intégré la meilleure académie, puis un centre de recherche en devenant l’assistante d’un chercheur de renom. J’ai acquis des compétences et une réputation enviable. Et pourtant... quand je vois Bell et son équipage, je sens un vide…

 - Il te manque quelque chose ?

 - J’ai déjà tant… on m’a donné des opportunités, j’ai de la chance et j’en suis consciente, mais quand bien même…

- Tu aspires à autre chose… souffla Klem. De quoi as-tu envie ?

         Ileae s’assit, réfléchissant un instant. Toute sa vie elle avait suivi les directives de ses parents, leurs recommandations. J’ai toujours aimé les sciences, se dit-elle, pourrais-je seulement faire autre chose..?

 - Je veux partir, dit-elle en regardant Klem dans les yeux. Je veux voir le monde, je veux être capable de l’explorer par moi-même. Je ne veux plus être dépendant de qui que ce soit, être captive, être manipulée. Toi et Bell semblez différentes, comme si peu importe les évènements, rien n’avait d’emprise sur vous.

         Un grand sourire satisfait barra le visage de Klem, qui s’appuya contre une table en croissant les bras.

 - Il n’y a pas que la liberté qui t’intéresse, je me trompe ?

 - Je… veux être digne d’être aux côtés de Bell.

 - Bell est forte, bien plus que nombre de gens que j’ai pu rencontrer dans ma vie, elle a su prendre son envol, et être libre. Si tu veux faire de même, et te tenir à ses côtés, tu vas devoir évoluer

         Klem posa doucement la main sur son épaule, planta son regard dans le sien, et lui sourit, avant de se diriger vers la porte.

 - Il est temps d’explorer autre choses que les sciences jeune fille.

 

***

 

         Non contente d’avoir à disposition nombre d’installations, aménagées au fur et à mesure des décennies, la Décharge était aussi dotée d’une grande salle d’entraînement. De très nombreuses armes étaient disponibles, ainsi que leurs versions d’entraînement en bois.

         Bell avait beau savoir sa mentor, Anna Wajäard, en haut à Piltover, elle ne devait pas pour autant négliger son entraînement. D’autant qu’elle avait remarqué que leur course poursuite, ses blessures, et sa captivité, avaient affaibli sa condition physique. Elle devait se remettre en selle.

         Elle avait pris le temps de noter ses exercices quotidiens, et s’imposa une routine. Nahia et Klem purent même la conseiller, ce qui permit à la jeune fille d’apprendre de combattantes aux styles très différents. Elle tenta aussi de se servir d’autres armes, après tout elle n’aurait pas toujours une dague à disposition. Malheureusement, les lances épées et fléaux étaient bien trop grands et lourds pour un être deux fois plus petite que la moyenne.

 - Pas facile avec notre taille n’est-ce pas ! Lança Nahia en pénétrant la salle.

         Bell essoufflée interrompit son enchaînement pour rejoindre son hôte, assise sur un banc. Elle avait trouvé un court bâton de combat, et appréciait tenter de se mouvoir avec. Par chance, un des habitants de la Décharge, régulier usager de l’aire d’entrainement, avait accepté de lui apprendre quelques techniques, connaissant les bases.

 - Les armes ne sont pas ce qui manque, acquiesça la jeune fille, j’aimerai varier mes connaissances.

         La cheffe leva un sourcil, curieuse.

 - Au cours de ma longue vie, j’ai pu croiser de nombreux combattants, et des armes très étranges. Que maîtrises-tu ?

 - La dague principalement. J’ai eu la… chance d’utiliser des matraques zauniennes, lors de mes confrontations avec les hommes de Krenn. Pour l’instant, les épées standard sont un peu grandes, et je ne parle pas des lances…

         Nahia se leva, et se dirigea vers un meuble sur lequel étaient disposés des armes aux formes étranges. Elle passa sa main sur les répliques en bois, avant de s’arrêter devant l’une d’entre elles. C’était une épée courte, conçue pour être tenue à une main, dont la lame formait un arc de cercle.

 - As-tu déjà entendu parler du khopesh jeune fille ? lança-t-elle.

         Bell répondit par la négative, excitée à l’idée de découvrir quelque chose lui étant inconnu.

 - Il s’agit d’une arme assez ancienne, expliqua la cheffe, très courante sous l’ancien empire Shurimien, bien qu’on la retrouve aussi dans les chaînes de montagnes targoniennes à l’ouest du continent. Habituellement utilisée à une main, elle était très appréciée des combattants à cheval, son utilisation s’apparentant plus à une hache de combat qu’une épée. Cependant pour nous autres yordles…

         Le khopesh devant elle était de taille moyenne, à savoir environ un mètre, dont 80 centimètres de lame. Bien qu’étant en bois, et d’une taille raisonnable, le souci principal ne provenait pas de l’arme, mais de la taille de la combattante elle-même. En effet, l’objet la dépassait d’environ une trentaine de centimètres.

         Nahia se saisit de l’arme, qu’elle souleva sans mal, et finalement sans être particulièrement gênée.

 - Dans mon cas évidemment, dit-elle, elle ne peut être utilisée comme arme à une main. Pour cette raison, je m’en sers comme d’une épée lourde, souhaites-tu voir quelques mouvements ?

         Très intéressée, Bell acquiesça avec un grand sourire aux lèvres. Sans plus attendre, Nahia alla se placer au centre de salle, elle souleva l’arme, fléchit ses jambes, se pencha et porta l’arme à son épaule, comme si elle portait un lourd marteau.

         Après un court instant de concentration, la cheffe commença à se mouvoir. L’arme bien que faite de bois, semblait peser un certain poids, sachant que le bois avait été traité et lesté en son intérieur pour imiter au mieux les sensations de l’arme originale.

         Nahia lança son arme, qui si elle avait été en combat, aurait tranché tout ce qu’il se trouvait devant elle. Plutôt que d’arrêter la lame dans sa lancée, et de résister à son inertie, la yordle se servait de sa vitesse pour enchaîner des rotations dans divers sens, jouant avec l’objet comme une danseuse.

         Sans être emportée, elle utilisa le poids de son arme pour enchaîner des coups avec ses pieds. Elle ne se repose que sur son arme, se dit Bell, admirative. Pendant ce temps la cheffe continuait de tournoyer. Ses mouvements de lame étant assez lents, elle compensait par des coups plus rapides, allant même jusqu’à laisser l’arme se poser au sil, afin de l’utiliser comme point d’appui pour esquiver ou frapper.

         D’habitude, les combattants apprenaient à maîtriser chaque mouvement, et à les imposer à leurs équipements, pour les rendre naturels et fluides, mais ici Nahia était totalement à l’opposée. Elle accompagnait l’arme, bien plus lourde et grande qu’elle, elle dansait avec, ne lui imposant qu’une trajectoire, sans jamais qu’elle ait à la stopper.

         De plus, l’arme longue couplée à de rapides mouvements semblait lui garantir une couverture sur plusieurs angles. Je ne parviens pas encore à voir de faille, analysa Bell, je voudrais la voir se défendre bien plus.

         Après une ultime série de mouvements, Nahia finit par s’immobiliser, droite. À aucun moment elle n’avait ralenti ses mouvements, et avait fait étalage d’un style garantissant défense solide et attaque implacable. Bell brulait maintenant d’envie de voir ces techniques en action contre de vrais adversaires.

 - Que penses-tu de cette arme ? lança Nahia, à peine essoufflée malgré la session longue de plusieurs dizaines de minutes.

         Bell resta pensive quelques secondes, toujours en train d’enregistrer ce qu’elle venait d’observer.

 - Vous pensez que je serais capable d’en manier une ? demanda-t-elle.

 - Bien évidemment, tout le monde peut apprendre.

 - Vous semblez beaucoup l’apprécier.

 - J’ai trouvé ma première lame dans cet endroit, élégante, maniable. L’arme noble d’une époque civilisée.

 - J’apprécierai suivre vos enseignements, nul doute que je pourrais surprendre mes camarades en rentrant à Piltover.

         Nahia lâcha un sourire, satisfaite d’avoir trouvé quelqu’un à qui enseigner le maniement de son arme favorite.

 - Je sais d’où vient votre arme, commenta Bell, mais vous, d’où êtes-vous originaire ?

 - Comme la plupart des yordles je suis née à Bandle, mais je n’en garde aucun souvenir. À dire vrai, mes parents sont rapidement partis explorer Runeterra, et se sont installé dans ce qui deviendra l’empire Noxien.

 - Où sont-ils maintenant ?

 - Ils ont été tués lorsque j’étais petite.

 - Oh… je suis désolée…

         Bell eut honte d’avoir probablement posé des questions trop personnelles à son hôte. Cependant, cette dernière partit dans un grand éclat de rire et la regarda.

 - Ne t’en fais pas petite, cela s’est passé il y a plusieurs siècles, j’ai eu le temps de m’en remettre.

         La jeune fille poussa un soupir de soulagement. Je devrais faire plus attention à l’avenir, se dit-elle, ma curiosité me jouera des tours…

 - Vous… savez comment se rendre à Bandle..?

 - Tu penses que tes parents s’y cachent ?

         Elle acquiesça, les yeux brillant d’espoir. Nahia réfléchit un instant, mais ne lui offrit qu’un sourire triste.

 - Bandle est une région qui se trouve hors de notre plan d’existence, dans le monde spirituel. Nous y sommes reliés par des points de passage : des sortes de portails qui nécessitent des manipulations, et une maîtrise de la langue yordle.

 - Vous y êtes déjà allée ? Vous maîtrisez la langue yordle !?

 - Une fois oui, d’autres yordles m’y ont emmené, j’ai pu y rencontrer ma famille, quelques années après la mort de mes parents. Mais non, je ne connais pas notre langue…

 - Vous savez où se trouve le portail que vous avez emprunté ?

 - Quelque part aux alentours de Targon, je crois qu’il s’agissait d’un village shurimien.

 - Est-ce que vous connaissez d’autres yordles ?

         Nahia réfléchit quelques secondes, avant de plonger son regard dans celui de la yordle.

 - Il doit y avoir une cinquantaine de yordles dans Zaun et Piltover, finit-elle par dire. Notre espèce n’est pas aussi peu présente qu’on peut le croire

 - Sérieusement ? 

 - La plupart sont très, très discrets, mais beaucoup se cachent à l’aide d’aptitudes… disons propres aux yordles, tu n’es pas sans savoir que nous avons de bonnes affinités avec la magie.

 - Mais c’est impossible, même à Bilgewater je n’en ai presque jamais vu ! Et la plupart étaient de dangereux criminels. Les yordles ici pourraient m’aider ?

 - Quand bien même tu en trouverais, ils devraient être capables de te mener à un portail, et maîtriser la langue yordle. Chaque point rend ton objectif plus complexe à atteindre, mais je connais deux yordle qui pourraient t’aider.

         Bell était pendue aux lèvres de Nahia, le regard implorant la cheffe de lui en dire plus.

 - Le premier se cache, soupira-t-elle, et je ne peux rompre le secret de son identité. Cependant, le second est assez connu. Tu es allée à cette grande académie piltovienne non ?

 - Oui acquiesça Bell.

 - Parmi les professeurs, tu as du entendre parler d’un certain Heimerdinger ?

 - En effet, il était absent.

 - Oh je vois… Lors de votre retour à Piltover, tu devrais le trouver. Il est même plus vieux que moi je pense qu’il pourra t’aider.

         Malgré ce qu’elle apprenait sur son espèce, la présence d’une personne capable de l’aider l’enivrait, elle avait à portée de main un nouvel objectif, qui peut-être lui apporterait des réponses.

 

***

 

         Quelques jours passèrent, doucement, laissant aux jeunes filles le temps de s’improviser une routine. Ileae vaquait à ses expériences, discutant souvent avec Klem, elles commençaient à s’entendre de mieux en mieux. L’énigmatique zaunienne semblait comprendre la vastaya mieux que personne, pourtant la plupart du temps elle se contentait de l’écouter, lui offrant plus souvent des pistes pour trouver elle-même les réponses à ses questions.

         Bell quant à elle avait maintenant droit à un apprentissage des arts du khopesh avec Nahia, entre deux sorties dans Zaun. La cheffe lui apprenait les bases et les mouvements simples d’un style de combat lourd. Elle se sentait à l’aise au sein de la Décharge, elle discutait souvent avec des habitants, les enfants vivant ici-bas étaient très curieux de croiser une semblable de leur meneuse.

         Une chose cependant la gênait, elle n’avait pas encore l’autorisation de remonter en Zaun quand elle le voulait.

         Comme tous les soirs, Bell et Ileae se retrouvaient à leur logement, respectivement exténuée. Malgré les recommandations du médecin sur le repos, les filles se donnaient à fond, en espérant chaque jour qu’une voie s’ouvre vers la surface.

 - Alors, comment s’est passé ton entraînement ? demanda Ileae à son amie, qui sortait de la douche.

 - J’ai fait quelques avancées, répondit-elle. Je maîtrise mieux certains mouvements et j’arrive à lancer quelques enchaînements, on a même commencé à s’affronter !

 - Vous vous battez déjà ? Ce n’est pas un peu dangereux ?

 - Pas tellement, sourit la yordle. Nahia est largement plus douce qu’Anna donc ça me va !

         Ileae n’eut aucun mal à se figurer la difficulté des entraînements avec la freljordienne. Travaillant avec la sœur de cette dernière, Maria, dans son manoir, elle avait pu déjà voir la capacité des sœurs à se battre, bien que ce soit chose plus rare pour l’armatrice de Piltover, que pour la mercenaire de Bilgewater.

 - Tu as pu en apprendre plus sur les yordles ? Nahia t’a-t-elle aidé ?

 - Un peu en effet… elle ne connait malheureusement pas beaucoup de yordles, ni ne maîtrise notre langue. Je pense qu’une fois à Targon j’essaierai de trouver d’autres de nos semblables, et les portails menant à notre monde.

 - C’est vrai que tu devras partir… dit Ileae en souriant tristement.

 - J’ai hâte de continuer ma route, admit Bell. Je pensais honnêtement voyager un peu plus, plaisanta-t-elle. Si Papy me voyait…

 - Tu n’as pas beaucoup évoqué ton grand père, tu veux bien m’en parler ?

 - Mmh, marmonna la yordle. J’accepte, si tu m’aide à me brosser les cheveux.

         La vastaya saisit la brosse sur une table, et invita son amie à s’asseoir. Bell prit place, tandis qu’Ileae s’agenouilla pour arriver à la hauteur de sa très petite amie. Elle commença à défaire ses tresses.

 - Dis-moi tout, dit celle-ci en souriant.

 - Papy n’est pas mon vrai grand-père, il est humain. Il a rencontré mes parents bien avant ma naissance, ils ont toujours refusé de donner leurs noms. Ils ont aussi connu le capitaine actuel de notre navire, qui était alors un jeune garçon.

 - Ils se connaissaient si peu ?

 - Personne ne sait pourquoi ils étaient aussi secrets, mais ils faisaient confiance à ces gens, et les ont choisis lorsqu’ils m’ont… laissée.

         Bell étant confuse quant à ses sentiments, devait-elle se sentir triste ? Après tout, elle n’avait jamais connu ses parents, devraient-ils lui manquer ? Et elle a pu grandir avec Papy, son unique famille.

 - Tu comptes aussi aller à Bandle ? Tu pourrais habiter près des tiens.

 - J’ai quitté mon grand-père pour voyager, dit la yordle en souriant. Rien ne me fera rester au même endroit, je veux voir le monde.

         La vastaya resta silencieuse, brossant méticuleusement les cheveux de son amie, emmêlés après une journée chargée. Elle aussi avait passé plusieurs heures à travailler sur un prototype de lunettes, lui rappelant sa paire intelligente restée à Piltover.

 - Tes cheveux sont plus pâles, marmonna-t-elle.

 - J’imagine que ça doit aller avec le reste des changements, soupira la yordle.

 - Tu crois que ces détraqués ont utilisé du shimmer durant leurs expériences ?

         Bell réfléchit, la majorité des souvenirs de leur captivité dataient d’après leur dernière expérimentation, tout ce qu’elle se souvenait d’avant était diffus, flou.

 - Je ne crois pas… enfin je n’en sais rien. Ça n’expliquerait pas le bleuissement de mes yeux, mes cheveux, et la disparition de ma cicatrice sur le ventre.

 - Elle a disparu !? Montre-moi.

         La vastaya abaissa sur ses yeux sa paire de lunette mécanique, et fit soulever à la jeune fille son vêtement. Elle posa délicatement les mains sur l’abdomen de son amie, qui sourit en rougissant.

         Le ventre Bell était comme le reste de son corps, couvert d’une très fine et douce fourrure, plutôt courte. Cette dernière ne cachait pas cependant les muscles abdominaux qu’Ileae ne put s’empêcher de dévorer du regard. Elle regarda rapidement au travers de la fourrure à la recherche de la cicatrice laissée par le combat contre l’Hyyathan en mer, avant leur arrivée à Piltover. Elle fut une nouvelle fois étonnée par la douceur de ladite fourrure. Et dire qu’il parait que leurs oreilles sont encore plus douces… soupira Ileae, sachant que la yordle refusait qu’on les touche.

 - Rien… souffla-t-elle. Je ne comprends pas… Pourquoi tu rougis ?

         Bell détournait le regard, le souffle chaud de la vastaya, et ses mains sur son ventre la faisaient sentir peu à l’aise, tandis que sa respiration s’accélérait.

 - R…rien, soupira-t-elle, en rabattant son haut.

         Ileae finit rapidement de coiffer son amie, en continuant de discuter. Elle aussi dut prendre une douche, la dure journée de travail l’avait fatigué. La yordle avait pu trouver un carnet et des crayons chez la cheffe, qu’elle utilisait pour consigner ce qu’elle trouvât important.

 - Comment se portent tes recherches ? lança-t-elle à son amie au travers de la porte ouverte de la salle d’eau.

 - Merveilleusement bien ! répondit la vastaya. J’ai pu trouver des glyphes shurimiens dans une des salles du temple, que j’ai déchiffré. Le grand disque lumineux et ses plus petits semblables sont en fait des artefacts offerts par l’empereur à un ordre secret !

 - Les mages shurimiens devaient être très doués.

 - C’est certain mais ce n’est pas le plus intriguant… Savais tu qu’au centre de l’ancien empire se dressait un disque solaire très similaire ? Il faisait plusieurs centaines de fois la taille du nôtre.

         La yordle siffla, impressionnée. Elle avait lu quelques textes à propos du Disque Solaire shurimien, au sein de leur ancienne capitale tombée en ruine à la chute de l’empire. Ce dernier n’avait pas pour fonction d’émettre de la lumière, mais était un puissant artefact. Difficile de voler un disque flottant de plusieurs dizaines de mètres de diamètre, pensa-t-elle en s’imaginant des voleurs s’y attaquer.

 - Je pense que je vais tenter de créer de nouveaux cristaux, dit Ileae en sortant de la douche. Cette énergie permettrait à la Décharge d’être bien plus indépendante.

 - Tu peux reconstruire ta machine ici ?

 - Je pense oui, mais j’aurais besoin d’aide pour rassembler les matériaux.

 - Tu peux compter sur moi ! dit Bell avec un grand sourire.

         Ileae lui rendit son sourire, et la regarda sauter sur le lit tel une enfant. Cela faisait plusieurs jours qu’elles étaient arrivées, près de deux semaines plus exactement, et quasiment autant de nuits ensembles. Pour autant, elle ne s’était toujours pas habituée à ce sentiment qui lui pressait le cœur chaque fois qu’elle était près de son amie.

         Elle finit par la rejoindre, plus calmement cependant. Immédiatement après sa mise en place, la yordle vint se coller à elle, et poser sa tête sur son épaule. Ileae put sentir la grande oreille de la jeune fille se frotter contre son cou. Elle n’eut pas la sensation d’être chatouillée bien au contraire, elle sentait sa douceur. Elle hésita, souhaitait l’enlacer, mais se contenta de fermer les yeux sans bouger.

 - Tu sais… finit-t-elle par dire après un moment. Je m’en veux de t’avoir entraînée dans toute cette histoire.

 - Comment-ça ? demanda Bell en relevant la tête.

         La vastaya détourna le regard, avec un air de tristesse sur le visage.

 - C’est ma faute si tu as été capturée, Vira a insisté pour que tu viennes, pour moi. Sans moi tu serais libre, et tu serais déjà à Shurima…

 - Non Ileae, c’est après moi que Krenn en avait, on le sait maintenant. Ce n’est pas la faute de ta sœur, qui s’est fait manipuler, ni la tienne.

 - Tu ne lui en veux pas..?

         La yordle replaça sa tête au creux du cou de son amie, qui sentit sur son cou le souffle sur son cou.

 - Malgré tout je suis heureuse, souffla Bell. J’en apprends plus chaque jour, et je suis avec toi, ça me va.

 

*** ***

 

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