Bell de Bilgewater
Chapitre 5
Leur promenade leur avait pris une bonne partie de la matinée, et les jeunes filles avaient encore des montagnes de questions sans réponse. Avant de sortir, Nahia alla chercher une boîte, qu’elle ouvrit. Elle tendit aux jeunes filles deux respirateurs, plus travaillés et robustes que ceux qu’elles avaient volés dans les laboratoires du professeur Krenn.
Elles suivirent ensuite la cheffe, qui les emmena vers un autre tunnel menant à un élévateur. Sur le chemin elles croisèrent l’homme vu la veille, répondant au nom de Venos.
- Rebonjour mesdames, on part en promenade ? demanda-t-il en souriant
- On va faire un tour chez Carlos, répondit Nahia. On prendra le cinquième élévateur.
- On se voit plus tard alors, bonne remontée !
Nahia et son ami se saluèrent respectueusement, avant que chacun reprenne sa route. La jeune yordle avait l’étrange impression d’avoir déjà entendu sa voix par le passé.
- Vous avez plusieurs élévateurs ? s’étonna Bell.
- Une quinzaine environ, répondit-t-elle devant le regard surpris des jeunes filles. Répartis dans tout un réseau de tunnels souterrains. Ils mènent à une grande partie des districts de Zaun.
- Et aucun n’a été découvert !?
- Si évidemment, mais dans ces cas-là on fait en sorte d’étouffer la trouvaille, en la cachant, la condamnant, ou en faisant croire à une mine abandonnée.
Comme la veille, l’ascenseur émit un bruit phénoménal durant leur ascension, tirés par d’imposants câbles en fer. Leur remontée fut un peu plus longue et elles en profitèrent pour manger quelques rations que Nahia leur sortit d’une sacoche. Comme Bell s’en doutait, elles arrivèrent dans un district plus haut que celui dont elles s’étaient échappées. Cette fois, leur point d’entrée se trouva caché dans une paroi derrière une chute d’eau, polluée.
Suivant l’exemple de Nahia, les filles enfilèrent leur respirateur et leur cape. Dehors, le quartier était relativement bien éclairé, le soleil provenant du haut de la ravine au travers d’une épaisse couche de Gris.
- Nous devons être discrètes, leur glissa Nahia, tout le district est sous le contrôle des Ratels, cachez vos visages.
Les jeunes filles acquiescèrent d’un signe de la tête, avant de suivre la cheffe. Elles étaient sans aucun doute dans un quartier vivant, les bâtiments d’acier et de verre s’entassaient dans un chaos sans nom, pourtant Bell trouva l’endroit charmant.
Les passants étaient eux aussi vêtus de lourds habits pour la plupart, et évidement de respirateurs. Ils allaient et venaient, fendant la couche de fumée épaisse qui recouvrait le sol. Clapper adorerait jouer dans le Gris… pensa Bell triste, imaginant le petit rat des quais s’amuser autour d’elle.
Une grande parties de bâtiments avaient, au niveau de la rue, une échoppe, ou un atelier. Bell put voir de loin des boutiques vendant des tas de choses, des gadgets et accessoires fabriqués ici-bas.
- Ils ne veulent pas l’admettre, lui souffla Ileae, mais Zaun et Piltover sont dans le fond très similaires. La pollution et la pauvreté mise à part.
- C’est exact, lui répondit Nahia qui avait entendu. La lumineuse cité ne saurait exister sans sa jumelle terne. Tu en sais quelque chose toi, lança-t-elle à la vastaya, tu viens d’ici après tout.
- Vous semblez très renseignée, dit Bell.
- L’information est une arme. Elle ne t’aidera pas contre un voleur et son couteau certes, mais elle peut s’avérer plus dangereuse que n’importe quel atout.
- En parlant d’information, pourquoi laisser Zaun ignorer votre existence ? demanda Ileae.
- Nous accueillons les gens les plus désespérés certes, mais ce ne sont pas les seuls à chercher de l’aide. Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde, et si ces gens savaient pour la Décharge, nous serions dépassés. De plus, de nombreux gangs verraient d’un mauvais œil l’existence d’un groupe au sein duquel les gens échappent à leur influence.
- À qui est relié ce quartier ? demanda Bell.
Comme pour répondre à la yordle, un groupe de zaunien s’engagea dans leur rue. Armés, masqués, et modifiés, ils traversèrent la rue, scrutant toutes les directions. Nahia leur indiqua une rue dans laquelle elles bifurquèrent, tandis que Bell put les voir de loin agresser un passant qui ne s’était pas assez écarté.
- Ce quartier est celui d’un Baron de la chimie.
- Mais ce sont des Ratels que nous venons de voir non ? rétorqua Ileae.
- Le baron local a été contraint de céder à une alliance avec le chef des Ratels. Ces derniers sont nombreux, résistants, bien équipés.
- Ils n’ont pas cherché à conquérir les territoires adverses, commenta Bell, ils en prennent le contrôle par des alliances et les manipulent en se servant de leurs ressources ?
- Exactement, répondit Nahia avec un sourire.
Ileae regardait son amie avec étonnement, elle semblait comprendre aussi bien, voire mieux, la géopolitique de sa propre ville.
- J’ai lu quelques livres sur Noxus, dit la jeune yordle en rougissant, ça m’a rappelé certaines périodes de l’empire.
- Les Ratels ont à disposition des ressources et moyens de production de masse, encore plus depuis qu’ils ont promis aux autres Barons qu’ils leur apporteraient une indépendance sur un plateau.
Le trio continuait de marcher dans des rues passantes, évitant soigneusement les quelques patrouilles de Ratels qui croisèrent leur chemin. Nahia finit par s’arrêter devant une échoppe à l’apparence assez simple. Un petit tintement de cloche retentit lorsqu’elles passèrent le pas de la porte, et une forte voix les accueillit.
- Bienvenue cher clients ! dit un homme en sortant de l’arrière-boutique.
- Bonjour Carlos ! lança Nahia. Nous venons faire quelques emplettes !
Le commerçant qui les accueillit était un zaunien à la forte carrure, et un air très jovial sur le visage. D’une certaine manière, sa gestuelle et son sourire rappelèrent à Bell le cuisinier qui officiait sur le Somua.
- Comment vas-tu ? Je vois que tu nous as trouvé deux nouvelles amies, et une yordle qui plus est !
- Ces deux jeunes filles avaient besoin de notre aide, répondit simplement Nahia. D’ailleurs tu n’as jamais vu de yordle, ajouta-t-elle.
- Bien reçu !
Les jeunes filles saluèrent l’homme en souriant, avant de reporter leur attention sur les étals autours. La boutique regorgeait de tellement de choses que Bell eut du mal à comprendre le lien entre ces dernières. Il y avait de la nourriture dans certains coins, des outils, des gadgets dans d’autres, des pièces de rechange, et même des vêtements.
- Ce genre de boutique est courant en Zaun, lui souffla Ileae. Ces vendeurs sont capables de dégoter tout et n’importe quoi, ils sont d’une grande aide.
La vastaya semblait aux anges. Elle observait les étals pleins de mécanique avec des yeux brillants. Son regard se promenait entre les différents objets, comme si elle savait par avance ce qu’elle ferait de chacun d’entre eux. Malheureusement, elle n’avait aucune monnaie, et devrait se contenter de regarder.
Nahia derrière, discutait avec le commerçant. Bell devina qu’elle plaçait sa confiance en cet homme. Elle rangea dans une sacoche quelques sacs de graines, des pièces mécaniques, et des petits éléments servant à recharger les respirateurs, avant de revenir vers les jeunes filles.
- Nous pouvons y aller !
- Vous devez souvent vous ravitailler ? demanda Bell.
- Hélas oui, nous avons besoins de graines à planter, et de pièces pour réparer nos machines.
La cheffe confia une sacoche à chacune des jeunes filles, et se dirigea vers la sortie. Alors qu’elle enfilait son sac et saluait une dernière fois le marchand, Bell remarqua un détail. Elle avait à la base du cou un tatouage, qu’elle avait déjà vu auparavant.
Un rouage brisé serti de pointes et de branches.
***
Nouveau tintement de cloche, le trio retrouva la rue, dans laquelle elles s’engouffrèrent en enfilant leurs respirateurs. La journée était passée relativement vite, et elles devaient maintenant retourner vers la Décharge.
Bell était perturbée, elle avait encore du mal à faire le liens entre ses rencontres avec les zauniens à Piltover. Si les hommes qui avaient tenté de l’enlever étaient affiliés à Krenn, pourquoi un homme tatoué du même dessin que Nahia l’avait-t-il poursuivi dans les hauts quartiers ?
Comme à l’aller, elles durent éviter les patrouilles des Ratels, qui arpentaient les rues. Fort heureusement, Nahia connaissait de nombreux passages annexes, plus discrets.
Alors qu’elles bifurquèrent dans une rue marchandes, Bell put apercevoir de loin deux silhouettes particulières. Un homme et une femme parlaient avec un commerçant à son étal, ils étaient très petits, et avaient de grandes oreilles velues. DES YORDLES ! faillit crier Bell.
Elle s’apprêtait à se diriger vers le couple, seulement Nahia l’empoigna par le bras.
- Qu’est-ce que…
- Regarde, dit-elle sèchement.
De loin, elle vit un groupe de zauniens se diriger vers eux. En apercevant le couple, ledit groupe força le pas, et encercla rapidement les deux individus, en sortant leurs armes. L’incompréhension de ces derniers, mêlée à la panique, fit rapidement monter le ton, et sous le regard de Bell, les zauniens se saisirent du couple. Devant leur résistance, l’un d’entre eux assomma l’homme d’un coup de matraque électrique, et frappa sa femme qui tomba à terre.
Bell tenta de se dégager de la poigne de la cheffe pour aller les aider, mais Nahia la retint fermement.
- Ils appréhendent tous les yordles qu’ils trouvent, dit-elle, ils sont à ta recherche.
- Je dois les aider, rétorqua Bell. Ils ont besoin d’aide.
Nahia raffermit sa prise, empêchant la jeune fille de se jeter sur le groupe.
- Si tu y vas ils te captureront aussi, nous devons nous éloigner avant qu’on nous remarque.
Tandis que la cheffe tentait de tirer la jeune fille dans la direction opposée, d’autres éclats de voix parvinrent au trio. Le commerçant discutait avec les zauniens, et semblait indiquer de la main la direction de Bell et ses amies. Immédiatement, une grande partie du groupe se dirigea d’un pas pressé vers elles.
- Merde, jura Nahia.
- Il faut partir, glissa Ileae en attrapant elle aussi Bell.
Les zauniens accélérèrent, criant au groupe de s’arrêter.
Une fois encore, les jeunes filles durent s’en remettre à Nahia, qui les guida dans des ruelles. Cette fois, elle n’essayait pas simplement d’éviter la patrouille, elle devrait les semer, et mettre entre eux une distance respectable afin de ne pas leur donner l’idée de lancer des recherches dans la zone de l’élévateur.
Malgré un rythme de marche soutenu, et le fait qu’elle connaissait le district comme sa poche, Nahia ne parvint pas à creuser l’écart, les zauniens étaient sur leurs talons. Pire, ils s’étaient séparés en plusieurs petits groupes, et tentaient de les contourner. Bientôt, ils refermeraient sur le trio leur étau, et elles seraient encerclées.
Nahia s’arrêta dans une ruelle, provoquant du remous dans les vagues de Gris au sol.
- Nous devons grimper, dit-elle.
- Comment ça ? demanda Ileae.
- D’ici quelques minutes ils nous auront piégées, on doit monter vers le milieu de la ravine.
Sans plus développer, la cheffe s’approcha de la façade d’un bâtiment, posa ses mains, puis un pied sur les éléments d’acier, et commença à grimper. Elle parvint en quelques en quelques mouvements agiles sur le toit, et regarda les deux jeunes filles en bas.
- Les toits ou les Ratels, vous choisissez.
- Passe devant, dit Bell à son amie vastaya. J’ai l’habitude de grimper je te suis.
Ileae se plaça devant la paroi d’acier et de verre, et s’élança à l’assaut du bâtiment. Bien qu’elle ne fût pas aussi habituée que les deux yordles à l’art de l’escalade, elle avait déjà fait étal de ses capacités, et elle n’eut aucun mal à rejoindre Nahia.
Bell observa son amie, qui s’élançait agilement de prise en prise, s’aidant même de sa queue serpentine. Malgré un air peu assuré, la vastaya savait ce qu’elle faisait, Bell admirait l’aisance avec laquelle elle se mouvait. Une fois arrivée en haut, elle lança à la jeune yordle un regard, cette dernière sentit son cœur accélérer lorsqu’elle plongea ses yeux dans les siens.
Plusieurs intrus pénétrèrent la ruelle, et se mirent à courir vers Bell dès lors qu’ils l’aperçurent. Cette dernière reprit ses esprits, et suivit ses camarades. Leurs poursuivants n’auraient pas de mal à les rejoindre, Nahia indiqua donc le chemin à suivre à ses deux protégées, avant de se mettre à courir.
Pour Bell, cette course n’était qu’un retour aux sources. Elle commença à ressentir la même excitation qui la prenait lorsqu’elle parcourait les toits de Bilgewater. Bien qu’elle ait troqué les planches et pierres de sa ville pour les plaques d’acier, ou tuiles d’argile, elle se mouvait avec aisance, et franchissait sans aucun mal les obstacles.
Ileae elle se tenait plus en retrait, observant les deux minuscule yordle bondir de toit en toit. Pour sa part, elle avait adopté une démarche plus animale, elle se déplaçait plus aisément et rapidement à quatre pattes, mais peinait à suivre ses camarades.
- Par ici, lança Nahia, en se dirigeant vers une passerelle désaffectée.
Les Ratels avaient depuis quelques minutes perdu leur trace, et se contentait de suivre de loin en espérant rattraper le trio. La cheffe utilisa cette opportunité pour se réfugier en haut d’une tour qu’elle fit escalader non sans mal aux jeunes filles.
En contrebas, leurs poursuivants finirent par arriver au pied de la tour, se demandant de quel côté étaient parties les fugitives. Finalement, ils se séparèrent dans les rues alentour. Essoufflé, le trio prit quelques minutes pour se remettre d’aplomb, en observant les rues calmes d’en haut.
- Avec un peu de chance, on rentrera à temps pour le diner, souffla Nahia.
- J’ai quelques questions avant, lâcha Bell.
Devant le regard de la jeune fille, la cheffe n’insista pas et s’assit en face d’elle.
- J’ai vu… votre tatouage. Je l’avais déjà vu avant.
- Celui-ci ?
Nahia dégagea la lanière de la sacoche à son cou, et tira son vêtement pour révéler la marque. Bell put enfin voir de plus près le motif : deux pointes zauniennes entourant un symbole de vortex, surmontées de morceaux de rouages se terminant en rameaux.
- C’est le symbole de la Décharge, expliqua Nahia en recouvrant le tatouage. Il est accepté par les membres les plus investis à notre cause, ça nous relie en quelque sorte.
Bell se leva brusquement, s’éloignant légèrement de la cheffe, les poings serrés.
- J’ai croisé à deux reprises l’un de vos hommes à Piltover. Il m’a poursuivi dans les Hauts-quartiers.
- Il s’agissait de Venos, que vous avez croisé aujourd’hui.
- Que faisait-il là-haut ? demanda la vastaya, inquiète.
- On surveille les Ratels depuis un long moment, et j’avais entendu parler d’une yordle qu’ils comptaient enlever. J’ai tenté d’entrer en contact avec toi par son biais, mais l’attaque précédente t’avait rendu trop méfiante.
- Qu’est-ce qui me dit que depuis le début vous n’essayez pas de me capturer ? rétorqua Bell. Vous pourriez négocier avec les Ratels à votre avantage.
Nahia la regarda, amusée. Elle comprenait leur méfiance, mais tout comme Klem, semblait imperturbable.
- Nous n’avons rien à tirer de ces gens-là, vous l’avez vu nous n’avons besoin de rien d’autre que ce que nous possédons, ou achetons.
- Pourquoi nous aidez alors ? demanda la vastaya.
- J’aurai besoin d’une raison pour aider qui je souhaite jeune fille ? rétorqua la cheffe. Toi qui viens de Zaun, les piltos t’auraient-ils changé au point que tu oublies que tout le monde ne cherche pas toujours à obtenir quelque chose par ses actions ?
- Pourquoi n’avez-vous pas aidé le couple de tout à l’heure alors ?
Nahia soupira, elle avait donc affaire à de fortes têtes.
- Nous étions en infériorité numérique, sur leur terrain, sans armes, et Bell doit absolument passer inaperçue. Malgré leur violence, les ratels relâcheront ces pauvres gens d’ici quelques heures. On ne peut pas juste voler au secours de gens comme ça, le moment doit être propice. C’est pourquoi Klem n’a pas pu te sortir de la clinique le jour de ta capture Bell, tu comprends ?
La jeune fille resta de longues secondes pensive, avant de regarder Nahia dans les yeux.
- Je veux savoir tout ce que vous savez sur les Ratels, et pourquoi ils m’en veulent.
- Cela t’aidera-t-il à me faire confiance ?
-… on verra.
Nahia invita la jeune yordle à reprendre place à ses côtés, et commença ses explications tout en regardant le quartier en contrebas.
- Les Ratels sont un gang assez ancien, il a été fondé par un artisan qui souhaitait créer une force commerciale qui rivaliserait avec les clans piltoviens. Au cours des années, et à mesure qu’ils grandissaient, la situation a dégénérée, et le meneur a été assassiné par les piltoviens.
- Comment un gang de marchand devient… ça ? demanda Ileae.
- Longue histoire. Aujourd’hui les Ratels sont des terroristes, ils ont un contrôle et un poids dans l’ombre très largement sous-estimé, preuve en est ils tiennent Zaun au creux de leur main. Leur combat ne sort pas de nulle part. Zaun rêve d’indépendance, mais surtout, Zaun déteste Piltover, au moins autant que ces derniers nous méprisent.
Nahia se leva, considérant qu’elles pourraient maintenant redescendre. Les ratels avaient cessé de retourner chaque recoin des rues en contrebas. La descente s’avéra plus difficile que la montée, mais elles retrouvèrent le pavé couvert de Gris des rues. La cheffe invita les jeunes filles à la suivre.
- Une grande partie de Zaun partage leurs idéaux, continua-t-elle, à des degrés plus ou moins haut. Nombre d’entre nous soutiennent, ou simplement laissent faire les Ratels. Les Barons aussi ont des intérêts dans ce conflit, même si certains sont tenus à la gorge par les Ratels. Ce sont des fous, qui respectent la force par-dessus tout. Même leur hiérarchie est décidée par elle : tue le chef, deviens le chef.
- Et qu’est-ce que j’ai à voir avec ça moi ? demanda Bell.
- Krenn t’a enlevée, et nous n’avons pas réussi à comprendre quelles étaient ses intentions…
Bell soupira, même eux n’avaient aucune info alors qu’ils avaient réussi à infiltrer leur gang, si seulement Holly était présente. Les services de renseignement de la commandante sont infaillibles, pensa-t-elle, arriveraient-ils à trouver plus d’informations ?
L’élévateur n’était plus qu’à quelques rues, les filles n’étaient pas mécontentes de pouvoir trouver un peu de repos après leur course en ville. La luminosité commençait sérieusement à décliner, et elles ne diraient pas non à un repas chaud.
- J’ai… quelques souvenirs qui reviennent de ma capture.
Nahia était intriguée, malgré la présence durant quelques mois de Klem dans les rangs des Ratels, il se pourrait que la jeune fille soit mieux renseignée. Cependant, elle savait le traitement réservé aux captifs servant aux expériences, et que la petite ne se souviendrait que de peu de choses.
- Le professeur Krenn, continua Bell, il parlait tout le temps d’une autre personne, qu’il n’a pas nommée. Il semblait lui obéir.
- Il s’agit peut-être du baron des Ratels ? indiqua Nahia. Vildoric Mesrine, aussi appelé cœur d’airain.
- On sait des choses sur lui ?
- C’est un meneur, sévère mais juste. Ses membres lui vouent un culte. Il a tué l’ancien baron, c’est le seul moyen de prendre la tête de leur gang. Il est intelligent, mais très taciturne et règne sans partage.
- Il possède les modifications les plus avancées de tout Zaun, expliqua Ileae. Son cœur est remplacé par une machine dont les schémas ont été volés à un grand clan piltovien, d’où son surnom.
Bell tenta de s’imaginer l’homme. Avec les modifications, il devait être d’une puissance phénoménale. Même Ileae semblait admirative lorsqu’elle parlait des modifications du baron.
- Je ne vois pas du tout pourquoi il chercherait à s’en prendre à toi, finit par lâcher Nahia. Peut-être qu’on en apprendra plus dans les prochains jours.
L’élévateur qui les avait amenés jusqu’au quartier dont elle descendait les ramena à la Décharge. Au sein de la cavité la luminosité avait aussi baissé, leur escapade leur avait fait passer le temps si rapidement que les filles n’avaient pas eu le temps de s’ennuyer. Retrouver la liberté, et pouvoir de promener librement, ou presque, leur avait fait un bien fou, Bell avait l’impression de revivre.
- Que diriez-vous de vous joindre à nous ce soir ? Lança Nahia. Vous pourriez rencontrer mes camarades. Après tout vous pourriez rester un certain temps.
Les deux amies se regardèrent un instant, et il ne leur fallut qu’une seconde pour être d’accord. Si elles étaient contraires de rester un moment en cet endroit, il était important de connaître leurs hôtes.
La cheffe mena les jeunes files vers le bâtiment principal. Les intérieurs étaient à la hauteur de l’architecture du temple, de longs et grands couloirs, d’aussi grandes salles, taillés dans la roche même. Dans une des ailes, la yordle les mena jusqu’à un grand réfectoire, où étaient attablées quelques dizaines de personnes, réparties en divers groupes. Autant à Bell qu’à son amie scientifique, la vue leur rappela le réfectoire du manoir de Johan et Maria, pour qui ladite scientifique travaillait en Piltover.
Elles furent invitées à rejoindre une table où elles virent Klem, en compagnie de Venos, deux camarades de leur hôte.
- Nous mangeons la plupart du temps en groupe, expliqua cette dernière. Beaucoup ont besoin de retrouver un esprit de groupe, après avoir été délaissés.
- Où sont les autres alors ? Demanda Ileae.
- Très souvent en famille ! Des liens se créent et beaucoup finissent par trouver le bonheur ici-bas, dit-elle en souriant.
- Et malgré tout ce temps la cheffe reste seule, plaisanta le fameux Venos. C’est pas faute de lui avoir présenté du monde.
Nahia lança un regard furieux à son camarade tandis que le trio prenait place, tandis que Klem lâcha un profond soupir. Un serveur vint leur apporter le couvert, ainsi que deux gamelles remplies d’un plat inconnu aux yeux des deux amies.
- Tu sais que la longévité des yordles peut poser problème Venos, ne parle pas comme ça de Nahia.
- Laisse le Klem, il n’a pas tort. À ce propos quel âge as-tu Bell ?
- Je… je connais pas réellement mon âge, admit-elle.
- Un de ses amis dit qu’elle a dépassé la vingtaine de quelques années, indiqua Ileae.
- Je vois… et toi jeune vastaya ?
- J’entre dans la vingtaine aussi... répondit l’intéressée en rougissant.
Petit à petit, les discussions évoluèrent vers ce qui semblait être le quotidien de leurs hôtes au sein de la Décharge : l’approvisionnement, les futures récoltes, la qualité de l’eau. Les sujets les plus sensibles étant d’une part l’affaiblissement des machines servant à filtrer leur air, et la situation globale dans laquelle tout Zaun était plongé à cause des Ratels.
Nahia connaissant le passif et la réputation d’Ileae, elle souhaita solliciter son aide, qui leur serait fort utile. Bell quant à elle accepta d’aider un peu où elle le pouvait, du moment qu’elle obtenait le droit de sortir dans Zaun, elle s’en contenterait.
- Nous savons pas mal de choses sur ton amie Ileae, mais très peu sur toi, dit Klem. Tu veux bien nous en dire plus ?
Bell hésita un instant. Elle voyait sur elle les regards curieux des trois zauniens, elle les connaissait à peine. Je dois au moins apprendre à leur faire confiance.
- Je viens de Bilgewater, commença-t-elle, je ne sais pas où je suis née, mes parents m’ont laissé bébé à un marin qui ne connaissait même pas leur nom.
- Tu voyages pour les retrouver j’imagine ? Demanda Venos.
- Je ne sais pas…
- Tu dois bien avoir un objectif ? L’envie de les revoir ?
- Peut-être souhaite-t-elle juste être libre, argumenta Klem, les bras croisés.
Klem n’avait pas tort, après tout elle avait toujours rêvé de voyager, d’être libre de faire de quelle voulait où elle le voulait. Elle s’était retrouvée embarquée sur un navire, a combattu un des êtres les plus puissants des océans. Elle avait découvert Piltover, ses secrets, été entraînée dans une course pour trouver un remède aux infectés par la Ruine. Finalement cette brume corruptrice l’avait menée dans les filets du professeur Krenn, au fin fond de Zaun.
Mais surtout elle avait appris que ses propres parents combattaient probablement la Ruine depuis longtemps, qu’ils étaient peut-être encore en vie, mais comme l’avait dit Vira, la sœur d’Ileae, que ferait-elle si elle les retrouvait ? Que ferait-elle si ils l’avaient simplement laissé tomber, s’ils ne voulaient plus d’elle ?
- Je suis la nouvelle navigatrice d’un navire, expliqua Bell, un peu perdue dans ses pensées. L’équipage a plusieurs missions, je les aide du mieux que je peux.
- Je te sens tourmentée jeune fille, dit Nahia en posant la main sur son épaule. N’en dis pas plus si tu ne le désires pas.
Bell la gratifia d’un sourire, auquel la cheffe répondit par un autre. Elle se sentait un peu plus en confiance, sachant que son hôte était une yordle.
La soirée touchant à sa fin, la jeune yordle et son amie vastaya prirent congés, non sans avoir remercié leurs hôtes pour le repas. Nahia les invita à manger ici aussi souvent quelles le désiraient. Elles pourraient aussi manger dans leur logement, auquel cas elles auraient des produits issus de leurs plantations et élevages sous terrains.
Elles saluèrent leurs nouveaux amis, et se dirigèrent vers leur appartement.
***