Bell de Bilgewater

Chapitre 35 : Partie 3 - Chapitre 22

2960 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/08/2021 01:09

           Chapitre 22

         Les jours qui suivirent furent marqués par une atmosphère maussade, tous au sein du manoir eurent connaissance de la situation. Dehors, les pluies battaient leur plein, tandis que l’agitation en intérieur était à son comble. La plupart des effectifs et ressources dont disposaient le professeur Grimbel furent alloués aux recherches sur la Ruine, tandis que tout un balai de confrères s’orchestrait, entre ceux venant simplement apporter des informations, et ceux était présent pour prêter main forte.

         D’un autre côté, les préparatifs pour les deux expéditions s’accélérèrent, si bien que la délégation pour Ixtal fut prête en avance, laissant à Jay le loisir de rendre visite à Bell. Cette dernière qui devait être en plein entrainement avec Anna, finit par faire accepter à la freljordienne qu’il se joignent à elles. La yordle apprit que son ami n’avait pas non plus chômé de son côté, et grâce aux enseignements de l’experte de l’équipage en artifices, Berthe Klar, le jeune bilgewatien était devenu un fin bretteur.

         Sans trop de mal, il était capable de tenir tête à son amie dans un duel, arrivant à toucher à plusieurs reprises cette dernière, pour qui avoir un adversaire nouveau pimentait la tâche. Il tenta aussi d’affronter Anna, dans l’espoir de l’impressionner, et parvint même à lui faire lâcher une ou deux grimaces de difficulté, mais finit comme presque chacun des adversaires de la harponneuse, par mordre la poussière. Le jeune homme finit par admettre qu’il avait aussi reçu autorisation de s’entraîner avec les bretteurs de l’académie, grâce au doyen, l’aidant beaucoup à progresser.

         Même si le temps était gris, venteux et même pluvieux, la fête dont lui avait parlé Cynthia était toujours prévue pour le soir, et durerait plusieurs jours. Bell était impatiente de pouvoir passer quelques temps avec ses amis sans être dérangée, et avait hâte de leur montrer son petit coin de paradis, la placette en bord de mer qu’elle avait découverte.

         Avec les évènements récents, et la situation agitée, la seule personne que Bell avait l’impression de ne plus voir était la jeune vastaya. D’après ce qu’elle avait entendu, cette dernière ne quittait plus ses quartiers ateliers, pas même pour aller chercher à manger. Aucun autre message de Vira n’était parvenu au manoir, elle avait expliqué dans la missive initiale qu’elle resterait à la clinique pour veiller sur leurs parents, en attendant que les visites leurs soit autorisées.

         Avant de se préparer à sortir, Bell bifurqua et tenta de rejoindre la chambre d’Ileae, qui devait probablement se plonger dans son travail pour ne pas penser au reste. Une fois arrivée devant la porte, elle frappa discrètement quelques coups. Malheureusement sans réponse, elle tenta une nouvelle fois, puis une fois encore. Clapper, qui semblait peiné lui aussi, tenta même d’appeler en piaillant comme à son habitude, mais là non plus, pas de réponse. Bell tenta simplement d’ouvrir la porte, en appelant doucement son amie par son nom, mais la porte semblait verrouillée.

 - Les portes du manoir ont des systèmes de verrouillage ?

         Clapper lui répondit par un regard interrogatif, visiblement mort d’inquiétude. La yordle réfléchit, et ne s’imagina pas passer par l’extérieur en escaladant la façade rendue humide par la pluie.

 - Je sais ! s’écria-t-elle.

         Clapper, qui d’instinct semblait comprendre ce qu’elle avait en tête, sauta dans ses bras, et glissa un petit piaillement déterminé. Bell se plaça face à la porte, de l’autre côté du couloir, visualisa bien la porte, et se concentra. Après quelques secondes, elle se mit à courir vers la porte, et dans une gerbe d’étincelle, disparut.

 

         L’atterrissage ne fut pas aussi convenable que le pensait Bell, et tandis qu’un éclair apparaissait dans la chambre de la vastaya, la yordle se matérialisa. Toujours en mouvement, la jeune fille ne put maîtriser sa folle course, et termina en s’affalant dans une pile de documents un peu plus loin, en lâchant un cri hasardeux. Elle se releva prestement, époussetant ses vêtements et agissant comme si rien n’était arrivé, et appela son amie.

         La pièce autour d’elle était plongée dans un noir total, à l’exception des habituelles veilleuses bleutées dans les coins. Pour toute réponse, Bell ne reçut qu’un grognement, qui sembla provenir de la masse emmitouflée dans le lit. Alors que Bell s’attendait à trouver une vastaya plongée dans quelques expériences, il lui sembla que cette dernière n’a pas quitté son lit depuis un moment. Bell s’approcha doucement, et prit place sur un fauteuil, tentant de parler à la masse sur le lit.

 - Ça fait plusieurs jours qu’on ne t’a pas vu, on s’inquiétait alors… je me suis permise d’entrer…

         Nouveau grognement, ponctué d’un « je vais bien » étouffé.

 - Tu sais, ce soir il y a une petite fête dehors, je pense que tu pourrais aller te changer les idées…

 - Pas envie, grommela la vastaya. Laisse-moi.

         Bell s’approcha du lit, et vint sauter sur ce dernier, pour s’asseoir aux côtés du tas de draps.

 - Écoute, je sais que ça ne va pas fort en ce moment, mais on est là, et on s’inquiète, fait pas que tu restes là toute seule.

 - Je veux voir personne.

 - Pas même moi… ? tenta la yordle.

         Après quelque secondes, la masse informe qu’était la couverture finit enfin par bouger, et laisser deviner une présence. Du drap émergea Ileae, qui à la grande surprise de Bell, n’était que très légèrement vêtue, d’un fin vêtement de nuit bien trop grand, au lieu de sa salopette de cuir de travail. Elle put constater la présence d’écailles le long de l’extérieur de ses bras, de ses jambes, ainsi qu’un départ de la nuque en direction de son dos, jusque probablement sa queue. Ses yeux jeunes à la pupille de serpent étaient bouffis, probablement d’heures passées à pleurer. Ils surplombaient de grands cernes, Bell avait de la peine à voir son amie dans un tel état.

 - Désolée… marmonna-t-elle, je ne suis pas très présentable…

 - Au…aucun problème ! se reprit la yordle. C’est compréhensible.

 - J’ai l’impression que ça fait des jours… renifla-t-elle.

 - En vérité, ça fait effectivement des jours.

 - …

 - Depuis combien de temps n’as-tu pas mangé ?

 - Je n’ai pas besoin de manger, je peux jeûner pendant des semaines sans problèmes.

 - Mais tu n’as vu personne, et tout le monde s’inquiète dehors. Ils s’activent pour trouver des solutions !

 - Ça ne sert à rien, dit Ileae dont la voix commençait à trembloter.

 - Mais si, et je suis sûre que tu pourrais beaucoup aider.

 - Non je… je fais des machines, répondit la vastaya en commençant à tressaillir, pour faire des cailloux, je sais pas soigner les gens.

 - Dis pas ça, tenta Bell en posant sa petite main sur le bras de son amie. Tu sais faire des tas de choses, Johan trouvera sûrement quelque chose que tu puisses faire pour l’aider.

 - Je ne sers à rien… à rien mes parents sont perdus. A leur stade il faudrait un miracle pour les sauver, personne ici ne pourra rien…

         La vastaya fondit en larme secouée par ses sanglots, Bell tentait de la rassurer, assise à ses côtés. Malgré cela, elle savait que quelques mots de gentillesse et quelques caresses dans le dos ne serviraient à rien, et qu’elle ne pouvait rien faire de plus pour aider son amie.

 - Tu sais, murmura Bell, j’ai passé ma vie en essayant d’oublier le fait que mes parents m’ont laissé derrière eux, et malgré ça j’ai quand même une énorme envie de savoir. Je veux savoir qui ils étaient, où ils sont en ce moment, pourquoi ils m’ont abandonnée. Ils sont probablement cachés, ou même simplement mort, mais je veux savoir leur nom, mon nom. Toi, tes parents sont encore là, ils t’attendent. Ils ont deux filles, dont un génie, tellement brillante qu’elle ferait pâlir tout Piltover à elle seule. Ils ont la chance d’avoir une fille superbe, qui peut leur apporter une solution.

         Clapper, à leur côté, lâcha un petit piaillement d’approbation.

         Petit à petit, le sanglot d’Ileae se calma, écoutant calmement ce Bell disait, et renifla bruyamment.

 - Tu n’as pas besoin d’espoir, tu ES leur espoir. Tu dois tout faire pour les sauver, pour retrouver ta famille.

 - Toi tu as ton équipage et tes amis pour t’aider à trouver les tiens…

 - Comme toi tu as un génie de la médico-joaillerie, et l’armatrice la plus musclée de Piltover, ainsi que leur armée de collaborateurs, ils ont la puissance d’un Clan ! Et nous sommes là aussi pour vous aider ! Je suis là.

         Pour ne pas repartir dans un sanglot, la vastaya s’allongea sur sa couverture, en boule, la tête proche de la yordle, qui s’allongea à ses côtés. Clapper vint trouver les bras d’Ileae, et choisit de s’y lover, pour rester auprès d’elle.

 - On va te trouver de quoi les sauver, continua la yordle, et même s’il faut qu’on au fond de la jungle d’Ixtal, ou au sommet du mont Targon pour te trouver de quoi les soigner, on ira, et on trouvera. On sauvera tes parents, et les centaines d’infectés.

 - Tu penses vraiment ce que tu dis… ?

 - Je n’ai pas traversé ton mur avec les anneaux que tu m’as offert pour te mentir.

         La jeune vastaya bougea sa tête, pour la blottir contre celle de la yordle. Sa respiration caressait la joue et le cou de Bell, qui finit par remarquer que son amie s’était endormie, paisiblement. Un sourire sincère sur son visage triste, c’était probablement la première fois que la vastaya dormait depuis plusieurs jours.

 

***

 

         Avant de repartir, Bell prit le temps de replacer la couverture sur la vastaya, de peur qu’elle n’attrape froid, comptant sur le Clapper endormi pour veiller sur elle. La jeune fille trouva la petite télécommande pour lever les panneaux blindés qui cachaient les fenêtres, et ferma les rideaux afin que les lumières de la ville dehors ne la réveille.

         Ne se figurant pas comment déverrouiller le mécanisme de la porte, elle dû se résoudre à repasser une nouvelle fois au travers. De l’autre côté, elle eut une chance inouïe de réussir à éviter la personne qui passait dans le couloir, et qui fut somme toute très surprise de voir apparaitre une yordle dans un éclair violet.

         Bell sentait qu’elle pouvait plus aisément utiliser son « saut », mais au bout de la seconde fois sans se reposer, elle était très hésitante sur sa capacité à réitérer. Il faudrait que je lui trouve un nom ? Je demanderais à Jay et Cynthia.

         Sachant que ses deux amis devaient probablement l’attendre impatiemment, elle se dépêcha de trouver ses quartiers, et de revêtir sa tenue piltovienne. Il était normal qu’elle se fasse belle ce soir, pour profiter de la fête !

         Le manoir était plutôt vide, surtout à une heure ou l’effervescence habituelle ne commençait que tout juste à décroître, à croire que la plupart des gens étaient partis profiter de la fête. Cependant, des voix, qu’elle reconnut assez facilement, résonnèrent depuis un des bureaux de Johan, et Bell décida d’aller y jeter un œil curieux. De loin, elle put déceler grâce à son ouïe quelques phrases.

 - … énorme vague d’infection, rien n’en explique la cause, dit une voix féminine et sèche.

 - … trop de cas en Bas, disait une voix masculine inconnue.

 - Même l’aristocratie piltovienne, ajoutait une voix âgée.

 - Trafic de démium ? demanda une voix que Bell reconnut comme celle de Maria.

 - Très probable, concéda Johan. Les formules illégales tournent toujours, mais si des clans trempent cela pourrait être dramatique.

         Bell frappa poliment à la porte, et toutes ces personnes qui faisaient au mieux deux fois sa taille, se tournèrent vers elle, surpris.

 - Voilà notre navigatrice ! lança Morgan en l’accueillant avec un sourire. Tu tombes à pic, on discutait des expéditions. Sais-tu que demain, la première s’en va vers Ixtal ? Jay est sur le départ !

 - Oui il m’a dit, on doit aller voir la fête ce soir.

 - Profitez en bien, sourit Maria, c’est une des plus belles de l’année ! Avec la fête du progrès.

         Le professeur Grimbel congédia ses invités, et ceux-ci quittèrent la salle. Holly et Morgan semblaient discuter de l’expédition vers Targon, tandis qu’Anna, et le doyen Hekins suivaient ledit professeur, profitant d’avoir Johan sous la main pour parler de l’académie. Un homme drôlement vêtu, que Bell n’avait jamais vu avant, quitta la pièce, laissant entrevoir sur sa joue un tatouage composé d’un rameau et d’un rouage brisé.

 - Tiens j’y pense Bell, tu tombes bien Vira voulait te parler, annonça l’armatrice.

 - Vira ! s’exclama la yordle, qui n’avait pas remarqué sa présence.

         Cette dernière se tenait dans un coin de la pièce, et se tourna lentement vers Bell. Son teint était extrêmement pâle, ce qui était difficile étant donnée la naturelle pâleur de la peau des deux sœurs vastayas. Elle semblait livide, creuse et éreintée. Elle répondit à la salutation de la yordle sans sourire, d’une voix fatiguée elle aussi.

 - Vos parents… ils vont mieux… ? demanda la jeune fille.

 - Ils sont stable.

 - Je vois… c’est un bon début j’imagine !

 - Ils peuvent recevoir des visites, continua l’intendante.

 - C’est… une bonne chose ?

 - Ileae va pouvoir voir ses parents, dit Maria en souriant, même s’ils sont mal en point, trop pour même reconnaître leurs enfants, il serait bon qu’elle aille les voir.

 - Je veux que tu viennes. Ajouta Vira.

 - Euh… moi ? demanda Bell, confuse.

 - Faire sortir Ileae ne vas pas être simple, expliqua l’armatrice. Mais si tu l’accompagnais ça l’aiderait.

 - Si je peux l’aider à aller mieux, alors ça sera sans aucun problème ! dit Bell en souriant.

 - Très bien. Lâcha Vira. À demain.

         Bell quitta la pièce, laissant l’armatrice et son intendante discuter. Elle avait de la peine pour la grande vastaya, elle avait vu ce que la ruine avait fait à des tas d’animaux marins, et même à des gens. Mais si Vira disait qu’une visite était possible, c’est qu’ils devaient être en bien meilleur état que ce que Bell pensait.

 

***


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