Bell de Bilgewater

Chapitre 32 : Partie 3 - Chapitre 19

3312 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/08/2021 01:06

           Chapitre 19

         Les jours passèrent à une vitesse folle pour Bell, qui enchaînait les entraînements, les cours avec Nâmis, et ses recherches à la bibliothèque. Elle avait aussi repris ses explorations dans la ville, mais se faisait plus discrète. La jeune fille avait fait la découverte d’un coin charmant sur une des falaises, avec une placette très peu visitée, à l’entretient discutable. Cependant, la vue sur la mer était imprenable, et au coucher du soleil, les vagues en contrebas scintillaient de mille feux. Elle avait décidé qu’elle monterait ce petit coin de paradis à ses amis un de ces jours, s’ils avaient ne serait-ce qu’un peu de temps à lui accorder. En attendant, elle y passait plusieurs fois par semaine, histoire de profiter d’un des rares coins tranquilles de la cité.

         A force de venir, elle connaissait le chemin du retour par cœur, mais ne se laissait pas pour autant de parcourir les ruelles qui la ramenaient au manoir. Le ciel était toujours recouvert d’une couche de fins nuages grisâtres, et des pluies tombaient régulièrement sur la ville, mais cela ne la dissuadait pas de venir observer la mer. Malgré le fait qu’elle ait presque passé autant de temps ici qu’en mer, le Somua lui manquait.

         En rentrant vers manoir, elle avait pris le temps de passer au port, retrouver au moins de vue le navire qui les avait menés jusqu’ici, par les eaux. Elle en était convaincue, elle finirait par remonter à bord. Un jour, peut-être qu’elle aurait elle-même le commandement d’un navire, après tout, si les yordles vivaient réellement des siècles, elle aurait l’occasion de vivre des tas de vies.

         Pour briser un peu sa routine, Bell souhaitait s’aventurer un peu sur les toits. Elle doutait qu’on l’autorise à s’y promener, les bâtiments de Piltover étant très dangereux, mais cela lui ferait sûrement du bien. Comme à son habitude, elle traversa le calme tardif de la demeure Wajäard Grimbel pour aller chercher de quoi manger au réfectoire, cependant, quelque chose y était légèrement différent.

         Au milieu des habituels robots chargés de cuisiner et servir, un homme s’agitait, déplaçant des plats, en chantonnant. À l’arrivée de la jeune fille, le bedonnant personnage se tourna, et à la vision de son invitée, sourit sous sa frétillante moustache.

 - Mais qui voilà ! C’est la petite Bell ! Comment vas-tu gamine ça fait un moment !

 - Monsieur Ferman ! répondit la yordle en lui rendant son sourire. A merveille comme toujours.

 - On vient chercher une collation ? J’ai d’excellents plats à proposer aujourd’hui !

 - Avec grand plaisir, à vrai dire je n’ai rien mangé depuis ce matin.

 - Oh voilà qui est fâcheux, grimaça le cuistot, ce n’est pas bon pour une jeune fille de jeûner comme cela, tu as besoin d’énergie, pour grandir, et apprendre.

 - Grandir, oui bien évidemment ! Mais vous faites quoi ici ?

 - Eh bien je cuisine pardi ! Drôle de question.

 - Je vous croyais logé avec le reste de l’équipage non loin du port, continua la yordle étonnée.

 - Mais c’est toujours le cas, cependant les tenanciers m’ont refusé l’accès aux cuisines, et ces coincés de piltos ne veulent pas de quelqu’un qui sait faire autre chose que leurs plats insipides.

 - Donc vous êtes venu ici ?

 - Étant donné que je ne pars ni avec vous, ni avec le premier groupe vers Ixtal, Maria a accepté de me laisser m’occuper de ses cuisines !

 - Vous êtes de ceux qui restent à quai le temps des réparations, contente que vous ayez pu trouver de quoi passer le temps.

 - Eh oui, il faudra bien quelqu’un pour nourrir l’équipage au départ ! Sinon comme beaucoup de ceux qui s’ennuient j’aurai fait un petit saut à Zaun, on s’y amuse beaucoup quand on connait les bons coins

 - Zaun est décidemment… très agitée en effet, soupira Bell.

 - J’aurais été ravi de découvrir les spécialités d’Ixtal. Qu’est-ce que je te sers dis-moi ?

 - Oh mettez moi de quoi manger ailleurs, je vais me promener un peu ce soir.

 - Tout de suite !

         L’homme s’affaira à dégoter pour sa comparse de quoi bien manger, et lui emballa le tout dans une sorte de panier qui était rangé dans un des meubles. Il semblerait que d’autres aient l’idée de ne pas manger sur place, probablement directement dans leurs ateliers en continuant de travailler.

 - Avec un peu de chance, la délégation qui pars au sud vous ramènera quelques petites choses intéressantes, dit Bell en souriant.

 - Oh je ne sais pas, ils sont tellement renfermés dans cette jungle qu’on ne sait rien d’eux, s’ils acceptent de partager un repas nos hommes seront bien heureux.

 - Avec un peu de chance peut-être !

 - Maintenant que je suis maître de ces fourneaux, tu devrais passer à l’occasion ! Il va bien falloir que quelqu’un soit capable de faire quelque chose pour votre départ vers Targon.

 - En effet… dit pensivement Bell. Personne d’autre ne peut s’y coller ?

 - Comment dire… soupira Boniface. La cuisine est un art, et il faut être assez ouvert pour pouvoir l’exercer. Nâmis se débrouille, mais discute plus qu’il ne cuisine, Anna est une catastrophe culinaire, Reiner Spert est trop coincé et ne sait pas improviser, et Cynthia jouait avec l’eau au lieu de l’utiliser pour la cuisson. Je risque d’avoir du mal à trouver un successeur, marmonna-t-il.

 - Ça promet… soupira Bell.

 - Le petit Jay cependant, ton ami, est très doué, et assidu, je pense qu’il ferait un excellent cuistot.

 - Cela ne m’étonne pas il a toujours aimé ça.

 - Enfin, si cela t’intéresse tu sauras où me trouver ! dit-il en souriant sous sa moustache. Bonne soirée à toi gamine.

 - Merci monsieur Ferman !

 

***

 

Un panier repas accroché dans le dos, la yordle parcourut les couloirs presque déserts du manoir, et se fraya un chemin jusqu’à l’ouverture qu’elle avait repérée quelques jours après son arrivée. C’est en grimpant sur ces mêmes toits qu’elle était tombée sur Clapper, qui depuis la suivait un peu partout en piaillant lorsque Bell lui disait quelque chose.

L’ouverture ne la mena pas très haut, le manoir était collé aux autres bâtiments, elle fut forcée d’escalader un peu pour revenir sur son parapet. Aujourd’hui cependant, elle souhaitait aller plus haut, et atteindre les hauteurs de l’édifice, et notamment le haut de ces tours qu’elle voyait surplomber le quartier.

Les planches de bois et la pierre irrégulière de Bilgewater différaient de ce qui composait les toits de Piltover : des tuiles, des pierres taillées, et beaucoup de métal, rendant l’ascension complexe pour qui n’y était pas habitué. Je doute que beaucoup de piltos se baladent sur leurs propres toits, se dit Bell tandis qu’elle grimpait agilement. Pour ne pas trop de fatiguer, Clapper s’était niché au creux du cou de la jeune yordle, lui permettant d’arriver au sommet sans le moindre effort.

Malgré la présence de ce passager opportun, et du lourd panier repas dans le dos, Bell parvenait sans mal à se hisser de plus en plus haut sur les toits, éloignant petit à petit le reste du quartier en contrebas. Quelques mètres avant d’atteindre son point d’arrivée, Clapper profita d’une pause pour sauter de l’épaule de la jeune fille, et sautilla joyeusement d’obstacle en obstacle.

Bell finit par atteindre son objectif, une grande corniche, qui lui parut très confortable au vu de la quantité d’efforts fournis pour y arriver, contre le haut d’une des tours du manoir. Lorsqu’elle arriva, elle trouva son petit compagnon déjà sur place, qui la regardait fixement, et piaillai joyeusement.

Elle s’installa, posant son panier repas sur le côté. En contrebas, encore une fois la cité lui paraissait toute petite, mais contrairement à sa promenade où elle était allée dans le Haut-Piltover, elle pouvait aisément voir les passants qui déambulaient sur le pavage. Elle pouvait voir chaque scène qui se jouait dans les rues sous ses pieds, sur les places autour des fontaines. L’agitation avait repris depuis que les pluies s’étaient calmées, mais d’après Nâmis, la saison des averses ne tarderait pas à arriver, quelques jours tout au plus.

         Bell déballa son repas, ravie de retrouver des plats confectionnés par le cuistot. Non pas qu’elle n’appréciait pas les plats des robots de Maria et Johan, mais elle sentait retrouver un peu de souvenirs de ces semaines en mer. Sur le côté, Clapper la fixait du regard. Dressé sur ses quatre petites pattes, deux grands yeux grand ouverts, sa queue de poisson qui frétillait, et une gueule dont deux grandes dents du dessus pointaient, le petit animal faisait craquer Bell qui le trouvait absolument adorable. Elle sortit quelques morceaux de viandes qu’elle lui déposa à ses côtés, et en ajouta même un peu plus, pour le récompenser de ses efforts.

 

***

 

         Tandis que Bell savourait son repas, des bruits se firent entendre, non pas que Piltover soit particulièrement silencieuse, mais il fut étonnant de trouver des bruits de pas et de voix à une telle hauteur.

         Surprenant d’autant plus la yordle, une silhouette féminine atterrit gracieusement à l’autre bout de la corniche. Une jeune fille élancée, vêtue d’une tenue de travail en cuir, et d’une grosse paire de lunettes de verre et de cuir sur le visage, se tenait accroupie, à la manière d’une grenouille, que Bell reconnut immédiatement.

 - Salut ! lança Ileae en souriant.

         Bell répondit, et la salua d’un petit signe de la main et d’un sourire gêné. Décidemment, les gens ici avaient le chic pour débarquer à l’improviste et surprendre la yordle. Elle invita l’assistante à s’installer à ses côtés, et cette dernière s’installa avec joie, remontant ses lunettes sur sa tête, et posant délicatement sa queue sur le côté.

 - Qu’est ce qui t’amène ici ? interrogea la vastaya, qui regardait en bas.

 - La vue ici est plus prenante que depuis les fenêtres du manoir, répondit Bell, j’aime bien venir regarder la ville, mais c’est la première fois que je grimpe aussi haut.

 - La première fois ? Moi qui pensais que tu te rendais ici plus souvent.

 - Tu es au courant ? Je croyais être discrète, soupira la yordle, soit tu m’as bien observée, soit c’était très visible.

         La vastaya rougit un peu, toussota, er repris d’une voix un peu moins certaine.

 - Oh non, mais je vois peu de gens aller vers ces salles du manoir, alors je me suis posée des questions.

 - Et tu m’as suivie ?

         La vastaya rougit de plus belle, rentrant un peu sa tête dans ses épaules.

 - J’apprécie plus la vue ici qu’en d’autres endroits plus aisément accessibles, expliqua Bell, ici elle se mérite, et contrairement au Haut-Piltover, on peut tout de même observer l’agitation en détail en bas.

 - Oh oui le Haut-Piltover ! C’est très joli là-haut, mais on y va plus pour le paysage que pour regarder la ville en détail en effet. Tu y étais pour le paquet si je me souviens bien ?

 - Tu connais aussi mon emploi du temps on dirait. Exact, un paquet que Johan m’a demandé d’aller chercher, j’ai pu visiter un peu, c’est intéressant comme quartier.

 - Oui… C’est un paquet très important ! Tu le verras dans peu de temps.

         A la grande surprise de Bell, la vastaya se saisit d’une sacoche accrochée à sa salopette de cuir, et en sortir quelques morceaux de viande séchée. Le rat des quais tout excité attrapa le cadeau, et vint paisiblement s’asseoir sur les genoux de la vastaya. Ileae, en dehors de son allure fine, devait faire un peu plus de deux fois la taille de la yordle, et à l’instar de sa grande sœur Vira, des écailleurs d’un bleu irisé parcouraient sa peau très pâle, sur les épaules, le dos des mains, le nez, les joues, ainsi que le bout de ses petites oreilles pointues.

 - Johan m’a un peu parlé de vous, et de votre voyage, dit Ileae. Vous avez beaucoup de chance.

 - Je suis bien d’accord, j’ai attendu de longues années de pouvoir monter sur un bateau, mais depuis de trop nombreuses semaines nous sommes coincés ici.

 - Tu n’es pas heureuse à Piltover ?

 - Ce n’est pas ça… soupira Bell. C’est juste que je pensais être plus souvent en mer, explorer plein d’endroits dans Runeterra, vivre des aventures !

 - C’est vrai que vous êtes mercenaires...

 - Tu t’attendais à quoi d’autres venant de bilgewatiens ?

 - Rien de spécial, mais j’ai eu un peu peur au début quand j’ai vu le grand capitaine qui braillait, les autres hommes, et surtout ce démon… Jenkins.

         Bell réfléchit quelques secondes, en repensant à la troupe que représentait l’équipage. Tout d’abord, il fallait dire que Jenkins faisait très, très peur, quant au capitaine, son attitude pouvait facilement impressionner. En y réfléchissant, tout l’équipage pouvait facilement passer pour une sacrée ribambelle d’allumés, mais n’était pas plus étrange que d’autres dans son archipel.

 - Et puis, continua la vastaya, j’ai vu Cynthia qui m’a paru bien plus normale, et surtout toi…

 - D’ordinaire les gens ne sont pas spécialement rassurés en voyant des yordles, mais plus souvent intrigués.

 - Tu es ma première rencontre avec un des tiens, ça m’a rendu très curieuse, j’ai tellement de questions sur ton espèce, et je ne trouve de réponse nulle part.

         Bell regarda la vastaya du coin de l’œil, suspicieuse, se demandant si elle pourrait l’aider à chercher des réponses sur son espèce.

 - Les vastayas non plus ne sont pas monnaie courante, on m’a dit que tu étais une sorte d’hybride reptile.

 - Exact, c’est ce qui m’a permis de monter ici aussi facilement, rougit-elle.

 - Vous avez pas mal de particularités physiques, et des écailles. Jusqu’où vont-elles ?

         La vastaya rougit de plus belle, rentrant encore un peu plus ta tête dans ses épaules, et jouant nerveusement avec les mèches de ses longs cheveux amarante. Bell n’insista pas, et continua à regarder la ville en contrebas.

 - Je vous envie beaucoup, lâcha finalement Ileae.

 - Pourquoi ça ? La vie a l’air sympathique ici.

 - C’est vrai, mais ça manque un peu de changement, tout se ressemble dans le fond, surtout lorsqu’on passe ses journées dans les ateliers.

 - La vie en mer est peut-être plus excitante, elle est surtout dangereuse. On a fait une rencontre assez… inattendue lors du dernier voyage. Un de nos hommes est toujours inconscient, et j’ai été salement blessée.

 - Ah c’est cette cicatrice là…

 - Comment tu… ?

         Cette fois-ci, ce fut au tour de la yordle, après avoir écarquillé les yeux, de rougir subitement, la voix coupée.

 - Oh oui... Euh, bredouilla la vastaya, pendant les soins l’autre fois…

         Bien qu’était arrivée il y a des semaines, l’altercation avec cette bande de zauniens avait laissé de vifs souvenirs à Bell, ainsi que quelques jours où elle était restée inconsciente et une période de convalescence. Heureusement pour elle, Johan et la présente Ileae avaient pu la remettre sur pieds en un éclair.

 - Merci… pour ce que vous avez fait toi et le prof, après l’attaque.

 - Oh c’est normal, répondit la vastaya en souriant. Tout le monde était très inquiet.

 - Vous faîtes des miracles.

 - Tu devrais passer nous voir, et regarder un peu plus en détail ce qu’on fait aux ateliers.

 - Ça ne dérangera pas ?

 - Tu n’as qu’à passer dans ma chambre demain !

         Clapper lâcha un petit piaillement satisfait, après avoir terminé de manger ses petits bouts de viande séchée, et s’allongea, toujours sur les jambes de la vastaya.

 - Euh… quand je dis dans ma chambre… en fait… c’est aussi mon atelier en réalité… alors…

 - T’en fais pas, j’ai compris, rit Bell, je passerais demain si tu n’y vois pas d’inconvénient.

 - …merci !

         Bell apprécia la soirée passante, discutant avec cette nouvelle amie qui, loin des regards d’autres personnes, était largement plus ouverte. Elle semblait très franchement s’intéresser aux voyages de la yordle, et ses yeux jaunes s’illuminaient lorsqu’elle entendait parler de la vie à Bilgewater. Malheureusement, les nuages finirent par pointer, et avec eux, quelques gouttes vinrent perturber leur soirée sur les toits. Forcées de rentrées, les deux jeunes femmes prient congés dans leurs quartiers respectifs, heureuses d’avoir pu échanger un moment.

 

***


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