Bell de Bilgewater

Chapitre 31 : Partie 3 - Chapitre 18

5467 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/08/2021 01:05

           Chapitre 18

         La commandante passait décidément une drôle de journée, elle qui comptait se reposer et éplucher divers rapports au calme dans son bureau, avait été dérangée par tout un tas de gens réclamant l’aide des gendarmes. On a des sous-officiers pour traiter avec les aristos pourtant marmonnait-elle en replaçant les sièges en face de son fauteuil, à croire que je dois gérer leurs querelles infantiles moi-même.

         La majorité des équipements des forces de régulation piltoviennes étaient financés par les grands clans, et de riches mécènes, qui après leurs dons se permettaient de prendre les gendarmes, qu’Holly et ses unités appelaient les Regs, pour désigner les unités régulières, comme leur milice personnelle, ou pire leurs domestiques. Rien que d’y penser, Holly laisserait presque échapper une grimace. Les regs sont corrompus jusqu’à la moelle. Avec les années, elle leur avait fait comprendre qu’elle ne comptait pas être à leur bottes, et ces derniers rampaient à ses pieds en s’écrasant dans des formules de politesse et une gentillesse hypocrite.

         En réalité, elle détestait franchement les aristocrates piltoviens, elle fut ces dernières décennies, avec ses hommes, toujours aux premières loges de leurs affaires. Elle voyait la manière dont ces derniers se menaient une guerre les uns contre les autres, et comment avide de pouvoir et de richesse, de quelle manière ils traitaient l’immense majorité des habitants de la cité. Pire que des requins.

         Leur traitement avec la cité souterraine, Zaun, était pire encore. Alors que ces surpuissants utilisaient les Zauniens et leur ville « malpropre » comme bouc émissaire à tous leurs maux, fédérant leurs petits partisans, tout en diabolisant ceux en dessous, ils agissaient aussi dans l’ombre avec ces rebuts, comme ils les nommaient. Pas exactement avec les habitants de Zaun, mais tous les grands clans ont un jour eu l’idée brillante de se plonger dans les affaires aux côtés des Barons de la Chimie, plus bas, utilisant parfois ces derniers pour se livrer des guerres indirectes. Tout ceci aux dépends des gens normaux, pris entre deux feux, asservis par les Barons pour certains.

         Holly avait, à des tas de reprises, eut l’occasion d’intervenir en Zaun, et parfois même aux côtés d’éléments de milices des Clans. Elle se souvint d’une enquête qui avait tourné au drame, un clan ayant tenté de récupérer des schémas très dangereux avait fait preuve de ce qu’elle considérait être de la pure barbarie.

         L’opération avait mal tournée, et même si l’objectif avait été atteint, l’installation du Baron avait été détruite, entrainant avec elle des dommages mortels sur le quartier proche. La commandante Bertillon gardait un gout très amer de cette collaboration, qui n’était qu’un exemple de l’implacabilité des clans.

         Ces dernières années, ses efforts étaient dirigés vers les recherches contre la Ruine, ainsi que la traque des derniers producteurs de Démium. Elle pouvait compter sur l’aide du professeur Grimbel, lui fournissant matériel et informations, ainsi que de son ancien collègue en disgrâce, le professeur Krenn, qui aidait quant à lui à réparer les dommages liés à ces deux fléaux.

         Pour se détendre, elle entreprit de se servir un thé, rien de tel qu’une bonne tasse chaude pour calmer ses pensées, lorsqu’on frappa à la porte.

 - Entrez. Lâcha-t-elle sèchement.

         Un homme pénétra la pièce, saluant la commandante, un rouage de bronze accroché à la poitrine de son uniforme.

 - Un invité pour vous commandante.

         Holly soupira, voilà encore un visiteur qui souhaitait déranger sa paisible journée.

 - Merci capitaine faites-le entrer.

         L’homme acquiesça, et laissa place à une personne qui entra doucement dans la pièce. Un vieil homme, à la longue robe bleue, sertie de motifs argentés, salua la commandante.

 - Mademoiselle Bertillon ! s’exclama le doyen Hekins tout sourire. Quel plaisir de vous revoir !

 - Horace, répondit l’intéressée en s’autorisant à sourire aussi, plaisir partagé, vous venez prendre le thé ? Et cessez de m’appeler mademoiselle je n’en ai clairement plus l’âge.

 - N’exagérez pas vous avez l’air plus jeune que les sortantes de l’académie, malgré vos quarante printemps passés. Je me joindrais volontiers très chère !

         La commandante invita son ami à s’asseoir. Il était peu de personne en ce monde qu’Holly considérait comme proche d’elle, mais le doyen en faisait partie. Il avait déjà été un mentor à son époque à l’académie. Quel âge a-t-il en fait ? s’interrogea-t-elle mentalement. En effet, Horace était déjà doyen à ce moment-là, et depuis déjà fort longtemps. Avec lui au moins, elle pouvait délaisser son attitude bien trop impérieuse et être plus détendue.

 - Vous me semblez troublée, un peu sur les nerfs ces temps-ci, commenta le vieil homme en prenant la tasse que lui tendait Holly.

 - J’ai cru à une énième visite d’aristo, soupira-t-elle, elles se sont enchaînées aujourd’hui, et avec toutes les affaires en cours, je n’avais vraiment pas besoin de cela en plus.

 - C’est compréhensible, du nouveau sur l’attaque de l’autre jour ?

 - Rien. Mais un détachement se charge aujourd’hui de traquer un potentiel membre de leur groupuscule.

 - Voilà qui semble prometteur.

 - Pas tellement, aucun des capturés n’a lâché un mot, et la plupart avaient une fonction Baroud dans leurs modifications, aucun d’entre eux ne dira un mot de plus désormais…

 - Voilà qui est inquiétant, rien de nouveau sur les armes dont les impulsions bloqueraient leurs fonctions ?

 - Vous savez comment sont les Ferros, sans aucun paiement ou service direct, ils n’y mettent aucune volonté.

 - Mmh je vois… As-tu pris contact avec ta protégée ?

 - Ça s’est limité au sauvetage de l’autre jour, et à une entrevue quelques temps après.

 - Elle te plaira, elle me rappelle tes débuts durant tes dernières années à l’académie. Tu devrais penser à lui prêter une de tes dagues, voir si elle s’acclimate de la technologie de Johan.

 - Je tâcherais d’y penser, répondit la commandante. Ses capacités m’intriguent, elle a tenu tête à une douzaine de Zauniens bien équipés et coordonnées, qui savaient ce qu’ils étaient venus faire. Je connais peu de gens capable d’une telle chose. Et vous comment se passent les négociations avec les diplomates ?

         Une fois lancés, rien ne pouvait arrêter ces deux amis, qui pouvaient passer des heures à discuter. De par sa position et ses contacts à l’académie, le doyen était une véritable source d’information pour la commandante, qui avait parfois du mal à retenir tout ce que pouvait lui dire son vieil ami.

 - Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’une autre attaque se prépare probablement.

 - Il faut placer quelqu’un aux côtés de la protégée, je me tue à le répéter.

 - Elle a d’ailleurs eu une altercation, il y a plus d’une quinzaine de jours, j’ignore de qui il s’agissait, mais mes sources semblent indiquer une présence zaunienne encore.

 - Localisation ? grimaça la commandante.

 - Haut-Piltover.

 - Elle n’en a parlé à personne en ce cas, elle n’est allée qu’à la bibliothèque ces deux dernières semaines.

         Holly sortit un bloc de papier, sur lequel elle inscrivit quelques notes brouillonnes, avant d’en arracher la feuille et de la classer dans un des dossiers sur un meuble à côté.

 - Vos hommes ont-ils réussi à prendre contact avec le groupe que je vous ai indiqué ? demanda Horace.

 - Absolument pas pour le moment, je commence à croire que vos idées sur l’existence d’un groupe associé à Bandle dans les tréfonds de Zaun est un simple racontar.

 - Oh ils sont quelque part en bas cela je peux vous l’affirmer.

 - Je verrais ce que je peux faire.

         Quelqu’un frappa à la porte, interrompant la conversation entre les deux amis, dont le son indiqua que la personne fut pressée.

 - Entrez. Lança la Holly.

 - Commandante, on en a trouvé un.

 - De la Décharge ? Ou un de ces attaquants ?

 - Un des fuyards de l’autre jour madame.

         Les regards de la commandante et du doyen se croisèrent, et un sourire naquit sur leurs lèvres respectives.

 - Je crois que vous avez du travail, dit Horace en se levant, je m’en vais vous laisser j’ai moi aussi quelques affaires à régler, et bu bien trop de thé.

         Le doyen salua respectueusement son amie, et le capitaine, toujours au garde-à-vous, avant de quitter le bâtiment en sifflotant. Holly attrapa son communicateur sur le bureau, et l’alluma.

 - Escouade Êta, Phi, préparez-vous, départ pour Zaun dans cinq minutes. C’est l’heure de la chasse.

 

***

 

         Parmi les éléments les plus dangereux de Piltover, on pouvait trouver les escouades de forces spécialisées parmi la régulation, suréquipées et surentrainées. Composées de quatre à six soldats, ces derniers furent souvent des combattants expérimentés ayant quitté leur pays d’origine, pour troquer les campagnes militaires ou guerres internes pour le piquant de la défense de Piltover.

         Tout comme les forces régulières, ils étaient souvent financés voir fournis par des donateurs, mais contrairement à ces derniers, ils n’ont aucun devoir de répondre aux appels des Clans, et ne peuvent recevoir d’ordre que des Commandants, faisant d’eux une force parfaite pour intervenir dans la neutralité, et l’intérêt de tous, et non de l’aristocratie. Par ailleurs, ils eurent déjà pour certains effectué des interventions à l’encontre desdits clans.

         Toujours d’une loyauté sans faille, et aux forts liens entre eux, ils avaient autorité et capacité d’intervenir partout, y compris hors de Zaun et Piltover, sur tous les terrains, et dans toutes situation délicate, notamment capture ou assassinats de cible dangereuse. Redoutable, et redoutés, partout en Runeterra, leur cohésion et efficacité était rendue possible par un entraînement acharné, sans pour autant dépendre de modifications. Afin d’être recruté, il ne faut posséder aucune malédiction, aucune modification quelle qu’elle soit, l’entraînement s’ils y survivent faisait d’eux des machines de combat, avec chacun une spécialisation au sein de l’escouade.

         Non content d’être complémentaires, ils étaient parmi les combattants les plus finement équipés du tout le continent. Armure légère mais résistante avec casque intégral, système de communication crypté, visière modulable. Armes modifiées par les scientifiques les plus doués des deux citées, modulable, capable de passer d’arme automatique, à arme de poing ou de précision, le tout secondé bien entendu par un arsenal d’outils variés.

         Bien qu’ancienne, l’unité n’était à la base qu’une division un tant soit peu mieux équipée que les forces régulières, mais désordonnée et ouverte à n’importe qui qui savait aligner les rouages. C’est Holly qui, de par des réformes strictes, avait pu transformer ce que beaucoup voyaient comme une bande de dangereux individus, en le poing de Piltover. Quand la diplomatie échoue à repousser les invasions naissantes de Noxus, c’est nous qui intervenons pour sauver vos miches, avait un jour raillé la commandante lors d’un conseil aristocratique visant à réquisitionner ces forces. Toutes puissantes pouvaient être les monstruosités élégantes de ces Clans, elles n’en restaient pas moins des exceptions, et une poignée de leurs sbires ne sauraient arrêter les surpuissantes armées de l’empire.

         Aujourd’hui, ses unités avaient pour tâche de capturer vivante une des cibles responsables de l’attaque contre sa récente protégée, et dont cette dernière avait failli ne pas revenir avant un moment. Leur tâche la plus difficile aujourd’hui, serait que la cible survive.

 

***

 

         Toujours à pied, la commandante n’aimait pas prendre les transports. Elle sillonnait la ville, avec derrière elle deux escouades. Tous dans la rue les dévisageaient, leur équipement était ici connu de tous, malgré le fait que la discrétion soit un de leurs points forts. La raison ici était simplement qu’ils allaient aujourd’hui à Zaun, inutile de se dissimuler dans les rues de Piltover, cela représenterait une perte de temps.

         Holly elle, n’avait pas d’équipement similaire à ses hommes, elle avait en bandoulière son habituel fusil, deux dagues-pistolet à la ceinture, ainsi que quelques petits gadgets, et bien entendu son communicateur. Elle s’était seulement vêtue en plus de sa tenue habituelle d’un épais manteau d’apparat. Ce dernier pouvait paraitre bien banal, mais il était en réalité confectionné par deux artisanes du Haut-Piltover, taillé dans le cuir d’un des monstres les plus résistants des eaux de Bilgewater. Son origine donnait une teinte noirâtre à l’habit, ce qui déplaisait à Holly, mais il avait l’avantage d’être d’une légèreté ahurissante au vu de sa taille. Il était d’une solidité absurde, presque rien que l’on puisse trouver ne pouvait passer au travers, et ce manteau avait sauvé la commandante Bertillon d’un grand nombre de situations fâcheuses.

         Les deux unités et leur commandante empruntèrent un élévateur vers Zaun, pas un des grands pleins de vitres que l’on pouvait trouver au centre des ravines principales, mais un de ceux, plus discrets, disséminés dans de petites ruelles moins visibles. Assez sales, ils avaient au moins l’avantage d’être rapide et de mener à des points clefs de Zaun. Malgré cela, l’étendue de la jumelle souterraine était telle que parfois, l’élévateur les amenait tout de même à des distances les forçant à marcher plusieurs heures.

         Selon leurs informateurs, la cible résiderait dans un bâtiment à une centaine de mètres, une vraie aubaine pour Holly et ses hommes. Ces derniers, qui jusqu’ici discutaient discrètement par le biais du son retransmis par leurs casques, passèrent sur un canal de discussion interne. Leurs combinaisons étaient très spéciales elles aussi, et étaient capable de les rendre invisible aux yeux de nombre de détecteurs, mais aussi transparent pour l’œil nu, idéal pour contrer les observateurs aguerris qui patrouillaient parfois dans les rues de Zaun. Les pièces de leur cuirasse légères s’adaptaient à teinte de la combinaison, et devinrent-elles aussi transparentes, et seules les visières en forme de T lumineuses subsistaient, qu’ils finirent par éteindre lorsque l’ascenseur toucha terre. Leur équipement ne les rendait pas parfaitement invisible, et laissait une sorte de contour transparent et un léger scintillement épousant la forme de leurs corps, qui pouvait les trahir, mais la plupart des gens n’y prêtaient même pas attention.

         Une fois la porte ouverte, Holly ordonna le déploiement de ses hommes d’un discret mouvement de la tête, et s’élança dans la rue. Les formes transparentes glissèrent sur les côtés, suivant la leur cheffe.

         Peu avant d’arriver à destination, elle donna quelques indications discrètes à ses hommes, dont les deux groupes se séparèrent. L’objectif était de pénétrer le bâtiment discrètement, de repérer la cible, et de la neutraliser pour l’interroger. Elle devait probablement se cacher dans un bâtiment où d’autres personnes résident, souvent des petits membres de gangs inintéressants pour une enquête du calibre de la commandante.

         Elle arriva en vue dudit édifice, un énième bâti zaunien, Holly aimait bien l’architecture zaunienne dans le fond. Malgré son apparence élégante et sérieuse, la commandante préférait l’art zaunien en général, trouvant les constructions d’ici-bas plus audacieuses, créatives, et moins ennuyeuses que celles de Piltover. J’aimerais voir autre chose que mes villes un de ces jours.

         Le sergent de la première escouade s’approcha d’une des portes de l’édifice, qu’il tenta d’abord d’ouvrir, sans succès. Sans plus attendre, un de ses coéquipiers s’approcha pour déverrouiller la serrure, fermée par un mécanisme. Pendant ce temps, la seconde escouade devrait pénétrer par l’arrière du bâtiment et agir de concert.

         Une fois la porte silencieusement ouverte, c’est le sergent qui pénétra en premier, confirmant à sa supérieure que l’endroit était désert. Voilà qui facilitera la tâche, se dit-elle, pas besoin des dagues pour le moment. Dans le cas où d’autres individus seraient présents, à moins qu’ils ne représentent un danger imminent, Holly et ses hommes auraient été contraints de leur tirer dessus avec des tirs incapacitants. Les milices de clans les auraient aux mieux tabassés, au pire massacrés.

         Une explosion retentit, deux de ses hommes furent projetés contre un mur. Un piège ! cria le sergent dans son communicateur, deux hommes touchés ! Des cris résonnèrent l’étage, suivis de bruits de pas, quelqu’un avait été évidemment alerté par le bruit. Holly passa devant les hommes de son escouade qui vérifiaient l’état de leur camarade, en attrapant son communicateur.

 - Cible repérée, un étage au-dessus, on se bouge.

         Étant donnée la configuration de l’environnement, un fusil ne serait que très peu adapté, surtout le sien, mais Holly choisit tout de même de s’en saisit, elle s’en servirait probablement comme d’une arme de corps à corps pour appréhender l’individu, peu importe s’il est blessé, il avait attaqué ses hommes.

         Elle fonça au travers de l’étroit couloir, et des débris jonchant le sol, pour se ruer dans l’escalier, devançant la seconde escouade. Une fois en haut, elle marcha d’un pas vif et déterminé vers la pièce d’où était parvenu la voix. Elle tomba nez à nez avec un Zaunien, équipé de modifications qui devaient valoir une fortune, décidemment pas des jouets que l’on trouve facilement.

         L’homme avait eu le temps d’attraper quelques affaires, et avait un sac dans les mains. Avant qu’Holly ne puisse réagir, et tandis que la seconde escouade arrivait elle aussi, il jeta une sorte de détonateur qui explosa quasi instantanément, ayant pris le temps de sauter par la fenêtre dans le même temps. L’explosion fut immédiate, et Holly eut tout juste le temps de se tourner assez pour que son manteau la couvre du souffle. Cependant, la force de l’explosion souffla les murs de la pièce, renversant la seconde escouade, pleine de débris. La commandante fut projetée violemment en arrière, si bien qu’elle passa au travers du mur de la pièce dans son dos, et s’affala dans un tas de morceaux de plâtre gris-vert.

 - Commandante ! cria le second sergent qui se précipita vers elle.

 - Ça va, ça va, dit-elle en se relevant, tout va bien.

 - Vous êtes sure madame ? intervint le médic. Mon scan…

 - Ton scan ne verra que des égratignures, dit sèchement Holly.

 - Bien reçu… acquiesça le médic.

 - On poursuit la cible ! ordonna-t-elle.

 - Bien madame ! lancèrent le reste de l’escouade en chœur.

         Ils se pressèrent en bas de l’escalier, croisant la première escouade qui était elle aussi prête à reprendre la traque. Holly les suivit, plus encore déterminée à retrouver la cible.

 - Aucune perte à déplorer madame, informa le premier sergent, uniquement des égratignures.

 - Pour moi aussi, répondit-elle sans ciller. Bien, maintenant en route.

         Leur cible avait beau être zaunienne, jamais elle ne connaîtrait autant la ville qu’Holly et ses hommes. Elle avait des années d’expérience dans cette cité, et contrairement à ses prédécesseurs, elle daignait étudier le terrain, et avait le tempérament d’aller elle-même en opération. Les commandos quant à eux avaient reçu dans leur formation des heures d’études de la topographie zaunienne parmi les apprentissages sur les zones d’intervention. Il n’y avait aucun endroit où la cible ne pourrait leur échapper, pas même le quartier-général d’un Baron de la chimie.

         Comme prévu par la commandante, la cible n’appartenait à aucun des actuels gangs standards ou influents, et ne se dirigeait pas vers des espaces qui pourraient le protéger, au lieu de ça, il cherchait à atteindre les élévateurs zauniens qui menaient aux tréfonds, où il espérerait semer ses assaillants. Manque de chance, Holly avait fait couper l’alimentation de ces ascenseurs par ses services de renseignements, au cas où.

         Ils retrouvèrent en effet leur cible, qui cherchait désespérément à faire fonctionner l’élévateur. Il comprit rapidement que cette solution était inenvisageable, et tenta de fuir, mais se retrouva face à face avec Holly, qui s’autorisa un petit sourire satisfait. L’homme lâcha alors sa sacoche, comme pour se mettre en position de combat, au lieu de faire ce que ses probables supérieurs lui aurait intimé de faire, à savoir sauter dans le vide pour ne pas être attrapé. Au lieu de cela, il pensait pouvoir s’en prendre à la femme devant lui.

         Comme prévu, il ne remarqua pas les étranges silhouettes transparentes réparties en arc de cercle autour de lui, le tenant en joue. Une salve de tirs incapacitants le cueillit sans même qu’il ne comprenne ce qu’il se passait, et il tomba. Malgré la quantité d’énergie qu’il avait reçue, il était encore très conscient, et la paralysie n’était même pas totale.

 - Comme attendu d’un tel niveau d’équipements… marmonna Holly en s’approchant. Bien, on va discuter toi et moi ! continua-t-elle plus fort.

         Elle s’approcha d’un pas élégant, puis d’un seul bras, le saisit par le col, et le souleva. De par sa très grande taille, Holly en imposait. Ses hommes désactivèrent le camouflage et s’approchèrent légèrement, toujours prêts à tirer.

 - Bien, dit Holly à l’intention de l’homme qui la défiait du regard. Maintenant tu vas gentiment me dire pour qui tu travailles, et où je peux trouver ton patron.

         Les traits de l’homme intriguèrent la commandante, ils lui semblaient peu commun, même pour un environnement aussi diversifié que Zaun. De plus, ses modifications semblaient récentes, et encore plus poussées que celles arborées par les individus de l’attaque contre sa protégée, mais surtout… moins zaunienne, ni piltovienne d’ailleurs.

 - Je vais devoir te le redemander, et de par d’autres manières, continua-t-elle. Tu n’auras ni la chance, ni l’indulgence dont ont bénéficiés tes camarades.

 - Notre… souffla-t-il péniblement, visiblement pas encore acclimaté aux modifications.

 - Votre ?

 - Notre maître… viendra à vous.

 - Super ça me facilitera la tâche. Qui est-il, et où est-il ?

 - Il viendra… Vous ne pourrez rien faire… Personne ne peut…

 - Oui ça je me doute mon grand, mais son nom, et sa localisation ?

 - Gloire… à l’immortel…

         Un détail avait intrigué Holly, une sorte de lueur rosâtre qui émanait de la mâchoire de l’homme, tandis qu’il parlait. Elle ne l’avait vraiment bien vu que durant sa dernière phrase, du fait qu’il ait souri. L’homme quant à lui fit un étrange mouvement avec sa bouche, et un petit bruit se fit entendre.

 - Non… NON ! hurla la commandante en secouant l’individu.

         Avant que ses hommes n’aient pu réagir, la cible fut secouée de spasmes, en plus d’être secouée par la commandante. En seulement une fraction de seconde, une brume rosâtre commença à émaner de sa bouche, se déversant sur la femme puis sur le sol. Une lueur de la même couleur teinta les yeux de l’homme, qui asséna un violent coup de boule à la commandante. Cette dernière lâcha l’individu, surprise, et n’eut pas le temps de réagir lorsqu’il lui porta un coup de pied si puissant qu’il envoya voler Holly sur une dizaine de mètres, roulant par terre.

 - BAROUD ! hurla un des sergents à ses hommes.

         Tout s’était passé tellement rapidement, que même les commandos n’avaient pu réagir pour aider leur commandante. Cependant, une fois la surprise passée, ils s’organisèrent très vite. Les plus éloignés avaient passé leurs armes d’incapacitantes à létales, tandis que ceux plus proches avaient délaissés le fusil pour utiliser des lames rétractiles, sorties des cuirasses sur leurs bras.

         Ils connaissaient leur cible, ou du moins ce qu’elle avait fait. Certains éléments hauts placés de gangs étaient en possession de petites fioles d’un sérum, le Shimmer. Celles-ci étaient dissimulées de sorte qu’ils puissent en ingérer ou s’en injecter d’urgence, et s’en servaient une fois acculés, transformant les capturés en sorte de fou furieux ne ressentant ni douleur, se lançant dans un baroud d’honneur. Ces infectés volontaires voyaient leur résistance augmentée, la douleur disparaître, remplacée par une rage incontrôlable, ainsi leurs capacités physiques décuplées, d’autant que celui-ci était équipés d’implants redoutables.

         Un rude combat s’engagea, les tireurs ne pouvaient faire feu qu’à de très rares moments, étant donné que leurs compagnons étaient aux prises directes avec leur ennemi. Le premier sergent fut le premier à faire les frais de leur cible, qui se jeta sur lui. Il esquiva les attaques surpuissantes qu’elle tentait de lui asséner, et donna quelques coups en retour, sans grand succès. Un des implants sur le bras de la cible dévoila une longue lame, tandis qu’un épieu jaillit de son pied. Malgré son entraînement, le sergent se retrouva en difficulté, et l’ennemi lui planta ses armes dans le torse et la jambe dans les interstices de sa cuirasse, avant de le repousser au loin.

         Le médic qui n’était pas aux côtés de la commandante contourna discrètement l’ennemi pour aller porter secours à son camarade, pendant que d’autres encerclaient la cible, activant leur camouflage.

         L’infecté semblait tout de même comprendre la situation, et avait retenu l’attaque surprise plus tôt, aussi faisait-il maintenant très attention à la position des anomalies visuelles. Comme s’il les voyait pleinement, il se jeta sur l’un d’eux, le combat acharné continua. Il tentait de venir à bout de ses sept assaillants, qui eux en retour parvenaient parfois à l’atteindre. Les nombreux coups et tirs reçus ne semblaient le ralentir qu’à une échelle infime, tandis que la moindre blessure sérieuse à un des hommes forçait ce dernier à battre en retraite. L’affrontement s’éternisait, et ils n’étaient pas sûrs de gagner sur le jeu de l’endurance.

         Malgré la supériorité de l’infecté, et les blessures infligées aux commandos, les nombreux coups portés finirent par l’empêcher de nuire trop dangereusement. Il restait en vie malgré des dizaines de blessures par lames, et des dizaines de tirs létaux reçus. Malheureusement pour lui, ses modifications, d’aussi bonne facture soient-elles, n’étaient pas rendues plus résistantes par le shimmer, et les commandos purent enfin affaiblir, puis maitriser la cible.

         Holly, remise sur pieds par le médic, s’approcha de l’homme en rage, le regard encore plus dur qu’à l’accoutumée. Pour une simple opération de traque, le bilan était lourd, elle était blessée, de même que 4 de ses commandos, et le premier sergent l’était gravement, aucun mort à déplorer cependant. De plus, la cible avait utilisé son cristal, et ne pourrait jamais leur livrer les informations nécessaires, la mission était un échec, et elle était de retour au point mort.

         Tandis que ses hommes tenaient à genoux leur cible, Holly essuya la poussière sur son front. Elle saisit son fusil, arma et mit en joue l’infecté, et tira, traversant la tête de la cible.

 

*** ***


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