Bell de Bilgewater

Chapitre 16 : Partie 3 - Chapitre 3

3499 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/08/2021 23:52

           Chapitre 3

         De grandes aurores peignent le ciel nocturne, et des constellations brillantes tracent des formes complexes, tamisant la voute stellaire au-dessus de sa tête. Elle se trouve sur une grande plateforme rocheuse, apparemment sur le flanc d’une montagne, des tas d’objets d’offrandes ont été déposés un peu partout autour et sur des autels taillés dans la pierre. Elle devait être haut, très haut même, car ce n’est pas le sol qu’elle voit, mais une épaisse couche blanche. Mais… des nuages ? Je suis à plusieurs centaines de mètres des nuages !? Au-dessus d’elle, la montagne continue de grimper en une aiguille rocheuse, comme anormalement étirée toujours plus vers le haut.

         Au bord du précipice, quelques marches menant à un promontoire, ce dernier étant surmonté d’arcs de cercles rocheux taillés dans ce qui dû être un imposant bloc de pierre des siècles auparavant. Un portail, oui c’est un portail ! Et au centre de ce curieux cercle, se dresse un être, enfin, trois êtres. Trois créatures en forme d’oiseaux gigantesques, très grandes, sans texture aucune, aux contours brumeux… Seule la forme se distingue, tandis qu’ils semblent littéralement composés de cosmos et de constellations. Les formes arborent deux fentes ressemblant à des yeux sur ce qui pourrait être une tête de corbeau, surmontant large bec qui semble presque sourire, laissant apparaître un air malsain tant il semble se réjouir de la situation.

         L’une des créatures fait mine de parler, mais Bell ne l’entend pas, elle ne saisit que des brides de mots : Jo… toi … mo…, vie… à m…, tu pou... les re…er. Uti… mes …oirs je… t…n conj…

         L’un des oiseaux tend doucement son aile vers elle. Elle est tentée de s’en saisir, mais le sourire éthéré de la créature vire soudain à une sorte de rictus. La chose recul son bras d’un geste brusque, son contour devenant brouillé, puis poussa un cri horrible, en regardant fixement à côté d’Elle.

         Une autre personne se trouve à ses côtés, un homme, grand, fin, avec des cheveux attachés châtain, et des yeux d’un bleu clair profond. Il semblait tout aussi perdu qu’Elle, et regarde d’un air inquiet la créature devant eux. L’abominable cri de cette dernière continue, s’intensifie même, une lumière commençant à jaillir de l’entité, qui bat des ailes, sa silhouette étant de moins en moins distinguable. Son éclat devient bientôt presque insupportable, et soudain, tout cesse. Le cri, les sons du vent, la lumière, et Elle devine que la chose s’apprêtait à leur lancer quelqu’attaque magique.

         Un cri plus perçant encore émane de l’oiseau, de même qu’une lumière terrible. NON. Elle crie, court vers l’homme à côté d’elle, crie encore, et se jette sur lui. AMARA.

 

**

 

         Bell émergea de son sommeil, éblouie par une forte lumière. Cynthia déjà levée avait brusquement ouvert les rideaux, en s’excusant, expliquant que la yordle avait déjà beaucoup dormi, et qu’il était temps de se lever, prétextant que se lever en fin de matinée était amplement suffisant pour se reposer.

         Bell se leva doucement, bien triste de quitter le grand lit douillet avec lequel elle avait partagé une nuit, des plus agitée. Elle enleva rapidement son pyjama, posant ses vêtements sur le dossier d’une chaise, avant de se regarder dans le grand miroir devant elle, massant doucement la cicatrice qui barrait maintenant son abdomen.

 - Heureusement que ta fourrure cache un peu la cicatrice, lui dit Cynthia en l’observant de loin.

 - C’est affreux.

 -…

 - Heureusement que personne ne peut la voir, je n’ai pas besoin de ça en plus.

 - Ne dis pas ça…

 - Je suis minuscule, j’ai une fourrure sur tout le corps, d’énormes oreilles velues, des yeux d’une couleur anormale, lâcha tristement la yordle. Je suis beaucoup trop différente, tu as vu comme ils me regardent tous dehors.

 - Qu’est-ce que tu as ? C’est inhabituel de te voir comme ça…

 - Rien… j’ai eu une mauvaise nuit, difficile de dormir sans le roulis des vagues j’imagine.

 - On va aller visiter la ville, ça te changera les idées !

         Toujours d’humeur profondément morose, Bell s’habilla de ses affaires habituelles, contente tout de même de remettre son écharpe. Elle embarqua avec elle son petit sac de cuir, dans laquelle elle glissa sa dague, ainsi qu’une bourse dans laquelle elle mit quelques rouages. Je préfère éviter de tout me faire tirer d’un seul coup, qui sait si les gens sont aussi dangereux qu’à Bilgewater ici ? Une fois prête elle suivit tranquillement Cynthia dans les couloirs, toujours plongée dans ses pensées. Arrivées dans le hall d’entrée, une voix les appela elle et son amie.

 - Vous en avez mis du temps, se plaignit Jay, heureusement que j’ai pu discuter avec Vira.

 - Aucun problème, sourit la vastaya, Maria m’a chargée de vous accompagner en ville pour vous faire un peu visiter les quartiers environnants. Elle a dit que Bell devrait trouver une tenue un peu plus... adéquate.

 - Ha je te l’avais dit ! pouffa Cynthia derrière.

         La vastaya les guida vers la porte, avant de leur emboiter le pas. Après discussions, elle les mènera d’abord aux alentours du port. Comme ils l’avaient remarqué, ces quartiers regorgeaient de diverses boutiques, et de nombreux artisans qualifiés y vendaient des objets très intéressants. Dehors la ville était telle qu’ils l’avaient laissé la veille, ce n’était pas une quelconque illusion, ils étaient bien au cœur d’une ville toujours aussi lumineuse et extravagante, grouillante de gens l’étant tout autant. Au loin dans les hauts quartiers, la haute tour Hextech envoyait à un paisible rythme des aéronefs vers de lointaines destinations.

 - Parle nous un peu de toi Vira, demanda Cynthia à leur guide, tu sembles en savoir pas mal sur nous mais nous te connaissons peu.

 - Oh rien de bien passionnant, répondit cette dernière un peu gênée. Je ne suis qu’une fille de zauniens, vastayas eux aussi. Je suis entrée au service de Johan Grimbel il y a plusieurs années, mon fiancé travaillait déjà pour lui.

 - Oh un fiancé ? s’émerveillèrent les deux filles en chœur.

 - Oui, il s’appelle Dom, c’est un orphelin de Zaun. Vous finirez par le croiser. D’ici quelques temps on aura assez économisé d’argent pour acheter un logement dans le quartier. Ma jeune sœur qui travaille au manoir nous aide aussi, elle est une des assistantes de Johan, je lui dois beaucoup.

         Vira connaissait sur le bout des doigts les rues à emprunter, les boutiques les plus intéressantes, et savait repérer les vendeurs un peu trop enclins à tirer des bénéfices de la récente arrivée des trois jeunes gens en ville. Bell l’avait compris, tout se négocie, y compris le fait d’avoir droit à un prix normal. Ils visitèrent des tas de places et de rues bondées, toutes bordées de boutiques tellement différentes. Des spécialités de pays lointains s’étalaient sous les yeux brillants des trois amis, vêtements, armement, accessoires divers, outils magiques, nourriture, art.

         Des boutiques purement piltoviennes proposaient des articles d’une grande beauté, fruit d’un travail de précision, à couper le souffle. D’autres proposaient la confection et la pose de gadgets plus destinés à l’apparat, par le biais de machines diverses. Plus magnifiques que réellement pratiques, le but était plus de montrer ses richesses et pouvoir que d’acquérir un objet d’une réelle utilité.

         Ils prirent le temps d’acheter quelques articles alimentaires, pour se poser manger un bout avant de continuer leur visite. Ils s’assirent sur un banc, au bord d’une des falaises bordant les immenses crevasses de Piltover.

 - Ce sont les fameuses fissures que le canal a engendrées ? demanda Bell, curieuse.

 - Exactement, elles strient les alentours de la ville sur des lieues entières.

         Bell promena son regard sur les grandes arches de bâtiments et machines qui traversaient un peu partout la ravine devant eux, observant comment ces dernières reliaient les deux bords du précipice. Et c’est pareil partout dans Piltover ça, souffla-t-elle pensivement. Ils sont doués ces piltos. Elle se pencha légèrement pour tenter de voir le fond de la ravine, mais ne parvint à distinguer qu’une épaisse couche de brume.

 - Les nuages en bas, ils sont le fruit d’une sorte de microclimat ?

 - Pas du tout, expliqua la vastaya, il s’agit du Gris Zaunien, une sorte d’épaisse pollution due aux activités chimiques de Piltover et Zaun.

 - Et c’est dangereux ?

 - Sur le très long terme oui, beaucoup de zauniens souffrent de problèmes respiratoires, et finissent avec des modifications… Peu ont les moyens de se payer des masques réellement efficaces, ou même des modifs piltoviennes, alors ils se rabattent sur des bricolages d’en bas.

 - J’ai entendu dire que Zaun s’étend dans l’entièreté des ravines et galeries souterraines en dessous, demanda Jay à leur guide, à quoi ça ressemble ?

 - Une ville très sombre, sale, plongée dans la pollution et le crime. L’architecture y est plus bricolée. C’est en quelque sorte une ville parallèle, un taudis dans le pire des cas, mais qui dépasse de très loin la taille de Piltover. D’ailleurs les quartiers au-delà des cours d’eau là-bas sont aussi Zauniens, une bonne partie de la ville est aussi en surface en réalité.

 - Moi ça ne me fait pas peur, rétorqua le garçon bravement, on a grandi à Bilgewater après tout.

 - Les différents districts de Zaun sont contrôlés par ceux qu’on appelle les Barons de la Chimie, récita Bell d’un coup, ces derniers d’affrontent dans des guerres d’influence entre gangs, et contrairement aux grands pirates de Bilgewater, ils n’ont réellement aucun honneur.

         Tous regardèrent la yordle, impressionnés par les connaissances dont elle faisait preuve.

 - C’est Nâmis qui me l’a appris, dit-elle en rougissant sous le regard de ses camarades.

 - Et si nous continuions notre promenade ? demanda Vira en se levant. Je connais un tas de boutiques où Cynthia serait ravie d’aller !

         Leur escapade fit un grand bien aux trois amis, qui étaient très heureux de retrouver une activité sur la terre ferme. L’agitation des rues de la Jumelle Radieuse leur rappelait beaucoup les quartiers marchands de Bilgewater, et ils appréciaient retrouver les camelots tentant de vendre divers accessoires finalement inutiles, créant une atmosphère envoutante. La journée filait à grande vitesse, et ils ne cessaient de découvrir des boutiques vendant des objets tous plus fous les uns que les autres : des chapeaux fantaisistes, d’étranges chaussures ouvertes appelées « tongs », ainsi que divers mets aux odeurs ragoutantes. Sous les conseils avisés de Vira, Cynthia s’acheta une somptueuse robe, divers vêtements légèrement plus sobres, ainsi qu’une tenue qu’elle souhaitait offrir à sa mère en revenant à Bilgewater. Jay s’acheta une lame très fine après mure réflexion, destinée à l’apparat uniquement, ainsi que des accessoires de pêche très utiles, qu’il ramènerait à ses parents pour les aider.

         Bell quant à elle eut la surprise de trouver des articles à sa taille, et s’offrit une tenue piltovienne, une sorte d’ensemble très proche d’un uniforme, bleu marin, manchettes boutons et coutures, dorés. Elle accompagna sa tenue de grandes bottes noires, et d’une sacoche en bandoulière de la même couleur, toujours ornementées de petits éléments dorés. Sa tenue était ample au niveau des genoux et des avant-bras, et plaisait beaucoup à Bell. Cynthia désapprouva l’aspect trop militaire et pas assez élégante, mais elle réussit à convaincre son amie d’acheter un anneau d’or pour attacher ses longs cheveux blancs.

         Le petit groupe pris le chemin du retour, zigzaguant entre les passants richement habillés qui allaient et venaient, ne manquant pas de dévisager la yordle, autant que leur guide vastaya.

 - Tu ne sens pas le poids de leur regard ? finit par demander Bell à la vastaya.

 - Qui ça ? Les gens autour ?

         La yordle acquiesça tristement, enfonçant un peu plus sa tête dans ses épaules, tentant de ne pas laisser trop apparaître ses oreilles. Vira remarqua la gêne de la jeune fille, et lui donna une petite tape amicale sur l’épaule.

 - Quand je passais de Zaun à Piltover, assez fréquemment, j’étais dérangée par le regard de ces gens en effet. Une hybride reptile, d’autant plus venant d’un milieu crasseux comme Zaun, ça sort du lot. Au début je souhaitais cacher ma queue, et maquiller mes écailles, mais j’ai fini par arrêter et ne rien cacher. Aujourd’hui je fais partie de la maison Wajäard-Grimbel, et je serais bientôt une Piltovienne.

 - Il y a beaucoup de vastayas ici ?

 - Il y en a. Peu mais il y en a en effet. Certains parmi les plus hauts aristocrates, en tant que servants, mais ils sont plus nombreux en Zaun, et libre. Et toi, tu en avais déjà connu ?

 - Quelques fois au port oui, certains marins en sont. Les plus à l’aise sont les hybrides d’espèces marines.

 - Bien évidemment, rit la vastaya. Et toi, tu croise souvent des yordles ?

 - Je n’en ai encore jamais rencontré… Bien qu’il y en ai à Bilgewater, mais Papy a toujours refusé que je leur parle. Et toi ?

- C’est très rare, un des collègues académiciens de Mr Grimbel, est aussi un éminent membre du conseil. Peut-être pourras-tu le croiser durant ton séjour ici ?

 - Oh c’est vrai ? J’en serais très heureuse !

         Ce n’est pas demain la veille que je croiserais un des miens… Soupira la jeune fille déçue. Elle espérait secrètement tomber sur un yordle assez vieux pour avoir peut être connu ses parents, après tout leur rareté devaient bien les amener à se connaître entre eux.

 - Regardez ! lança Jay, interrompant les pensées de la yordle. Il y a une petite boutique cachée ici !

 - Oui je la connais, répondit la vastaya, il s’agit d’une boutique d’équipements de combat, mais ils n’ont pas l’attrait des objets fabriqués par des grands artisans.

 - Comment ça ?

 - Ce sont de vrais outils, pas des objets décoratifs.

 - Alors je veux y faire un tour !

 - J’aimerais aussi jeter un œil, ajouta Bell.

         A la demande générale, Vira accepta de s’arrêter pour pénétrer la petite boutique. Ils furent accueillis par un homme, grand et fort, en tablier. Il doit être celui qui fabrique tout ça, se dit Bell en regardant autour d’elle. La boutique était remplie de tout un tas d’armes très simplistes, surtout en comparaison de ce qu’ils pouvaient voir dehors Autour d’eux étaient posées nombre d’armes, d’équipements et d’accessoires divers. Jay ne semblait pas attiré par les lourdes armures, qu’il considérait comme trop encombrantes et lourdes. Il questionna l’artisan sur ce qu’il pouvait lui recommander, et jeta son dévolu sur des petites protections en cuir et métal, robustes, qu’il acheta sans discuter. Bell quant à elle savait ce qu’elle cherchait, et prit seulement un fourreau de cuir pour sa dague, et une ceinture du même matériau, à laquelle attacher solidement son arme. Elle apporta sa trouvaille à l’artisan et commença à préparer son argent.

 - Très bon choix jeune fille je vois que vous savez vous tourner vers la qualité. Je vais vous en demander… cent-cinquante rouages.

         Bell hésita un instant tandis qu’elle farfouillait dans sa bourse en sortant sa monnaie. Après un moment de réflexion, elle lâcha simplement :

 - Soixante-dix.

 - Jeune fille, ce sont des objets travaillés, je ne peux les vendre aussi…

 - Soixante-cinq ? demanda-t-elle.

 - Tu es dure en affaire… Va pour soixante-dix.

         Le marchand accepta en grommelant les rouages, et la yordle sortit de la boutique, fière, sous les regards d’étonnement de ses camarades.

 - Eh bien Bell, depuis quand tu forces la main de gens comme ça ? demanda Jay médusé.

 - On a grandi à Bilgewater, et j’ai été élevée par le plus roublard des marchands, s’amusa la jeune fille, je sais quand on essaie de me prendre pour une idiote.

         Vira les attendait, appuyée contre un parapet les bras croisés, souriant en ayant assisté à la scène. La petite yordle lui semblait avoir un caractère bien plus fort qu’elle ne le pensait. Elle reprit le chemin du manoir en indiquant aux jeunes gens de la suivre, le soleil commençait déjà à tomber, ils devaient rentrer.

 

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         Arrivés au manoir, Nâmis attendait patiemment le groupe de jeunes gens. Jay dû retourner auprès du reste de l’équipage, tandis que le reste du groupe ayant profité d’une journée de repos devrait se remettre au travail le lendemain. Chacun vaqua à ses occupations, Bell était très heureuse d’avoir trouvé une tenue qui lui plut, mais surtout de quoi ranger et garder auprès d’elle la dague offerte par Papy.

         Cynthia fut la première à aller s’aventurer à l’académie, accompagnée de Vira pour la guider. Elle souhaitait approfondir ses connaissances en matière de soins, et assista à des enseignements lui permettant de maîtriser ses capacités magiques. Cela lui demandait un temps considérable, elle restait jusqu’à tard le soir et partait très tôt le matin, si bien que Bell ne la croisait presque plus.

         La yordle quant à elle passa quelques jours à étudier auprès du vieux sage shurimien. Il est toujours aussi important pour un navigateur de connaître sur le bout des doigts les tenants et aboutissants de la géopolitique de Runeterra.

 

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