Bell de Bilgewater
Chapitre 2
Après de nombreuses minutes de marche, avoir passé une somptueuse place, sur laquelle les passants pouvaient admirer des statues mécaniques diverses, et assister aux représentations de quelques inventeurs de rues, le groupe bifurqua dans une grande avenue, bardée d’immeuble d’habitations de chaque côté. Même si ces derniers s’inscrivaient toujours autant dans le style piltovien, ils apparaissaient tout de même moins extravagants. Ne se découpait du lot qu’une très grande bâtisse, Bell distingua un manoir plus imposant et haut, sans pour autant être aussi délirant dans son architecture. Maria poussa un lourd portail en métal et s’introduit dans l’allée qui conduisit le groupe aux portes dudit manoir, tandis que dehors le soleil commençait à décliner. Malgré sa taille, la bâtisse ne brillait pas par ses détails, ce qui tranchait légèrement avec le reste du quartier, ou du moins ne brillant plus, les décorations et autres éléments étaient très probablement absents depuis un moment, sans jamais avoir été remises en place.
- Oui je sais, sourit Maria en poussant la lourde porte de son seul bras, c’est presque austère comme décoration, mais ni Johan ni moi n’avons du temps à consacrer à ça.
Le groupe pénétra dans l’enceinte du manoir, et de même que la façade, l’intérieur pourtant propre surprit Bell et ses compagnons. Devant eux, un hall d’entrée qui fut probablement un jour très somptueux, mais qui aujourd’hui grouillait de caisses, de tout un tas de machines, de matériaux, et d’autres choses non identifiables. Les piltoviens sont-ils tous aussi désordonnés en réalité ? se demanda la yordle, qui s’attendait à trouver une décoration extravagante et droite.
- Je sais ce que vous pensez, intervint l’armatrice, mais il s’agit là d’un bazar temporaire, nous sortons d’une grande période de visites de collaborateurs, il nous faut ranger un peu après leur passage. Ah Vira te voici ! Je souhaite te présenter nos invités !
Une jeune femme approcha le groupe, accueillant la freljordienne avec un grand sourire.
- Je vous souhaite la bienvenue au manoir des Wajäard-Grimbel, je suis Vira, l’intendante.
Bilgewater était un lieu très cosmopolite, où Bell avait pu croiser nombre de gens d’espèces différentes. Parmi eux, une sorte d’hybride humain-animal très ancien, appelés les Vastayas. Ils descendaient de très loin d’une ancienne race d’êtres métamorphes, et étaient aujourd’hui des individus partageant des traits communs avec diverses espèces animales, à des degrés très variés. Leur présence est assez rare hors de l’archipel d’Ionia, d’autant plus qu’ils sont souvent capturés et utilisés comme esclaves dans plusieurs pays du continent.
La jeune femme devant elle, sûrement du même âge qu’Anna, était cependant plus petite, très fine. Elle doit être une vastaya reptile, pensa Bell en voyant derrière elle une longue queue serpentique recouverte d’écailles bleues. Sa peau était très blanche, son visage fin serti de deux yeux d’un jaune presque doré, tandis qu’elle arborait une coiffure attachée serrée, laissant voir d’autres écailles sur sa nuque son nez et ses joues, le tout mis en valeur par une tenue élégante de noir et d’or.
- Vira est le véritable pilier de cette maison, expliqua Maria, c’est elle qui s’occupe de tout ce qu’il y a à faire lorsque je suis occupée, et que mon incapable de mari oublie de sortir de son atelier.
- Où est-il d’ailleurs ? demanda Anna. Il faut au moins lui présenter nos nouveaux amis, ajouta-t-elle en pointant du pouce Bell et ses amis.
- Dans ses ateliers bien sûr, Vira va vous y conduire, j’ai à faire. Amusez-vous bien !
La grande vastaya esquissa un geste de la main, faisant comprendre au groupe qu’il devait la suivre, tandis que l’armatrice s’en allait dans un couloir différent. Sur le chemin, ils croisèrent des tas de personnes qui allaient en tous sens, les bras chargés d’objets techniques, de mécanismes et de machins, que Bell n’avait pour la plupart jamais vu, éveillant ainsi sa curiosité.
- Que font tous ces gens dans ce manoir ? demanda-t-elle timidement.
- Oh, fit Vira, surprise, j’ai oublié de vous le préciser, mais le manoir est aussi la base des opérations de Monsieur Grimbel et Madame Wajäard. L’aile Ouest se compose d’ateliers et de salles de recherches de Monsieur et de ses équipes, tandis que l’aile Nord, où se situe l’entrée est réservée aux affaires de Madame. L’aile Est sert de stockage, et l’aile Sud constitue la partie logement, où résident certains d’entre nous qui ne peuvent habiter dans le quartier. Enfin, la partie centrale qui fait le tour du jardin intérieur regroupe les lieux de vie commune.
- Notre présence ne perturbera pas leur travail au moins ? s’inquiéta la yordle.
- Non ne t’en fais pas, s’amusa leur hôte, de plus la partie centrale, et le parc intérieur sont bien assez grand pour vous permettre de vaquer à vos occupations.
Ses mots soulagèrent Bell, qui craignit de déranger, déjà que plusieurs des personnes qu’ils eurent croisées jusqu’alors dévisageaient la yordle, elle n’avait pas très envie de s’attirer des ennuis. Le groupe traversa donc l’aile Ouest du gigantesque manoir, où ils purent apercevoir, par les portes ouvertes, des bureaux où planchaient des tas de gens différents, et des ateliers ou artisans s’afféraient à la manipulation d’instruments, de machines, et Bell crut même voir un forgeron. Ils arrivèrent à une grande salle, remplie de tables recouvertes d’outils et de ces choses que semblaient bricoler les artisans. Je n’ai jamais vu autant de gadgets, de bazar scientifique, souffla la yordle, même dans la boutique de Papy je n’ai jamais vu autant de trucs compliqués.
Semblant chercher quelqu’un des yeux, la vastaya furetait du regard dans toute la pièce, en écartant une mèche rebelle de sa chevelure rouge sombre. Elle finit simplement par abandonner, et appeler.
- Monsieur Grimbel, lança-t-elle, vos invités sont arrivés.
BOOM
- OH NON DE NON, vociféra un homme qui se relevait au loin dans un nuage de fumée noire, toussant et gesticulant des bras.
Il se tourna dans la direction du groupe, qui le regardaient avec curiosité. Devant eux, l’individu vêtu d’une grande tenue de cuir bardée de poches emplies de plein de choses, se fraya un chemin entre les tables et se dirigea vers eux. Au détour d’un meuble, il manqua de percuter Bell, qui ne dépassait que d’un cheveu la hauteur des tables.
- Excusez-moi jeune demoiselle ! s’excusa-t-il gêné. Je ne vous avais pas vu avec ça sur le nez.
Il enleva ses lunettes, serrées contre son visage par une sangle de cuir élastique, laissant apparaitre deux yeux et une peau bien plus blanche que celle du reste du visage, qui venait de recevoir de plein fouet une explosion aussi noire que sa tignasse hirsute.
- Oh mais qu’avons-nous ici ? demanda-t-il en voyant mieux la personne qu’il avait failli percuter. Une yordle ! Voici donc pourquoi je ne t’avais pas remarqué desuite, on vient chercher du travail ?
- Hum, toussota Morgan derrière, il s’agit de notre nouvelle navigatrice, Bell.
- Oh je suis confus, excusez-moi dame yordle. Morgan mon bon ami ! Vous êtes enfin arrivé, vous avez fait bonne route ? Enfin route, en mer, oui mais non. Au fait, je suis Johan Grimbel, mari de la charmante Maria que vous avez du rencontrer, Médecin-Joaillier, pour vous servir !
Ni Bell ni ses amis ne parvenait à réaliser que devant eux se tenaient leur fameux contact piltovien, expert en l’étude des soins, plus particulièrement par le biais de cristaux magiques. Plus sale qu’un marin après une soirée à la taverne, s’agitant nerveusement dans tous les sens comme s’il avait toujours quelque chose d’urgent à faire, il semblait ravi d’avoir de la visite.
- Nous en reparlerons plus tard, ajouta calmement le capitaine, pour le moment nous allons simplement nous installer, de toute manière nous avons le temps. On ne te dérange pas plus !
- Mettez-vous à l’aise camarades ! Je vous retrouverais quand j’aurais fini, Vira tu peux leur montrer leurs quartiers ?
- Tout de suite monsieur, acquiesça cette dernière.
L’élégante vastaya invita une nouvelle fois ses invités à la suivre, et se diriger vers l’aile Sud du manoir. Ils passèrent toutefois par les couloirs centraux, et les pièces s’y trouvant, notamment une grande salle de réfectoire destinée à accueillir les dizaines de personnes travaillant dans l’enceinte du manoir. En longeant l’énorme jardin au centre, ils purent s’apercevoir de l’ampleur et de la puissance que l’armatrice et le médecin-joaillier avaient dû acquérir, Bell mourrait d’envie d’en savoir plus sur eux, et sur ce qu’ils fabriquaient ici.
- Nous avons pas mal de résidents ces derniers temps, alors il se peut que vous soyez un peu dispersés, voire dans des chambres communes, s’excusa Vira.
- Aucun problème, la rassura Anna, donne-nous la liste des quartiers libres on se débrouillera.
- Très bien la voici, répondit l’intendante en griffonnant sur un carnet qu’elle sortit d’une poche, vos affaires vous seront apportées immédiatement, à plus tard !
Morgan se chargea de la répartition des chambres mises à disposition, Bell comme à son habitude serait avec Cynthia, au troisième étage, Nâmis et Reiner seraient ensemble à l’étage inférieur, Anna quant à elle possédait déjà ses propres quartiers.
- Je vais vous accompagner jusqu’à vos chambres, leur dit cette dernière.
Bien sur la structure du manoir était assez simple dans sa globalité, la yordle se sentait presque perdue dans les longs couloirs, d’autant plus que sa petite taille lui faisait apparaître l’architecture, déjà grande, comme encore plus impressionnante.
- Dis-moi Anna, aura-t-on le droit de se promener un peu en ville ?
- Bien sûr ! Nous resterons quelques jours, peut-être même plus, vous aurez tout le temps de visiter ! Vous devriez adorer la vue depuis les quartiers les plus hauts, elle est certes moins impressionnante que celle depuis les grandes rocheuses de Bilgewater, mais elle reste à couper le souffle !
- Tu ne nous avais pas dit que nous allions rencontrer ta sœur, vous vous ressemblez beaucoup, remarqua Cynthia.
- Maria est un peu plus vieille que moi, j’ai toujours été plus proches d’elle que le reste de la fratrie.
- Tu n’as quand même pas de la famille dans chaque port ? demanda Cynthia en rigolant.
- Chaque port non, mais chacun a pris le chemin qu’il souhaitait, cependant aucun d’entre nous n’a pu aller en Ixtal.
- Pourquoi ? Nâmis m’a très peu parlé d’eux, il me semble qu’on y enverra des nôtres pourtant ?
- Ixtal est un empire, dont la famille base son pouvoir sur ses capacités en magie élémentaire, ils sont restés très fermés, et n’acceptent pas que des étrangers ne perturbent leur tranquillité.
- J’aimerais y aller, dit Bell pensive.
- Toi jeune fille tu nous accompagnera en Targon, nous aurons besoin de toi. Oh voici votre chambre, j’espère que vous avez repéré le chemin parce qu’on se perd facilement ici !
Anna leur ouvrit gentiment la porte, proposant théâtralement aux jeunes filles de découvrir leur logement pour les prochains jours. Contrairement à la cabine que la yordle et Cynthia partageaient sur le navire, elles avaient ici un confort total, des canapés, une salle de bain, une pièce de travail, mais surtout de grands lits qui faisaient de l’œil aux jeunes filles. Je rêve de dormir dans un bon lit depuis des semaines, jubila Bell, il est encore plus grand que celui chez Papy !
- Vos affaires sont déjà là ! Je vous laisse vous préparer je reviens dans cinq minutes j’ai quelque chose pour vous.
Anna claqua la porte derrière elle en repartant, laissant Cynthia et Bell dans l’immense pièce qui étaient maintenant leur. Leurs malles furent déposées dans leur chambre, apportées par quelqu’un envoyé par Maria.
- Tu te rends compte de ce dans quoi on loge ? lança Cynthia en se jetant dans son lit. Tout ici est si grand et respire le luxe !
- M’en parle pas, ronchonna la yordle, j’arrive à peine à atteindre les tables. Et regarde cette armoire, je peux en utiliser que la partie basse.
Cynthia releva la tête, pour voir de loin la petite yordle peiner à ranger ses affaires, se dressant sur la pointe des pieds pour tenter de poser ses vêtements et livres dans l’immense armoire devant elle.
- Quelle idée de mesurer moins d’un mètre aussi, laisse-moi te trouver quelque chose pour t’aider.
Son amie fouilla les pièces en sifflotant, avant pousser un petit soupir de victoire et de revenir avec un tabouret. Elle posa ce dernier à côté de la yordle, avant de faire mine de l’attraper par les aisselles et de la soulever pour l’y placer.
- Mais lâche moi ! cria la yordle en sautant du tabouret. Tu as fini de te payer ma tête ?
Cynthia, contente de sa blague dû s’asseoir tant elle trouva amusant de voir Bell ronchonner ainsi.
- Allons ne te vexe pas comme ça, quoique tu es adorable quand tu es contrariée. Tes oreilles se rabattent quand tu t’énerves.
Lâchant un sourire, Bell attrapa un oreiller qu’elle lança au visage de son amie, manquant de la faire basculer, cependant elle ne s’arrêta pas de rire doucement, et ce même lorsqu’Anna déboula dans la pièce en enfonçant la porte de sa délicatesse habituelle.
- Eh bien je vois qu’on s’amuse ici ! Ça vous plait ? Le bois du Somua ne vous manque pas trop ? Oh tiens Bell tes oreilles sont rabattues, c’est inhabituel, tu peux faire ça ? Intriguant !
Elle reçut pour toute réponse un grognement de la part de la yordle, et une autre crise de fou rire de la soigneuse assise sur son petit tabouret.
- Bon assez plaisanté, je vous apporte un petit quelque chose ! Votre solde, et en rouages piltoviens que vous puissiez faire quelques emplettes !
- La monnaie habituelle n’est-elle pas en cours dans toutes les grandes villes ?
- Il s’agit d’une monnaie plus locale, il y a du change, mais utiliser ça devrait vous donner au moins du crédit auprès des vendeurs. Ici tout se négocie, capitale du commerce oblige.
Anna lança deux bourses bien remplies aux deux jeunes filles, et commença à repartir.
- Ah au fait, on se retrouve au mess d’ici peu, on va manger un bout et se reposer, tout le monde a hâte de savourer un repas et une nuit au sol !
- Bien madame !
***
Une fois les affaires sorties de malles, rangées, et l’installation terminée, Bell et Cynthia se dirigèrent vers la partie centrale du manoir, abritant les quartiers de vie. Sur le chemin, elles ne revenaient toujours pas du monde qui déambulait en tous sens.
- Chaque détail qu’on a vu jusqu’ici est toujours exacerbé, souffla la yordle, tout est grand, lumineux, il a toujours du monde, tous sont occupés, presque dans l’excès.
- On va avoir du mal à s’y habituer, acquiesça son amie, mais je sens qu’on va s’amuser !
Après plusieurs semaines en mer, le roulis des vagues, le tangage du bateau, la tranquillité de l’eau manquait presque à Bell, mais elle sentait que cette cité lui réserverait bien des choses.
Devant l’entrée du mess, Anna, sa sœur et Johan, débarbouillé après son travail dans ses ateliers, les attentaient en discutant. Ils invitèrent les deux jeunes filles à les suivre. Dans la grande salle, plusieurs dizaines de personnes étaient assises à des tables et discutaient, d’autres se servaient dans une sorte de grand buffet sur le côté. Bell suivit le pas de ses compagnons, attrapa un plateau, et se laissa servir des plats qu’elle ne connaissait pas forcément, tandis qu’une sorte de robot se chargeait de cuisiner et de remplir les plats pour que rien ne manque. Tous prirent place à une petite table dans un coin tranquille de la salle, afin de pouvoir manger dans le calme.
- Alors comme ça tu es navigatrice Bell, dit Johan en souriant, depuis combien de temps ?
- Eh bien pour tout vous dire c’est mon premier voyage, répondit l’intéressée en rougissant. Je suis aux côtés de Nâmis pour apprendre.
- Oh ce vieux sage, il sait tellement de choses c’est impressionnant. Et tu peux me tutoyer voyons. Donc tu es une yordle, c’est si rare, mis à part un très estimé collègue de l’académie je n’en connais aucun, il est âgé de plusieurs siècles ! D’ailleurs quel âge as-tu ? Tu as déjà rencontré d’autres de ton espèce ? Tu es orpheline c’est ça ?
- Je ne sais pas précisément je n’ai jamais compté… et à vrai dire non, vous dites que vous connaissez un yordle ?
- Johan fous lui un peu la paix, intervint Maria sévèrement, tu vois bien qu’elle est gênée, à peine arrivée que tu la bombarde de questions.
- Je suis désolé, s’excusa-t-il, peiné.
- Elle est orpheline Johan, expliqua Anna, et nous pensons pouvoir retrouver ses parents un jour, ils pourraient nous aider. D’ailleurs qu’en est-il des préparatifs ça avance ?
- Bien sûr ! Vous avez rendez-vous d’ici quelques jours avec Horace Hekins, le doyen et dirigeant de l’Académie des sciences de Piltover ! Il dirige le projet de recherche, auquel vous participez. Tes recrues sont-au courant de votre vrai objectif rassures moi ?
- Evidemment Johan, d’ailleurs j’aimerais que tu prennes un peu Cynthia ici présente sous ton aile en plus de Reiner, pour quelques temps, elle est apprentie soignante auprès de lui, et fais des merveilles avec sa magie aquatique.
- Fort bien, mais que dirais-tu de les envoyer à l’académie ? Je peux les glisser dans quelques cours auprès de collègues.
- Excusez-moi, intervint Bell, mais je doute avoir ma place au sein d’une académie aussi prestigieuse que celle-ci… De plus je dois continuer à m’entrainer…
- Pas question que tu te battes dans ton état jeune fille, gronda Anna, tu as été grièvement blessée et en est à peine remise je te signale, un peu d’études te fera du bien, d’autant que j’ai entendu dire qu’ils avaient une excellente bibliothèque.
- Vous avez eu des ennuis ? demanda Maria intriguée. C’est donc ça le gars à moitié mort que vous m’avez amené.
- J’ai oublié de te raconter ça sœurette, mais tu ne vas pas me croire. Le blessé s’appelle Alid. Nous avons rencontré, affronté, et vaincu, la Matriarche, assena lourdement la harponneuse.
Un long silence s’installa soudain, Maria, que Bell était déjà étonnée de se voir appelée « sœurette » par, la non moins impressionnante Anna, restait bouche bée, de même pour son mari qui failli avaler sa bouchée de travers.
- Non de non tu l’as fait, souffla Maria, tu m’as refroidi cette saloperie. MAIS C’EST UNE EXCELLENTE NOUVELLE ! cria-t-elle d’un coup.
A présent, Johan et Maria semblaient rayonner, souriant jusqu’aux oreilles, ils posaient tout un tas de question à la harponneuse, heureux de la grande nouvelle.
- Vous saviez jeunes gens ce que cette bestiole a fait à ma sœurette ? demanda l’armatrice. Cette nouvelle me soulage pour toi frangine, j’enverrais un message à Père pour lui annoncer !
- Je leur en ai parlé en effet, répondit-elle, et à dire vrai, nous avons été pas mal impuissant face à elle, et j’ai surtout aidé à la fatiguer avant que ce soit Cynthia ici qui ne lui fasse sa fête. D’ailleurs, elle était infectée par le fléau.
Nouveau silence sur la tablée, mais cette fois les regards de l’armatrice et du joaillier étaient tournés vers Cynthia. Johan tenta de parler mais bégaya quelques mots incompréhensibles avant de se plonger dans ses pensées.
- Eh beh, souffla Maria, un sacré bout de jeune femme que nous avons ici, je croyais que tu soignais des gens.
- Eh bien… j’ai quelques capacités dont je n’avais moi-même pas connaissance, avoua Cynthia.
- Elle est la fille de Tourmaline, l’informa Anna, logique qu’elle possède quelques pouvoirs, mais ni moi ni personne d’autre à bord n’imaginait ça.
- Vraiment ? Je connais par Johan la réputation de cette famille, mais je ne soupçonnais pas qu’ils soient capables de magie offensive.
- Attends une seconde, intervint Johan, tu as bien dit que cette bête était atteinte du fléau ?
- C’est exact.
- Que cela touche une entité si puissante est inquiétant, admit-il.
- D’autant plus que quelques rumeurs nous signalaient sa présence aux alentours d’Ionia peu avant votre départ. Tomber sur un infecté dès le début de nos opérations est vraiment un sale coup du sort.
- J’en parlerais demain avec le doyen, dit Johan toujours pensif, il doit être mis au courant avant votre rendez-vous. Sur ce mes amis, je vais vous laisser j’ai encore un peu de travail.
- Nous allons nous aussi nous retirer, du repos s’impose, d’autant que les jours à venir ne seront pas réservés qu’à la flânerie !
Une fois repas et discussions terminés, chacun prit le chemin de ses quartiers, excepté Johan qui retourna travailler. Il faut dire que d’après ce que les jeunes filles avaient cru remarquer, ce dernier devait être un bourreau de travail. Elles retrouvèrent la grande chambre, prenant possession des lieux, profitant du confort au maximum.
- Je me demande comment va Jay, soupira Cynthia en se plongeant dans son lit.
- Oh tu sais je ne m’en ferais pas pour lui, il est avec le reste de l’équipage. A l’heure qu’il est-il doit être en train de boire un coup avec Mave, les jumeaux, et Gemma. Il a dit qu’il viendrait nous voir demain, ne t’inquiètes pas.
- Et Alid… il est toujours dans un sale état.
- Oui, étonnant qu’il soit encore en vie après avoir été mâchouillé par cette chose. D’ailleurs qu’est-ce qu’elle nous voulait ? A un moment j’ai cru qu’elle me regardait.
- C’est vrai que son comportement ne ressemblait pas à celui d’un animal enragé, elle semblait calme et savoir ce qu’elle faisait. Et pourtant aucun doute qu’elle eut été infectée.
- Je n’ose même pas imaginer ce que traversent les gens atteints…
- Tiens tu te souviens de Bob ? L’ancien harponneur qui avait une bicoque dans le quartier nord.
- Le vieux Bob ? La dernière fois qu’on l’a vu il se faisait embarquer par les prêtres.
- Oui justement, Mère m’avait parlé de lui, il semblait de plus en plus atteints d’accès de démence.
- Être harponneur n’est pas un métier facile, sauter sur des monstres marins pour les découper vivant en a usé plus d’un, tués pour la plupart.
- Mère m’a clairement dit qu’il ne s’agissait pas de quelque chose de naturel, et qu’elle n’y pouvait rien. Je ne l’avais jamais vu abandonner qui que ce soit.
- Tu ne penses quand même pas…
- Qui sait ? Nâmis m’a dit que les premières traces qu’ils trouvent de ce fléau ont plusieurs siècles, mais que depuis tout le monde évitait juste de regarder de trop près, de peur de passer sa vie à courir après un échec.
- Personne n’a jamais trouvé de remède, pourquoi s’inquiéter maintenant alors ?
- J’en ai parlé à Jenkins justement, il m’a dit que le phénomène s’intensifiait depuis quelques décennies, surtout à certains endroits, dont Piltover et Zaun, d’où leur envie de se pencher sur le problème.
- Cela ressemble bien à ce que Morgan m’as décrit des piltoviens, c’est quand ils ont la tête dedans qu’ils sentent les problèmes.
Bell qui était jusque-là assise à un bureau, ferma le petit carnet de cuir bleu dans lequel elle inscrivait et dessinait ce qu’elle voyait et vivait. Elle attrapa une grosse couette, et alla s’asseoir dans un gros fauteuil rembourré, s’emmitouflant dans la couverture, à côté d’une gigantesque fenêtre, regardant la ville dehors qui brillait dans la nuit.
- Que dirais-tu d’aller faire les boutiques demain ? demanda-t-elle. J’aimerais voir ce que je peux trouver.
- Excellente idée ! lui répondit Cynthia enjouée. Et si on se trouvait une tenue Piltovienne ?
- Vraiment ? J’aime bien ma tenue actuelle, pratique et simple.
- Oh voyons, lâcha la jeune femme en s’asseyant, tu comptes vraiment rester habillée ainsi simplement dans une ville qui respire l’élégance et l’extravagance ?
- C’est aussi la ville du progrès et de la recherche, je ne compte pas devenir ingénieure pour autant.
- Toi qui disais il y a peu que tu ne trouvais jamais de tenues pour te mettre un peu en valeur, tu devrais sauter sur l’occasion !
- Tu as probablement raison, soupira Bell, mais je doute trouver de tenues à ma taille.
- On te trouvera quelque chose qui te rendra tellement belle que tout le monde n’aura d’yeux que pour toi !
- Tout le monde me dévisage déjà Cynthia, tu ne l’as peut être pas remarqué.
- Pas faux, acquiesça son amie, contrairement à Bilgewater, les gens d’ici ne semblent guère habitué à la différence d’espèce. Mais tu comprends, une petite chose toute adorable avec de grandes oreilles toutes douces, ça doit intriguer.
- Le premier passant qui me touches les oreilles je le poignarde.
- Maintenant que tu le dis la grande majorité des gens qu’on a croisé étaient humains.
- Exception pour Vira.
- Exception pour Vira en effet. Monsieur Grimbel a dit qu’un yordle était professeur à l’académie, tu devrais aller le voir.
- J’ai tellement de choses à découvrir, j’espère que cette personne pourra m’aider.
Cynthia finit par s’endormir tranquillement, laissant Bell à sa contemplation nocturne de la cité. Les paysages naturels de Bilgewater lui manquaient bien sûr, mais aucun doute qu’elle appréciait grandement son voyage, et qu’elle voulait en voir toujours plus. J’essaierais de voir si je peux escalader et me promener sur les toits. Je ne pense pas que ça soit bien vu cependant. La yordle quitta son fauteuil pour se plonger avec grand plaisir dans son lit, moelleux et doux à souhait. Après tout non ? Je suis une mercenaire de Bilgewater maintenant, est ce que je me préoccupe de ce que pensent les gens ? En pensant d’avance à ses futures sorties sur les toits, Bell s’endormit profondément, un grand sourire aux lèvres.
**