Bell de Bilgewater

Chapitre 11 : Partie 2 - Chapitre 7

4059 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/05/2021 21:13

           Rapides



         Une secousse ébranla le navire, manquant d’envoyer les deux filles au sol. Elle acheva de réveiller Bell qui sans trop réfléchir sauta sur ses petites jambes et s’habilla en quatrième vitesse et se précipita hors de la chambre. Les voix furent couvertes par un hurlement laissant deviner une chute. Les deux jeunes filles se dirigèrent ensuite vers le pont, mais furent interrompues par Morgan qui déboula d’une petite salle remplie d’armes, à moitié habillé cependant.

 - Que se passe-t-il capitaine ? demanda Cynthia paniquée.

 - Oh vous êtes ici je suis rassuré. Nous subissons une attaque je viens de me réveiller je m’équipe, répondit-il.

 - Et où est votre pantalon ?

 - Pas le temps pour ça nous devons…

         Avant que Morgan ait fini sa phrase un marin surgit dans la salle, la terreur se lisait sur le visage du pauvre homme. Celui-ci s’écroula aux pieds de Cynthia, qui s’agenouilla à ses côtés.

 - LA BRUME. Hurla l’homme en effroi, ELLE EST DANS LA BRUME.

 - Calmez-vous mon ami, dit doucement Morgan, expliquez-moi la situation.

 - La matriarche… Elle est dans... la brume… Nous… aucune chance…

 - Il est en état de choc, dit Cynthia tandis que le pauvre marin perdait connaissance, je vais l’allonger ici allez voir dehors je vous rejoindrai avec Reiner.

         Le capitaine et sa petite navigatrice sortirent de la salle des officiers pour se trouver face à un spectacle inattendu. Devant eux le pont grouillait d’une agitation inhabituelle pour le milieu d’une nuit, l’équipage courant dans tous les sens, des éclats de bois jonchaient le pont, faiblement éclairés par les lumières de la lune et des lampes, sous une pluie battante. Berthe Klar beuglait des ordres sur les marins autour d’elle, soutenue par Jean Cadat qui dirigeait les hommes, chargés de divers objets. Les harpons… je savais que j’avais entendu parler de harpons, se dit Bell.

 - Lieutenant la situation ! lança Morgan à ces derniers.

 - La brume monsieur, elle est anormale et cache quelque chose qui s’attaque au navire.

 - Des avaries constatées ?

 - Pour le moment rien de grave, mais on ne sait pas combien d’assauts nous tien...

 

BRAOUM

 

 - Nom d’un chien, jura Berthe en se rattrapant de justesse, une idée de ce qui nous met une telle misère capitaine ?

 - Cette brume on la connait bien, et le fait qu’elle s’approche aussi tôt de Bell ne fait que confirmer nos craintes. Quant à cette chose j’ai bien une idée, et elle n’est pas du tout positive.

 - Cette brume, c’est celle sur laquelle mes parents travaillaient avant de disparaître ? demanda la jeune fille.

 - On n’en sait rien c’est la première fois que nous y faisons face. Enfin pour la plupart, Nâmis a déjà croisé quelques petits animaux, et des gens atteints. Tous dans une rage incontrôlée, prêts à tuer ce qui passe à portée.

 - On… on va s’en sortir hein ?

 - Tu n’as pas à avoir peur, il n’y a qu’une seule personne qui est en danger ici et j’espère qu’elle ne prendra pas part au combat.

 - Très bien tout le monde ! cria le quartier-maître Cadat à l’équipage. Préparez vos fusils et harpons, nous embrocherons cette créature dès qu’elle se montrera. Lâchez quelques chaloupes et faîtes descendre plusieurs groupes d’hommes armés.

 - OUI MONSIEUR.

         L’effervescence sur le pont reprit de plus belle, les marins se déployèrent, fusils à l’épaule, harpons prêts, scrutant les eaux troublées par le ballottement des chaloupes qu’on avait descendu en contrebas. Le capitaine fit signe à Bell de le rejoindre près d’un des harpons. Elle fut chargée de le recharger tandis que le capitaine tenterait de toucher ce qui attaquait le Somua.

Un silence de mort pesait sur l’équipage, personne n’osait bouger, s’attendant à tout moment à voir surgir quelque chose des eaux. La pluie frappait sans relâche les marins attentifs. C’est un cri venait du nid-de-pie qui brisa le calme.

 - A bâbord ! cria Felix. Il arrive !

         Comme d’un seul homme, l’entièreté des marins se tourna vers la direction indiquée par la vigie. Devant eux, des anneaux recouverts d’écailles perçaient l’épaisse brume verdâtre qui enveloppait les flots. Ondulant en cercles, la créature tournoya une dernière fois avant de disparaître subitement.

 

BRAOUM

 

         Un craquement sinistre se fit entendre, suivi d’un hurlement retentissant, et d’un bruit de chute.

 - FELIX ! cria Jean en se précipitant après du jeune homme. Reiner ! Amène toi il est tombé de là-haut. Jay prends sa place.

         Le médecin émergea de la masse des hommes d’équipage, lâchant son fusil et traînant Jay avec lui. Lui et le quartier maître sortirent une civière de fortune de derrière un tas de caisses et y placèrent le pauvre Felix qui avait perdu connaissance.

 - Il a de la chance de ne pas s’être rompu le cou, dit Berthe tristement. Bien je prends la suite des opérations. On flingue à vue ce tas d’écailles, lança-t-elle à l’équipage, compris ?

 - OUI MADAME.

         L’entièreté des marins se remit en place, cherchant le moindre mouvement dans la brume en contrebas. Au-dessus d’eux le ciel s’était très brusquement obscurci, de noirs nuages cachaient les étoiles.

 - A deux heures ! cria Jay du haut de son perchoir.

         Sans hésitation, tous firent feu sur la créature, dont personne ne distinguait clairement la taille, dans des bruits de tirs retentissants.

 

BRAOUM

 

         Nouvelle secousse, la créature n’avait pas été stoppée. La pluie s’invita à la soirée.

 - Rien n’a touché ! cria quelqu’un d’une chaloupe.

 - Comment ça ? lança le capitaine.

 - La plupart des balles ont rebondies, tout comme les harpons !

         Des murmures inquiets parcoururent le pont, la peur commençait à se lire sur les visages ruisselants.

 - OU EN SONT LES CANONS ? beugla Berthe Klar.

 - Tous sont prêts ! répondit une femme au pont inférieur.

 - A mon commandement !

         Le même silence pesant s'abattit sur le Somua et ses membres. Tous appréhendaient la prochaine secousse. La foudre choisit ce moment pour percer les étendues noires de nuages. Un peu plus loin dans l’eau, une bosse perça la brume qui la recouvrait, laissant apparaître deux yeux d’un vert luisant dans la nuit. L’orage et la pluie battaient leur plein, pourtant l’eau restait plus plate que les lacs gelés de Freljord.

 - FEU !

         Un déluge d'acier s'abattit sur la créature dans un vacarme absolu, déversant assez de puissance pour abattre n’importe quel animal peuplant les eaux. Elle disparut dans la brume sans un bruit, laissant l’équipage recharger et se remettre en position en silence.

 - Que font les autres ? demanda Bell.

 - Ce brave Jenkins est à la barre, et Nâmis occupe le lieutenant Wajäard.

BLAM

 - Où est-elle ? OU EST CETTE CHOSE ?

         Sur le pont arrière, ledit lieutenant venait tout juste de sortir de la salle des officiers d’un coup de pied dans la porte. Elle était lestée d’une cotte légère qui lui descendait en haut du ventre, laissant apparaître des abdominaux plus solides que les écailles de la créature qui attaquait le navire. Les épaules recouvertes d’os et de cuir, elle tenait un sabre-harpon dans une main, et un sabre dans l’autre. Dans son dos était fixé une sorte de grand bouclier, une plaque de métal arrondie. Une plaque d’harponneur, remarqua Bell, ces derniers la gardent dans le dos lorsqu’ils sont sur un monstre pour que ses alliés tirent sur la prise sans blesser le harponneur, se pourrait-il que...

 - Anna, commença le capitaine doucement, je te conseille de ne rien faire d’inconsidéré, on ne sait pas encore s’il s'agit de…

 - CAPITAINE !

         A tribord, l’épaisse brume dissimulait une forme. Se dressant hors de l’eau, une ombre serpentique se dressait doucement, sertie de ses deux yeux luisants. La créature surplombait le ponton, jaugeant du regard les proies qui tentaient vainement de lui faire du mal.

 - LA MATRIARCHE ! hurla un homme.

 - Anna, elle doit faire une trentaine de mètres, dit lentement Morgan, et elle est clairement atteinte du fléau, si nous arrivions à…

         Il n’eut pas le loisir de terminer sa phrase que ses paroles furent soufflées par le bruit assourdissant des canons. Malgré la crainte palpable, l’équipage faisait face à la bête qui lâcha un hurlement strident en réponse au feu qu’elle subissait. Tous sont des marins endurcis par des années de voyage pensa Bell, ils savent quoi faire Nâmis me l’a affirmé. Et alors que la créature ne semblait que vaciller, que les harpons et balles pleuvaient sur cette dernière, un hurlement puissant répondit à la matriarche, celui de celle qui avait juré de se venger.

         Surprenant la plupart des personnes autour, le lieutenant Wajäard se précipita vers le flanc du navire tandis que l’ennemi était à portée. Armes au poing, vociférant des jurons freljordiens mêlés au vacarme de l’orage, elle se jeta par-dessus bord d’un bon prodigieux. Elle réussit à atteindre son objectif, et approcher la créature. Rendus visibles uniquement de par les éclairs vifs qui perçaient la nuit pluvieuse, deux adversaires livraient un duel sauvage. Le lieutenant savait très bien comment elle devrait gérer la situation, elle ne cherchait pas à dépecer et récupérer des morceaux de la bête comme elle le faisait lorsqu’elle était harponneuse, mais à l’affaiblir pour aider l’équipage du Somua à l'abattre. Sans jamais être à court ni de souffle ni de jurons, elle s’acharna sur les écailles dorsales de la matriarche, et parvint enfin, après avoir affaibli son armure, à planter profondément son harpon dans la chair de l’ennemi. Elle relia le cordage de sa ceinture au harpon, évitant ainsi une chute fatale tandis que la créature se débattait sauvagement.

 - VOUS ALLEZ ME FLINGUER CETTE SALOPERIE ? vociféra Anna entre deux jurons.

 - Vous avez entendu le lieutenant Wajäard ? beugla Berthe. Abattez moi cette monstruosité, il est temps de montrer de quoi sont fait les rejetons de Bilgewater ! FEU À VOLONTÉ !

         Répondant comme d’un seul homme, l’équipage se remit à la tâche, redoublant d’effort pour faire pleuvoir sur l’Hyyathan géant un déluge d’acier. Ce combat dantesque resterait gravé dans la mémoire de chacun. Le Somua et ses hommes se déchaînaient comme les éléments en cette nuit, aussi intense que la pluie, bruyant que l’orage, et violent que les éclairs déchirant la brume autour d’eux.

 

         Bell aidait le capitaine du mieux qu’elle le pouvait, en l’aidant à tirer des harpons destructeurs sur la matriarche toujours aux prises avec la freljordienne sur son dos écailleux. Cette dernière continuait de lui lacérer la chair en vociférant, ce malgré les passages réguliers dans l’eau froide néanmoins calme de l’océan.

 - Tant qu’on l’entend, c’est qu’elle est encore en vie, sourit nerveusement le capitaine.

         La yordle entendant Jay lancer des indications sur la position de l’ennemi depuis le nid-de-pie, aidé par Alid sur le pont qui relayait l’information et coordonnant les hommes dans le chaos de la bataille. Cynthia aidait du mieux qu’elle pouvait les blessés, courageusement. En contrebas les chaloupes faisaient aussi feu à bonne distance, certaines récupéraient les harpons équipés d’un flotteur pour les réutiliser, diminuant leurs chances de tomber à court. Beaucoup connaissaient les dires sur la matriarche, mais ils tenaient bon, ils voulaient vivre. Ils savaient que cette dernière serait accompagnée d’un banc d’Hyyathan normaux cachés sous la surface d’eau, et que le moindre malheureux tombé à l’eau devrait être récupéré sans attendre, sans quoi il ne verrait plus la lumière du jour. Seulement d’un coup, dans l’inextricable bataille qui se livrait, la bête plongea dans l’eau brumeuse, laissant l’équipage dans un silence lourd. Chaque membre de l’équipage était prêt à indiquer aux autres le retour de la créature, qui souhaitait probablement encore en découdre.

 

         Alors que rien ne semblait troubler le brouillard épais autour du Somua, un léger bruit perça jusqu’aux oreilles des marins. Celui-ci mua progressivement en un hurlement sauvage, que les hommes d’équipage reconnurent comme étant celui du lieutenant, en soupirant de soulagement. Cependant, ce hurlement s'intensifiait, jusqu’à devenir de plus en plus proche.

 - ACCROCHEZ VOUS ELLE ARRIVE ! cria Jay depuis la vigie.

         S’attendant à une autre secousse violente, tous s'accrochent comme ils le pouvaient, à mesure que la voix d’Anna semblait proche, et alors qu’il ne restait que quelques mètres, la créature surgit de l’eau de toutes sa longueur. Tous purent observer la forme de la matriarche qui se découpait de la brume à la lueur des éclairs autour. Plaquant d’énormes nageoires bardées de pointes, presque griffues, contre la coque du navire, elle s’étala de tout son long et balaya violemment le pont. De nombreux hommes perdirent l’équilibre tandis que d’autres furent pris dans les caisses et les éclats de bois qui fusaient. Bell fut projetée tout comme le capitaine contre une cloison. La bête ayant réussi son attaque se laissa glisser doucement à l’eau et plongea, satisfaite d’avoir atteint les petites choses qui lui opposaient tant de résistance. Anna fort heureusement avait réussi à se détacher de la bête et lâcher prise avant la charge, et fut récupérée par une des chaloupes, tandis que la brume avait désépaissit.

         Bell reprit doucement ses esprits, secouée par la charge violente qu’elle avait prise de plein fouet. Elle essaya en vain de se relever, mais était dérangée par une sensation de chaleur au niveau de son ventre. Palpant timidement ses vêtements humides, elle s'écorche la main contre un morceau de bois. Ce dernier étant dangereusement enfoncé dans son flanc, rougissant sa tenue. Elle appela doucement le capitaine, qu’elle ne pouvait que distinguer, parmi les images floues qu’elle observait. Ce dernier se précipita vers elle en appelant l’aide de Reiner.

 - Oh non petite, ne t’inquiètes pas on va t’aider, ça va…

         Il n’eut pas le temps de finir qu’il fut interrompu par un hurlement de douleur à en glacer le sang. La créature se dressait de nouveau peu loin du navire, défiant de son regard luisant les hommes du Somua. Elle soutenait les nombreuses paires d’yeux apeurés braqués sur elle, se délectant de voir tous ces petits êtres s’agiter futilement sur leur navire. Tous distinguaient maintenant la créature en ses moindres détails. Un long corps serpentique bardé de nageoires griffues, une tête imposante solide et… une gueule pleine de crocs saillants, entrouverte, dans laquelle on pouvait l'apercevoir…

 - ALID ! cria Cynthia sur le pont, dont la robe était en lambeaux.

         La pluie s’était transformée en déluge, tandis que l’orage continuait de ponctuer les silences effrayés qui régnaient. De la gueule à demi ouverte de la matriarche, le jeune homme s’agitant, retenu par les crocs pleins de sang, de la matriarche. Il tenta d’appeler désespérément ses compagnons, qui ne pouvaient que regarder horrifiés. L’eau en contrebas avait quitté le calme inhabituel, pour s’agiter de manière erratique, comme si elle bouillait. La matriarche jaugeait ses adversaires, sachant très bien ce qu’elle infligeait autant au jeune homme qu’à ses amis en face. Le mouvement des eaux devenait de plus en plus violent, menaçant d’envoyer valser les hommes des chaloupes. La créature lâcha un dernier regard à ses opposants, accompagné d’un grondement sinistre, avant de claquer sa mâchoire d’un coup sec.

 

*

 

Un silence de plomb s'abattit sur le Somua et son équipage horrifié devant la vision de la matriarche. Sous le déluge battant, secoués par une mer désormais déchainée, tous étaient pétrifiés, ne sachant que faire. Un cri strident retentit. Un hurlement suraigu, inhumain, déchirant la nuit, vrillant tympans de tous sur le navire. Ce cri sembla durer une éternité. Au milieu du pont, Cynthia se tenait seule, debout face à la matriarche. Cette dernière ne comprenait pas la nature de ce qui lui faisait face, jamais une de ses proies n’avait émis un son aussi glaçant.

La jeune femme qui ne cessait de crier, se recroquevilla sur elle-même comme une enfant apeurée. Elle sentait en elle son sang bouillir, comme l’océan qui l’entourait. Elle était désespérée, et en colère, enragée. Elle voulait la voir mourir, elle voulait que cette chose qui auparavant protégeait la mer, périsse par cette dernière. Sa mère était une magicienne puissante, qui soignait les gens, mais cette puissance ne saurait l’aider. Elle laissa ses émotions l’envahir, elle laissa en elle couler le flot bouillonnant de sa peur, de sa colère, et appela l’océan à son aide. La matriarche protectrice de l’archipel des îles de la flamme bleue n’était plus qu’un monstre avide de mort, il était temps que la mer reprenne sa gardienne, par la force s’il le fallait.

Cynthia cessa un instant de crier. Elle reprit calmement son souffle. Elle se dressa face à la protectrice déchue, ses yeux se mire à luirent comme ceux de la bête, mais contrairement au vert sombre, les siens brillaient d’un bleu pur et lumineux. Autour de ses mains, un filin d’eau luisait lui aussi, bientôt accompagné de l’océan autour. La mer répondait à l’appel de sa fidèle, plus déchaînée que jamais. La jeune femme cria de nouveau, mais cette fois ci, d’un hurlement plus grave, plus retentissant, plus puissant, et une lueur bleue similaire surgit des profondeurs.

Soutenant son ennemie, la matriarche déchue hésitait entre fuir et combattre cette étrange petite chose lumineuse. Elle n’eut pas le loisir de plus réfléchir sur la question, que les eaux agitées semblèrent la retenir immobile. Pour la première fois de ses siècles d’existence, la créature ne comprenant plus le fluide qui l’entourait. Le déluge la frappait comme une pluie de harpons, et l’orage ne cessait de perturber bruyamment sa réflexion. Avant qu’elle ne puisse réfléchir un moyen de s’en sortir, tout cessa, la pluie l’orage et la jeune femme se turent, et la mer s’immobilisa d’un seul coup. Un calme plat régna pendant une fraction de seconde, avant qu’un grondement des profondeurs de l’océan n’accompagne de brillantes lueurs bleues. De la mer jaillirent des vagues, qui formèrent des épieux et transpercèrent la créature en tous sens, déversant le sang noir de l’Hyyathan géant aux alentours. La matriarche essaya en vain de s’extirper, mais ne parvint à se défaire des centaines de pieux aquatiques qui la retenaient. Elle fut secouée de derniers soubresauts, et rendit son dernier souffle en lâchant un râle déchirant.

 

*

 

         Le spectacle laissa ébahi l’équipage du Somua. Devant eux, la créature légendaire, l’Hyyathan mère, se contorsionnait une dernière fois sous la contrainte de pieux, formés par une mer qui avait répondu à l’appel de Cynthia. La jeune femme s’écroula sur le pont, sans conscience, tandis que son opposante retomba mollement après que les pieux furent retournés à l’eau. Toutes lueurs s’éteignirent, la pluie reprit doucement, le ciel et la mer regagnèrent leur calme, et l’équipage son navire fut enfin soulagé.

         Sur le pont on emmena les blessés à l’infirmerie, où Reiner s’agitait pour soigner ses camarades, secondé par Nâmis. Bell avait elle aussi perdu connaissance suite à sa grave blessure, et Alid avait été récupéré vivant, mais dans un état critique. Anna rejoignit le capitaine, se délestant de son armure.

 - Lieutenant Wajäard, lança ce dernier.

 - Je suis désolée capitaine… Mais nous l’avons eu c’est le principal.

         Soulagé de savoir que la créature n’était plus, il soupira longuement, et sortit une corne de la sacoche posée non loin. Il souffla un grand coup dedans. Le son de la corne, connu de tous les marins, indiquait la fin de la pêche. Du moment que l’on se trouvait à quelques jours de Bilgewater, cet objet magique envoyait un signal qui indiquait la position d’un quelque chose à récupérer. Baldassare enverrait bientôt plusieurs navires récupérer la carcasse. Le Somua n’étant pas un navire de pêche, Morgan n’avait jamais l’utilité de cette corne, ainsi, l’armateur en ville saurait que leur trouvaille devait être récupérée et étudiée au plus vite. Tout l’archipel saurait bientôt qu’ils avaient affronté une légende, l’Hyyathan mère.

         Pour autant, il leur restait du voyage, ils devaient encore rejoindre Piltover rapidement, mais au moins étaient-ils soulagés de s’en être sorti vivants. Ils avaient vaincu la Matriarche de l’archipel des Îles de la Flamme Bleue.

 

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