Bell de Bilgewater

Chapitre 10 : Partie 2 - Chapitre 6

2583 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/05/2021 21:13

           Courants



         Accoudée contre le garde-fou, Cynthia attendait l’arrivée de ses amis d’enfance. Bell l'aperçut en reconnaissant de loin sa singulière chevelure rose. La jeune femme fredonnait doucement un air commun des rues des Bilgewater, que son amie accompagna doucement en arrivant près d’elle.

 - Et dire qu’il y a encore quelques jours, nous parcourions les rues de la ville, murmura la soigneuse.

 - Et dans la semaine nous arriverons dans une ville totalement différente, sur un continent qui nous est inconnu, répondit Bell en souriant nerveusement. A ce propos où est notre bon vieux Jay ?

         Le jeune homme avait passé la plupart du voyage sans trop croiser ses deux camarades, tous trois très occupés il n’avait eu le loisir de les retrouver. Ce dernier revenait de la salle comme, bruyante de l’équipage affairé au repas, en ayant apporté une cagette.

 - Regardez avec qui j’ai un rendez-vous ce soir ! lança ce dernier enthousiaste. Enfin des gens normaux !

 - Et tu nous as même apporté le repas tu es adorable, répondit Bell les yeux brillants.

         Les trois amis s’installèrent tous les trois autour de leurs victuailles heureux de pouvoir enfin passer du temps ensemble, eux qui rêvaient depuis toujours de voyager en groupe. Tandis qu’ils commençaient à manger, Bell remarqua les bras couverts de bleus du jeune homme, qui semblait avoir passé de sales moments.

 - Je pense ne pas me tromper en affirmant que tu es passé par l’entraînement d’Anna, lança la yordle inquiète, tu es sûr qu’elle n’en fait pas trop ?

 - Bien sûr que non Dame Anna fait tout comme il le faut ! répondit-il contre toute attente. Et malgré ces bleus, j’apprends beaucoup et elle me fait moins peur que la vieille folle et sa poudre.

 - Tu es salement amoché tout de même, nota Cynthia en effleurant ses ecchymoses.

 - Tu as parlé d’une vieille folle ? interrogea Bell

 - J’ai passé pas mal de temps avec la vieille Klar, elle est accro aux armes, explosifs et autres trucs dangereux… elle a voulu me faire manger de la poudre pour voir si je pouvais cracher du feu. Elle m’a dit que personne ne voulait jamais essayer.

 - Sans blague ? Elle a l’air d’apprécier son travail au moins. Et toi Cynthia, comment ça se passe avec le médecin ?

 - Reiner est quelqu’un de très doux derrière ses airs d’ours, gloussa la jeune femme, et il est content de former une assistante.

 - C’est sûrement la première fois qu’il ne doit pas faire fuir une femme en lui tirant une tête de criminel, pouffa Jay, ce doit être nouveau pour lui.

 - Tu peux bien parler toi tu bégayes devant le lieutenant Wajäard, d’autant qu’elle n’a que quelques années de plus que toi.

 - Je… ne vois pas ce que tu insinues !

 - Tu es plus rouge que l’eau des quais abattoirs après une pêche fructueuse, le taquina la yordle. Mais ne t’en fais pas Cynthia est trop occupée à manger Alid du regard.

 - Mais...! Qu’est ce qui te fais dire ça !? bafouilla la jeune femme en rougissant autant que son ami à côté.

 - Je t’ai remarqué de temps en temps à discuter avec lui, rétorqua Bell, il avait l’air de te raconter des choses passionnantes au vu de l’attention que tu y portais.

 - Tu dis ça parce que tu es jalouse ! Toi tu passes du temps avec Jenkins et tu m’envies d’être aussi proche d’Alid voilà tout, dit-elle en boudant.

         Heureux que la conversation se soit tournée vers quelqu’un d’autre, Jay riait aux éclats en voyant Cynthia décontenancée par une Bell attentive et taquine, qui ne put s’empêcher de le rejoindre dans un fou rire, que tous trois partagèrent bientôt. Cela fait bien longtemps que l’on n’avait pas passé du bon temps tous les trois pensa la navigatrice, ça fait du bien.

 - Pour tout te dire, repris la yordle, il n’est pas trop mon genre. Trop, extravagant pour moi, je lui préfère encore quelqu’un de discret comme Mave. Et Jenkins est… je ne sais même pas ce qu’il est concrètement…

 - D’après certains membres de l’équipage, il serait une sorte d’ancien démon relié aux peurs des gens, souffla Jay. Derrière son écharpe verte qui lui couvre la tête il cacherait une gueule pleine de crocs prête à aspirer ton âme.

 - Il est vrai qu’il m’a parlé d’aspirer... la force vitale des gens… il est assez effrayant je l’accorde.

 - Il t’a raconté quelque chose sur lui ?

 - Pas vraiment…

 - Je crois bien que mis à part Nâmis et le capitaine lui-même, personne ne sait comment un démon a fini par rejoindre un navire de pirates de Bilgewater.

 - Autant je comprends ce que peut m’apprendre Reiner qui est médecin, dit Cynthia, mais qu’est-ce qu’un être si...différent comme le Second t’a-t-il montré ?

 - Vous allez peut être avoir du mal à me croire, répondit la yordle, mais je crois que Jenkins aime le dessin. Il m’a surtout demandé d’observer et de dessiner le ciel et la mer. Pendant que j’œuvrais, il regardait tranquillement autour. Ce soir par exemple il m’aurait demandé de représenter les nuages, et le brouillard.

         Jay qui était en train de manger manqua de s’étouffer, peinant à croire que la créature décharnée de métal et de bois pouvait être un artiste. Regardant autour de lui, il se demande ce que le démon à l’écharpe verrait avec cet épais brouillard qui enveloppait le navire.

 - D’ailleurs comment va-t-on naviguer au sein d’une telle brume ? demanda Cynthia. Vous ne trouvez pas ça dérangeant ? On n’y verra bientôt plus rien…

 - Ne t’inquiète pas je pense qu’ils en ont l’habitude, la rassura son amie, ils ont voyagé toute leur vie pour beaucoup.

 - Cette purée de pois est salement épaisse, et sa couleur ne me plait pas franchement, remarqua Jay, je vais aller me coucher je dois me reposer demain je dois apprendre à utiliser les harpons.

 - Nous aussi dans ce cas-là, on se retrouve demain au repas ?

 - Bien sûr !

 

***

 

De retour dans leur chambre, Bell se sentit étrangement soulagée. Je suis probablement exténuée se dit-elle en enfilant une tenue plus légère pour se reposer. Elle remis de l’ordre parmi ses affaires un peu entassées dans l’armoire, et en sortit son habituel carnet de cuir bleu dans lequel elle inscrivait ce qu’elle souhaitait rapporter à son grand père.

 - Tu ne vas quand même pas veiller toute la nuit ? lui lança Cynthia assise devant le miroir, attachant ses cheveux roses. Tu devrais songer à te reposer.

 - Pas ce soir je crois, j’aimerais noter quelques choses et dessiner un peu.

         La yordle s’assit sur la chaise, faisant face à son large bureau. Partout devant elle traînaient des documents divers, relatant de ses apprentissages avec Nâmis, griffonnés de diverses choses qui lui passaient par la tête de temps en temps.

 - Tu devais éviter de laisser tout ça étalé, dit son amie en rapprochant sa chaise, il pourrait arriver un accident et tu perdrais pas mal de choses. Montre-moi un peu ce que tu dessines.

 - J’essaie de représenter ce que Nâmis me décrit, mais c’est difficile il parle beaucoup.

 - Il sait tellement de choses qu’il ne parvient pas à tout inscrire dans ses archives.

 - Tu as vu sa bibliothèque dans la salle de navigation ? Tu crois que tout est de lui ?

 - Oui, mais ce sont des copies, les originaux sont toujours déposés chez Baldassare, qui les conserve et en fait une autre copie qu’il fait garder à Piltover chez un collaborateur.

 - Si ça se trouve il dessine très mal, pouffa Bell en imaginant le vieux sage gribouiller.

 - Reiner m’a dit qu’il n’avait jamais vu un tel bazar, il sait dessiner mais il n’en prends pas le temps. Il entasse ses idées, ce qu’il voit, et laisse volontiers les personnes qui en font des copies améliorer son travail.

 - Je me demande comment Jenkins dessine, il ne m’a jamais montré.

 - Et ça c’est quoi ?

         Cynthia se saisit d’un tas de feuilles posé sur le côté du bureau, recouvertes de dessins en bataille et d’inscriptions. Sur certaines était représentée une montagne si haute que ses flancs tendaient directement droit vers le ciel, perçant les nuages. De loin, elle ressemblait à une aiguille, mais sur d’autres dessins elle était représentée de près. Elle était en réalité très épaisse, parsemée de cavernes sombres et de chemins escarpés, tout comme la chaîne de montagnes, largement plus petites cependant, qui trônaient aux pieds de l'étonnante pointe. Les roches qui les composaient étaient comme taillées par un artiste géant, tout adoptait des formes étranges, en arcs de cercle, presque des fluides, comme si la nature ici voulait que tout ait un visage géométrique. Des villes étaient représentées, s’adaptant aux rondeurs de la roche avec douceur, permettant aux habitants de se protéger des intempéries décrites par Nâmis et dessinées par Bell.

 - C’est Targon, dont la montagne caractéristique ici porte le nom aussi, expliqua cette dernière. C’est là que nous allons, en essayant de prendre contact avec ces gens.

 - Que sont ces êtres ? demanda Cynthia en désignant des humanoïdes aux membres d’animaux aquatiques.

 - Ce sont des tribus très spécifiques, dont on ignore le nom exact. Ces personnes sont des Vastayas.

 - Ma mère m’a parlé de tribus de personnes qui partageraient leur apparence avec la mer, disant qu’ils lui avaient appris comment soigner avec le pouvoir de l’eau.

 - Tu veux dire que c’est de là que ta mère tiendrait le pouvoir de Tourmaline ? souffla la yordle. C’est peut-être pour ça qu’elle t’a envoyé m’accompagner en Targon !

 - J’aimerais savoir ce que ma mère a en tête, rétorqua la jeune femme en se levant, mais elle n’en partage jamais rien, toute question est vaine.

 - Je vais dessiner un peu et essayer de mieux représenter ce que Nâmis m’a dit des tribus de Targon, ça ne te dérange pas ?

 - Fais donc ! N’oublie pas de te coucher hein ?

         Malgré la nouvelle, Cynthia ne semblait pas très heureuse de savoir qu’elle marchait peut être sur les pas de sa mère. Il faut dire qu’elle aimerait être moins dépendante de la volonté de sa mère. Bell quant à elle continua à dessiner tranquillement dans son carnet, elle avait hâte d’arriver à Piltover et Zaun. Bilgewater était une ville magnifique, mais l’architecture sophistiqués et technologique des cités siamoises différait radicalement de l’organisation rustique et posée à même les flancs de collines de la ville de l’archipel de la jeune fille. On dirait des coquillages accrochés à des rochers pensa Bell en regardant ses dessins de la ville qui l’avait vue grandir. A mesure que la nuit avançait, elle continua à imaginer ce qu’elle découvrirait une fois arrivée, sans s'apercevoir qu’elle s’endormait doucement sur son bureau.

 

**

 

- ...Bell ?

 - …

 - Bell tu m’écoutes ?

 - Euh… oui ?

 - Tu devrais revenir avec le reste du groupe, à force de rester ici tu vas finir ensablée.

 - … j’arrive alors.

         La yordle descendit agilement de son promontoire, glissant sans mal contre la paroi de la pierre sculptée avant d’attirer dans le sable chaud. Tandis qu’elle jetait un dernier coup d’œil aux ruines autour d’elle, le sol se mit à trembler dans un bruit sinistre.

 

BRAOUM

 

 - Tu as ressenti ça !? lança Bell à son interlocutrice en la rejoignant dehors.

 - De quoi ?

 - Là, à l’instant une sorte de tremblement de terre…

 - A passer tes nuits à dessiner avec Ileae le sable et le soleil du désert ont dû te monter à la tête, plaisanta Cynthia, dépêchons nous de retourner au camp la nuit ne va pas tarder à tomber.

         Le duo descendit la dune d’un pas tranquille, se faufilant entre les arbres et les rochers de l’oasis afin de rejoindre le camp.

 

BRAOUM

 

         La secousse manqua de lui faire perdre l’équilibre, et cette fois, tout le monde semblait l’avoir ressentie. Des éclats de voix provenaient du centre de l’oasis en proie à une agitation anormale. Sans que Bell n’y comprenne grand-chose, elle fut alpaguée par un homme non loin.

 - Il revient ! Prenez les harpons et les boulets !

 - Les… harpons ? Mais nous sommes en plein milieu du désert ça n’a… aucun sens ?

 - LES HARPONS VITE.

 

BRAOUM

 

**

 

         

La violence de cette secousse finit de tirer Bell de son inconscience pour de bon. Au fur et à mesure qu’elle émergeait, elle distinguait des cris lointains. Cynthia paniquée la priait de se réveiller.

 - Mais enfin, grommela la yordle, ou est Ileae et pourquoi du sable…

 - Je n’ai aucune idée de ce que tu racontes Bell, bafouilla la jeune femme, mais actuellement on a besoin de toi dans notre monde alors tu m'excuseras il faut se lever.

 - Mais enfin de quoi tu me parles ? bredouilla la yordle.

 - Nous sommes attaqués !

 

BRAOUM

 

***

 


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