Bell de Bilgewater

Chapitre 9 : Partie 2 - Chapitre 5

5084 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/05/2021 21:12

           Aval



         Le lendemain aux aurores, la mer était agitée, les vagues ballottaient le navire bruyamment, faisant grincer et craquer l’armature du bâtiment. Bell se réveilla doucement, heureuse d’être bercée par le mouvement de l’eau. Oh je dois retrouver Anna vite ! Dans le lit à côté Cynthia dormait paisiblement, on ne s’est pas beaucoup parlé ces derniers jours soupira la yordle, tout le monde est si occupé. Elle s’en voulu de passer même ses repas, assise à dessiner. Malgré cela, elle s’habilla et attrapa la sacoche en cuir dans laquelle était rangée sa dague, puis sortit sans bruit de la chambre.

         Elle s’était réveillée un peu avant tout le monde, pour pouvoir profiter d’un extérieur calme et écouter le son du matin. Elle passa rapidement dans la salle commune attraper une miche de pain pour manger un peu, et sortit tranquillement. Sur le pont elle croisa la route de Jenkins qui avait probablement laissé la direction à Morgan sur le pont.

 - Déjà levée… jeune fille. Croassa péniblement le démon derrière son écharpe verte.

 - Oh bonjour ! répondit gaiement Bell, je dois retrouver Anna, mais je me suis levée plus tôt pour voir la mer agitée.

 - Très bien… les deux t’attendent.

         Le second se dirigea ensuite d’un pas traînant et boitillant vers les quartiers des officiers. Bell quant à elle mis le nez dehors, et fut accueillie par une forte brise. Sur le pont seuls quelques marins étaient éveillés, tous saluèrent la future navigatrice en souriant. Sur le pont à l’avant du navire, le lieutenant Wajäard attendait debout en regardant au loin.

 - Bonjour lieutenant ! lança la yordle en la rejoignant.

 - Salut petite ! répondit la femme en se retournant le sourire aux lèvres, prête pour faire autre chose que rester assise ?

 - Je suis fin prête !

 - Pose ta sacoche sur le côté, on va commencer par les bases. Je vais te montrer quelques manières de se positionner, tu utiliseras cette dague en bois. Ensuite je te taperais dessus avec un bâton jusqu’à ce que tu sache à la perfection ce que je t’apprends, des questions ?

         La jeune fille crut à une blague, mais voyant le sourire sadique qu’arborait la combattante, elle déglutit péniblement. Elle ne va pas me frapper, si ? L’idée de voir la femme à la carrure la plus impressionnante de toutes les personnes présentes sur le navire lui foncer dessus avec ne serait-ce qu’un bâton lui donna des sueurs froides.

 - Allons ne tires pas cette tête, railla la combattante, mieux tu apprends, moins tu as mal ! Bien, premier exercice, tu vas courir.

         Tout autour d’eux, les caisses, tonneaux et autres objets étaient disposés différemment de d’habitude. Elles formaient une sorte de parcours.

 - Commence par en faire le tour le plus vite possible plusieurs fois, ensuite tu le feras en tenant une dague, une épée et ta sacoche. Enfin plus tard, je le ferais aussi, mais derrière toi et avec ça.

         Elle lâcha son bâton et brandit une massette en bois, entourée de tissu.

 - C’est pour éviter de te blesser trop, gloussa-t-elle en faisant un clin d’œil à la yordle. AU BOULOT HOP HOP HOP.

         Paniquée, Bell manqua de trébucher, mais se lança sur le parcours rapidement. Habituée aux rues tortueuses et encombrées de Bilgewater, la jeune fille ne tarda pas à maîtriser aisément les éléments qui pouvaient la gêner. Elle sautait gracieusement par-dessus certains obstacles, glissait dessous ou en évitait d’autres, comme elle le faisait sur les toits de la ville. S’accrochant aux cordages elle fit étal de toute l’agilité dont elle disposait, ce qui ne manqua pas d’impressionner les marins qui travaillaient en dessous toute la matinée. Après un bon repas, Anna repartit de plus belle en braillant, donnant à la yordle une épée puis une dague en bois pendant qu’elle parcourait le pont le plus vite possible. La tâche était nettement plus ardue avec les mains prises, mais Bell s’en sortit tout en pirouettes, ce qui lui valut un semblant de compliment du lieutenant.

 - Tu es probablement la personne qui s’en sort avec le moins de bleus, soupira Anna pendant que Bell se reposait essoufflée. Pour te ménager un peu je vais te montrer comment te tenir, debout.

En se levant lourdement, la femme lui lança la dague en bois. Elle montra à la yordle ou se placer par rapport au mannequin en paille posé devant elle.

 - Déjà commence par écarter tes pieds, de travers, et fléchir légèrement les jambes. Penche toi un peu vers l’avant, très bien.

 - Comment dois-je tenir la dague ?

 - Tu peux la jouer de deux manières, expliqua la combattante, cependant je ne suis pas experte au maniement de couteaux alors tu devras t’adapter. Pour commencer, la première est de s’en servir comme d’une épée, cependant ton allonge est plus courte, tu devras te rapprocher de ton adversaire. De cette manière tu pourras attaquer par le bas, planter avec force et infliger de légères coupures.

 - Je dois chercher à le tuer ? dit la jeune fille blême.

 - En visant certains points tu peux immobiliser ton ennemi, clarifia Anna, vise les flancs autour du ventre et les bras si tu le peux. Si tu es derrière tu peux viser les jambes, ça l'immobilisera peut-être. Ensuite, tu peux tenir la dague en ayant la lame vers toi sur l’extérieure du bras, la tienne étant courbée ça sera très pratique.

 - Je dois me pointer moi-même ? demanda la yordle

 - Même si une dague ne le laisse pas supposer, tu peux aussi te défendre, expliqua Anna en mimant la posture, de cette manière tu peux dévier certains coups tout en protégeant ton avant-bras si la dague est assez longue. Attention cependant au double tranchant et à la pointe, il te faudra porter des protections en cuir.

         Bell suivit les instructions du lieutenant à la lettre, adoptant une posture solide, et fixa le mannequin devant elle. Elle s’approcha et distribua quelques coups légers, devant et derrière.

 - Bien. Tenir la lame de manière conventionnelle te permet, si tu possèdes l’effet de surprise, de trancher en saisissant un ennemi. Par exemple la gorge, mais aussi le côté opposé de n’importe quel membre. En revanche, si tu la tiens vers toi, tu pourras poignarder, et si tu n’es pas allée trop profond, appuyer pour tracer une entaille sur ton ennemi, avec tes deux mains. Essaie sur le mannequin.

         En saisissant la dague, Bell s’élança sur le pantin, donnant d’abord quelques coups, puis après avoir changé de position et de main pour sa dague, d’attaquer de plusieurs manières. Pendant quelques heures, sous les remarques d’Anna, elle tua le mannequin de toutes les manières qu’elle put imaginer, tout en espérant ne jamais avoir besoin d’appliquer de telles techniques sur de vraie personnes. Jusqu’à la nuit tombée, elle apprit à maîtriser ses mouvements, sa position, et sa manière de tenir une dague, une épée. Anna, prostrée sur un canon, lui braillait des directives et corrigeait chaque faux pas, en lui rappelant qu’une erreur lui vaudrait plusieurs bleus d’ici quelques jours. Pendant les pauses, elle laissait de côté les cris et rigolait tranquillement en racontant à son élève des anecdotes sur les membres de l’équipage.

 - Comment tu t’es retrouvée à Bilgewater ? demanda Bell curieuse, Reiner m’a dit que tout le monde avait des choses à raconter.

 - Tous ne t’en parleront pas, répondit simplement Anna, mais moi je viens du nord du continent.

 - Il y a des choses au nord ?

 - Oh que oui, un pays merveilleux, Freljord. Une terre si froide qu’elle pourrait congeler sur place tout étranger mal préparé, et pourtant si chaleureuse. Je viens d’une famille très nombreuse de marins, j’ai beaucoup de frères et de sœurs. Nous les Wajäard avons acquis tous les savoirs de nos plus braves explorateurs et combattants, mais nous en voulions plus. Mère nous a forcé à tous quitter le foyer, j’étais alors âgée de seize ans, chacun se rendant dans une ville différente. Nous devions acquérir tous les savoirs possibles sur la navigation, et revenir une fois ceci fait. Ionia, Demacia, Noxus, Shurima ou encore Piltover et Zaun, chacun d’entre nous a pris sa route. J’ai réussi à m’embarquer au sein d’un navire marchand pour joindre Bilgewater où je suis devenue harponneuse. J’ai acquis une petite réputation dans le milieu, il y a déjà peu de freljordiens, et encore moins d’aussi féroces que moi ! Cela n’a pas duré et nous avons rencontré un problème de taille.

         Bell gardait le silence tandis qu’elle écoutait Anna, ne sachant que trop bien combien la plupart des membres de l’équipage avaient vécu un enfer avant de prendre la mer sur le Somua.

 - Un jour alors que nous traversions les mers bordant l’archipel pour rentrer d’une pêche, nous avons été attaqués en pleine nuit. Un grand choc avait secoué le bateau, on a d’abord pensé à un impérial de Noxus un peu trop présomptueux, puis à d’autres pirates qui voulaient nous prendre la pêche du jour, alors on s’est préparé à combattre, mais il n’en était rien. Dehors la mer était d’un plat et d’un calme presque malsain, pas un bruit ne nous parvenait, tout était couvert d’une brume verdâtre. Un vieux a crié et s’est jeté à l’eau en hurlant comme un damné, mais en quelques secondes, plus un bruit. Le brouillard qui recouvrait l’eau semblait presque l’avoir englouti. Une autre secousse ébranla ensuite l’embarcation, et avant qu’on s’en remettre, une troisième fendit notre navire en deux. Alors que nous tombions tous à l’eau, une forme serpentique gigantesque avec des yeux luisants se dessina dans la brume, poussa un cri strident, et une nuée de bêtes des mers, des Hyyathans, fondirent sur mes camarades. En quelques minutes, nous n’étions plus qu’une poignée, le monstre et sa nuée avaient emporté les corps, et étaient partis. Un navire nous a récupéré au matin. Arrivés au port, mes amis avaient perdu leur santé mentale et étaient devenus soit des légumes soit des fous, j’ai donc gardé pour moi cette histoire et ai prétendu à une attaque de Noxus.

 - Qu’est-ce qui vous a attaqué alors ?

 - La nuée ce n’était qu’un banc d’Hyyathans tout ce qu’il y a de plus normal, soupira Anna, ils se nourrissent de ce que passe près d’eux. Des charognards. Le monstre en revanche, est décrit comme une légende, l’Hyyathan Mère, la Matriarche, protectrice des eaux de l’archipel. Enfin ça c’est la version que l’on trouve dans les anciens textes des ordres de Bilgewater, les témoignages actuels décrivent un monstre enragé et destructeur, elle est probablement atteinte du mal dont nous te parlions l’autre soir. Les rares survivants deviennent fous après l’attaque, peu de chance de les croire.

 - C’est là que tu es devenue membre de l’équipage du Somua du coup ?

 - Exact, dit Anna en se levant, Baldassare m’a accueillie un beau jour, en m’expliquant que lui et ses Hommes travaillaient sur le mal qui frappait aussi hors des mers. Maintenant je suis lieutenant regarde-moi, je forme une naine et un empoté.

 - Jay est si maladroit ? Et je ne suis pas une naine je suis une yordle, s'offusqua Bell.

 - Je sais je sais, la railla la freljordienne, je te taquine. Quant à ton ami il ne semble pas avoir compris que si j’en avais l’envie je pourrais le broyer entre mes mains.

 - Je pense surtout qu’il a une certaine forme d’admiration, ou de crainte, répondit la jeune fille en regardant les muscles des bras d’Anna doubler de volume tandis qu’elle serrait le bâton, contrariée.

 - De l’admiration ? Je materai cet idiot s’il m’appelle encore “Madame”, je suis bien trop jeune et douce pour être appelée “Madame”.

 - Douce hein, souffla Bell, bien sûr…

 - Ta copine, Cynthia, elle en revanche elle a l’air d’en avoir dans la tête.

 - Elle est brillante oui, dit Bell pleine d’admiration, elle sait des tas de choses sur comment aider les gens ! Sa mère est une grande soigneuse.

 - Tourmaline oui, j’en ai entendu parler, une femme forte, gardienne d’une magie très puissante à ce qu’on dit, et sale caractère. Cynthia est de la même trempe sans aucun doute. Bref assez parlé, lève toi tu as du travail !

         Bell bondit sur ses pieds, et sautilla pour se revigorer un peu. Elle reprit ensuite les enseignements du début, revoyant chaque posture chaque mouvement. Au fur et à mesure, Anna varia les armes, en passant d’une dague à l’épée dont la lame était plus longue, pour ensuite sortir des armes d’entrainement émoussées. En métal, le poids de celles-ci était plus important et changeait radicalement les efforts demandés au porteur. Sa dague personnelle cependant, était bien plus légère que les armes conventionnelles. Anna lui expliqua qu’il s’agissait probablement d’un alliage spécial, elle en avait vu des similaires provenant de Demacia, il faudrait qu’elle pose la question à un sachant en la matière.

         Après quelques jours d’entraînement, Anna commença à confronter les connaissances de son élève à sa propre personne, elle commença par lui donner quelques coups qu’elle devait parer ou éviter, puis inversait les rôles. Au fur et à mesure que le temps avançait, les exercices se transformaient en affrontements, relativement statiques au début, puis très mobiles ensuite, au grand dam des marins qui se demandaient pourquoi un troll blond courrait après un nain aux grandes oreilles, partout sur le pont. La yordle jouait de sa taille et de son agilité pour éviter et riposter, elle réussit même à mettre la freljordienne en mauvaise posture, une ou deux fois. En fin de soirée, les deux s'octroyaient une pause bien méritée, essoufflées mais ravies. Anna voyait les progrès de son élève, qui saurait se défendre en cas de problème, voir riposter pour s’en sortir. C’est avec fierté qu’elle annonça à sa petite adversaire qu’elle était maintenant digne de combattre à ses côtés.

 

***

 

         Ce matin les nuages ont une drôle de forme, se dit Bell en fermant son carnet relié de cuir, c’est comme s’ils se confondaient avec l’eau de la mer. Devant elle, le ciel se teintait d’un gris, tout comme l’eau agitée dont l’écume se mélangeait avec une légère brume matinale. Aujourd’hui la Yordle avait rendez-vous avec Nâmis dans la salle de navigation, devant laquelle elle croisa à la barre le capitaine qui chantonnait.

 - Bonjour mon capitaine ! lança Bell souriante.

 - Bien le bonjour jeune fille ! répondit avec entrain Morgan, alors te plais-tu sur mon bâtiment ?

 - A merveille ! J’ai dessiné comme me l’a expliqué votre second, et passé les tests du lieutenant Wajäard.

     En devinant les bleus qui devaient parsemer la peau de la jeune navigatrice Morgan fit une moue qui laissait deviner qu’il savait très bien de quoi il s’agissait.

 - Anna est notre meilleure combattante, elle est redoutable ! s’exclama le capitaine. La seule personne qui pourrait lui tenir tête c’est ce bon vieux Jenkins.

 - Comment combat-il ? demanda Bell, curieuse. Il paraît que son écharpe vient de vous d’ailleurs, on m’a dit de vous demander de m’en parler.

 - Mieux vaut que tu ne le saches pas encore petite, répondit-il simplement. Et cette écharpe est un cadeau très… spécial. Une sorte de contrat qui nous a lié pendant une situation… tortueuse, je lui ai dit que je lui offrais parce qu’il devrait survivre assez longtemps pour me la rendre, mais il y tient et l’a gardée en souvenir.

 - Je vois… vous me raconterez ça un jour ! Je suis attendue je vais voir Nâmis, à plus tard !

 - Merci bien petite, amuse-toi bien !

         Derrière le capitaine qui s’était remis à chantonner, la yordle pénétra dans une pièce réservée à la navigation. Devant elle trônait une immense carte sur la table, les murs étaient cachés par des étagères pleines d’instruments qu’elle avait déjà vu chez son grand-père, ou de bibliothèques pleines d’ouvrages volumineux, très probablement des copies des rapports du capitaine rédigés par Nâmis. Celui-ci justement était assis dans un fauteuil, griffonnant dans un ouvrage presque complet. L’homme à la peau mate se leva doucement pour accueillir son élève.

 - Bonjour jeune fille, dit-il doucement en souriant, prête pour de nouveaux enseignements ?

 - Fin prête ! répondit la yordle pleine d’entrain.

         Le vieil homme lui désigna une chaise assez haute sur laquelle elle s’assit, tandis qu’il rangeait le livre dans une étagère sur le côté. Il saisit ensuite un fin bâton, ce qui fit frémir la yordle malgré elle, lui rappelant les derniers jours passés avec Anna.

 - Bien, très bien. Notre ami à l’écharpe a du t’expliquer sommairement qu’il t’apprendrait à regarder le monde, je vais t’apprendre ce qui le compose. En tant que navigatrice, tu te dois de tout savoir.

 - Je dois tout retenir ? s’inquiéta Bell.

 - Ne t’en fais pas, d’après ce que m’a dit ton grand-père, il est certain que tu te débrouilleras, tu tiens de ta mère.

 - D'où viennent mes parents ? demanda la yordle en désignant la carte.

 - Ton grand père ne t’a donc jamais expliqué ? soupira le vieil homme. Littéralement de nulle part, et de partout. Bandle est une sorte de plan parallèle, personne ne sait jamais où et quand sont les yordles. Certains parlent d’une terre de magie accessible à pieds, d’autres d’une ville qui changerait sans cesse de localisation, voire de moment, que l’on rejoindrait par des portails étranges. Tes parents, contrairement à toi, y sont nés. Îola et Koban, ton père, sont venus étudier au sein de Runeterra à une époque très reculée, ta mère fut experte en magie de voyage, elle maîtrisait son art comme personne.

 - Était-elle capable de se déplacer instantanément ?

 - Bien sûr, ton grand père nous racontait qu’elle avait l'habitude de se déplacer plus par “petits sauts” qu’en marchant normalement. Elle disparaissait pour réapparaître au même moment un peu plus loin, il disait qu’elle “clignait”. T'est-il arrivé quelque chose de similaire ? Cela n’aurait rien d’étonnant, commenta le sage.

 - Eh bien… répondit Bell gênée, oui de temps en temps. Mais je ne maîtrise rien du tout, c’est instinctif…

 - La seule personne qui s’y connait en magie ici serait Jenkins, mais je doute qu’il puisse t’aider. Nous verrons ça plus tard, tout d’abord plongeons nous dans cette carte !

         Sur la grande table devant elle, Nâmis montra à son élève la géographie du continent de Runeterra. Leur point de départ, Bilgewater, était une ville au sein de l’archipel de la Flamme Bleue, tout à l’est de la carte. Deux autres archipels se trouvaient non loin la ville des pirates, l’un au sud du nom des îles bénies, ou îles obscures, selon si l’on se réfère au nom avant ou après la catastrophe qui y avait eu lieu. Le dernier archipel se trouvait au nord, une nation répondait au nom d’Ionia, emplie de paysages naturels colorés et d’espèces très variées. Au centre de la carte, le continent était coupé en deux par une mer horizontale, dont le seul point de passage terrestre entre les deux se trouvait être Piltover et sa sœur Zaun.

 - C’est donc entre les deux parties du continent que nous nous rendons, souffla la jeune fille en découvrant la position de leur destination.

 - Exact, un emplacement idéal pour avoir la main sur les passages commerciaux. Les villes sœurs relient les deux parties du continent, ainsi que les mers Est et Ouest. Bien que la première tentative de relier les deux ait été un problème.

 - Que s’est-il passé ?

 - Un échec, le canal n’a pas tenu, les mers se sont déversées sur Zaun, on raconte qu’une divinité du vent locale a sauvé la ville.

 - Seule Zaun était en danger ?

 - Zaun désigne une partie des quartiers médians et les souterrains de l’ensemble. Tandis que l’élite vit au soleil dans une ville lumineuse, les populations vivent en dessous dans la pollution et la misère. Une ville resplendissante faite de bâtiments impressionnants, mêlant machines, acier verre et pierre finement taillée.

         Nâmis se dirigea doucement vers une étagère d’où il tira de grands ouvrages. Dedans, des tas de dessins en pagaille d’une ville très étrange. Là où Bilgewater était une ville faite de bois posé et de pierres creusées à même les flancs des arches géantes, Piltover était un ensemble de passerelles dans une crevasse immense, s’élevant fièrement vers le ciel, bravant les lois de la nature par de grands édifices complexes. Zaun en dessous semblait faite de récupération, apparaissait comme enfumée et sombre que Piltover la lumineuse semblait écraser.

 - Ce sont donc les cités siamoises de la technologie, souffla Bell en dévorant des yeux les dessins de Nâmis.

 - Elles sont très étranges, et leurs coutumes diffèrent totalement de notre bonne vieille cité de pirates. Tu t’y feras vite cependant, les gens là-bas sont très curieux.

Le sage rangea son ouvrage et se rapprocha de la carte. Au centre de la partie sud du continent, se tenait Shurima, un ancien empire régnant sur le désert. A l’est une énorme forêt contrastait avec l’environnement présenté comme aride qui composait la majorité du territoire. C’est au sein de ces contrées qu’une délégation partirait de Piltover, afin de rencontrer une nation jusqu’alors très renfermée. Tout à l’ouest un pic dépassait de loin la hauteur indiquée du reste de la chaîne qui parcourait le sud de l’empire. Il s’agissait du mont Targon, où son voyage devait la mener.

 - C’est de là d’où tu viens ? ne put s’empêcher de demander la yordle.

 - Je suis né dans une tribu du désert, j’ai étudié dans différentes villes des tas de choses, je voulais tout savoir sur notre pays. J’ai rencontré un sage, un être qui avait connu l’empire avant qu’il ne chute il y a bien longtemps. Il survivait sous la forme d’un semi-humain, il était d’une grande gentillesse, mais était rongé par un mal, tout comme ses pairs. Il vit encore quelque part, et c’est pour trouver de quoi sauver mon maître que je voyage depuis bien des décennies.

         Nâmis étala sur la table d'autres dessins, la jeune fille vit devant elle des caravanes traversant le désert, des ruines de cités ensablées, des oasis florissantes, et un voyageur avec une étrange apparence, dont la tête rappelait celle d’un canidé du désert.

 - Combien de temps peut-il vivre ? interrogea Bell.

 - Plus longtemps que moi, probablement indéfiniment, peut être comme toi et tes parents. Avant de mourir je souhaite qu’il me survive en une éternité de vie et non de souffrance comme tel est le cas actuellement. D’autant plus que son empereur serait ressorti des sables, ramenant son empire à la vie.

 - Et la pointe en gris au sud ? dit-elle en désignant une terre au sud. De quoi s’agit-il ?

 - Icathia, une très ancienne province dissidente de Shurima, aujourd’hui presque oubliée. Elle a fait appel à des arts sombres, qui ont lâché une catastrophe magique d’une ampleur inimaginable. Heureusement, elle semble se cantonner à ces terres qui l’ont invoqué par accident, cependant il est certain que la situation posera problème un jour.

         Le sage passa ensuite rapidement à la partie nord du continent, dont la majeure partie sud-ouest était contrôlée par l’empire expansionniste de Noxus, qui possédait quelques terres en Shurima et Ionia. Tout à l’ouest se tenait Demacia, nation qui bannissait la magie à tout prix, rivale de l’empire. Tout au nord se tenaient les froides contrées de Freljord, la terre natale de la famille Wajäard et Anna.

         Après avoir sommairement présenté la plupart des occupants du continent de Runeterra, le vieux sage décrit plus précisément la situation géopolitique complexe entre chacune des nations présentes sur la carte. D’empires déchus ou expansionnistes, aux tribus de Freljord et de Targon, Bell se devait de retenir chaque détail, savoir qui elle pouvait attaquer en mer et sur terre, et qui éviter sans réfléchir. Un jour, c’est elle qui guiderait le navire, elle qui choisira avec qui et où commercer, combattre, et mener des incursions sur Terre. Ainsi, Nâmis lui fit apprendre par cœur la carte dans ses moindres détails. Il passa ensuite quelques jours à lui transmettre tout son savoir sur la navigation, sur la manière de diriger un équipage vers son but.

 - Tout ce que Jenkins t’a demandé de dessiner a une explication. Comme je te l’ai appris, les courants marins comme aériens sont d’une importance primordiale. Tu dois aussi jouer avec la météo. Que te disent ces nuages là-bas ? interrogea le vieil homme en pointant la grisaille au loin.

 - Leurs couleurs et leurs altitudes montrent que le temps va se couvrir, cependant les vents et les courants seront plus calmes, récita la yordle. En revanche je ne comprends pas comment interpréter leurs formes et la légère brume présente.

 - Les prochains jours vont être très couverts en effet, réfléchit le sage en regardant au loin, on ne distinguera bientôt plus les étoiles même la nuit, il faudra donc se fier aux courants marins et improviser le cap. La brume pourrait aussi nous empêcher d’observer la mer, il faudra faire attention.

         Bell n’était pas rassurée par les paroles de son professeur, elle s’inquiétait de ne pas pouvoir savoir où ils se dirigeaient lorsque le temps serait couvert. S’ils croisaient la route d’un autre navire il leur serait impossible de les identifier de loin. Eux aussi seront dans le même cas, pensa la yordle, pas besoin de trop s’en faire, je devrais rejoindre Cynthia et Jay maintenant. Ce soir elle devait retrouver ses amis pour discuter, depuis le début du voyage tous avaient été tellement pris par leur installation qu’ils ne s’étaient plus vraiment parlé, y compris avec son amie soigneuse dont elle partageait pourtant la cabine. Bell laissa donc le vieux sage à ses pensées en le remerciant de cette journée, et chercha ses deux camarades.

 

***


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