Bell de Bilgewater

Chapitre 7 : Partie 2 - Chapitre 3

2851 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/05/2021 21:09

           Affluent



         Quittant la lumière de la lune les surplombant, Bell et ses deux amis pénétrèrent dans les quartiers du Capitaine. Dans la salle principale, une troupe de marins se tenait au-dessus d’une énorme table, faiblement éclairée par une lampe suspendue au plafond. Ce sont sûrement les officiers du navire, pensa la yordle, ne manque que Jenkins qui doit être à la barre. Au bout de la table, en présidence de cette assemblée, Morgan était assis, semblant attendre pensivement.

 - Messieurs et mesdames, je vous présente nos trois nouvelles recrues, annonça Nâmis. Comme vous le savez, cette jeune yordle remplacera Jäl, qui s’est retiré en ville.

 - Très bien, lança Morgan, nous avions commencé sans vous mais nous vous résumerons nos objectifs. En attendant nous allons faire un petit tour de table, que vous connaissiez vos supérieurs, bien que vous ayez déjà rencontré une bonne partie d’entre eux, y compris le lieutenant Granson et le major Klar.

         Avachie sur une caisse aux côtés d’Adam Granson, le major acquiesça avec un large sourire.

 - Je suis Jean Cadat, dit un homme se levant, chargé de la gestion de nos marins et de leurs ressources, et la chose derrière moi, plaisanta-t-il en désignant un homme qui semblait de très mauvaise humeur, c’est Reiner Spert. Malgré sa mine renfrognée, il sera aux petits soins pour vous !

 - Je ne suis pas une “chose”, bougonna le médecin.

 - Lui et moi sommes amis de longue date, expliqua tranquillement Jean, c’est un plaisir de vous accueillir parmi nous !

 - Hm.

         L’assemblée, qui jusqu’ici discutait en attendant que leurs camarades aient fini de se présenter, se tourna vers Bell et ses deux amis, attendant qu’ils se présentent. Ce fut Jay qui se lança le premier.

 - Je suis Jay, enfant de Bilgewater, né de pêcheurs, je suis venu voyager aux côtés de mes amis.

         Cynthia d’ordinaire timide, inspira un grand coup et parla d’une voix forte.

 - Je suis Cynthia, fille de Tourmaline, guérisseuse reconnue dans tout Bilgewater. Je souhaite voyager afin d’approfondir mes connaissances en médecine et succéder à ma mère en acquérant moi aussi le titre de Tourmaline.

         Un bruit sourd résonna dans la salle. Reiner qui avait manqué de tomber, sorti de son mutisme, l’impassibilité sur son visage ayant laissée place à la stupéfaction.

 - Serais-tu l’héritière de cette vieille folle ? bégaya-t-il. Je croyais qu’elle ne souhaitait plus transmettre son titre.

 - Ma mère n’a rien d’une folle, rétorqua la jeune femme.

 - Elle m’avait refusé tout enseignement, grogna le médecin, prétextant que mes mains avaient trop répandu de mal pour prodiguer des soins.

 - Ce doit être à cause des cheveux, lança Anna depuis le fond de la salle, tu es loin de pouvoir rivaliser avec notre nouvelle recrue.

         Le médecin toisa Cynthia du regard, s’attardant sur sa longue chevelure, rose. L’espace d’un instant, la jeune femme crut déceler dans son regard une lueur envieuse.

 - C’est un plaisir de pouvoir former la fille de cette vieille sorcière, dit finalement Reiner, tu lui succèderas sans aucun mal j’y veillerai.

         Cynthia, qui avait été jusqu’alors très éloquente, retrouva son habituelle timidité, et face au géant qui l'accueillait avec tant de respect, ne put s’empêcher de se recroqueviller et rougir en bredouillant des remerciements.

 - Excellent ! interrompit Morgan en se levant. Les présentations étant faites, nous devons vous expliquer nos objectifs. Nâmis je te prie.

         Le sage écarta de la table quelques piles de documents, laissant apparaître une partie de ce qui devait être une carte des mers du monde.

 - Ici, désigna-t-il, se trouve Bilgewater notre archipel. Nous avons pour objectif de joindre les cités sœurs de Piltover et Zaun, au Nord-Ouest de notre position, et d’y récupérer divers chargements. Au port, notre contact nous attendra, il s’agit du mari de l’une des sœurs Wajäard.

 - Suite à cela, continua le Capitaine, nous ferons route vers les côtes Ouest les plus lointaines du continent en contournant ce dernier par le sud, Baldassare nous a chargé d’ouvrir des accords avec des tribus de la contrée de Targon, d’après lui ils auraient de véritables trésors à offrir, si nous parvenons à une entente bien sûr.

 - Il nous faudra une douzaine de jours pour parvenir aux cités sœur, dit Anna en prenant le relais, peut-être moins en fonction des évènements en mer. Ma sœur, avec l’aide de son mari, prépare une expédition dans les jungles au sud de leur cité, nous enverrons des hommes les accompagner. D’après eux, un peuple se terrerait au sein des étendues forestières.

 - Vous comptez envoyer des marins parcourir le continent ? demanda Jay.

 - Il n’est pas rare que nos voyages se passent sur les terres, le rassura Nâmis, les mers ne sont pas les seules étendues que nous puissions explorer.

 - Parfait, avez-vous des questions ? demanda le Capitaine en se levant.

         Personne n’eut à dire quoi que ce soit, aussi le capitaine congédia ses officiers. Tous se dirigèrent hors de la salle en discutant, à l’exception d’Anna, qui s’approcha de la yordle.

 - Bell, reste avec tes compagnons, nous avons à parler avec le capitaine.

 

***

 

         Les différents officiers finirent de quitter la salle, pressés d’aller se reposer quelques heures pour ceux qui ne restaient pas veiller. Nâmis se leva pour s’approcher de la table, tandis que Morgan fermait la porte derrière le dernier à sortir.

 - Bien ! s’exclama le capitaine, nous pouvons passer à la suite. Nâmis je te laisse leur expliquer le programme ?

 - Avec grand plaisir, sourit le vieil homme. Jeunes gens, demain sera le premier jour de vos aventures au-delà des frontières de notre archipel, vous devez ainsi savoir que vous ne serez réellement en sécurité nulle part.

 - Même si vous viviez dans la cité de la piraterie et du crime, le monde recèle de dangers divers, ajouta Morgan, Bilgewater est certes emplie de gens peu recommandables, mais il est très important de vous préparer à tout.

 - Ainsi, demain vous commencerez vos formations, continua le vieux sage. Pour votre premier voyage, chacun de vous suivra les enseignements propres à ses objectifs. Jay, tu apprendras à utiliser l’armement du navire, à manier les armes. Cynthia, Reiner se chargera de te montrer tout ce qu’il sait, je viendrai compléter moi-même par divers éléments, plus particulièrement la magie.

         Nâmis se tourna vers les jeunes marins. Il s’approcha et prit Bell par les épaules en plongeant son regard dans les grands yeux violets de la Yordle.

 - Tu ressembles énormément à ta mère, elle serait fière de te voir.

 - Vous l’avez connu ? demanda-elle surprise.

         Pour toute réponse, le sage retourna s’asseoir sur un fauteuil près de Morgan.

 - Contrairement à ce que vous pensez, dit finalement le capitaine après un silence, notre objectif n’est pas uniquement de traiter avec des autochtones, nous avons une certaine mission.

 - Une étrange maladie se répand au travers du monde depuis quelques siècles, souffla Nâmis, un fléau qui touche tous les êtres vivants connus. Nous ne sommes pas sûrs de tout ce qu’on en dit, mais nous savons elle provoque une rage destructrice chez ceux qu’elle touche par une sorte de brume verdâtre, le principal problème est qu’elle semble s’intensifier ces dernières années, quelque chose se trame.

         Morgan prit une boîte sur une étagère, qu’il déposa sur la table. Il en sortit une gemme d’un bleu éclatant.

 - Notre contact à Piltover est un médecin-joaillier, ses connaissances en les pierres lui permettent d’influer sur le corps et prodiguer des soins. Cynthia l’assistera le temps où nous serons en escale. D’après les lettres qu’il a échangées avec Baldassare, il pourrait nous aider à comprendre le problème. Les expéditions lancées par lui et sa femme approfondissent nos connaissances, d’autant que des symptômes sont régulièrement observés à Zaun.

 - Je ne comprends pas, dit Cynthia visiblement troublée, pourquoi un équipage de Bilgewater se retrouve à lutter contre une maladie répandue mondialement ?

 - Les relations de Baldassare sont étendues, répondit Nâmis en souriant, lui, Tourmaline Papy et moi lui furent compagnons il y a très longtemps. Johann Grimbel, notre contact, est le mari de Maria Wajäard, il est en relation avec divers chercheurs, shurimiens, noxiens et ioniens. Cependant, aucune nation ne pourrait envoyer d’équipes parcourir le monde entier sans que cela soit perçu comme une intrusion diplomatique. Rien ne sert de préciser qu’il est impossible de voir émerger une alliance entre les puissances.

 - Donc on mandate les seuls qui se fichent des droits et de la diplomatie en fouinant partout, les pirates de Bilgewater.

 - C’est exact mon garçon, nous travaillons officieusement pour les élites scientifiques de la plupart des puissances de Runeterra. C’est ici que les parents de Bell sont un point clef.

         Bell, qui jusqu’ici prenait les annonces de ses mentors avec sérieux, sentit son cœur se resserrer en entendant les paroles du Capitaine.

 - Vous pensez que mes parents auraient un lien avec cette maladie ? demanda Bell timidement.

 - Ton père était un éminent botaniste, et nous pensons que ta mère a connu les prémices de ce mal, du moins c’est que qu’affirment Nâmis, Papy, et Baldassare.

 - Comme tu le sais peut-être, les yordles ont une espérance de vie dépassant tout ce qu’on peut imaginer, expliqua le sage sur sa caisse, ils menaient déjà des recherches sur le mal avant nous, ils auraient un temps habité à Targon. Nous allons les retrouver, ils seront d’une grande aide pour nous.

         Bell sentit la pièce tourner autour d’elle. C’est la première fois que quelqu’un affirmait connaître et savoir ou trouver ses parents. J’aurais enfin une chance de les trouver, ils sont là quelque part pensa-t-elle tandis que les pensées l’assaillaient. Elle aura des centaines, non des milliers de questions à leur poser.

 - Quel âge ont-ils ? demanda Cynthia au vieil homme tandis qu’elle tentait de maintenir Bell, qui semblait prête à s’effondrer.

 - Rares sont les yordles en Runeterra, d’autant plus les anciens. Je dirais probablement plusieurs siècles, répondit sérieusement celui-ci, et ils ne sont pas les seuls à avoir traversé les âges.

 

***

 

         Le capitaine congédia les jeunes gens afin qu’ils aillent prendre du repos, Jay partit donc rejoindre ses camarades dans les cabines du pont inférieur, tandis que Cynthia aida Bell à rejoindre la leur dans les quartiers des officiers. Cette dernière, visiblement secouée par les informations dévoilées par Morgan et le vieux Nâmis, se perdait dans ses pensées. Mes parents sont des mages et scientifiques de Targon âgés de centaines d’années, se répétait-elle hébétée, pourquoi Papy ne m’en a jamais parlé ? Elle émergea de ses songes lorsqu’elle arriva devant la cabine, soutenue par Cynthia, qu’elle remercia.

 - Tu n’as pas besoin de me remercier tu sais, lui souffla gentiment son amie, tu as dû être chamboulée par les nouvelles.

 - Tu te rends compte ? Mes parents sont sûrement encore en vie, là où nous nous dirigeons !

 - Nâmis avait l’air de dire que ton grand-père était au courant, songea la jeune femme, ne t’a-t-il jamais parlé d’eux ?

 - Il évitait toujours le sujet, il avait l’air gêné à leur évocation, inquiet même…

 - C’est étrange... Pour le moment nous devrions nous reposer.

         Sur ces paroles, les deux amies préparèrent leurs affaires pour la nuit. Bell observa Cynthia tandis qu’elle se changeait, en hésitant à faire de même. La jeune femme ne put s’empêcher de remarquer le regard gêné et envieux de son amie.

 - Tu n’as pas à avoir honte tu peux te changer, nous sommes entre nous, sourit la jeune femme.

 - C’est la première fois que je dors dans la même pièce que quelqu’un d’autre, rougit Bell en se retournant. Et tu es bien différente de moi.

 - Tu es toujours aussi préoccupée par ton physique ? s’étonna Cynthia.

 - Je fais au mieux un peu moins d’un mètre, rétorqua la yordle, j’ai une couverte de fourrure entièrement blanche, d’énormes oreilles velues, et tout chez moi est minuscule… j’aimerais être comme tout le monde, comme toi.

 - Les Yordles sont une des espèces les plus adorables, tu aurais pu être pire, comme un adorateur des léviathans.

         A l’évocation des animaux de mer, Bell eut un frisson dans le dos, des tentacules partout, pouah épouvantable. Cynthia pouffa en voyant la réaction de sa camarade.

 - Tes oreilles sont la chose la plus douce que j’ai touché de ma vie, la rassura celle-ci, ta fourrure si pure et tes cheveux aciers sont magnifiques, ils mettent tes yeux en valeur. Tu as tes propres charmes ! On pourrait te prendre pour une enfant si l’on ne faisait pas attention !

 - Justement, je ne veux pas être vue comme une enfant. Je veux être comme ça moi aussi, dit-elle avec envie en désignant le corps de la jeune femme.

 - Je ne peux rien pour toi hélas... répondit tristement l’intéressée en s’habillant.

         Bell contrariée se déshabilla et enfila une tenue de nuit rapidement, et alla fouiller dans la malle posée dans un coin de la pièce. Elle en sortit un petit journal en cuir bleu, cadeau de son grand-père. Elle s’assit à une table et éclairée par la lueur faible d’une lampe, au rythme des vagues qui faisaient danser le navire, elle commença à écrire. Je vais noter tout ce que je sais, pour tout raconter à Papy en rentrant, je veux qu’il sache tout du monde que je verrais se dit-elle, il a quitté les mers pour moi, je veux qu’il puisse voyager comme moi. Elle inscrivit le contenu de sa journée, sommairement, elle décrit ce qu’elle avait pensé de la vision de l’archipel à son départ, la beauté de la mer s’étendant autour d’elle. Elle laissa aller son imagination en parlant de ses parents disparus et nota les premières choses qu’elle leur dirait. Elle tenta de dessiner ce qu’elle avait vu, le navire et ses occupants. A la pointe de son crayon, elle recréa la vie du navire sur le papier. Une fois satisfaite, elle rangea son journal avec sa dague dans la malle, et s’emmitoufla dans son lit, laissant la mer bercer son sommeil.

 

***


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