Bell de Bilgewater

Chapitre 4 : Partie 1 - Chapitre 4

3184 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 03/05/2021 21:03

           Bourrasque



         Ne sachant pas encore quoi penser de sa rencontre, Bell ne prit même pas la peine de courir, elle marcha simplement vers la boutique de son grand-père. Elle avait appris tout un tas de choses grâce à Jäl, et se sentait prête à braver l’inconnu, mais n’avait pas appris comment trouver Morgan. C’est donc sans grande motivation qu’elle pénétra dans la cour qui lui était si familière, sans même remarquer les étranges clients qui discutaient dans un coin de celle-ci.

 - Mais regardez donc qui voici, dit une forte voix de femme, on revient des quartiers tisserands j’imagine ?

         Bell qui sortait à peine de sa rêverie ne put que sourire en reconnaissant Anna. Anna Wajäard saurait comment trouver Morgan ! Elle déchanta rapidement cependant en voyant aux côtés d’Anna et Nâmis, son grand-père, en train de converser avec un homme. Il est énorme comment fait-il pour passer les portes ? Il n’a pas l’air très sympathique… L’homme en question n’était autre que Baldassare, que Bell n’avait bien sûr pas encore rencontré.

 - Voici donc la petite légende dont l’équipage nous a tant parlé ! sourit le bonhomme. Enchantée ma jolie, je suis Baldassare, armateur d’une des plus grandes flottes, ami de Morgan et client régulier de ton grand-père !

 - Enchantée je m’appelle Bell… marmonna la jeune fille, intimidée.

 - Papy et moi discutions justement à ton propos ma petite, indiqua Nâmis qui se tourna vers Papy, qui marmonna à son tour quelque chose l’air renfrogné.

 - Et de quoi était-il question ? demanda Bell d’un ton brusque. De ma disparition de la nuit dernière ? Je suis prête à prendre une énième punition.

 - Oh c’est qu’elle a du bagou la petite ! J’adore ça ! lança Baldassare en rigolant d’une voix forte.

 - N’en rajoute pas, Paptimus, gronda Papy, c’est déjà bien assez compliqué de te la laisser.

 - Chouette j’aurais une nouvelle amie ! dit joyeusement Anna en tapant dans ses mains, telle une enfant.

         Bell stupéfaite ne parvenait pas à comprendre de quoi parlaient les adultes lui faisant face. Je vais encore devoir proposer de l’aide ? Génial je vais aider à faire partir les bateaux dans lesquels je rêve d’embarquer… C’est cruel. Sa réflexion fut interrompue par son grand-père qui vint s’agenouiller devant elle.

 - Papy, pourquoi as-tu l’air triste ? remarqua la jeune fille.

 - Ce soir nous aurons une conversation ma grande, mais tout ce que tu dois savoir pour le moment, c’est que de vieux camarades m’ont rappelé une vieille mission que j’ai à accomplir.

 - Je... je ne comprends pas Papy… dit Bell qui commençait à se sentir perdue.

         Son grand père prit une grande inspiration avant de lui annoncer doucement :

 - Je vais te confier à Morgan et à son équipage, tu partiras demain avec eux, tu seras leur navigatrice.

 

***

 

         La suite de la soirée fut comme un vague souvenir pour Bell. Elle ne sut pas si c’était la douleur de voir Papy pour la première fois être aussi bouleversé, ou le choc de l’annonce de son propre départ. A présent, ses rêves allaient se concrétiser, mais elle n’était pas préparée à voir les choses se dérouler aussi rapidement. Comme absente, la fin de journée se déroula de manière banale, elle aida Papy à ranger la boutique et à préparer le repas pour deux, un gros repas, car ce serait le dernier avant probablement très longtemps.

         Tout se déroula dans le silence, sans une parole. Bell, d’ordinaire bavarde, ne décocha pas un mot, de même que son grand-père. A quelques heures du grand départ, la boutique n’eut jamais été aussi triste. Alors qu’il était un sujet qu’elle refusait d’aborder, de peur de porter atteinte au moral de Papy, ce soir, elle s’autorisait à rompre le silence.

 - Papy, comment étaient mes parents ?

 - …

 - Je sais très bien qu’un humain ne peut être parent d’une yordle comme moi… alors j’aimerais savoir qui ils étaient.

 - Très bien, soupira le vieil homme, laisse-moi te conter mon histoire.

         Le grand-père prit place dans un large fauteuil et se tourna vers sa petite fille.

 - Il y a bientôt quarante-cinq ans, j’ai commencé ma carrière dans la marine. J’ai été engagé dans quelques équipages de Bilgewater de moyenne renommée, en alternant les différents postes. Mais celui qui m’a le plus marqué se situait à la navigation. A mes vingt-cinq printemps j’ai pris place comme assistant à la navigation sur un navire du nom d’Etourneau, un magnifique bâtiment. Notre première mission a été de renforcer les liens entre mon armateur et un clan ionien. A mes côtés, un navigateur, dans la fleur de l’âge, m’apprit tout ce que je sais sur les appareils et la navigation, cependant, je ne possédais pas les dons qui avaient fait de lui l’homme d’importance de cet équipage. Au fur et à mesure que l’équipage changeait, j’ai rencontré deux marins qui restèrent mes amis. L’un était harponneur, originaire tout comme moi de Bilgewater, l’autre scribe, shurimien, tu les as rencontrés, il s’agit de Baldassare et Nâmis.

         De toutes les histoires que son grand-père lui avait racontées, aucune n’eut l’effet de celle-ci sur Bell. Papy paraissait comme retrouver sa jeunesse depuis qu’il avait retrouvé ses anciens camarades, et semblait revivre ses aventures rien qu’en en parlant.

 - Nous avons passés près d’une vingtaine d’années ensemble, continua-t-il, les liens qui nous unissaient étaient plus forts que toutes les épreuves que nous avons traversées. Cependant, il est une chose qui nous a séparé, et ce presque définitivement.

 - C’était moi ? demanda tristement Bell.

 - En un sens oui, répondit doucement Papy.

 - Tu as perdu ta liberté à cause de moi…

 - Mais j’y ai gagné un membre important de ma famille, tu es comme une petite fille pour moi. Tu m’as retiré l’opportunité de voyager, mais tu m’as tant offert, souviens-t-en.

         Bell, les larmes aux yeux, vint se lover auprès de son grand-père.

 - Tes oreilles sont toujours aussi soyeuses, rigola celui-ci en lui caressant la tête. Continuons.

Alors que nous étions aux alentours de Piltover, nous avons rencontré un couple. Deux Yordles, dont nous n’apprîmes jamais les noms, d’après eux cela nous aurait mis en danger. Ils avaient réussi à convaincre de rejoindre une ville en bordure des terres noxiennes, en quête d’un médecin. C’est là-bas que tu es venue au monde. Sur le chemin nous avons noué une étrange amitié, et nous sommes promis de nous revoir un jour. Cependant, ils étaient en danger, poursuivis par quelque chose dont ils n’ont jamais voulu parler, ils t’ont donc rapidement confié à moi. J’ai mis fin à mes voyages, Baldassare est devenu armateur, et Nâmis cherchait tes parents.

 - Comment étaient-ils ? s’enquit Bell

 - Ta mère était magnifique, une yordle calme et majestueuse, autoritaire, avec de longs cheveux azur, des yeux pleins d’étoiles, qui m’ont toujours épaté, elle avait un don pour la navigation, le plus fort que j’ai eu l’occasion de rencontrer. Ton père était jeune, amoureux, sûrement autant de ta mère que de ses recherches. Un scientifique, tu poseras des questions à Nâmis.

 - Pourquoi ne sont-ils jamais venu me chercher ?

 - Nous ne savons pas ce qui leur est arrivé, et leur capacité à rentrer à Bandle a été bloquée, de même pour toi.

 - Je ne peux pas revenir dans le pays de mon espèce ? demanda tristement la yordle.

 - Pas pour le moment, mais cela ne durera pas éternellement. Ta mère m’a aussi dit une chose avant de te laisser à moi : lorsque les étoiles l’appelleront, envoie-la au voyageur.

 - Qui est ce voyageur ?

 - Je n’en ai aucune idée malheureusement, tu devras le découvrir par toi-même.

 - Tu crois qu’ils sont quelque part à m’attendre ? dit-elle en s’approchant de la fenêtre.

         Dehors, les étoiles brillaient dans le ciel, aux côtés de la dame de la nuit, veillant sur la ville.

 - Sans doute.

 

***

 

         Le lendemain, l’heure était aux préparatifs. Une malle de vêtements et effets personnels, une malle pour les instruments, cartes, et diverses affaires que pouvait utiliser un navigateur. Bell jeta un dernier coup d’œil à la chambre, la maison, et la boutique, qui l’avaient vu grandir. Elle fit un dernier tour entre les étagères d’antiquités, de babioles et de tout ce que son grand-père pouvait fournir aux marins. Combien de ces objets ai-je réparé, nettoyé et rangé pensa la jeune fille. C’est d’ores et déjà du passé de toute manière. Papy serait déjà dehors ?

         Le grand-père en question entra dans la boutique au même moment.

 - Bonjour ma petite, as-tu bien dormi ? demanda-t-il, jovial

 - Pas trop mal, répondit-celle-ci.

 - Ils t’attendent déjà dehors, il faut te dépêcher !

 - Bien reçu !

         Bell tira une malle avec elle, suivie par Papy et le second chargement. Dans la petite cour, Anna Wajäard et Jenkins attentaient, aux côtés de Jay et Cynthia.

 - Tiens bonjour Monsieur Jenkins je ne vous avais pas vu arriver ! héla Papy.

 - Bonjour Papy, répondit l’épouvantail de sa voix croassante.

         Bell trouva que voir une telle créature prononcer « Papy » était tout de même relativement étrange. Elle prit place aux côtés de ses deux amis, pour leur dire un dernier au revoir.

 - Tu vas t’excuser de nous laisser derrière n’est-ce pas ? dit durement le garçon.

 - Jay… murmura Cynthia.

 - Non Cynthia, on avait dit qu’on prendrait la mer ensemble, vous vous en souvenez ? Vous vous en souvenez n’est-ce pas ? insista-t-il durement.

 - Je… suis désolée… marmonna Bell en sentant les larmes lui monter aux yeux.

 - Tu n’as pas à l’être, puisque nous venons avec toi de toute manière.

 - P…pardon !? bredouilla la jeune fille

         Papy s’approcha du petit groupe pour clarifier la situation.

 - Cynthia ayant parlé à sa mère des pouvoirs qu’elle partage avec certains locaux que vous allez rencontrer, cette dernière m’a demandé de la laisser t’accompagner. J’ai aussi parlé aux parents de Jay, en compagnie de Baldassare, ils se réjouissent de savoir que leur fils, d’une part accompagnera ses amis, d’une autre sera un marin de Bilgewater. Tous m’ont cependant fait promettre que vous reviendrez régulièrement, et en un seul morceau. Cela vaut pour toi aussi jeune fille, indiqua le vieil homme à l’intention de Bell.

 - Je… merci ! cria de joie la yordle en enlaçant son grand-père. Tu vas me manquer…

 - Toi aussi ma petite, souffla celui-ci.

         Il s’agenouilla et sorti de sa poche un tissu, replié sur un objet.

 - Prends la jeune fille, elle te sera plus utile qu’à moi.

         L’objet en question était une petite dague courbée. Bell sortit l’arme de son petit fourreau en cuir armé et observa la lame. D’un blanc pur, dentelée à l’intérieur de l’arc qu’elle décrivait, celle-ci semblait comme être dotée d’une certaine attirance.

 - Cette lame est un trésor que nous avons trouvé à Demacia avec Nâmis et Baldassare, elle est forgée dans un dérivé plus modeste de pétricite, qui possède des propriétés anti-magiques plus légères, mais utiles tout de même, expliqua Papy, prends en soin.

         Anna les rejoint, tendit la main à Bell, et d’une voix forte, annonça leur départ.

 - C’est aujourd’hui que commence votre vraie vie les jeunes ! Joli couteau de cuisine au passage !

         Le petit groupe fit ses derniers adieux au vieux marchand, Anna et Jenkins promirent une dernière fois de veiller sur leurs protégés, et tous prirent la direction du port.

 

***

 

         Sur le chemin, Bell laissa voyager son regard sur la mer en contrebas, que bientôt elle rejoindrait. Jay, qui semblait avoir dégoté un sabre, écoutait Anna brailler les détails de la vie en mer, tandis que Cynthia, d’ordinaire plutôt réservée, rigolait avec Jenkins devant. De quoi peut-elle bien s’amuser avec cet effrayant épouvantail. Il est vrai que l’apparence de Jenkins n’était pas des plus attrayantes, des rumeurs assurent qu’il y a très longtemps, l’esprit torturé d’un humain quitta son corps promis à la mort, et prit possession d’un épouvantail non loin. Il serait alors devenu un démon commandant aux corbeaux de sanglants massacres. Très différent de Jenkins actuel en somme analysa Bell, j’en toucherais deux mots à Morgan.

         Bell observa une dernière fois cette ville qui l’avait vu grandir, posée à même les pics et falaises de l’archipel, reliés entre eux par des passages naturels ou non. Elle vit une dernière fois les bâtiments de l’ordre du Kraken au loin, et crut apercevoir les jardins de Jäl dans le quartier des tisserands.

 - Tout ceci, tu le verras bientôt depuis les eaux, lui lança Anna de devant. Prépare-toi à voir d’aussi beaux trésors lorsque nous passerons aux abords des villes du monde entier.

 - Sont-elles toutes aussi belles que Bilgewater ? demanda la jeune fille.

 - Bien sûr, mais à leur manière. Elles sont toutes très différentes, expliqua Jenkins.

         La troupe parvint au port quelques temps plus tard. Aux quais était amarré, un énorme navire, en bas duquel s’affairait un équipage. Ce doit être le Somua se dit Bell. Le bâtiment flottait tranquillement, comme s’il se reposait avant d’aller affronter les mers et tempêtes. Ses flancs jonchés de canons, dont la proue était sertie d’un plus énorme encore, on l’aurait cru taillée pour la guerre. Mais tout bon marin de Bilgewater sait qu’un bateau sans armes, qu’il soit conçu pour l’exploration, le commerce où le transport, est une cible aisément pillée, même par un congénère. La marine de Bilgewater étant basée sur la piraterie, elle est unique, mais pas unifiée. Mais rares sont ceux qui s’attaqueraient aux navires de Paptimus Baldassare, et encore moins le fleuron de sa flotte, et son capitaine, Morgan.

         En s’approchant de l’équipage, Bell reconnu bien sûr quelques têtes qu’elle avait entraperçu à la Chope d’Icathia, mais c’est Morgan qui la marqua le plus. Il était debout sur un tas de caisses à charger, et commandait aux hommes, les exhortant, aux côtés d’un Baldassare plus que joyeux. Tous deux affichèrent un sourire radieux en voyant arriver la petite troupe.

 - Ma petite légende rejoint enfin l’orchestre qu’elle mènera à son destin ! cria Morgan, avez-vous pris le temps de dire au revoir à tout le monde ?

 - Nous sommes fin prêts capitaine ! affirma Jay.

 - Bien jeune homme ! rit Baldassare. Car tu devras veiller sur ta cadette, et la dame qui t’accompagne !

 - Je ne pense pas qu’Anna ait besoin d’une quelconque aide, répondit le jeune homme.

         Cynthia et Bell étouffèrent un rire, de même pour Jenkins, qui semblait plutôt croasser de rire.

 - Ce que tu peux être bête, lui avoua Cynthia.

         Anna encore étonnée, regarda Morgan.

 - Je rêve ou l’avorton viens de me traiter de dame, lâcha-t-elle, hébétée.

         Avant qu’elle ne puisse reprendre ses esprits, Morgan tira à lui les jeunes gens et leur indiqua le navire.

 - Voici votre nouvelle maison, déclara-t-il, vous allez la laisser vous accompagner, alors Nâmis se chargera de vous familiariser avec elle. Il est à bord et s’occupe de l’organisation, Jenkins, tu le remplaceras.

 - Bien capitaine ! répondirent ceux-ci.

         La troupe se dirigea aux flancs du Somua, avant de monter à bord de ce qui sera leur porte vers une nouvelle vie.

 

*** *** ***


Laisser un commentaire ?