Vaer aen birke - the Witcher

Chapitre 20 : Envoy du Grand Soleil.

5081 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 5 mois

Année 1275, Mahakam, Mont Carbone.

 

Calened est assis près de la table ronde dans la tour aménagée pour le Conseil d'Hen Uniade. L'alliance n'est plus secrète mais il a été décidé de continuer les sessions dans la haute tour afin d’accommoder les races peu habituées à la vie souterraine. Brouver Hoog a même fait en sorte que les cuisines montent des plats adaptés à chaque espèce : exclusivement de la viande pour la reine des Dryades et le Voïvode des Vrans, des fruits de mer pour l'envoyée des Sirènes et des douceurs pour les Halfelins. Tous les membres sont présents; le Voïvode, Keral Vaäkssil, est en grande discussion avec l'Ancien des Marmottins, Neoth Korm, à propos des relations commerciales naissantes entre leurs deux pays. La sirène Sh'eenaz, qui avait tenu à être personnellement présente, montre à l'Ancien-en-Chef, Brouver, un petit coffret rempli de perles parfaitement polies, des blanches, des noires et des variétés plus rares, roses et bleues. L'ambassadeur des Halfelins, Dermin Biberveldt, est peu intéressé par les discussions commerciales et bien plus par l'assiette posée devant lui. Emmitouflée dans les fourrures sur sa chaise confortable, la vieille Egdhimold Vrostchmil des Gnomes, dort du sommeil du juste, les conversations se tiennent discrètement afin de ne pas la déranger avant le commencement officiel de l'assemblée. Les elfes mangent leurs plats ou conversent volontiers entre eux.

Soudain, le grincement de la porte se fait entendre et un jeune nain en livrée officielle entre dans la salle. Il s'incline devant Brouver Hoog avant de lui murmurer quelque chose dans l'oreille. Ce dernier hoche gravement la tête et renvoie le serviteur d'un geste. Le Chef des Anciens de Mahakam tapote gentiment l'épaule de Egdhimmold qui cligne des yeux et sourit comme une bienveillante grand-mère. Elle se réajuste dans son fauteuil aidée par Brouver avant que celui-ci ne tape de son marteau sur la table en pierre pour réclamer l'attention des convives.

-Un peu de silence, je vous prie. On vient de m'informer que l'ambassadeur de Nilfgaard attend dans l'anti-chambre. Il est temps de nous consacrer sérieusement à cette affaire.

Aussitôt, les dames et les seigneurs regagnent sagement leurs sièges et la nourriture est débarrassée au grand désarroi du Halfelin Dermin. Seuls les pichets de bières, de vins et d'eaux sont laissés sur la table. Une fois tout le monde bien installé, Brouver fait un signe aux gardes à la porte qui l'ouvrent immédiatement. Entre alors un humain d'âge moyen, aux cheveux bruns et aux yeux noisette à l'air grave accentué par de fines rides. Il est habillé de soies impériales et brodées de fils dorés. Il s'avance jusqu'au siège désigné pour lui.

-Son Excellence, Var Attre, émissaire du Grand Soleil et de l'Empereur de Nilfgaard. Crie le héraut près de la porte.

-Mes Seigneurs, mes Dames, je vous apporte les salutations de sa Grâce, l'Empereur Morvran Moorhis, Protecteur de toutes les provinces au sud de la Iaruga, fait l'émissaire en s'inclinant.

-Morvran Moorhis ? L'empereur n'est-il pas Emhyr Var Emreis ? S'enquiert Eithné, sa main délicatement posée sur son gobelet rempli d'eau.

-Plus maintenant, L'Empereur Emhyr a été... destitué suite à son incapacité à mener à bien l'invasion du Nord. Répond l'ambassadeur en resserrant nerveusement son col.

-Vous l'avez tué, fait platement Eithné, vous autres Dh'oines changez de souverains plus vite que les saisons ne passent sur la terre.

-mhmm, fait Francesca, Nous sommes désolés d'apprendre la disgrâce de la Flamme Blanche, mon peuple n'a pas oublié l'aide qu'il apporta au rétablissement du royaume de Dol Blathanna. Et nous souhaitons à l'Empereur Movran Moorhis un long et paisible règne.

Isengrim fléchit un instant aux paroles de Enid mais s'abstient fort heureusement de tout commentaire. L'ambassadeur accueille les paroles d'un signe de la tête.

-Qu'on en finisse avec ces formalités, tonne Brouver Hoog en frappant la table de son marteau à nouveau. Ambassadeur, vous êtes venu nous voir pour une raison, il est temps de nous dire laquelle.

Var Attre lève un sourcil mais s'incline.

-Bien sûr, Ancien-en-Chef. Ce n'est pas mon intention de vous faire attendre. Sa majesté Moorhis sait tout du péril qui menace vos jeunes royaumes et vous tend la main en toute amitié. Vous avez accompli un effort incroyable en conquérant ces terres et sa majesté ne désire rien de plus que vous les voir garder. Aussi, sa majesté souhaite offrir son aide. Tout ce qu'il demande en retour est un serment de vassalité.

Des grognements retentissent à ces mots, Eithné serre son arc, ses yeux tels des flammes argentées. Le Voïvode Vran lèche ses lèvres de sa langue fourchue tandis que son voisin, Neoth Korm des Bobbolaks émet des couinements nerveux et indignés. Brouver relève son marteau et les plaintes cessent immédiatement.

-Ainsi, fait Enid, malgré la mort de la Flamme Blanche, l'Empire n'as toujours pas renoncé à ses désirs d'expansions.

-L'empereur Movran Moorhis pense, comme son prédécesseur, qu'il est du devoir de l'empire d'apporter culture, civilisation et paix partout sur le Continent, explique l'ambassadeur. Il va sans dire que...

-Non, hors de question, fulmine la reine des Dryades. Brokilone a résisté aux humains pendant plus de deux cents ans et ne va pas ployer sous le joug d'une autre tête couronnée, fût-elle du Sud ou du Nord.

-Cáelm, rhena y woedd, intervient Sh'eenaz de sa voix chantante, Leath Dh'oine dice.

-Je vous assure, mes seigneurs et mes dames, qu'un pacte de vassalité sera tout à votre avantage enchaine rapidement l'ambassadeur. Vos royaumes seront libres de continuer à prospérer sous les rayons bienveillants du Grand Soleil et seront bien défendus par nos armées. Bien sûr, il vous faudra jurer allégeance à l'empereur et adopter sa loi. Prenez le temps de considérer cette offre, votre emprise sur ces terres est encore fragile et les Nordlings sont bien moins disposés envers les Races Anciennes que Nilfgaard. Vous pourriez perdre ce que vous avez gagné et bien plus encore si on en croit les rumeurs sur la folie sanguinaire de Radovid. Les bénéfices surpassent les inconvénients.

-Et donc, nous devrions abandonner notre liberté pour notre sécurité ? Demande l'ancien des Marmottins.

-Tout cela est dans votre plus grand intérêt, vous gagnerez la protection de l'Empire et garderez la possession de vos nouvelles terres. L'Empereur n'a que du respect pour les Anciennes Races et vous pouvez être certains d'être traités décemment.

-Oh, peut-on espérer que vous nous traitiez tout comme vous avez traité la Scoia'tael ? Demande Isengrim.

L'ambassadeur garde un visage imperturbable tandis qu'il répond à l'elfe.

-Croyez bien que l'empereur regrette les actions commises par le passé mais vos Scoia'taels ont commis d'horribles crimes de guerre et devaient être jugés...

-Jugés ? Jugés ?! Pour avoir accompli ce que le glorieux empire nous commandait d'accomplir ? J'étais là, sur le bateau, avec les autres officiers enchainés tandis que des Dh'oines nous sélectionnaient un par un pour ensuite être menés dans des ruelles où ils furent massacrés. Seuls deux officiers en ont réchappé, Moi-même qui parvint à briser mes liens et à m'enfuir et Iorweth qui n'a pas répondu à votre convocation parce qu'il se méfiait bien trop des humains, même de ceux qui se prétendaient nos alliés. Je vous le dis, continue Isengrim en se tournant vers les autres convives. Ne faites pas confiance à l'empire, dès l'instant où nous deviendront gênant, ils se débarrasseront de nous.

-Cela n'est pas à vous d'en juger, elfe, aboya Brouver Hoog, mais au conseil.

-Et ce n'est pas l'empereur Moorhis qui prit ces décisions mais l'empereur var Emreis. L'empereur actuel n'est en aucun cas responsable des décisions de son prédécesseur.

-Merci pour votre temps, ambassadeur. Le Conseil doit maintenant délibérer et voter en huis clos.

Var Attre se lève et s'incline devant le conseil avant de sortir de la pièce.

-Bien, dit Brouver Hoog une fois la porte refermée. Il est temps pour nous de débattre à propos de l'offre que nous fait Moorhis. L’acceptons-nous ou pas ?

-Hors de question, fait Eithné en tapant son arc contre la table, Brokilone ne vivra jamais sous la férule d'aucun humain.

-Mais les hordes de Radovid nous dépassent largement en nombre, fait remarquer Francesca en caressant doucement son ventre, Et Dol Blathanna n'existerait pas sans l'empire. Je vote pour

-Je vote contre, vocifère Eithné

-Je vote pour, dit le Chef-des Anciens, laissons les humains croire qu'ils nous contrôlent et nous serons libres de vivre nos vies comme nous l’entendrons.

-Je vote pour également, dit Dermin Biberveldt. Mon peuple a toujours réussi à cohabiter avec les humains et nous pouvons faire de même sous la loi Nilfgaardienne.

-Je vote contre, fait l'Ancien des Marmottins Neoth Korm. À nos yeux, l'Empire ne diffère guère des royaumes du Nord, ils ont faim de ressources et pilleront la terre si on les laisse commander.

-Je vote pour, dit le Voïvode Vran Keral Vaäkssil. Notre ennemi est fort et puissant et nous avons besoins d'un puissant protecteur. Mieux vaut que leurs soldats meurent sur le champ de bataille que les nôtres.

-Hmm, se racle la gorge la sirène Sh'eenaz. Le but de cette alliance est de vivre libre, accepter cette offre revient à nous mettre entre les mains de l'empire. Je refuse cela, je vote donc contre.

-Je vote contre, déclara la gnome Egdhimold Vrostchmil. L'empire pratique le commerce odieux de l'esclavage et inflige de nombreuses formes de sévices à ceux qui ne rentrent pas dans les rangs. Nous ne pouvons pas nous rallier à des gens comme ça.

-Quatre contre et quatre pour. Nous sommes dans une impasse, remarque Brouver Hoog. Quelqu'un a t'il quelque chose à rajouter qui nous permettra de nous en sortir ?

Un silence pesant s'installe dans la salle, perturbé seulement par le craquement des flammes.

-Si je puis me permettre, mes seigneurs, mes dames, intervient enfin Calened. Il nous reste une ultime alternative à l’Empire : Les non-humains qui habitent son territoire. Nous pouvons nous adresser directement à eux et solliciter des renforts. Les Nains et les Gnomes de Tir Tochair et les colonies des elfes des bois. La loi impériale ne leur interdit pas d'envoyer des soldats où ils le désirent

-Même si l'Empereur n'y trouve rien à redire, ce dont je doute un peu, fait Egdhimold Vrostchmil, sommes nous sûrs qu'ils nous enverront de l'aide ? Et pourquoi, au nom d'anciens liens de parenté ?

-Ne sous-estimez pas la force d'un lien de parenté, chère Egdhimold, Sûrement, ils ne resteront pas insensibles au plaidoyer de leurs cousins du Nord. Je suis certain que nous pourrons compter sur leur aide.

-Il vaudrait mieux, fait Brouver Hoog, Car si nous refusons l'empire, ils seront les seuls renforts auquel nous pourrons faire appel. Je propose toutefois de ne pas refuser l'offre de l'Empereur d'emblée. Laissons-nous une semaine pour convaincre nos parents du Sud de nous aider. Si nous y parvenons, nous refuserons l'offre de l'Empereur. Dans le cas contraire, nous l'accepterons car cela pourrait bien être notre seule garantie de survie. Sommes nous d'accords ?

Les autres membres du conseil conversent un moment entre eux avant de donner leur accord. Même Eithné approuve d'un raide hochement de tête.

-Reste la question de qui nous allons envoyer pour intercéder auprès de nos parents du sud, il nous faut quelqu’un qui puisse représenter le Conseil dans son ensemble ou alors envoyer plusieurs émissaires..

-Pourquoi ne pas envoyer celui qui a bâti cette alliance ? Qui mieux que celui qui a suggéré l'idée ? Demande Sh'eenaz en agitant son verre.

-Qui, Moi ? Fait Calened, perplexe, je veux dire, j'en serais honoré mais...

-Vous avez déjà prouvé vos talents de négociateur en rassemblant ce conseil, remarque Enid an Gleanna. Et bien que vous soyez un elfe, vous êtes un parti neutre. Parfait pour représenter le conseil.

-Très bonne idée, enchaine Brouver Hoog. Quelqu'un objecte ?

Des murmures retentissent dans toute la salle mais finalment, les autres leaders approuvent.

-Très bien s'incline Calened, si c'est la décision du conseil, je vais de ce pas réunir mes affaires personnelles.

-Parfait fait Brouver Hoog d'un air satisfait. Qu'on rappelle l'ambassadeur qu'on lui fasse savoir que le Conseil va réfléchir à sa proposition. Et qu'on amène une nouvelle tournée, tous ces débats politiques me donnent soif.

 

Année 1275, Dol Blathanna, frontière nord.

 

 

Iorveth se tient sur une plateforme cachée par la frondaison. Le printemps commence juste à recouvrir la terre mais déjà l'air est différent, plus doux, plus parfumé. C'est une journée sans nuage et les rayons du soleil percent la canopée jouant un jeu d'ombre et de lumière à travers les feuilles d'arbres. L'elfe ferme son unique œil, inspirant toutes les senteurs de la cime des arbres. Ça fait longtemps que je n'ai pas ressenti une telle paix. Pas depuis... tellement longtemps. Pour la première fois depuis cent ans, il peut voir son peuple s'engager vers un avenir radieux et fertile. Fini le désespoir, la lente agonie, la guerre sanglante pour l'égalité des droits, la recherche désespérée d'un sens à toute cette violence. Et les dieux savent qu'il a longtemps essayé. La Seconde Invasion, la guerre pour la Vallée du Pontar, tant d'efforts et d'espoirs déçus. Pense t'il en caressant distraitement sa dague. Nous avons un futur désormais, enfin quelque chose qui vaille vraiment la peine de se battre.

La passerelle sur laquelle il se tient tangue légèrement avec le vent, reliée à d'autres passerelles par des ponts de cordes ou bien par des branches magiquement arrangés pour faciliter leurs déplacements. Elles servent de base d'opération et de surveillance pour les gardiens de la frontière nord. Cette frontière avec les Royaumes du Nord ou du moins ce qu'il en reste, a été pourvues en garnisons. La plupart des gardiens sont d'anciens Scoia'taels désireux de mettre leurs talents au service d'une juste cause et peut-être se repentir des horreurs causées par le passé. Toutefois, malgré les efforts des mages, la forêt ne recouvre pas encore la totalité de la frontière. Les humains qui vivaient là ont longtemps déboisé la région pour bâtir leurs villes. Il reste encore une bonne portion de terrain laissé à découvert entre la forêt et le fleuve Pontar. Les ruines de villages et de ports pourrissent au soleil, témoins silencieux de l'ancienne activité humaine.

Iorweth s'étire avant de s'élancer de branche en branche à travers la canopée, courant sur les ponts de cordes avec un équilibre parfait, résultat d'une longue vie passé à la cime des arbres. Rapidement, la plateforme principale apparait et il saute agilement dessus. C'est une très vaste plateforme supportée par plusieurs arbres grands et fier. De nombreux elfes s'y trouvent, aiguisant leurs sabres, s'entrainant au combat ou vérifiant leur équipement. Iorweth aperçoit Yaevinn, assis sur un tabouret, penché sur une lettre qu'il tient entre ses deux mains. Pris d'une soudaine folie printanière, Iorweth s'approche doucement, à pas de loup, dans son dos. Surprendre un elfe dans une forêt est quasiment impossible à moins d'être un elfe ou une dryade. Ou si l'elfe en question est profondément accaparé. Une fois dans son dos, Iorweth se redresse et se racle bruyamment la gorge. Yaervinn sursaute, lâche la feuille, se retourne et se fige, ses sabres à moitiés sortis de leurs fourreaux. Iorweth sourit d'une manière malicieuse. On le voit rarement sourire mais depuis les derniers événements dans Dol Blathanna, le sourire lui vient plus facilement.

-Qu'est-ce que c'est, Yaevinn ? S'enquiert le borgne Scoia'tael. Famille ? Ou une lettre d'amour ?

-Ce n'est pas ton affaire, rétorque l'elfe aux yeux bleus en essayant de cacher la lettre.

-Qu'est-ce que c'est que cette odeur ? De la rose ? Cette lettre est parfumée ? Définitivement pas de la famille.

-Non, ce n'est pas la famille, intervient une elfe avec deux nattes tressées de chaque côté du visage. Ça vient de ce gentil couple qu'il a rencontré à Belleteyn, ils ne cessent de lui envoyer des lettres. Des lettres enflammées.

-Toruviel, crie Yaevinn, Je te l'ai dit en confidence !

-Je n'ai jamais promis de me taire, réplique la femme elfe avec un sourire étincelant. Allez Yaevinn, il n'y a pas de quoi avoir honte, tu es très chanceux au contraire.

-Thaess'aep, maugrée Yaevinn en plaquant la lettre sur sa poitrine.

-Ils attendent un enfant, explique Toruviel, bavarde. Ils pensent que c'est lui le père et veulent l'inviter dans leur couple.

-Je ne te confierai plus jamais rien !

-Tu n'en auras pas besoin, tu auras, comment s'appellent ils déjà ? Ah oui, Syn et Allenar.

Yaevinn range prestement la lettre dans son sac, le visage rouge. Il se mordille la lèvre en scrutant ses pieds.

-Qu'est ce qui t'arrive, Yaevinn ? Demande Iorweth plus calmement. Même avec un seul œil, je peux voir que tu es préoccupé. Si tu as des problèmes...

-Je n'ai pas de problèmes, répond l'elfe vivement. C'est juste que... je ne sais pas quoi faire, ils forment déjà une famille et ils veulent m'inclure, je ne sais pas... J'ai peur de troubler leur harmonie familiale.

-Ils ont l'air prêts à prendre le risque, si c'est ce que toi et eux veulent, pourquoi ne pas essayer ?

-Mais je suis un scoia'tael, ça fait des décennies que je me bats, je ne suis pas certain de savoir quoi faire d'autre.

-Tu n'es pas le seul Scoia'tael ici que quelqu'un attend ailleurs. Ça te paraitra sans doute bizarre au début mais je suis certain que tu pourras trouver ta place.

-Allez, Yaevinn, fait Toruviel en lui donnant une vigoureuse tape sur l'épaule. Si même Isengrim, le Loup de Fer, peut trouver l'amour, pourquoi pas toi ? Même Iorweth a une chance.

-Je me rappellerai de ça, grince Iorweth en agitant un poing qu'elle ignore superbement. Mais Toruviel a raison sur un point, tout le monde mérite une chance. Et Isengrim a trouvé l'amour ?

-Oui, il sort avec le nouveau Sage, celui aux cheveux roux, Calened ? On les a vu boire ensemble et échanger des cadeaux. Mais peu importe, on parle de Yaevinn là.

-Vrai, Yaevinn, tu n'es pas obligé de t’investir complétement immédiatement. Procède par étapes, par petits pas. Ça te permettra de voir où tu peux te situer dans cette famille et si tu peux y avoir une place.

Le bel elfe ne répond pas immédiatement, caressant distraitement son sac.

-Je... commence-t-il mais soudain, de nombreux pépiements d'oiseaux retentissent, troublant la quiétude du bois.

-Quelqu'un a traversé le fleuve, crie Iorweth, aux armes !

Aussitôt, des guerriers scoia'taels s'élancent à travers l'entrelacement de branches, bougeant agilement et rapidement. En quelques minutes, ils atteignent l'orée de la forêt, près des sentinelles.

-Que se passe-t-il, s'enquiert Iorweth auprès d’une sentinelle encapuchonnée et au visage couvert d'un masque sombre.

-Là-bas, lui répond la sentinelle en désignant de son doigt un point du fleuve.

Là, près d'un bateau sommaire, se trouve deux humains, une femme et un homme accompagnés d'un cheval. Ils semblent pressés, chargeant rapidement le cheval avec des sacs, ignorant des yeux qui les observent entre les feuilles. Une fois le cheval chargé, ils montent rapidement en selle, la femme derrière l'homme. Alors qu'ils s'approchent de l'orée du bois, Iorweth saisit son arc et encoche une flèche. Il vise soigneusement et tire. La flèche part en vrille et atterrit brutalement devant le cheval, le faisant se cabrer.

-Attention, Dh'oines, vous êtes dans le royaume libre de Dol Blathanna. Tentez de franchir cette frontière et vous mourrez. Retournez d'où vous venez.

Maintenant qu'ils sont plus près, Iorweth peut les distinguer plus nettement. La femme porte un collier de perles rouges et est vêtue d'une robe qui avait sûrement été chic mais qui est maintenant sale et déchirée. L'homme est vêtu d'une armure de cuir et porte deux glaives dans son dos ainsi qu'un médaillon en forme de tête de loup.

-Ah oui ? Montrez-vous alors,dit l'homme, sortez des arbres que je puisse voir les salopards qui vont tenter de me tuer

-Pour l'amour des dieux, s'exclame la femme, pourrais-tu s'il te plait ne pas contrarier une armée d'elfes invisibles, Lambert ?

-Ils ne sont pas invisibles, je peux entendre le souffle de leur respiration. Il y en a une trentaine à tout casser.

-Et peux-tu vaincre une trentaine de flèches ?

-Je pourrais.... Avec Quen.

-Ah oui, ton fameux signe protecteur et combien de temps durera t'il sous la pression d'autant d'archers ?

Lambert ne répond pas, son visage est actuellement un champ de bataille où l'arrogance se mêle à un air boudeur.

-C'est bien ce que je pensais. Fait la femme avec un sourire indulgent. Donc laisse-moi parler. Elle se tourne vers la cime des arbres en rejetant ses cheveux blonds en arrière. Ceádmil, Aen Seidhes, nous ne sommes pas venus troubler la paix de votre contrée, nous cherchons juste un moyen de rejoindre Haakland. Je suis Keira Metz, ancienne conseillère du roi Foltest. Votre reine me connait et je suis certaine qu'elle verra ma requête d'un bon œil.

-Les amis de Francesca ne sont pas mes amis, rétorque Iorweth mais je vous connais, magicienne de la Loge. Les vôtres ne sont pas les bienvenues dans la Vallée des Fleurs, vous apportez les ennuis comme le vent charrie la fragrance des fleurs. Mais toi, l'homme, ton médaillon... est tu un sorceleur ? De quelle école ?

-Je suis Lambert, répond l’intéressé, de l'école du Loup.

-Connais tu Gwynbleid ?

-Oui, je connais Geralt, le Loup Blanc, il est un de mes frères bien que je ne l’aie pas vu depuis quelque temps.

-Les Aen Seidhes doivent beaucoup au Loup Blanc, fait Yaevinn, caché dans les branches. Il a soutenu ma révolte contre l'Ordre de la Rose Ardente.

-Et m'a aidé dans ma quête de la vallée du Pontar, renchérit Iorweth. Un frère du Loup Blanc est un ami de la Scoia'tael. Mais comment être sûr que tu es bien qui tu prétends ?

-Je n'ai rien à prouver, rétorque Lambert, envoyez-moi vos plus fines lames et je les vaincrai tous au combat. Mais j'aimerais qu'on fasse vite, des Chasseurs de Sorcières sont à nos trousses et j'aimerais passer avant qu'ils ne nous rejoignent.

-Il dit la vérité, fait l'un des éclaireurs, quelques branches au-dessus de Iorweth. J’aperçois d'autres rafiots qui traversent le fleuve.

Un silence tendu s'installe pendant que Iorweth et Yaevinn discutent à voix basse. Lambert commence à faire les cent pas tandis que sa compagne jette nerveusement des coups d’œils derrière elle, tentant d'évaluer la distance entre elle et les Chasseurs.

-Passez sous les bois, les Sorceleurs ne sont pas nos ennemis et si tu te portes garant pour la magicienne, vous pourrez poursuivre votre voyage sans crainte. L'un des nôtres va vous servir de guide, il va vous guider jusqu'à notre camp, vous pourrez vous y reposer. Ne craignez plus vos poursuivants, aucun des fanatiques de Radovid ne posera le pied dans les forêts de Dol Blathanna.

-Merci, l'elfe fait Lambert, je m'en souviendrai.

Lui et Keira remontent sur leur cheval et se faufilent dans les bois. Iorweth ne détourne pas son regard de la berge. Plusieurs barges contenant des chevaux et des hommes armés s'approchent. Beaucoup portent l'équipement de cuir et le large couvre-chef typique des Chasseurs de Sorcières. Iorweth fait un signe de la main et tous les elfes autour de lui encochent leurs flèches et bandent leurs arcs, attendant patiemment l'ordre de tirer. Les humains mettent bientôt pieds à terre, déchargeant chevaux et matériels. Après avoir inspecté la barge de Lambert et Keira, les cavaliers se dirigent vers la forêt. Comme tout à l'heure, Iorweth lâche une flèche en guise d'avertissement.

-Voe'rle, Dh'oines, vous êtes arrivés à la frontière de Dol Blathanna, faites demi-tour et retraversez le Pontar.

-Dol Blathanna ? Fait le chasseur en tête. Ce sont les terres d'Aedirn ici, terres que vous avez outrageusement volées à leurs légitimes propriétaires.

-Nous sommes ses légitimes propriétaires, rétorque Iorweth. Ces terres nous appartenaient des millénaires avant l'arrivée de votre maudite espèce. Nous avons repris notre bien et nous ne tolérerons pas que vous, fils de singes, y posiez le pied.

-Pourtant je ne vois aucun corps ici ce qui veut dire que vous avez laissé passer ces deux aberrations de la nature qui entachent l'humanité, remettez-les-nous et nous repartirons en paix... pour l'instant.

-Le sorceleur vient d'une école qui a durement gagné notre respect et la magicienne est avec lui. Nous ne vous les concéderons pas. Faites un pas de plus et aucun d'entre vous ne rentrera chez lui.

-Nous ne nous retirerons pas, crie le chef d'une voix exaltée, nous sommes le feu gui purgera le monde de toutes ses monstruosités, du mutant, de la sorcière et du non-humain. Le Feu Éternel veille sur nous et quand bien même nous pourrions périr ici, sa Majesté le roi Radovid nous vengera.

-Un pas de plus, répond Iorweth, peu impressionné. Juste un pas.

Le chef hésite un instant devant la flèche qui lui barre le passage avant de se ressaisir et de brandir son épée

-Mort aux aberrations non-humaines, pour le roi Radovid, pour le Feu Éternel.

Et il avance d'un pas.

La réponse ne se fait pas attendre et des dizaines de flèches jaillissent de la forêt avec des sifflements stridents. Elles frappent sans pitié les cavaliers, habilement orientées de façon à ne frapper que les humains, épargnant les chevaux. Les humains se mettent à charger en direction du bois mais la pression ne faiblit et près de la moitié tombe de leurs montures, raides morts. Un souffle de panique s'empare des survivants qui font aussitôt demi-tour mais la pluie de flèches ne s'arrête pas. Aucun des humains ne parvient jusqu'aux bateaux.

-Assez, dit Iorweth en levant la main. Récupérez vos flèches et laissez les cadavres bien en vue. Quand d'autres humains voudront passer la frontière, cela les fera réfléchir à deux fois.

Sur ces mots, il se détourne et s'enfonce dans la forêt, traversant agilement la canopée. Bientôt, la plateforme du camp de base est en vue et il atterrit brutalement dessus. Les deux humains sont là en compagnie d'autres elfes qui les surveillent ce qui fait sourire Iorweth. S’il est à moitié aussi doué que le Loup Blanc, ils ont peu de chances de le vaincre, pense t'il.

-Hael, salue t'il. Est-ce vrai que vous cherchez refuge en Haakland ?

-Ouais, répond Lambert. Keira est très recherchée en tant qu'ancienne membre de la Loge et on ne tolère plus les mutants dans le Nord. Le bout du monde semblait être la meilleure option pour nous.

-Eh bien, nous n'avons rien contre les Sorceleurs par ici, nous n'avons pas oublié l'aide du Loup Blanc pour notre cause et aurions bien besoin de l'aide d'un chasseur de monstres. Des nécrophages et des Nekkers grouillent par endroits et votre aide serait fort utile. Votre amie pourra se rendre au palais royal, je suis sûr que Francesca sera ravie de revoir une ancienne collègue. Autrement, vous pouvez essayer les cités sur la côte de la Grande Mer, le Conseil d'Hen Uniade a décidé de tenter de les transformer en plaque tournante du commerce avec les peuples marins et les humains. Vous pourriez trouver plein de travail là-bas.

Les deux humains se consultent du regard, le visage du sorceleur est inexpressif tandis que celui de la magicienne est traversé de plusieurs grimaces.

-Je pense, fait finalement Keira Metz, que je vais en effet rendre visite à Francesca, voir si elle acceptera de me voir. Dieux, je pourrais tuer pour un bain chaud et dormir dans un vrai lit sans punaises. La nature sauvage n'est vraiment pas ma tasse de thé. Et puis, j'ai toujours eu envie de voir une cité elfe. Et toi Lambert ?

-Je vais faire un tour, regarder si des gens n'ont pas besoin d'un sorceleur et me faire un peu d'argent, puis je te rejoindrai au palais royal.

-Et nous pourrons voyager vers ces fameuses cités côtières. Je sens que cela nous ouvrira bien des options. Mais nous aurons besoin d'un guide.

-Je vais vous en fournir un pour vous guider jusqu'à Fidhail, notre capitale, Intervient Iorweth. Et éviter que d'autres bandes de Scoia'tael ne vous prennent pour des ennemies. Vous aurez tout le temps d'étudier nos cartes une fois là-bas.

-Ça marche l'elfe dit Lambert en se redressant.

-Liran, Angwën, appelle Iorweth et deux elfes blondes s'avancent. Je veux que vous accompagniez ces humains, montrez-leur les environs puis guidez les jusqu'à Fidhail. Assurez-vous qu'ils y arrivent vivants.

Les deux elfes acquiescent et commencent à descendre de branches en branches suivies de Lambert dont l'agilité n'a rien à envier aux elfes. Keira Metz prononce rapidement une formule magique et une aura bleue l'entoure alors qu'elle glisse doucement depuis la plateforme jusqu'au sol. Là, ils enfourchent les chevaux et se mettent en route. Iorweth les regarde s'éloigner depuis le sommet de l'arbre. Je sens que nous allons droit vers des temps intéressants. pense t'il alors qu'ils disparaissent de sa vue.

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