Vaer aen birke - the Witcher

Chapitre 16 : Course dans la nuit

4463 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 4 mois

Année 1275, Novigrad, le Bits

 

 

Des flammes, du feu partout, des visages dans les flammes qui crient, qui pleurent en agonie. Un panache de fumée qui couvre le ciel et lentement, un visage en sort, qui sourit, un terrible sourire.

Nenna se réveille en sursaut. Un cauchemar, pense t'elle, juste un cauchemar. Ô dieux, quelle horreur. La lumière de la lune filtre dans sa chambre à travers les fissures d'un volet mal positionné. Nenna se retourne dans son lit, dos à la fenêtre. Mais le sommeil la fuit, elle ne peut s'empêcher de penser aux bûchers sur la grande place. Pauvre Mireille, c'était une brave fille, un peu bizarre mais pas une sorcière. Elle a toujours eu cette tache dans le cou, ce n’était pas la preuve que c'était une sorcière. Ô dieux, j'ai si peur... et s’ils s'en prenaient aux enfants ?

Soudain, des pleurs résonnent dans le dortoir à côté, suivis de murmures. Madame Nenna reste un moment sans bouger mais les pleurs ne se dissipent pas et les murmures gagnent même en volume. Sans doute Elina qui fait encore un cauchemar, je ferais mieux d'aller voir. Nenna se redresse et cherche sa petite cape en laine qu'elle passe sur ses épaules et un bonnet sur ses cheveux gris. Avec un soupir, elle se lève et prends une bougie qu'elle allume avec un briquet. Elle a l'habitude de ces petites veillées nocturnes, ce n'est pas la première fois qu'un des enfants a du mal à dormir la nuit, surtout ceux qui viennent peine d'arriver dans l'orphelinat. Elle s'approche à pas pesants de la porte qu'elle ouvre. Alors qu'elle parcourt le couloir, elle a la surprise de voir la porte du dortoir grande ouverte.

– Que... Elina, c'est toi ma petite ? Demande la petite vieille dame. Qui...

Arrivée à la porte, elle se fige, la bouche grande ouverte. Plusieurs grandes silhouettes se tiennent dans la chambre au pied des lits, certains des enfants sont à demi-levés, d'autres sont cachés sous leurs couvertures. Les pleurs continuent de retentir, venant d'un bébé qu'une des silhouettes tient dans ses bras. Avant que Nenna ne puisse émettre un son, une main surgit par derrière et couvre sa bouche tandis que le fer froid d'une épée caresse sa peau.

– Thaess'aep, dh'oine, lui murmure son agresseur d'une voix féminine. Je préfèrerais ne pas avoir à te trancher la gorge devant ces petits mais je n'hésiterais pas.

– Madame Nenna, pleure une petite halfeline aux boucles brunes et aux grands yeux noisette.

– Emmène la dans une autre pièce, fait l'une des silhouettes, et fais ça discrètement.

C'est alors que les couvertures de deux lits s'envolent tandis que deux jeunes enfants se précipitent et s'accrochent à la robe de nuit de la directrice.

– Non, font-ils en pleurant, ne lui faites pas de mal.

– Silence, faites silence. Siffle l'inconnu derrière eux.

– On ne tue personne, fait une autre silhouette, deux sabres de chaque côté de ses hanches. C'est la directrice de l'orphelinat, les enfants en ont besoin.

– Des enfants de dh'oines, reprend l'inconnue sans desserrer sa prise. Qui s'en préoccupe ?

– Moi, dit la silhouette, Je connais cette femme, elle prend soin de tous les enfants démunis sans distinction de race. Elle les traite justement et c'est un caractère trop rare parmi les humains pour que tu la tue. Pose ton épée, Elen!

– Pas de noms, grommelle une autre silhouette.

– Elle ne nous dénoncera pas, elle se préoccupe vraiment des petits. Elle nous laissera faire une fois qu'on lui aura expliqué.

L'homme derrière Nenna pousse un juron dans une langue qu'elle ne comprend pas mais qu'elle devine être de l'Ancien Langage. La main sur sa bouche et l'épée disparaissent. La pauvre femme s'agrippe à la poignée de porte pour se ressaisir.

– Merci, souffle-t-elle. Mais qui êtes-vous et que faites-vous ici ?

La silhouette aux épées s'avance vers elle et dévoile son visage à la lueur rougeoyante de la bougie.

– Eminhil, s'exclame-t-elle. Que fais-tu ici avec tous ces... gens ?

– Nous sommes venus chercher les enfants, Madame Nenna, du moins ceux de Races Anciennes.

– Comment ?! Mais vous ne pouvez pas ! Où les emmènerez-vous et pourquoi ?

– Allons, Madame Nenna, vous savez pourquoi, vous avez vu les bûchers. L'Eglise du Feu Eternel s'en prend enfin ouvertement aux non-humains et nous devons fuir la cité, nous tous, enfants compris, avant qu'ils ne décident de nous passer tous à la flamme.

– Ils n'oseront pas... ce ne sont que des enfants...

– Qu'est ce qui les en empêchera ? Pour eux, ces petits ne sont pas des enfants mais de la vermine qu'il faut exterminer. Si vous vous préoccupez vraiment d'eux, laissez-les venir avec nous, c'est le seul moyen de les sauver.

La vieille femme s'affaisse contre la porte.

– Mais... d'accord... mais où les emmènerez-vous ?

– Dans des communautés qui les adopteront. Je vous assure, madame Nenna, qu'ils seront bien traités, même ceux de sang mêlé. Je vous en donne ma parole.

Nenna hoche la tête avant de baisser les yeux vers les deux enfants, toujours accrochés à sa chemise de nuit. L'un d'eux, une petite demie-elfe aux yeux bleus comme du cristal se met à sangloter.

– S'il vous plait, madame Nenna, ne nous laissez pas partir. Je ne ferai plus de cauchemars, c'est promis et j’arrêterai de tirer les cheveux de Natty et...

– Chut, chut, Elina, fait Nenna, en saisissant ses petites mains dans les siennes toutes fripées. Ce n'est pas une punition, il faut que toi et les autres vous partiez pour être en sécurité. C'est dangereux ici, tu te souviens des méchants hommes qui ont emmené Mireille ? C'est pour ça qu'il faut que tu partes, parce que sinon les méchants hommes vont revenir pour te prendre. Mais vous serez en sécurité avec eux. Du moins, je l'espère de tout mon cœur. Achève-t-elle en pensée.

– Mais je ne veux pas, continue Elina en reniflant,

– Moi non plus, je ne veux pas. Mais dans la vie on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Parfois, on fait des choses parce qu'il est nécessaire, plus sûr de les faire. Maintenant mouche ton nez et habille-toi. Et vous là derrière, allez donc me cherchez des toiles dans le placard dans ma chambre. Ces petits vont en avoir besoin. Tane, Mennie, Lucy, Edlinne, Maricin, debout mes chéris. Non, Vagobert, toi tu restes couché. Et vous là, aidez-moi.

Ainsi, les petits non-humains sont levés et habillés, le peu de possessions qu'ils ont, empaquetées dans des baluchons. Le bébé demi-elfe se calme enfin après que le grand elfe qui l'a pris dans ses bras l'a un peu bercé. Une fois les enfants prêts, l'un des elfes se poste à la porte de l'orphelinat et siffle deux fois. Un nain surgit de l'ombre. Les deux échangent discrètement avant que l'elfe se retourne.

– Bon, tout le monde est prêt ? Parfait. Une fois que nous serons dehors, les enfants, ne faites aucun bruit, c'est important qu'on reste bien silencieux, d'accord ? Alors on y va.

– Courage mes petits, prenez soin de vous, fait Nenna en embrassant chacun d'eux comme elle peut.

Les enfants se faufilent à la suite des adultes, une dizaine de demi-elfes, quelques Nains et Halfelins et même un enfant elfe de sang pur. La nuit est claire mais la lune projette des ombres profondes sur les bâtiments de la ville. Des feux et des torches crépitent çà et là surtout dans les autels consacrés au Feu Éternel. Les non-humains se déplacent derrière leur guide nain aussi silencieusement que possible, s'arrêtant dans les ombres chaque fois qu'une patrouille de la Garde ou des Chasseurs de Sorcières passe par là. Se blottissant dans leurs manteaux comme ils le peuvent, les petits suivent sans pleurer ou du moins discrètement. Ils arrivent bientôt près de l'entrée des égouts. Le nain murmure quelque chose et la grille s'ouvre dans un léger grincement. Une fois tout le monde entré, un autre nain referme la grille derrière eux. Le groupe continue sur sa lancée à travers des détritus, de la boue et des immondices à l'odeur révoltante. Ils surgissent à un carrefour plus sec que le reste de l'égout. Là se trouvent déjà des groupes d'Elfes, de Nains et de Halfelins et parmi eux, Surin et Yaevinn.

– Ce sont les derniers ? Demande Carlo Varese en faisant tournoyer un surin autour de sa main. On peut y aller ?

– Y en a qu’on n’a pas pu convaincre de venir, chef. Ils ne nous font pas confiance et ils ne nous croient pas.

– Eh bien, tant pis pour les trainards, on a plus le temps. Tout le monde, suivez Verdin ci-présent et en silence. Nous ne sommes pas encore sortis de la cité. Et gardez l’œil ouvert.

Un nain aux cheveux blonds, une rareté, prend la tête de la caravane et le groupe marche à sa suite, s'enfonçant plus profondément dans les entrailles de la terre. Chacun a un air sinistre et l'air semble lourd comme une chape de plomb. Alors qu'ils longent une plateforme, la vase se met soudainement à bouillonner et une horrible figure en sort. On dirait une personne mais avec de grands yeux pâles, la peau bleutée comme un cadavre noyé. Ses lèvres violettes s'ouvrent sur des dents pointues et une crête s'étend le long de son dos.

– NOYEURS ! S'écrie Verdin en brandissant une hache.

Effrayés, les civils se collent contre la paroi tandis que les Nains de Surin se précipitent, hache en avant. Verdin balance sa hache qui se loge dans le bassin du monstre, entamant à peine sa chair. Le monstre ne fléchit même pas et se contente de griffer le visage du Nain. Il n'a pas le temps de recommencer avant d'être submergé par des Nains, s'abattant sur la bête comme des bûcherons sur un tronc trop dur. Alors qu'il ne ressemble plus qu'à un tas de viandes mal découpés, le Noyeur rend enfin son dernier souffle. Un cri retentit à l'arrière du groupe, une jeune demi-elfe lutte contre un autre monstre qui s'est agrippé à ses jupes. Yaevinn, qui était resté en arrière, brandit aussitôt ses épées et attaque la main du Noyeur. Sa lame tranche la chair mais ne parvient pas à trancher l'os. Le monstre pousse un cri furieux et se ramasse pour bondir. Vif comme l'éclair, L'elfe lui enfonce son sabre dans l'oeil avant d’enchainer avec une série d'attaques rapides. Le noyeur, souffrant de nombreuses entailles, se réfugie enfin sous l'eau dans un cri de frustration. Mais déjà, d'autres cris résonnent dans les couloirs.

– Vite, d'autres arrivent, crie Surin, accélérez ou vous serez laissés derrière.

Aussitôt le groupe s'élance à corps perdu, affolés. Yaevinn formant l'arrière-garde. Alors qu'ils se précipitent à travers la fange, les cris derrière eux résonnent de plus en plus fort, de plus en plus distincts. Les petits ont du mal à tenir l'allure et plusieurs trébuchent. Certains sont attrapés par des adultes et portés tandis que Yaevinn remet les autres sur pieds.

– La sortie, là, la sortie, crie quelqu'un à l'avant.

Tout le monde s’engouffre dans l'ouverture alors qu'un noyeur surgit, tentant de saisir quelqu'un. Yaevinn sabre la créature jusqu'à ce qu'elle se retire mais d'autres apparaissent. D'un bond, l'elfe s'élance vers la sortie juste à temps. Les sbires de Surin referment la grille derrière lui, enfermant les monstres. Les non-humains s'arrêtent un moment, respirant bruyamment, certains assis, d'autres pliés en deux.

– Ce n'est pas le moment de reprendre son souffle, dit Surin, relevez vous. Le bruit a surement alerté quelqu'un et on ferait mieux de bouger avant que quelqu'un avertisse ces fils de chiens de Chasseurs de Sorcières.

Des râles se font entendre mais tout le monde se remet sur ses pieds avant d'emboiter le pas au chef des nains. Le groupe traverse les faubourgs sous les remparts de Novigrad. Dans la nuit, le vent se fait à peine sentir et alors qu'ils approchent de la campagne, des bruits se font entendre, une hulotte pousse son ululement, les branches craquent dans les arbres et les murmures des animaux nocturnes invisibles. Les petits, apeurés, resserrent leurs poignes autour des bras des adultes, du moins, de ceux qu'ils osent approcher.

– Halte, qui va là ? Crie soudainement une voix. Au nom du Feu Éternel, arrêtez-vous.

Le groupe fait un bond et se retourne presque comme un seul homme. Derrière eux, portant des torches, se trouvent quatre hommes avec de long manteaux et larges chapeaux dans lesquels sont piqués des plumes. Des Chasseurs de Sorcières.

– Qu'est-ce que... fait l'un d'eux aux grands yeux et au nez aquilin. Qu'est-ce que vous faites tous dehors en pleine nuit, vermines ? Pressés de rejoindre les Écureuils dans les bois, hein ?! On dirait qu'on a un beau paquet de traitres ici. Wilfried, Marc...

Quel ordre il voulait donner, nul ne le sut jamais. Un tang se fit entendre et le chasseur de sorcière fut projeté violemment en arrière, un carreau entre les deux yeux. Le nain qui avait tiré, se met à recharger son arbalète tandis que ses confrères saisissent aussi leurs armes de jet et tirent sur les chasseurs. L'un des humains s'effondre, percé de plusieurs carreaux d'arbalètes tandis que les deux autres prennent la fuite en direction de la ville.

– Ne les laissez pas donner l'alarme, crie Surin.

Une autre volée de carreaux surgit touchant les deux hommes. L'un d'eux tombe à terre tandis que l'autre, juste blessé, se met à slalomer entre les maisons et disparais.

– Duvelshess, jure Surin, Il va donner l'alerte, vite, bande d'idiots, foncer dans la forêt.

Ainsi, ils se mettent tous à courir à travers la campagne jusqu'aux bois les plus proches. Derrière eux, la ville s'anime et des clameurs se font entendre. Alors qu'ils atteignent le bois, la rumeur d'une cavalcade se fait entendre.

À l'orée de la forêt, Yaevinn émet plusieurs pépiements d'oiseaux. De la cime des arbres lui parvient une réponse.

– Courez, crie-t-il, jusqu'aux ruines, suivait les nains. Nous allons vous couvrir.

Des cavaliers surgissent déjà des faubourgs, gagnant rapidement du terrain. Alors que la foule se précipite à travers bois, des sifflements retentissent depuis la canopée de la forêt. Des cavaliers et des chevaux s'effondrent au sol provoquant la confusion parmi leurs compagnons. Yaevinn s’attarde pour surveiller le repli. Ça va mal, pense-t-il, ils sont en train de se disperser.

– Vernossiel, appelle t'il

Une elfe menue au visage tatoué se laisse souplement tomber de branches en branches avant d’atterrir près de Yaevinn.

– Garde les chasseurs à l'écart aussi longtemps que tu pourras. Envoie un message à Iorweth, il doit ratisser la forêt à la recherche de trainards, nous ne laisserons personnes derrière. Vite.

Au-dessus d'eux, les flèches continuent de siffler, tirer par des archers invisibles. Plusieurs chasseurs de sorcières gisent dans la boue, le corps transpercé de dards mais d'autres continuent d'arriver. Certains cavaliers, munis d'arbalètes et d'arcs se mettent à riposter en visant le sommet des arbres. Mais l'obscurité de la nuit et la frondaison rend leurs tirs difficiles. Les elfes ne souffrent pas de tel difficultés car leurs ennemis portent des torches. Yaevinn s'élance dans les bois, cherchant les traces de ceux qui se détournent du bon chemin. Ces traces vont vers le sud-est, se dit-il, Il faut que je les rattrape, vite. Il franchit agilement les fourrés sans briser une seule branche sur son passage. Des cris et des hennissements résonnent derrière lui mais il ne se retourne pas. Vernossiel nous fera gagner le temps dont on a besoin. La lune se déplace dans le firmament alors qu'il continue de suivre les traces dans les profondeurs du bois. Finalement, il arrive à une petite clairière baignée de lumière argentée. Au centre, sur une petite butte couverte de fleurs sauvages se trouve un groupe de nains et d'halfelins complétement égarés. À d'autres moments, Yaevinn serait en admiration devant la beauté du lieu mais là, il n'avait simplement pas le temps.

– Caemm, crie-t-il, vous vous êtes égarés. Suivez-moi, je vais vous emmener là où vous devez aller.

Le groupe lui emboite aussitôt le pas vers le bois. Yaevinn ralentit consciemment le pas, sachant que les nains et halfelins ne pourront pas suivre son rythme à travers une zone boisée. De loin, il entend la clameur d'une bataille pendant qu'ils progressent lentement, trop lentement. Enfin, ils atteignent leur destination : Les restes d'un palais elfique, entouré de grands arbres anciens. Une foule nombreuse de non-humains s'y trouve déjà, des elfes, des nains et des halfelins mais aussi, plus rares, des gnomes, des marmottins et des vrans. Beaucoup regardent avec appréhension les sous-bois obscurs, piétinant sur place, apeurés. Après s'être assuré que son groupe est bien arrivé, Yaevinn traverse la foule avant de gravir les escaliers brisés qui mènent à un hall. Plusieurs Scoia'taels habillés de vert surveillent les alentours, arcs et arbalètes prêtes. Au fond du hall se trouve une alcôve ornée d'une pierre étincelante à son sommet. Devant se trouve Isengrimm Faoltirna, plusieurs mages et Calened le Sage.

– Il faut faire vite, dit Yaevinn en guise de salutations. Les Dh'oines nous ont trouvés. Vernossiel les retient mais ils finiront par passer. Commencez le transfert maintenant !

– Je vais faire au mieux, fait Calened, en triturant son pendentif. Mais je ne peux pas brusquer les choses si on veut que tout se passe bien.

– Faites comme vous pouvez mais faites-le vite avant que les Dh'oines n'atteignent le palais. Isengrim, rassemblons nos commandos et allons prêter main forte à Vernossiel. Mages, venez avec nous.

– Non, j'ai besoin des mages. Lancer un tel rituel ne se fait pas sans conséquences. Nous allons attirer l'attention de sinistres entités. Je parle de spectres, j'ai besoin des mages et des commandos d’Isengrim ici pour nous protéger.

– Bloede, jure Yaevinn, très bien, je vais rassembler les miens et tenir tête aux dh'oines aussi longtemps que possible.

– Bien, fait Calened alors que Yaevinn sort. Je vais commencer le rituel.

Le Sage se met à faire de grands gestes doux comme s’il se trouve sous l'eau tout en psalmodiant un long chant. La pierre commence doucement à s'illuminer de plus en plus intensément. Dans un crac tonitruant s'ouvre un tourbillon dont le centre donne sur le néant.

– Bon, j'ai réussi à réorienter le portail et l'ai calibré sur Dol Blathanna. Il faut commencer l'exode maintenant avant que les chasseurs de sorcières n'arrivent ou pire...

Un hurlement lugubre retentit, une lamentation inhumaine suivie de cris bien plus humains. Calened, Isengrim et les mages se précipitent vers l'entrée du palais avant de stopper net. Là-bas, près de la forêt se tient un être humanoïde mais dont les pieds ne touchent pas le sol. Son visage est caché par un capuchon, il porte une tunique déchirée et dans sa main une lampe qui projette une lumière spectrale. Sa silhouette a quelque chose de peu naturel, d'immatériel. En revanche, l'épée rouillée qu'il tient dans son autre main semble très réelle.

– Mor'wer, crie Isengrim, des spectres !

Un vent de panique traverse la foule de non-humains qui s'écartent comme ils peuvent de l'apparition. D'autres spectres émergent à la suite du premier, illuminant la clairière de leur lueur fantomatique. Les Scoia'tael encore présents se tiennent entre la foule et les monstres, hésitant à s'engager.

– Aenyecirran crie Calened. De ses mains jointes surgit une lance de feu qui transperce le premier spectre qui se dissipe dans un cri dans une panache verte.

– Scoia'taels, aespar ! Crie Isengrim en saisissant son arc, tirez ! Les flèches d'argent !

Se secouant, les archers Scoia'taels saisissent leurs flèches spéciales à la pointe en argent, préparées soigneusement pour ce moment. Chacun en avait au moins trois dans un petit carquois sur la hanche. Une volée scintillante jaillit et les spectres touchés à la tête ou au cœur se dissipent. Mais de nouveaux apparaissent aussitôt.

– Au portail ! hurle Calened. Il faut évacuer tout le monde, vite.

La foule se précipite à travers le hall guidé par les mages avant de s'engouffrer dans le vide. Pendant ce temps, la Scoia'tael, soutenue par quelques sorciers, bataille ferme contre les spectres.

– Vite, crie l'un des mages, un homme elfe avec de amples robes, créons une barrière autour des ruines.

– Impossible, répond Calened en projetant une autre boule de feu sur un groupe de spectres, Il y a plusieurs commandos Scoia'taels dans la forêt, ils seront piégés à l'extérieur.

– Que quelqu'un envoie un message télépathique aux Scoia'taels, reprend un autre sorcier, qu'ils se replient ici immédiatement.

Devant le palais, les Scoia'taels luttent comme ils peuvent contre les spectres, leurs flèches d'argents épuisées. La foule continue à courir vers le portail. Seulement un tier est passé, constate Calened avec consternation. Combien de temps allons-nous pouvoir encore tenir ? Plusieurs elfes harcèlent un groupe de spectres, attirant leur attention et attaquant quand ils regardent ailleurs. Un nain est projeté violemment en arrière par un fantôme tandis qu'un mage Vran fait tomber la foudre sur une autre apparition. Depuis l'entrée, les archers continuent de tirer avec peu de résultats, les fantômes semblent insensibles aux blessures infligées par des flèches normales.

– Il n'arrête pas d'en venir, crie Isengrim en encochant à nouveau une flèche, il faut se replier. Où sont Yaevinn et Iorveth ?

– Il faut encore tenir, répond Calened, tout le monde n'est pas passé, il reste encore des gens à évacuer.

Un sorcier marmottin se met à incanter, une énergie blanche s'assemble entre ses mains tandis que la zone s'assombrit comme si toute la lumière était aspirée en un globe. Sur une note finale stridente, il relâche l'énergie qui se répand en filament et brûle les spectres qui entrent en contact avec elle. Les fantômes sont repoussés loin de la foule qui continue de se réfugier dans le palais. Les mages parviennent tant bien que mal à contrôler l'effet de panique de la foule. Les apparitions, de moins en moins nombreuses, faiblissent sous les sorts des mages et se dissipent. Bientôt les derniers d'entre eux sont vaincus par des sorts et la place retrouve son calme.

– C'est le dernier, je pense, fait Calened alors que l'ultime spectre disparait dans un cri d'outre-tombe. Qu'en est-il de nous ? A-t-on des pertes ?

– Huit scoia'taels sont tombés, siffle un mage qui se tient les côtes comme si elles risquaient de s'échapper. Aucune perte parmi les nôtres. Deux civils sont morts et plusieurs ont été blessés dans la panique.

– Vous là, crie Isengrim à un groupe terrifié, prenez les morts avec vous à travers le portail. Qui parmi vous sait soigner ? Poursuit il en se tournant vers les mages. Quelques uns, levèrent une main tremblante. Très bien, mettez-vous-y alors. Que l'on envoie un message aux commandos dans la forêt, dites-leur de se replier. Vite, il pourrait y avoir d'autres monstres.

Les réfugiés obéirent un peu hésitant et chargent les cadavres sur leur dos ou entre eux avant de s'engouffrer dans le hall. Une elfe avec une robe de gaze flottant légèrement autour d'elle va s'occuper des blessés les plus graves tandis que ceux qui peuvent marcher se replient vers le portail.

– J'ai envoyé le message, fait le mage Bobolak en fronçant son petit museau. Les commandos perdent du terrain face aux humains, ils vont se replier immédiatement ici.

– Bien, dit Calened. Restez en alerte, il se pourrait que d'autres spectres se manifestent.

Les mages et les Scoia'taels encore disponibles se mettent à scruter le bois, la poigne serrée sur leurs armes, les yeux allant anxieusement d'un point à un autre. Derrière eux, les derniers réfugiés disparaissent dans le palais en ruine. Avant longtemps, des silhouettes se dessinent entre les arbres. Les Scoia'taels lèvent vivement leurs armes mais les reposent avec soulagement quand ils voient qu'il s'agit des leurs. Les nouveaux arrivants se trainent jusqu'à leurs amis, portant plusieurs blessés. Parmi eux se trouve un elfe dont la moitié du visage est cachée par un bandana rouge.

– Iorweth, salue Calened, quelles nouvelles ?

– Mauvaises, nous parvenons à les ralentir mais pas à les arrêter. Plusieurs troupes de la Garde du Temple ont rejoint l'assaut et maintenant pour chaque Dh'oine qu'on tue, un autre le remplace. Ces fanatiques ne se préoccupent même pas de leurs morts. Ils seront là bientôt. Yaevinn et Vernossiel forment l'arrière garde et tentent de les ralentir.

– Très bien, passez le portail avec les autres, nous nous chargerons du reste.

– Je resterai là jusqu'à ce que les derniers passent.

Calened hoche la tête et Iorweth prend place à ses côtés. Les Scoia'taels commencent à évacuer les blessés et à franchir le portail. Les commandos continuent d'arriver, nombreux d'abords puis par petit groupes. Un groupe plus important surgit à toute vitesse, conduit par Yaevinn et Vernossiel.

– J'espère que tout le monde est passé, fait cette dernière en désignant les arbres d'où ils sortaient. Parce que on ne peut plus attendre. Les humains sont tout proches, ils seront là dans quelques minutes.

– Oui, nous avons fait ce que nous pouvions. Conclut Calened. Tout le monde, au portail, vite.

Les Scoia'taels et les mages se précipitent jusqu'au portail. Calened attend que tout le monde soit passé avant de le franchir. Derrière lui, des hennissements et des cris se font entendre alors que les humains déboulent dans la clairière. Une fois en Dol Blathanna, le Sage se retourne et se met à incanter. Le cristal sur l'alcôve crépite avant de s'éteindre, fermant le portail.

Calened regarde derrière lui, contemplant la vaste foule de non-humains de diverses races, produisant un brouhaha des plus sonores. L'elfe roux hoche la tête. Et ainsi notre futur prend forme. Ne reste plus qu'à le préserver.

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