Mon aventure avec le Sorceleur

Chapitre 13 : Excursion en ville

2203 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/02/2021 22:21

Chapitre 13 : excursion en ville


Nous voyageâmes plusieurs heures ainsi, lui gérant la route, moi dormant par à-coups contre lui. Le soir était en train de tomber quand nous arrivâmes sur une route de meilleure qualité. Nous aurions pu chercher un intinéraire moins passant mais nous étions, a priori, suffisamment loin des lieux où nous étions recherchés pour prendre le risque de regagner la civilisation. Ce serait d'ailleurs l'occasion de refaire le plein de vivres et d'acheter un peu d'équipement. 


Suffisamment requinquée, je quittai Ablette au profit d'Orage ce qui nous permis d'accélérer très légèrement l'allure. Nos juments étaient harassées. Il allait être nécessaire que nous leur laissions quelques heures de sommeil. 


Nous nous arrêtâmes donc à la nuit tombée, bivoiquant une nuit de plus à la fraîche, à quelques dizaines de mètres en retrait de la route. Geralt nous offrir le luxe d'un feu tandis que je m'éloignai dans la campagne dans l'espoir de chasser un lapin pour le dîner. J'en avais justement apperçu plusieurs le long des chemins quand nous étions à cheval. 


J'en repérai tout un groupe en train de déguster les jeunes pousses et de batifoler. C'était de beaux lapins de garenne a la fourrure marron et aux oreilles ourlées de noir. Je voyais remuer leurs petits nez et frémir leurs moustaches. Des jeunes jouaient, se poursuivant, sautant et roulant dans une joyeuse pagaille tandis que les adultes étaient occupés à se nourrir. 


Je m'étais mise à couvert de façon à ce que le vent souffle en ma direction pour éviter de trahir ma position. Je les observai un long moment avant de me décider enfin à bander mon arc. Une part de moi avait des scrupules à ôter une vie mais nous avions cruellement besoin d'un repas nourrissant.


Les pieds bien ancrés dans le sol, je tendis la corde vers ma joue en bloquant ma respiration, puis lâchai la corde entre deux battements de mon coeur. Le mouvement fut rendu légèrement moins fluide par mes bandages mais la flèche fila droit en sifflant. Malheureusement pour elle, ma proie bougea au dernier moment, trop tard pour échapper à la flèche qui lui brisa les reins sans la tuer. 


Je pris dans mes mains le lapin à demi paralysé. Il se débattait, agitant des pattes avant et tentant de me mordre. Son corps était chaud, sa fourrure douce et je sentais son petit coeur affolé battre contre mes mains. C'est en lui demandant pardon et en le remerciant pour son sacrifice, des larmes silencieuses coulant sur mes joues, que je lui brisai la nuque.


Quand je revins, un bon feu flambait. Geralt avait monté une broche de fortune entre deux branches fourchues. Il ne restait plus qu'à apprêter la viande. Je lui laissai le soin de dépecer et vider l'animal. Il le fit avec une dextérité et une rapidité qui en disait long sur son expérience. Il emplit alors la carcasse d'herbes aromatiques et mit à cuire notre dîner. 


Rapidement un délicieux fumé s'éleva et j'en eus l'eau à la bouche. Mon estomac se mit à grogner, me rappelant combien j'avais faim. J'eus presque envie de chiper un morceau de viande avant même qu'elle ne soit cuite. Heureusement Geralt veillait, très occupé à s'assurer d'une cuisson la plus homogène possible et il émit un son réprobateur quand je fis mine de m'approcher. Je n'insistai pas, rongeant mon frein en attendant que ce soit prêt.


Enfin c'était cuit. J'étais tellement pressée que je mordis dans mon morceau en me brûlant les doigts et la langue, une vraie sauvageonne ! Intérieurement je remerciai encore l'animal de nous procurer chaleur et énergie par sa chair. Nous fîmes honneur à son sacrifice en n'en laissant pas une miette, suçant soigneusement le moindre petit os avant d'ensevelir les restes pour éviter d'attirer des charognards. C'est donc bien repus et à la chaleur du feu que nous nous endormîmes d'un sommeil réparateur.


***


Nous nous reveillâmes au petit jour, les dernières braises de notre feu étaient en train de s'éteindre. Sur la route, nous apperçûmes un chariot plein, tiré par un cheval, d'autres suivaient ainsi que des personnes à pied ou à cheval et même d'autres poussant ou tirant des charrettes à bras tout aussi garnies que les chariots. Il devait y avoir un marché à quelques lieues de là. 


Le temps de remballer nos affaires et d'étouffer les braises restantes et nous nous joignions au cortège de manants et de marchands de plus en plus nombreux. Nous marchions au pas l'un derrière l'autre sur le bord de la route, contraints de suivre le rythme imposé par l'attroupement. Par mesure de précaution, nous avions remis nos lourdes capes de laine, dissimulant nos chevelures et nos visages sous les capuches. 


Nous fûmes bientôt en vue de la bourgade. C'était une petite ville fortifiée, entourée de palissades. Des gardes contrôlaient distraitement les entrées qui se faisaient par une grande porte cochère. Nous patientâmes longuement avant de pouvoir enfin entrer. Les gardes ne nous accordèrent pas la moindre attention ce qui nous arrangea. Nous laissâmes nos juments à l'écurie, payant pour des soins complets et une bonne ration d'avoine. Elles avaient besoin de récupérer.


Un brouhaha indescriptible régnait dans la ville : les marchands criaient, interpellant le chaland, les animaux poussaient toutes sortes de cris depuis les attaches ou les cages, la foule était compacte et bruyante. Les odeurs de nourriture, de plantes aromatiques et d'épices étaient désagréablement mêlées aux déjections et autres relents humains et animaux. Geralt ouvrait la voie, sa stature lui valait un respect instinctif. J'étais pour ma part noyée dans la foule, mon regard se heurtant aux corps des personnes m'entourant. J'eus presque envie de lui demander de me hisser sur ses épaules mais j'avais ma fierté.


En avançant vers la place, la foule commença à se répartir de manière plus confortable et j'eus enfin une vue plus concrète sur mon environnement. Je pu alors admirer l'architecture des bâtiments, leur disposition, la manière dont certains balcons et devantures étaient ornementés et fleuris. Les étals étaient maintenant visibles et accessibles. Il y en avait de toutes sortes : animaux vivants, aliments crus, petite restauration, vêtements, bijoux, accessoires, soins et amulettes, armes et autres équipements… C'est vers l'un de ces derniers que nous nous dirigeâmes à la recherche d'un brassard et d'un gant d'archer adaptés à ma morphologie. C'était peine perdue : tout était systématiquement trop long ou trop large. Il était nécessaire de faire appel à un artisan et cela allait forcément être plus long et plus coûteux. 


Nous finîmes par dénicher un atelier qui ne payait pas de mine dans une des ruelles adjacentes à la place. Une forte odeur de cuir et de tannerie nous avait guidés. L'homme, passablement âgé et voûté semblait travailler seul. Il nous accueillit avec un sourire et un regard franc, ne semblant nullement intimidé par la présence du Sorceleur. Avisant mon arc et mes bandages il anticipa notre demande sans que nous eûmes le besoin de dire quoi que ce fut. Geralt négocia âprement le prix et une fois l'accord conclu, serra la main de l'homme pour le sceller. L'artisan pris mes mesures et se mit aussitôt au travail, choisissant avec soin une pièce de cuir solide. Il nous avait indiqué en avoir pour plusieurs heures. Nous décidâmes donc de nous rendre dans une taverne pour ne revenir qu'en début d'après-midi. 


La taverne était bondée. Je me réjouissais de boire autre chose que de l'eau. Il fallut jouer des coudes pour trouver deux places au comptoir, toutes les tables étant complètes. Le barman posa la bière devant moi. La chope débordante de mousse fit résonner le comptoir de bois. La chope était lourde, je la portai avec délice à mes lèvres pour déguster une première gorgée de la boisson fraîche et pétillante qui me laissa une agréable sensation d'amertume en arrière bouche. Geralt commanda de quoi manger : il savait comme moi que je ne tenais pas l'alcool donc mieux valait éponger un minimum.


J'étais en train de me régaler de petits soufflets au fromage quand l'atmosphère changea brusquement. Un bruit de bagarre résonna, le silence se fit. On entendit le bruit d'un instrument à cordes jeté au sol suivi d'une protestation outrée.


-Mon luth! N'avez-vous donc aucun savoir vivre?!

-Crois-moi, dans un instant ton luth sera le dernier de tes soucis ! Je t'ai vu poser la main sur ma fille ! Je vais te briser chacun de tes doigts le ménestrieux!


Geralt s'était levé en entendant la voix du musicien, il secouait la tête d'un air désespéré, grommelant entre ses dents :


-Jaskier! Dans quoi tu t'es encore fourré?!


Je le suivis dehors. Les badauds s'étaient attroupés autour de deux hommes. Le plus ventru des deux tenait le plus jeune, coiffé d'un petit chapeau orné d'une plume, par le col. Ce dernier, qui n'en menait pas large, répondit d'une voix blanche mais sonore :


-Vous n'oseriez pas, Monsieur, mutiler ainsi en public un humble musicien?! Comment gagnerai-je alors ma vie ?

-Il fallait y réfléchir avant de poser tes sales pattes sur ma fille !

-Qu'y puis-je si je suis tombé sous le charme d'un si joli bouton de rose? J'ai envers votre fille les plus délicates et chastes intentions, clamat le barde.


La fille en question, très jolie au demeurant, était légèrement en retrait et passablement rosissante sous les compliments de l'homme. Quelque soit le geste qu'il avait eut à son égard, elle en semblait plutôt flattée. Le père néanmoins apparaissait difficilement raisonnable. Il venait de saisir une des mains du musicien, qui se débattait comme il pouvait, dans le but affiché de mettre sa menace à exécution. C'est là que Geralt intervint. Sa voix grave et rauque trancha le silence de la scène.


-Lâchez cet homme où c'est à moi que vous aurez affaires.


L'homme jeta un rapide coup d'œil à Geralt tandis que le barde se mit à sourire niaisement :


-Content de te voir Geralt ! Toujours au bon endroit au bon moment !

-Jaskier, ferme-la. Monsieur, je vous invite une nouvelle fois à lâcher cet homme. Il doit bien être possible de résoudre le problème de manière civilisée, non?


L'homme jeta un nouveau coup d'œil à Geralt et cracha par terre.


-Je négocie pas avec les mutants. 


De mon côté j'avais pris un peu de hauteur pour mieux voir la scène. J'avais pour cela escaladé une charrette pleine de foin et campée là-haut il me vint l'inspiration probablement stupide de sortir mon arc. Voir le célèbre Jaskier, dont j'adorais les ballades, risquer d'être estropié m'était assez insuportable et voir le mépris de cet homme envers Geralt me fit monter de l'agacement. Je laissai donc entendre ma voix :


-Allons, allons, soyons raisonnables, vous êtes entourés d'un tas de témoins, vous n'allait quand-même pas maltraiter un barde aussi célèbre devant tout ce monde, si? Vous ne négociez pas avec les mutants, soit, peut-être négociez vous avec les femmes? Relâchez cet homme. 


L'homme eut un rire à la fois moqueur et sadique, ne semblant pas le moins du monde prendre la menace de mon arc en considération. Il se tourna à nouveau menaçant vers Jaskier mais je ne lui laissai pas le loisir de passer à l'acte : bandant mon arc je visai le sol entre les pieds de l'homme. Le son que fit la flèche en se fichant dans la terre battue le saisit. L'homme sembla enfin prend conscience des enjeux. Il rajusta les vêtements de Jaskier et partit d'un coup, entraînant brutalement sa fille par le bras après nous avoir gratifié Jaskier, Geralt et moi d'un regard de haine pure. Nous allions devoir nous méfier, j'étais certaine qu'il essaierait de se venger. 


Jaskier ramassa son luth, en examina rapidement l'état avant de se réfugier du côté de Geralt. La foule, déçue qu'il n'y ait pas plus d'action, se dispersa. Je descendis de mon perchoir pour les rejoindre. Geralt n'eut pas le temps de faire les présentations : dès qu'il me vit, Jaskier se confondit en courbettes, remerciements et louanges tout en me baisant les mains. Rougissante, je gloussai à la fois embarrassée et séduite par son attitude. Geralt intervint alors que la situation perdurait sans que je sache quoi faire :


-Jaskier! Tu as finis oui? Allons boire une bière, c'est toi qui nous invite.


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