Mon aventure avec le Sorceleur

Chapitre 12 : De nouveau seuls sur les routes

3968 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/05/2020 12:25

Chapitre 12 : de nouveau seuls sur les routes.


Nous nous éveillâmes quelques heures après le lever du soleil. La légèreté de la veille avait laissé place à une certaine morosité en prévision de notre séparation prochaine. Avec ce qu'elle m'avait confié en chemin, quelque chose me disait qu'il allait être particulièrement douloureux pour Triss de voir partir Geralt. Moi-même j'avais un pincement au cœur en me disant que je n'aurais peut-être jamais plus la chance de la côtoyer. J'avais vraiment apprécié tout ce que nous avions partagé et ce qu'elle m'avait fait découvrir. Je la considérais comme une amie. J'avais trouvé auprès d'elle un espace de confiance et de partage. Elle s'était avérée une confidente avisée et bienveillante. Je lui savais gré de ce qu'elle m'avait enseigné sur son art. Quelque part elle m'apparaissait un peu comme la soeur que je n'avais jamais eu.


Nous avions pris un copieux petit déjeuner en compagnie de la bande de nains. Eux aussi allaient me manquer, leur nature joviale, leur spontanéité sans façon. Ils avaient été prévenants avec moi, déviant largement de leur route pour me permettre d'avancer vers mon objectif. Je les remerciai chaleureusement pour tout cela et Gurdil parla au nom du groupe la voix un peu nouée :


- Tout l'honneur a été pour nous Gaëlliane, Geralt, Triss. Puissiez-vous atteindre vos buts respectifs et goûter à la joie et la paix. 


Geralt prit le temps de serrer chaque main et de serrer plus que de raison Gurdil dans ses bras. Ce dernier essuya une larme puis carra les épaules en lançant le signal de départ de son groupe.


- Puissent nos chemins se recroiser, Sorceleur. Tu pourras toujours compter sur notre amitié si le besoin se fait sentir.

- Et vous sur la mienne.


Nous les regardâmes repartir vers Manhakam. Restaient les adieux avec Triss qui se devait de revenir à Wizima au plus tôt. Elle avait déjà trop longtemps délaissé sa mission auprès de Foltest. Geralt se montra assez tendre mais distant. Je pris Triss dans mes bras, la remerciant une fois de plus pour son aide et ses soins. Elle peinait à cacher sa peine. Je crus même que, contrairement à la réputation des magiciennes, elle allait pleurer. Je lui murmurai à l'oreille des voeux de bonheur et d'oubli de cet amour impossible ainsi que celui d'avoir la chance de la revoir, de lui présenter ma famille. 


Je fus surprise et touchée quand elle sortit de sa poche un magnifique pendentif sur une solide chaîne en argent. Il s'agissait d'une superbe labradorite sombre avec de splendides reflets bleus, verts et dorés. La pierre avait été soigneusement travaillée pour lui donner la forme d'un trèfle à quatre feuilles dont les contours avaient été rehaussés d'argent.


- C'est une amulette qui m'a été confiée il y a de nombreuses années. Je me suis toujours demandé à qui elle était destinée. Maintenant je sais. Elle te protégera, ajouta-t-elle en me la passant au cou. 


La pierre se nicha confortablement juste au dessus de la naissance de mes seins, m'apportant instantanément une vague de bien-être. Elle semblait irradier une douce chaleur bienfaisante. Je remercai Triss avec émotion, la serrant dans mes bras une dernière fois avant qu'elle ne parte. J'eus une grande vague de tristesse en la voyant s'éloigner. Je laissai échapper un gros soupir. Il était temps pour nous de reprendre la route. 


La joyeuse agitation des derniers jours avait laissé place au silence. Il allait me falloir un peu de temps pour m'y réhabituer. C'est Orage qui me redonna un peu d'entrain : elle avait henni joyeusement quand j'avais été la chercher et je la voyais piaffer d'impatience. Elle avait été contrainte de suivre le chariot pendant des jours et semblait visiblement pressée de s'élancer, de goûter la vitesse. Ablette était apparemment sur la même longueur d'onde. Toutes nos affaires étaient prêtes, je sentais mon arc dans mon dos, l'énergie d'Orage sous ma selle, j'avais retrouvé ma santé physique et psychique, j'étais prête à repartir. 


Un regard complice avec Geralt et nous laissâmes nos montures prendre le galop. En équilibre sur mes étriers, faisant corps avec elle, je sentis Orage tendre l'encolure, allongeant son galop de telle façon qu'elle me donnait l'impression de voler. Ablette suivait à une allure à peine moins rapide. Un cri de joie s'échappa de mes lèvres, je me sentais libre, grisée par la vitesse et le vent sur mon visage enfoui dans la crinière de ma jument. Le cri de Geralt fit écho au mien. Il faisait beau et doux, tout verdoyait et fleurissait autour de nous, des oiseaux s'envolaient à notre passage, nous accompagnant un moment en piaillant. Nous profitions pleinement de l'instant présent. 


Nous laissâmes les juments se défouler un petit moment avant de les ramener à une allure plus raisonnable, trottant sur le chemin. La journée passa vite et sans heurts. Le midi nous avions fait halte aux abords d'un petit bois tranquille le temps de prendre un petit repas. 


J'en avais profité pour m'entraîner un peu au tir à l'arc que je n'avais plus pratiqué depuis mon agression. Mes épaules restaient sensibles mais j'avais retrouvé ma tonicité et ma précision s'améliorait de plus en plus. Geralt en profita pour prendre soin de ses lames et répéter ses mouvements d'attaque et de parade. 


Nous avions repris la route peu après, choisissant à présent une allure plus tranquille. Le soir venu, nous bivoiquâmes un peu à l'écart du chemin, là où la végétation nous offrait un peu d'intimité. Une nuit de plus à nous réchauffer mutuellement. Geralt était toujours tendre et attentionné dans les moments d'intimité. Lui comme moi savions que notre "relation" n'était pas destinée à durer. Nos coeurs appartenaient à d'autres. Il criait d'ailleurs souvent son nom dans son sommeil.


C'est justement son cri rauque et désespéré qui nous réveilla ce matin-là. Il avait l'air bouleversé en ouvrant les yeux, me serrant convulsivement dans ses bras avant de me lâcher en constatant que je n'étais pas Yennefer. Je posai une main sur son épaule : 


- Un cauchemar ?

- Je l'espère...


Il n'en dit pas plus, se levant et sortant son glaive pour s'entraîner. Certainement une tentative de se détourner de ce qu'il avait vu et ressenti. Après l'avoir regardé quelques minutes, admirant une fois de plus son corps en mouvement, je pris le parti de nous préparer un petit déjeuner.


Le soleil commençait tout juste à se lever et le ciel était encore tout parsemé d'étoiles. J'observais les constellations au dessus de ma tête, regrettant de ne pas mieux les connaître. Le ciel était en train de s'éclaircir à l'horizon, offrant toute une gamme de bleus du plus clair au plus sombre. Bientôt le ciel vira au rose et le soleil encore tout rouge de sommeil pointa le bout de son nez, éveillant la nature alentours. 


Un oiseau de nuit vola en silence au dessus de Geralt, se dirigeant probablement vers son perchoir pour y passer la journée. Les chauves-souris et les hirondelles pourchassaient les moustiques qui nous avaient harcelés toute la nuit, piquant le peu de peau apparente. Je me mis en quête de plantin pour calmer les démangeaisons et d'autres plantes médicinales pour servir de répulsif. Nous nous rapprochions d'une zone marécageuse et tout laissait présager que les moustiques nous tiendraient compagnie encore un moment.


Geralt avait fini son entraînement. Il semblait avoir retrouvé son impassibilité habituelle. Il mangea ce que j'avais préparé avec un grognement appréciateur et consenti à ce que je traite ses piqûres même si cela lui semblait ridicule d'y accorder la moindre importance. 


Nous reprîmes la route sous un ciel couvert. Les moustiques continuaient de nous harceler ainsi que les juments qui frémissaient sans cesse, agitant leurs muscles peaucier pour chasser les indésirables, secouant leurs encolures et fouettant leurs flancs, et accessoirement nos jambes de leurs queues. C'était assez désagréable comme sensations. 


Je me désespérai de trouver de la citronnelle quand j'en apperçus à une cinquantaine de mètres du chemin : des touffes de belle taille dans les marais. Je mis pied à terre, confiant les rênes d'Orage à Geralt. Je me devais d'être prudente au risque de m'enliser. Je tâtai prudemment le sol du pied avant chaque pas. 


Je me croyais rendue à destination quand mon pendentif vibra tandis que quelque chose s'enroulait subitement autour de ma cheville. Je poussai un cris de surprise en tombant, entraînée par la chose qui était cachée dans la boue. Je ne dus mon salut qu'à mon réflexe de me saisir de ma serpe pour frapper au niveau de ma cheville tranchant net ce qui me retenait. La créature siffla de concert avec la lame du Sorceleur, d'autres tentacules et une gueule pleine de dents jaillirent de la boue dans ma direction. Mon amulette vibra de nouveau. Geralt virevolta soudain entre la créature et moi, tranchant les différents appendices, évitant et parant la gueule mortelle avant de sectionner net le cou de la bête au moment où elle pointait dans ma direction. 


- Merde ! C'était quoi ça ?!

- Aucune idée. Prends tes herbes et tirons-nous. Je ne tiens pas à savoir s'il y en a d'autres dans le coin ni si c'était un modèle juvénile.


Je ne me fis pas prier, je récupérai ma précieuse citronnelle et revint auprès de ma jument. Geralt l'avait attachée à Ablette ce qui avait évité qu'elle s'enfuie épouvantée. Elle frissonnait de peur, les naseaux dilatés, montrant le blanc de ses yeux. Ablette à côté semblait parfaitement blasée. Je rassurai Orage avec l'aide de Geralt qui usa de son Signe, vérifiai l'état de ma cheville, nettoyai rapidement ma serpe et entrepris de frictionner les chevaux avec les herbes pendant que lui nettoyait son épée souillée par le sang verdâtre du monstre. Il refusa que je le parfume lui aussi de citronnelle, estimant que l'odeur était déjà bien assez présente sur son cheval. Nous ne nous attardâmes pas d'avantage. 


Le terrain était de plus en plus marécageux. Geralt ouvrait la voie, aux aguets, craignant d'autres rencontres dangereuses. C'était apparemment le genre d'environnement qu'affectionnaient la famille des Grandes Demoiselles [1] et ce qu'il m'en avait décrit ne me donnait pas le moins du monde envie d'en rencontrer. Nous contournions donc de très loin tout ce qui pouvait ressembler à un tronc d'arbre couché.


Les heures passaient et nous étions toujours dans les marais, sans réelle possibilité de faire halte. Nous ne descendions de cheval que quand nous n'avions pas le choix, besoin naturel obligeant. J'avais la trouille au ventre en me soulageant au pied de ma monture sous la vigilance de Geralt. La créature tentaculaire m'avait laissé une trace rougeâtre de ventouse sur la cheville. Heureusement il n'y avait pas de signe de venin ou autres joyeusetés. 


Le soir était en train de tomber. Nous n'en voyions toujours pas le bout et la fatigue commençait à se faire sérieusement sentir. Impossible de s'arrêter pour dormir. J'appréhendais le moment où la nuit allait nous envelopper m'empêchant de voir ce qu'il se passait autour de nous. 


Les batraciens commençaient à chanter tandis que le soleil, toujours derrière les nuages, disparaissait à l'horizon et que des bancs de brume se formaient sur les marais. Le concert de coassements aussi sonores que variés monta en puissance. Certaines grenouilles sifflaient presque tant leur chant était aigu, d'autres produisaient des sons graves et profonds, d'autres encore semblaient avoir le hoquet et ce n'était là qu'une infime partie de leur répertoire. 


Ces sons, associés au roulis de ma jument sous mes fesses, me berçaient et, sans que j'en prenne vraiment conscience, je commençai à somnoler. Mon corps se faisait de plus en plus lourd, mes paupières aussi, j'avais beau lutter, je sentais le sommeil me gagner. Je n'avais même plus l'énergie d'interpeller Geralt qui ouvrait la voie. 


***


Combien de temps dormis-je ainsi portée par Orage? Impossible de le savoir. Toujours était-il que ce fut un bruit de plongeon général suivi d'un silence assourdissant qui me tira brutalement de ma torpeur. Je me redressai alarmée. Geralt s'était arrêté. Il observait autour de lui, la main posée sur la garde de son épée. La lune, presque pleine illuminait de blanc les bancs de brume qui s'accrochaient aux marais. 


Rien ne semblait bouger alentours. D'un coup, des lueurs apparurent tout autour de nous. Je m'équipai aussitôt de mon arc, prête à m'en servir si besoin. Des grincements sinistres résonnèrent dans la nuit. Geralt lâcha la poignée de son glaive, détachant son épée en argent ornée de runes de sa selle. Il me souffla :


- Des brouillardiers [2]. Dis moi que tes pointes de flèches sont en argent !

- Elles le sont. 


Il eut un imperceptible soupir de soulagement à ma réponse. J'observais une douzaine de lueurs autour de nous, chacune d'elle était, d'après Geralt, une créature humanoïde hideuse et carnivore. Comme la brume elles étaient impalpables. Il me faudrait donc attendre qu'il les touche du Signe de l'Aard pour les viser de mes flèches. Il avait eut l'occasion d'expérimenter cette technique avec succès. Nous disposâmes nos juments tête-bêche afin de nous couvrir l'un l'autre. 


Paradoxalement, je me sentais parfaitement calme. J'entendais mon cœur battre lent et puissant. Sur ma poitrine, le trèfle s'était mis à vibrer fortement et semblait irradier d'une chaleur lumineuse qui m'enveloppait ainsi que ma jument. Je cherchais de mon genou le contact de celui de Geralt, aussitôt la douce lumière les enveloppa sa monture et lui. Il porta la main à son médaillon qui vibrait et se tourna vers moi surpris. Je lui désignai mon amulette et il hocha la tête pour reporter aussitôt son attention sur les créatures qui arrivaient sur nous, de plus en plus nombreuses. 


Bientôt elles furent à portée de flèches. Geralt les laissa approcher encore puis utilisa le signe de l'Aard, les projetant en arrière. 


- Vise la tête !


J'obtemperai, visant avec soin les visages grimaçants aux dents acérées. La première flèche fit mouche et la créature s'effondra avec un coassement, disparaissant dans la brume. Je me fiais à la lumière émanant de leur abdomen pour estimer leur tête là où la brume gênait ma visée. Les créatures tombaient les unes après les autres tandis que Geralt continuait de me les rendre tangibles avec son Signe. 


Il dut bientôt dégainer son épée en argent pour nous protéger de celles qui arrivaient en corps à corps. Nos mouvements s'étaient accordés comme une danse, je savais quand esquiver pour lui laisser le champ libre et je continuais d'abattre méthodiquement toutes les créatures possibles autour de nous. Nos montures commençaient à réagir, prête à mordre ou à ruer à défaut de pouvoir fuir comme leur instinct le leur criait. Geralt gérait leur panique grandissante avec son signe.


Vint le moment où j'eus en main ma dernière flèche. Les brouillardiers étaient encore trop nombreux. Geralt faisait des ravages mais était gêné par notre immobilité depuis les chevaux. Je sentis son élan de se jeter à corps perdu dans la bataille un instant avant qu'il ne passe à l'acte. Je le retins par le bras, percevant qu'il ne fallait surtout pas qu'il s'éloigne. A ce moment là, deux brouillardiers entreprirent de poser les mains sur nous, Geralt trancha net la tête du premier, provoquant un geyser de sang sur nous, mais n'eut pas le temps d'empêcher le second de me toucher.


Une formidable énergie explosa soudainement autour de nous, projetant nos assaillants à plusieurs centaines de mètres. Le silence résonna. Plus aucune lueur n'apparaissait. Nous restâmes un moment abasourdis et la fatigue nous rattrapa. Je massai distraitement mon avant-bras et mes doigts irrités par la corde. J'allais avoir un sacré hématome. Il faudrait que je me procure un gant d'archer et un brassard pour éviter dorénavant ce genre de désagréments. Je vis Geralt s'avachir légèrement sur Ablette. Il s'exprima d'une voix lasse :


- C'est vraiment un beau présent que t'a fait Triss. J'en ai rarement vu d'aussi puissantes.


Je hochai la tête en réponse. Je ressentais effectivement une grande gratitude d'être encore en vie. Nous l'avions échappé belle.


- Il me semblait bien l'avoir sentie vibrer ce matin. Par contre elle n'avait pas empêché la bête de me toucher. Je me demande comment fonctionne son activation… Le silence me répondit. Penses-tu que je puisse prendre le risque de récupérer mes flèches ? Je ne me vois pas repartir avec mon carquois vide.


Geralt acquiesça distraitement puis descendit de cheval en même temps que moi, attachant nos juments l'une à l'autre. 


- A nous deux ça ira plus vite. 


Nous nous déplaçâmes donc prudemment en périphérie de nos montures, récupérant les flèches intactes sur les cadavres déjà malodorants. Quand je dis récupérer, on pourrait imaginer une tâche plutôt aisée mais je devais m'arc-bouter, maintenant les cadavres avec le pied pour parvenir à sortir mes flèches des boîtes crâniennes où elles étaient plantées. Cela se faisait à grand renfort de bruit de succion et autres craquements horribles quand les chairs et les os cédaient. 


Ces créatures étaient vraiment hideuses avec leur peau verdâtre et imberbe. Leurs visages, à la gueule prohéminente, évoquaient de grands primates monstrueux et leurs abdomens creux, laissaient voir tout l'intérieur de leurs carcasses. C'est de là que sortaient la lumière de ses cadavres ambulants. J'étais incommodée par l'odeur et la vue des fluides épars mais je pris le soin d'extraire le maximum de mes flèches. Certaines cassèrent entre mes mains et il était certain que j'aurais bien du travail pour les nettoyer.


En parallèle de son ramassage, Geralt entreprit de brûler un maximum de cadavres avec le Signe d'Igny mais il avait déjà bien puisé dans ses réserves d'énergie. Il finit par renoncer pour économiser le peu d'énergie restante. Il me tendit mes précieuses flèches que je rangeai dans mon carquois. La sale besogne étant faite, nous reprîmes la route alors que le ciel commençait à blanchir, annonçant l'aube prochaine. 


***


Il nous fallut de longues heures de plus pour enfin quitter cet endroit malsain. Le sol redevint progressivement plus ferme sous les pieds de nos montures et l'herbe grasse les incita bientôt à s'arrêter près d'un point d'eau. Les juments burent longtemps pour échancher leur soif. Elles entreprirent ensuite d'arracher l'herbe avec gourmandise, nous montrant sans équivoque qu'elles n'iraient pas plus loin. Bien que nous ayions le souhait de nous éloigner le plus possible des marais, nous fûmes contraints de prendre du repos à cet endroit là.


En descendant de cheval, Geralt s'était contenté de s'envelopper dans sa couverture et il dormait à présent comme une masse. Il avait visiblement été au delà de ses limites. Bien qu'également épuisée, je décidai de veiller sur lui pour ne dormir qu'une fois qu'il serait réveillé. Nous étions encore trop proches du danger et il était trop affaibli pour que nous prenions le risque d'être attaqués dans notre sommeil.


Je me rafraîchis donc au point d'eau, rinçant le sang qui avait giclé sur moi et nettoyant mes mains et mes bottes maculées. La fraîcheur de l'eau me revigora un peu. J'entrepris ensuite de nettoyer mes flèches une par une, en vérifiant l'intégrité, mettant de côté celles à réparer. 


C'était de très belles flèches avec un triple empenage et un corps sculpté de telle façon qu'elles avaient une précision toute particulière. Mon père avait fait habiller les pointes d'argent pour être certain qu'elles auraient de l'effet quelque soit l'être vivant ou la créature touché. Il faut dire que de son vivant, beaucoup plus de créatures dangereuses peuplaient les campagnes alentours donc mieux valait être équipé.


Une fois cette tâche terminée je pris enfin soin de mon avant bras gauche meurtri par le frottement répété de la corde de mon arc. Mon index, mon majeur et mon annulaire droits étaient également irrités et gonflés mais c'était un moindre mal étant donné la situation dans laquelle nous étions. Je m'enduis donc de mon baume comme je pus puis tentai de bander mon avant bras malgré mes doigts douloureux et gourds. 


C'est ce moment que choisit Geralt pour sortir du sommeil, visiblement plus en énergie. Il me remercia d'avoir veillé sur son sommeil, constata mes blessures et formula à haute voix la nécessité de me trouver un équipement approprié pour éviter ce genre de désagréments. Il me pansa avec douceur, ajustant les bandages avec la précision de l'expérience. Je n'en fut pas trop gênée.


Comme il était éveillé, je m'autorisai enfin à lâcher prise, me laissant glisser dans un sommeil que j'espérai réparateur. Comme moi il prit le temps de se nettoyer un minimum et prit soin de sa lame. Une fois qu'il eût comblé ses besoins primaires, il m'éveilla en douceur. 


Ce temps de repos m'avait semblé bien trop court : mon corps était perclus de douleurs et terriblement lourd. Je n'étais vraiment pas certaine de savoir rester éveillée à cheval. Pourtant, il était nécessaire que nous mettions de la distance avec ces marais. Geralt me proposa donc tout naturellement de monter sur le pommeau de sa selle afin que je puisse me permettre de dormir en toute sécurité. Je me laissai aller contre son torse solide avec un soupir de bien-être. Ainsi protégée, bien au chaud contre son corps, je me laissai bercer par le mouvement du cheval et m'endormis profondément.


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[1] monstre au corps calleux, long de deux brasses, qui rappelle un tronc couvert d’algues, avec dix pattes et des mandibules comme des scies.


[2] aussi  appelés Brumelins peuvent apparaître partout où le brouillard se pose : marécages, les cols de montagne ou les rives des rivières et des lacs. S'il n'y a pas de brouillard, ils peuvent le créer ou l'invoquer eux-mêmes. Comme les horribles vers luisants, leurs corps émettent une lumière pâle qu'ils utilisent pour attirer ceux qui sont perdus dans le brouillard vers les ravins, marécages ou des grottes dans lesquelles ils font leurs tanières.


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