Les contes de l'Oie Saoule

Chapitre 21 : La dame d'acier

4255 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/08/2016 21:44

 

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-…je ne crains ni la souffrance ni la mort.

- Que craignez-vous, Madame?, demanda-t-il.

- Une cage, répondit-elle. Rester derrière des barreaux, jusqu'à ce que l'habitude de la vieillesse les accepte et que tout espoir d'accomplir de hauts faits soit passé sans possibilité de rappel ni de désir.

Eowyn et Aragorn, Le retour du Roi, Livre V

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A l’auberge de l’oie saoule…

Le capitaine n’aime pas les enfants.

D’ordinaire.

Mais cette petite paysanne a de la jugeote et de la personnalité…

Et surtout elle sait apprécier une histoire bien tournée !

Pourtant, un conte avec une héroïne au destin de reine… une histoire de fille quoi… Quelle idée !

Mais le loup de mer n’est pas homme à baisser pavillon !

D’autant qu’il n’a guère d’autre public aujourd’hui…

Alors, la petite Eliaher aura son histoire de fille…

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Ile de Numenor, presqu’ile d’Orrostar

La jeune fille entra en coup de vent sous la voûte de pierre du manoir ancestral, les bras chargés d’étoffes rutilantes. Les soieries exotiques balayaient le parquet de l’antique demeure, les lourds drapés glissant des fines épaules de la jeune fille. Adunaphel[1] étala les riches trésors sur le chêne patiné de la table seigneuriale. Comme les valets déposaient ses coffres devant elle, sur une vénérable peau d’ours mitée - souvenir des chasses paternelles - elle s’apprêta à défendre et vanter ses achats.

Parfums, velours, épices, baumes, satins, bijoux, ces richesses extravagantes portaient aux yeux de l’énergique fille unique, l’attrait des terres lointaines. Une fois l’an, l’héritière recluse au manoir dans ces hautes terres du Nord, était autorisée à descendre au marché royal de Romenna, le grand port de Numenor. Les vaisseaux de haut bord y déchargeaient sur les quais grouillants de vie, les merveilles des terres du milieu. Les embruns charriaient un parfum d’aventure, de contrées à explorer, de richesses à conquérir.

Ces parcelles d’un ailleurs lointain, exilées dans les landes d’Orrosmere, ces promesses fastueuses d’un avenir exaltant, étaient le seul luxe à distraire l’ennui d’Adunaphel. La jeune fille jeta son insolent regard bleu de mer vers ses parents, levant un menton volontaire, prête à faire face aux récriminations.

Mais comme d’habitude, le vieillard acerbe et la fantasque maîtresse de maison, se querellaient. Aucun des deux pourtant ne se rappelait plus l’origine de ces âpres disputes. Le prosaïsme pointilleux du père s’agaçait des mièvres rêveries de la mère. L’égoïsme bohème de l’épouse s’irritait de l’avaricieuse cuistrerie du mari.

Soupirant de lassitude, Adunaphel fit emporter ses trésors. Quitter Orrosmere… Déserter ses landes gastes, fuir ses bouviers incultes et parcourir le vaste monde !

A l’étroit dans ce sombre manoir poussiéreux, la jeune fille rêvait depuis longtemps qu’un hardi marin la sauverait de son destin, l’enlèverait à la lugubre monotonie des brandes désertes, pour voguer avec elle vers une gloire lointaine.

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Siégeant sous l’antique voûte de son clan, Adunaphel toisait les hommes qui se succédaient devant elle. Les prétendants s’inclinaient, obséquieux ou gauches, présentant leurs hommages maladroits. Pas un pour relever la médiocrité de ce pitoyable troupeau, affublé pour courtiser la jeune femme,  d’habits de fête passés et d’une panoplie d’un autre âge !

La fleur impétueuse de sa jeunesse avait éclos en une magnifique jeune femme, ardente et volontaire. A ses pieds adorables s’amoncelaient les cadeaux insipides – peaux de moutons, vanneries ou colifichets de buis. Seules quelques armes, forgées de l’acier de sa province[2], s’avéraient dignes du génie numénoréen, et trouvaient grâce aux yeux de l’héritière.

Adunaphel promenait son regard blasé sur l’assemblée, jugeant avec dédain, l’effet saisissant de son port altier et de sa radieuse beauté, sur ce ramassis mal dégrossis de mâles enamourés.

A la mort de son père, sa mère s’était enfuie, poursuivant ses chimères romantiques auprès des derniers elfes à fréquenter encore les ports occidentaux. Les Hommes du Roi[3] s’étaient donc emparés du domaine, arguant de quelque traitrise. La jeune femme, à bout d’arguments, avait fait appel au jurisconsulte du clan, un lointain cousin.

Du coin de l’œil, elle surveillait son sauveur, debout à ses côtés. Son profil aquilin semblait sourire aux simagrées de cette cérémonie, comme si le ridicule de chaque prétendant renforçait sa propre position, et le rapprochait de l’inévitable issue nuptiale. Adunaphel fulminait au fond d’elle-même contre l’onctueux cousin, cupide et concupiscent, mais seule sa présence tenait en respect les huissiers.

Acculée dans cette geôle ancestrale, la jeune femme savait désormais qu’elle ne devrait plus compter que sur elle-même pour saisir son destin, et voguer vers une gloire lointaine.

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Ile de Numenor, port de Romenna,

Adunaphel, vêtue et grimée en homme, parcourait au hasard les quais du port de commerce, ses bijoux serrés sous la couture de sa ceinture de cuir. Denrées et matelots se croisaient dans un désordre perpétuel, qui alimentait pourtant le bel alignement des caisses dans les entrepôts. Des chevaux piaffaient au cabestan des palans, des charrettes livraient des vivres, aussitôt embarquées sur les nefs à large panse, dans un brouhaha étourdissant.

Plusieurs fois elle avait dû faire mine de tirer sa rapière, repoussant soudards en maraude et marins égrillards. Elle était pressée de quitter Numenor. La liquidation de ses biens et des cadeaux qu’elle avait reçus, n’était pas passée inaperçue. Son cousin alité allait bientôt se remettre, elle avait peu de temps.

Mais la chance sourit aux audacieuses. Un capitaine peu regardant accepta de l’embarquer, contre son plus beau rubis.

Lors de la traversée, Corumir, un jeune corsaire à la balafre séduisante en diable, tua le temps en échangeant avec elle, leçons de lutte contre leçons de luth. Et parfois quelques soupirs se mêlèrent  aux corps à corps.

Bercée par la houle dans un hamac de fortune, la jeune femme avait saisi son destin, et voguait pour l’aventure vers des rivages lointains.

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Terre du milieu, Rade d’Umbar

Adunaphel toisait l’assemblée de toute sa haine, enchaînée sur l’estrade. Les soubresauts rebelles de ses petits seins nus ne faisaient qu’attiser les quolibets de la foule bigarrée. Un gros négociant lippu en riche robe safran, renchérissait pas à pas sur les annonces d’un spadassin courtaud, aux deux cimeterres croisés dans le dos de sa rutilante armure.

Sous le regard narquois de Corumir, le guerrier au crâne luisant remporta l’enchère, lissant ses impressionnantes moustaches d’un air de fin connaisseur. Adunaphel avait été vendue, entre la criée et le marché aux étoffes, dont elle reconnut les riches arabesques.

Dépouillée et fouettée devant la foule, la jeune femme pleurait son destin, et ruminait une revanche lointaine.

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Terre du milieu, Rade d’Umbar, Péninsule de Vamag

Au-delà des arcades délimitant le jardin du sérail, l’océan miroitait sous la lune. A l’ombre sélène du feuillage parfumé des orangers, une fontaine chantait doucement.

Agenouillée devant son seigneur et maître qui se prélassait sur une molle couche de soie, Adunaphel tirait de son luth de subtils enchantements, qui soir après soir, aidaient l’irascible spadassin à vaincre son insomnie.

Comme la jeune femme égrainait ses derniers accords, un applaudissement affecté vint rompre le charme, éveillant le baron de Vamag. La favorite, éminence omnipotente du harem, veillait jalousement à son influence. La brune sulfureuse aux grands yeux de biche se lova autour du maitre, faisant tirer les rideaux par l’eunuque à son service. Seuls ses soins experts pourraient apporter le repos au guerrier qui régnait céans…

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Brutalement tirée de son sommeil, Adunaphel sentit une énorme main s’abattre sur sa bouche, et sa nuque écrasée contre les puissants pectoraux de l’eunuque.

La panique s’empara de la jeune femme qui se débattit comme une panthère. Surpris par cette opposition, l’agresseur décida de sortir de la chambre commune pour terminer sa répugnante besogne. Resserrant sa prise sur sa victime qui déjà faiblissait, il contourna vivement le bassin du jardin.

Mais Adunaphel, dans un dernier réflexe, bascula vivement tout son poids en travers des jambes de l’eunuque, au risque de se rompre le cou. La montagne de chair émit un petit cri de fausset lorsqu’elle bascula dans l’eau calme.

L’eunuque, au contraire de la numénoréenne, ne savait pas nager. Elle parvint à sortir du bassin, s’arma d’un râteau qui trainait non loin et, une lueur impitoyable dans le regard, empêcha définitivement son agresseur d’en sortir.

Le lendemain, on retrouva l’eunuque, cachalot obscène flottant sa large bedaine en l’air, déjà gonflé par la décomposition.

Il ne manqua à personne, puisque la favorite, étranglée dans sa chambre, ne put le réclamer. D’horribles lacérations autour du cou de la belle gazelle, laissèrent penser qu’un serpent aux puissants anneaux, l’avait surprise dans son sommeil.

Oublieuse de ces drames, Adunaphel la survivante réaccordait son luth et méditait les voies du destin, entrevoyant une lueur lointaine.[4]

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Majestueux dans leurs robes couleur de sable, trois hommes enturbannés s’avancèrent au-devant du baron. Posant leur main droite sur la poitrine, ils inclinèrent gravement leurs fiers visages hâlés. Sur l’invitation du seigneur, les émissaires des tribus du Harad prirent place avec lui autour d’un plateau de cuivre ouvragé. Jusqu’à la tombée du jour, convoitant la suprématie dans la région, les conjurés méditèrent la politique impériale de Numenor, évaluèrent les forces de leur dangereux voisin Borazôn et forgèrent des alliances.

Un peu en retrait du baron, une scribe agenouillée prenait note des pourparlers, complétait à mesure une vaste carte de la rade, et évaluait les approvisionnements nécessaires aux troupes de la coalition. Discrètement consultée quant aux points cruciaux, Adunaphel prenait part aux négociations, forgeant l’avenir politique de la région.

Depuis quelques années déjà, l’énergique numénoréenne assumait l’autorité du baron de Vamag en son absence. Elle avait commencé par imposer son ascendant sur le sérail, puis sur l’ensemble des affaires intérieures du palais. Progressivement, le baron lui avait confié les rênes économiques du fief. Sa vive intelligence politique lui avaient permis d’aplanir les difficultés avec les marchands, paysans, mineurs et pêcheurs, modulant l’impôt, négociant les transactions, sévissant au besoin.

Penchée sur ses plans et ses livres de comptes, Adunaphel l’intendante édifiait les bases de son destin, nourrissant le désir d’une puissance lointaine.

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Terre du milieu, Rade d’Umbar, aux confins du fief de Borazôn

La cavalerie des alliés Suderons s’était débandée depuis longtemps. Les phalanges de Vamag fuyaient éperdument vers leur camp de base, la passe d’Isigir. Adunaphel y commandait l’arrière-garde, chargée de la logistique des troupes.

Lorsque la nouvelle du désastre se répandit, elle sut que son heure était venue. Le baron venait de périr, à la tête de ses tirailleurs vaincus par la formation compacte des fantassins lourds de Borazôn.

La descendante des seigneurs d’Orrosmere fit merveille. Ses soldats canalisèrent les fuyards, leur fournissant de l’eau et le réconfort d’un point retranché. Adunaphel fit preuve d’une discipline inflexible, décapitant ici et là quelques sous-officiers récalcitrants. Son autorité, révélée au moment crucial, permit de rameuter les deux tiers des troupes de feu le baron. Lorsque la formation ennemie lourdement armée, parvint épuisée au sommet du col, elle se brisa sur les fortifications édifiées à la hâte par les fuyards.

Les tribus alliées, volant au secours de la victoire, parachevèrent le succès du jour en harcelant à cheval, les troupes dispersées du seigneur de Borazôn.

Ce soir marqua l’avènement au pouvoir d’Adunaphel : princesse conquérante, elle forgea par cette victoire inespérée sur son puissant voisin, un ascendant durable sur les fiers guerriers du Harad.

Une satisfaction inattendue lui fut même accordée : le galant balafré, Corumir, officier aux ordres du vaincu, lui fut livré poings liés, au coucher du soleil. Le malheureux tenta bien de fléchir la nouvelle souveraine. Mais son sourire enjôleur, trahi par la peur, n’y suffit plus. Il changea de tactique, offrant son bras et son épée. Mal lui en prit - le pommeau était orné des bijoux que le forban avait soutirés à sa victime avant de la vendre comme esclave.

Adunaphel  endossa son rôle de reine avec brio - acceptant le cadeau, elle montra sa mansuétude, en ne condamnant le coupable qu’aux galères. Il est vrai que sa flotte avait besoin de bras. Elle assortit néanmoins la peine, d’une mesure propre à renforcer la contribution du condamné. Il fut au préalable, privé de ses attributs masculins, ce qui accrut notablement sa masse musculaire.

Juchée sur l’étalon de sa victoire, Adunaphel la triomphante voyait poindre son destin, au seuil d’une satisfaction lointaine.

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Terre du milieu, Rade d’Umbar, Péninsule de Vamag

Les traits sifflaient, obscurcissant le ciel. De puissantes machines de guerre pilonnaient la citadelle où les troupes d’Adunaphel s’étaient retranchées. Debout sur le rempart, la svelte dame d’acier brandissait son épée rutilante, en défi aux légions impériales de son île natale. Sa main de fer maintenait encore la discipline des bataillons fidèles, mais pour combien de temps ?

Tar-Atanamir, le roi de Numenor, las des défections, des trahisons et des ambitions personnelles de ses colons – dont certains s’étaient taillé des fiefs considérables - avait envoyé une armada rétablir l’ordre impérial dans toute la rade d’Umbar. L’amiral avait agi méthodiquement, débarquant son armada, re-déployant sa flotte pour bloquer les ports. Il avait isolé ses adversaires coalisés grâce à sa cavalerie légère, coupant leurs voies de communication. Ses machines de guerre réduisaient les forteresses une à une, après que son invincible infanterie lourde eut brisé les charges des cavaliers suderons.

La dame d’acier, que les tribus craignaient et respectaient, cachait son dépit derrière une obstination inébranlable. Se soumettre, courber l’échine devant l’amiral était inconcevable. Pourtant, demain, l’assaut serait donné, et rien ne pourrait l’arrêter.

Cernée dans son réduit, Adunaphel l’assiégée maudissait son destin, fulminant de rage sous l’œil impassible de l’amiral numénoréen, qui l’observait à la lunette, du lointain.

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A la tombée du jour, les projectiles cessèrent de pleuvoir sur la forteresse éventrée. La pénombre se répandit dans un profond silence, laissant les assiégés à leurs sombres pensées. La lune cette nuit-là ne se leva point. Un brouillard s’insinua par les combes, paralysant les vivants d’une léthargie irrésistible.

La dame d’acier, au sommet de sa tour, vit s’avancer une forme encapuchonnée, ombre d’effroi parmi les mirages d’une nuit sans espoir. La Mort venait-elle donc en personne la délivrer d’une fin ignominieuse ?

Mais la Mort ne parle pas. Et la Bouche [5] l’exhorta longuement. Exaltant le désir de hauts faits et de domination d’Adunaphel, l’émissaire rejetait toute fin. Le Prince de la Nuit offrait une chance. L’adversaire de Numenor reconnaissait la valeur d’Adunaphel et lui proposait une alliance. Et pour sceller cette dernière, Il offrirait un puissant gage. Et l’avenir s’ouvrirait à qui Le rejoindrait dans Son juste combat. Une haute destinée, éternelle, attendait les élus qui oseraient saisir la gloire.

Même acculée au bord du précipice, Adunaphel restait une femme de tête. La dame d'acier sonda le cœur de l’émissaire, elle qui savait lire l’âme des hommes. Mais la Bouche n’était plus un homme depuis fort longtemps…

Elle joua son destin. N’ayant plus rien à perdre, Adunaphel s’empara du gage et devint reine et magicienne, pour l’éternité.

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Le lendemain, l’assaut ne trouva plus un défenseur. Les ruines de Vamag n’abritaient plus qu’une nuée de chauve-souris, que les assaillants ne purent réduire.

Le doute s’empara du camp numénoréen. La rumeur courait que la reine, une sorcière, s’était volatilisée dans une brume méphitique, emportant ses troupes dans les replis de son manteau de nuit, jusqu’au cœur insaisissable de désert suderon.

Lorsque les premiers cas d’une maladie étrange se déclarèrent au sein des troupes d’assaut, on commença à murmurer que la magicienne tenait sa revanche. La contagion semblait provenir des malheureux que les chauves-souris avaient mordus, et qui trépassaient dans d’atroces souffrances. Lorsque l’amiral succomba à ce mal inconnu, le corps expéditionnaire leva le camp, et fit voile vers Numenor.

Déesse des nomades du grand Sud, Adunaphel avait vaincu ses ennemis, et sa mémoire rallierait ses fidèles en révolte, jusqu’à la nuit des temps.

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A l’auberge de l’oie saoule…

A l’écart, dans la pénombre de l’arrière-salle, un vieux bonhomme s’ébroua, comme s’éveillant d’un rêve. Il vida les cendres de sa pipe dans l’âtre, jetant de sous ses sourcils broussailleux, un regard acéré au capitaine et son jeune auditoire. Bien des détails de cette histoire venaient de lui être révélés. Mais lui seul en connaissait la véritable fin.

S’appuyant sur son bâton de frêne, le vieillard vint s’assoir auprès du capitaine. Il livra l’épilogue, guettant du coin de l’œil les réactions de la jeune Eliahel, et lissant sa longue barbe grise d’un air indifférent :

- Durant des décennies, la dame d’acier ligua les tribus du Harad contre l’envahisseur numénoréen - et plus tard, contre le Gondor.

Car le gage qui lui fut concédé, conférait une puissance indicible. Maîtresse incontestée des étendues désertiques au sud du Mordor, elle régna durant des siècles sur ses peuples nomades, telle une déesse adulée et redoutée.

Le gage qu’Adunaphel avait accepté, préserva longtemps son corps somptueux, bien au-delà de la durée de vie naturelle aux numénoréens. Sa beauté flamboyante et son regard de braise subjuguaient tous les vivants.

Mais ce terrible gage n’était autre que l’un des neufs anneaux de puissance de la tradition. L’existence de la dame d’acier, allongée indéfiniment par la volonté dévorante et insatiable du Grand Œil, fut vidée de toute vitalité propre.

Lance de terreur dans l’inexorable main de son maitre, esprit desséché survivant à une chair corrompue, Adunaphel la nazgûl fut assujettie pour l’éternité à une intarissable soif de domination, qui ne lui appartenait plus.

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NOTES

[1] Dans la langue de Numenor : Adun, Ouest, et Phel, la dame.

[2] La péninsule d’Orrostar est renommée pour sa coutellerie et ses lames légères, flexibles et résistantes.

[3] Les Hommes du Roi furent une faction apparue à Numénor, qui reniait l’amitié avec les elfes. Tout avait d’abord commencé par un besoin d’explorer la terre du milieu, puis vint la conquête de ports, et la domination des mers, qui se heurta à l’interdiction des Valar – les navires numénoréens ne pouvaient accoster aux terres immortelles. Or les hommes convoitaient l’immortalité, qu’ils soupçonnaient être accordée à quiconque vivait en Aman. La question de la suprématie des elfes vint donc consommer la rupture de l’île avec ses lois fondatrices, ce qui devait finalement mener à sa submersion.

[4] La lectrice a-t-elle découvert l’arme du crime ?

[5] Serviteur de Sauron, qui apparait en prélude à la bataille de la Porte Noire, dans le Seigneur des Anneaux, Livre 6.

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