Les contes de l'Oie Saoule
Chapitre 8 : Les bateliers du Grand Fleuve
998 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 10/11/2016 07:23
Les bateliers du Grand Fleuve – Au fil de l’Anduin
Le capitaine de caravane a un peu bourlingué. Il y a quelques années, il a conduit une reconnaissance sur le fleuve Anduin. Ses équipages remontèrent jusqu’aux chutes du Rauros, avant d’emprunter les chemins de portage avec des embarcations légères. Durant ce périple, il apprit quelques chants de haleurs, qui content les merveilles du fleuve ou vantent les amours des mariniers. Pour ce soir, il épargnera à l’assemblée les airs de corps de garde, aux détails aussi licencieux qu’imaginaires.
D’une voix basse, il épaule son fardeau et ahane en cadence.
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Larmes bleues de géant, torrents jaillis du flanc,
Eaux dardées du silex, forgées sur les hauts blancs
Fille aux mèches givrées patauge au lac glacé,
Ses rires étincellent aux souffles résinés.
Ridelettes ouvrées, la comptine aux galets,
Serpente aux falaises effondrées de l’adret.
(Refrain) Adieu onde amie, hâle ce jour sans fin.
Naves aux flancs pesants, glissent sur l’Anduin.
Dessous le bois doré sourd morne mélodie,
Miroitement trompeur envoûte les héros.
L'ode plonge en folie ou rimes alanguies.
Rets de tresses blondes recouvrent l'or des eaux.
Hors du temps des mortels vogue elfique rivage,
A jamais captivé par la fée sans visage.
Au roc dressé lovée une vague fébrile,
Leurs boucles enlacées en désordre d’idylle.
Au pic érigé germe l’écume des jours,
L’onde moire tremblante ensemence toujours.
Fauve noir secouant sa torpeur hivernale,
Carrock saille en la fertile onde vespérale.
Fade brume d’argent, traîtres sablons gluants,
Nymphe d’air, espoir d’or puise en pure aigue azur
Riche glaise bourbe, nourricier grouillant.
Les ondoyants alvins nichent en la boisure.
De glaise naïade, noble fille aux iris,
Le petit peuple ovule, abrite en sa matrice.
Crépitent les flammes, Onodrim brûle et pleure,
En douce terre brune enfouit sa douleur.
Pousse d’espoir souillée d’odieux cauchemars,
La rivière charrie semences dégoûtées.
Souvenirs embrasés promènent au hasard
D’amples boucles sombres les troncs gris calcinés.
Le cours du septentrion baigne l'auguste
Pied d'airain des hauts rois. Son arrêt sans appel,
Assise du pouvoir, face au flot éternel,
Accueille l'allié, l'adversaire admoneste.
Au souvenir des hommes, leur puissance évanouie,
Fleuve rend son salut, tournoie, ondoie et rit.
Parth Galen engourdie, ondine berceuse,
Le héros avide d’embruns ailés s’élance,
Frissonnantes gouttelettes ravisseuses,
Rauros glisse, rugit, abolit l’indolence.
L’adoré libertin s’échappe au firmament !
Profonde solitude, réveil glace le sang.
Rude Entalluve glisse en sa couche promise,
Entrelace l’épouse enlisée, belle éprise,
Insinue l’unité au sein nu de l’ondée.
Jaillit l’Anduin, puissant fleuve, en majesté,
Parade Cair Andros, étincellent ses rives,
Baigne l’Anorien soleil à la dérive.
Rigoles gazouillent en rires de bambins,
Pieds légers aspergent le cèdre près du bain.
Rivière grand-mère pioche en l’armoire,
Lavande laurier souvenirs entêtants.
Fenêtres du couchant, crépuscule beauvoir,
Richesse glorieuse des petits-enfants.
Lagune capte de Varda les diamants,
Plaintive aile d’argent, svelte coureur d’écume,
Le rêve épuisé s’échoue en amère brume.
Le vieillard attardé sombre en algue aimant,
Scrute par-delà les sillages des étoiles,
Nef glisse livide aux îles boréales
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Maitre Finran, qui a beaucoup voyagé, retrace en pensée les errances de ses jeunes années. Lorinand y brille de ses feuilles dorées dans une brume immaculée, passant hors d'atteinte des mortels. L'Argonath réveille encore la fierté de son cœur vaillant. Les marches septentrionales du grand fleuve retentissent des cris de révolte de ses ancêtres contre les maîtres du Gundabad.
Ce soir la grande salle de l'oie saoule s'est embarquée, ramenant à bord du grand esquif à fond plat de son imaginaire, la fièvre du voyage, l'appel des grands espaces et l'haletante incertitude du danger.
Maître Gigolet, confondu par la vie propre du grand fleuve, y vogue encore, cueillant au hasard la sauvage fraicheur des torrents d’Ithilien, le troublant appel du Carrock, ou la limpidité des étoiles dans l’immensité du delta.
D’autres auront frémi au souvenir mélancolique des Terres Brunes, aux mystères des marais aux iris, à la majesté de l’Entalluve. Quelques jeunes filles ont même soupiré au saut du Rauros. L’assemblée a parcouru en un soir près de trois cents lieues, des vents neigeux d’Ered Mithrim aux douces brises de mer dans la baie de Belfalas.
La rime était bien pauvre, et le sens parfois obscur, mais l’assistance a voyagé. Ce soir, le capitaine et sa fine équipe reçoivent un chaleureux accueil et vont manger gratuitement…