La maraude du Vieux Touque

Chapitre 71 : Retour en sa demeure - Cernés

3315 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/05/2020 12:02

Un battement d’ailes frénétique réveilla Gerry. De petites pattes nerveuses sautillaient sur sa poitrine. La grive le regardait de son œil rond et mobile, penchant la tête vers lui d’un air courroucé. Il se mit sur son séant, chassant le petit oiseau qui lança un cri de protestation avant de se percher sur un rocher à quelques pieds de là.

Ses tempes lui battaient comme aux lendemains de grandes agapes. Son cuir chevelu frémissait comme si des bataillons de fourmis défilaient en tous sens sur son crâne, avec un entêtement militaire. Images et pensées se bousculaient dans son esprit embrumé pour reconstituer une trame incomplète. Il distingua une forme fugace de grand-mère aux joues rouges, lui servant un breuvage odorant. Des bribes de vieilles fables resurgirent, ravivant des sentiments étrangement vifs et une inexplicable sensation d’implication personnelle. Un renard à monocle et vêtu à la mode du grand-père de Gerry lui causait chiffon ! Un gobelin grimaçant lui dérobait son anneau – cette fois l’image était claire et le souvenir vivace !

Le hobbit se rappelait cette sensation avec dégoût : brutalement amputé d’une part irremplaçable de lui-même, il s’était laissé submerger par un élan de violence irrépressible, qui l’aurait amené à tuer père et mère.

Fébrilement, il se fouilla, retrouvant collier et anneau à leurs places sous des effets passablement abîmés. Le cœur au bord des lèvres, il se persuada que tant qu’il porterait l’anneau, la sensation incontrôlable pouvait ressurgir à tout instant. Cette tare répugnante pouvait à nouveau le submerger…

Pourtant un sentiment diffus dominait en son esprit, sinon par sa violence, du moins par sa constance et son ubiquité. Un manque palpitait dans chaque pore de sa peau. La prémonition d’un sourire colorait d’un optimisme viscéral chacune de ses pensées. L’omniprésence d’un visage radieux et rassurant, aux marges de sa conscience, l’apaisait. Une main douce et fraîche caressait son épaule. Une intimité partagée envahissait son cœur de sa tiédeur unique, y répandant le baume de la rédemption. L’espoir d’être compris et accepté malgré son insupportable tare réconfortait son âme meurtrie.

Mais Gerry peinait à associer des traits reconnaissables à cette infinité d’images diffuses. Tandis qu’il tentait en vain de convoquer ses souvenirs, il eut l’intuition fulgurante que seule son odieuse dépendance envers son trésor en barrait l’accès. La peur de perdre sans espoir de retour les plus essentiels de ses souvenirs –précisément ceux qui lui échappaient il y a un instant – lui serra la gorge.

Il rejeta l’idée de force et de domination tandis que surgissaient quelques réminiscences. Un parfum musqué et de feuilles sèches, le son de joyeuses foulées jumelles dans les herbes hautes, la chaleur d’une épaule contre la sienne, l’acidulé d’un fruit partagé, un front semé de taches de rousseur, tendu par l’effort et perlant de gouttes de sueurs, furent quelques indices disparates à lui revenir, mais si puissants et concrets à sa mémoire, que leur point commun, leur trait d’union, se matérialisa à ses côtés.

Assise en tailleur derrière lui sous un boquettier brûlé par le soleil, Avacuna le regardait d’un air tendre et pensif. Gerry sentit sa présence et sauta sur ses pieds en se retournant. En voyant son visage mutin, le hobbit fut submergé de vagues d’affection comme la vue de la jeune femme comblait les derniers détails évanouis de sa mémoire. Des larmes lui montèrent aux yeux :

– J’ai cru te perdre…

– Tu n’es pas passé loin… Mais je suis là maintenant. Tu parlais dans ton rêve…

– Que disais-je ?

– Des choses qui m’ont plu ! coupa-t-elle avec un sourire joyeux.

Le boquettier semblait sourire comme une vieille femme. Avacuna posa sa sarbacane et se levant prestement, s’approcha gracieusement du hobbit. Elle se haussa sur la pointe de ses longs pieds pour déposer un chaste baiser sur les lèvres de Gerry.

– Comme tu as grandi ! Tu es maintenant un vétéran des guerres gobelines ! Mon amant va nous ramener dans sa Comté natale et faire son retour parmi les siens comme un jeune géant ! Mais saura-t-il me protéger de leur curiosité et de leurs jugements ?

Gerry songea à la forte carrure de son père et plus encore sa stature morale, sans parler des ragots qui circuleraient entre Longoulet et Bourg-de-Touque. Mais il n’était plus le jeune hobbit insouciant et inconséquent qui papillonnait de farce en amourette. Il se jaugeait de taille à imposer ses choix, du moins pour les décisions qui le concernaient personnellement :

– Toi et moi, nous construirons notre chez-nous, à l’abri du jugement des mortels !

Avacuna fut touchée par ce courage qui avait mûri pour elle. Elle protesta mollement :

– Je ne veux pas déraciner mon hobbit et l’isoler de ses semblables ! Je ne supporterais pas de te faire souffrir…

– Je sais à présent ce qui me ferait souffrir, et tu ne peux choisir pour moi ! S’il le fallait, je quitterais la Comté pour vivre à notre façon… Mais prends confiance : le pire n’est jamais certain1. Pourquoi ne pas faire confiance à l’avenir ?

Avacuna accepta cet augure optimiste. Son chevreau vint quêter une caresse, effarouché par les grands pins qui oscillaient au vent frais de Narbeleth. Le couple se vêtit plus chaudement, rassembla ses affaires et se mit en route, baluchon à l’épaule.

Avacuna se retourna quelques instants pour adresser un salut ému et muet à la souche rouge sous laquelle elle s’était tenue, en souvenir de la longue jeunesse qui avait préparé sa maturité. Puis ils s’éloignèrent bras-dessus, bras-dessous.

L’automne enflammait la végétation de notes chaudes, qui s’affirmèrent lentement à mesure que passaient les résineux et qu’ils se dirigeaient vers l’ouest, au fond d’une vallée encaissée et tortueuse. Avacuna avait pourvu à tout le nécessaire, en chasseuse et cueilleuse prévoyante. Ils se nourrirent de baies et de racines, jusqu’à ce que la jeune femme acceptât de tirer un lièvre.

– Nous sommes suffisamment loin, à présent.

D’instinct, Gerry sut qu’il lui faudrait maintenir le secret quant à l’emplacement de la vallée évanouie.

Les compagnons progressaient depuis deux jours, lorsqu’ils furent brusquement rappelés à la prudence. Au passage d’un petit gué, ils relevèrent une empreinte d’énorme pied calleux et nu. La taille suggérait un troll de haute stature ou un jeune géant. Ils venaient de pénétrer dans les fourrés aux trolls, région inhospitalière du nord de Rhudaur, infestée des terribles prédateurs.

Aussi s’efforcèrent-ils au silence, glissant furtivement entre les feuilles dorées sous les halliers le jour, et se terrant la nuit dans quelque creux inaccessible. Fréquemment, Gerry prenait le chevreau sur ses épaules aux passages où la terre meuble nécessitait qu’ils prissent garde à ne pas laisser de traces. Attentifs au moindre bruit, ils cheminèrent ainsi trois journées de plus en plus humides. La grive les précédait comme le font les chiens, partant en avant et revenant s’assurer que l’arrière-garde suivait sans encombre, en particulier chaque fois qu’ils s’aventuraient en terrain découvert en se faufilant entre les buissons.

Gerry était devenu un robuste jeune hobbit, particulièrement grand et endurci à la vie dans les pays sauvages. Il était rare pour un hobbit de son âge de grandir encore, du moins en hauteur. Le régime alimentaire frugal que leur imposait la prudence lui prêtait un air efflanqué, mais hâlé comme un rôdeur. Ses maxillaires s’étaient ombrés d’un duvet sombre, et ses membres paraissaient tendus et résistants comme une corde d’arc. Allongeant le pas et brandissant le couteau elfique offert par Avacuna, il n’avait plus rien d’un freluquet bellâtre et indolent.

Gerry n’en avait rien remarqué, mais le collier des nains lui conférait une aura de noblesse modeste, une attitude d’expérience malgré sa jeunesse, une tournure assurée qui forçait la confiance. Pourtant jamais il n’acquit la contenance royale ou l’allure de puissance immanente que Thráin ou Arathorn avaient gagnées en portant le collier. Sensible à son charme, sa compagne n’en était pas moins discrètement attentive à ce que le hobbit restât fidèle aux qualités qu’elle avait cru percevoir en lui.

Avacuna pour sa part paraissait une chasseresse sylvestre, secrètement touchée par une grâce hésitante. Ses coups d’œil de félin à l’affût se muaient plus souvent en regards indulgents et complices. Sa coiffure qui jadis flottait librement au vent, à présent ruisselait sagement de ses tempes vers ses épaules, en atténuant l’effet saisissant de ses oreilles de lynx.

Un soir, la grive ne les rejoignit pas. Gerry en fut inquiet – outre le fait que l’oiseau se montrait un auxiliaire précieux et un compagnon attachant, il lui rappelait son allégeance aux dúnedain et la ténacité de ses compagnons disparus. Le couple se tapit à l’abri de chênes usés au pied d’un éboulis de roches grises, alors que l’averse menaçait. Le lendemain, trempés et transis, Avacuna et Gerry déjeunèrent de racines sèches et d’un oignon sauvage avant de reprendre leur itinéraire. Les arbres dégoûtaient autour d’eux sous un ciel chargé alors qu’ils cheminaient dans de calmes fourrés. À l’orée d’un espace dégagé, tous deux s’arrêtèrent, sans se concerter. Ils scrutèrent, humèrent et écoutèrent longuement, sans rien repérer d’anormal, mais sans parvenir à écarter la sensation de danger.

Ils s’avancèrent prudemment, se devinant vulnérables. Une grive surgit du ciel en pépiant furieusement, faisant tressaillir le chevreau. Elle décrivit des cercles serrés au-dessus d’eux, sans cesser son tapage. De surprise, Gerry lâcha le chevreau qui se mit à bêler. Avec la sensation d’ameuter toutes les créatures peu recommandables des environs, Gerry s’efforça de calmer la grive et de l’amener à se poser tandis qu’Avacuna rassurait son chevreau. Le comportement de l’oiseau était tellement étonnant, que Gerry en vint à douter qu’il s’agît de sa grive.

Soudain les compagnons se surent cernés – un craquement à main gauche de Gerry trahit un homme lourd qui progressait vers eux, tandis que les fourrés devant et à main droite bruissaient comme des silhouettes y prenaient position. Le couple tomba en garde, tandis que le l’encerclement semblait se compléter. La chasseresse et le ranger s’étaient laissé piéger !

La grive se posa sur une grosse souche, l’air guilleret et satisfait. Derrière elle, une main gantée de cuir écarta les feuillages écarlates pour révéler un beau visage souriant, alors que l’autre main faisait un signe de paix.

Un grand homme d’une beauté elfique sortit des taillis. Sa silhouette, musculeuse quoique mince, s’avança avec grâce, comme flottant au-dessus du tapis de feuilles rousses. Sa cape de satin chatoya de vert et de brun lorsqu’il s’inclina vers Avacuna. Son sourire exprimait joie et compassion comme il étendait les bras vêtus d’une protection verte. Gerry fut frappé par la ressemblance de l’elfe avec maître Elrond, dont il avait la chevelure aile-de-corbeau et les yeux gris de mer. Soulagé au-delà de toute espérance, il fut cependant piqué d’une pointe de jalousie lorsque Avacuna l’étreignit. C’était là Elrohir, l’un des fils jumeaux d’Elrond, forestier hors pair et fléau des orques.

– Joyeuse rencontre, petite mère des sous-bois ! lança Elrohir

– Loués soient votre vigilante garde et le talent des grives ! répondit Avacuna. Car ne devinai-je point juste, en pensant que cet intelligent oiseau vous a conduits jusqu’à nous ?

– En effet, voilà sept jours qu’elle nous a avertis et veille sur vous, tandis que vous parcourez les fourrés aux trolls et que nous nous hâtons dans votre direction.

Avacuna battit joyeusement des mains vers la grive qui se rengorgea en levant la queue.

– Il y a bien longtemps que nous ne nous sommes pas croisés, petite mère de la chasse ! Mais je vois avec grand plaisir que vous avez su changer de proie, et trouver votre voie ! lança l’elfe en souriant.

Avacuna rougit un peu et esquissa une petite révérence pour remercier l’elfe du compliment. Elrohir se tourna vers le hobbit :

– Et voici Gérontius Touque, gentil-hobbit et héritier du Thain de la Comté !

Gerry avait pris l’habitude d’être nommé plus simplement. La charge de Thain n’était énoncée qu’avec le nom de son père. Au-delà d’une étiquette à laquelle il ne tenait guère, il sentit que quelque chose n’allait pas :

– Est-ce que mon père va bien ?, demanda-t-il alarmé.

Elrohir fut embarrassé l’espace d’un instant, mais répondit de façon tout-à-fait sereine :

– Les nouvelles qu’apporte les Dùnedain indiquent qu’il est en bonne santé…

Quelques elfes et de nombreux rôdeurs sortirent des taillis et fêtèrent le couple. Un homme de haute taille, solide comme un taureau et le maintien un peu rigide, s’approcha de Gerry :

– Mon nom est Hiravorn, chef des dúnedain du gué de Sarn. Nous nous sommes rassemblés aux fourrés aux trolls sur l’ordre de notre capitaine Argonui pour prêter main forte dans une opération de grande importance. Je vous ai vu quelques fois, maître Gerry, et je vous reconnais, bien que les voyages aient changé votre physionomie. Soyez assuré que la santé de votre père n’est pas en cause. Mais il a eu quelques soucis à maintenir son autorité ces derniers temps.

Gerry fut soulagé, mais il réalisa que son retour interviendrait à un moment difficile pour sa famille. La compagnie pressa le couple de questions, et la joie fut de courte durée, car il fallut partager les nouvelles de leur équipée désastreuse. Lorsque les rôdeurs apprirent que la dépouille de leur seigneur garderait désormais le col de l’aigle jusqu’au retour du roi, les hommes se lamentèrent et firent mine d’envoyer des courriers.

– Assez ! intervint Hiravorn. Cette nouvelle doit être annoncée d’abord à la dame et au fils. C’est à vous, Gérontius, écuyer de la dame et le dernier à avoir parlé au Seigneur des dúnedain, de vous rendre auprès d’elle. Mais à présent faites-moi votre rapport, comme il se doit de retour de campagne.

Gerry fut interrogé en détail par le chef dúnadan. Il décrivit en détail l’approche, l’itinéraire, le calendrier, les décisions qu’il avait comprises, dans les débats auxquels il avait assisté. Cependant il se garda d’exposer l’antagonisme croissant qui avait opposé Arathorn et Thráin. Le hobbit mentionna le départ de Gandalf et des nains vers le Rhovanion, et celui du restant des dúnedain vers l’occident. Hiravorn ne montra sa commisération pour le hobbit que lorsqu’il eut tous les éléments en main pour prendre ses décisions, mesurant l’ampleur de l’échec – la mort des capitaines, la perte des richesses découvertes et l’invasion des orques. La formidable nouvelle – l’éradication de deux redoutables dragons – lui semblait d’un impact lointain et d’un prix exorbitant. Il enjoignit à nouveau Gerry à se rendre à Fondcombe auprès de Luinloth. Le hobbit, éprouvé par ce passage sur le grill, se tourna vers Avacuna et lui déclara, l’air un peu gêné :

– Hiravorn a raison. J’ai des devoirs envers la dame et des engagements qu’il me faut honorer. Nous nous rendrons à Fondcombe avant de rejoindre la Comté.

– Si tu n’es pas plus gentil, je retourne chez ma mère ! lui murmura Avacuna d’un air implorant et angoissé. Atterrée, elle se rendait compte à présent à quel point son hobbit était impliqué au côté des grands. S’il ne recherchait pas les honneurs, l’honneur se rappelait cependant à lui !

– J’ai besoin de mettre mon passé en ordre avant de me sentir complètement libre, lui répondit-il d’un air décidé mais plein de compassion.

Le chef Hiravorn s’apprêtait à lui rappeler assez sèchement que seule la dame pouvait le délier de son serment, et qu’il ne saurait se considérer comme libre sans son assentiment préalable. Mais Elrohir lui fit signe de ne pas accabler le hobbit.

Le soldat se ravisa donc et tint alors conseil avec l’elfe pour la conduite des opérations militaires. Ils décidèrent pour l’heure d’envoyer une petite équipe reconnaître la passe que Gerry nommait le col de l’aigle, autant qu’elle le pourrait. Le rideau défensif serait cependant maintenu pour l’hiver au nord de Rhudaur, au cas où les soubresauts dans les relations entre tribus orques résulteraient en d’autres tentatives d’invasion.

C’est ainsi que Elrohir partit avec le couple pour Fondcombe. Ils empruntèrent des chemins difficiles au travers d’éboulis de rochers et d’une végétation d’épineux, mais l’elfe les mena durant de longs milles d’un pas égal, tandis qu’ils goûtaient la poésie d’un voyage en terre sauvage, comme aux premiers matins du monde. Les jours raccourcissaient rapidement, et si les journées restaient clémentes sous la brume du Rhudaur, les nuits devenaient froides. L’elfe ne fit pas de feu, mais il trouvait immanquablement, chaque soir, un abri si bien dissimulé, qu’aucune bête et aucun homme ne pouvait le déceler – une énorme et douillette souche creuse les accueillit le premier soir, puis une petite caverne dont un rideau de jeunes sapins escamotait l’entrée, leur fit un gîte sûr et tempéré. Gerry ne sut jamais si ces retraites étaient découvertes pour l’occasion, ou si elles avaient été patiemment aménagées au fil des patrouilles des gens de Fondcombe.

Car les manières de l’elfe traduisaient sa double ascendance, mariant l’ardeur circonspecte du rôdeur et l’intimité elfique des forêts. Son regard portait aussi loin que celui des premiers-nés, vers la mer occidentale, pourtant son cœur contemplait le destin incertain de la Terre du Milieu, et son désir de repousser les ténèbres s’en trouvait renouvelé. Les enfants d’Elrond semi-elfe jouissaient comme leur père, de la grâce du choix ultime – vie passionnée et incertaine des Hommes ou existence indéfiniment méditative des Elfes.

À la tombée du jour, Elrohir tirait de sa besace de merveilleux gâteaux de route dont raffolait Gerry. Les compagnons écoutaient leur guide psalmodier quelque ancien lai de Beleriand, et s’endormaient sous sa vigilante protection.

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NOTES

1 Traduction de l’espagnol "No siempre lo peor es cierto", comédie écrite par Pedro Calderón de la Barca

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