L'étrange anneau du Roi Isildur

Chapitre 11 : La trahison

2124 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 28 jours

Ville basse
Muraille sud
Au pied du grand mur de pierre, des petites échoppes mal fagotées vendent des produits douteux. Caché derrière l'une d'elles, une vulgaire trappe. En dessous se trouve la cachette du balafré. Il était convenu que ce serait le point de rendez-vous après le coup.
Dans la cave humide, au plafond suant et aux parois verdâtres, le capitaine balafré prépare tranquillement sa pipe. Ses bas en côtes maille ont élu domicile sur un cul de tonneau en chêne. Il est seul dans la pièce.
Quand suffisamment de fumée eut pénétré ses poumons, il pencha la tête en arrière et se refit les événements de la journée. Tout avait si bien commencé, il ne comprend toujours pas comment ça a foiré.
Qu'est-ce qui lui a pris à ce gamin de beugler comme un uluberlu? Depuis quand un anneau ça brûle ? Et moi... Quelle idée d'embaucher des bleus. À l'heure qu'il est, ils doivent déjà être à la questionnette, dans peu de temps ils balanceront mon nom.
Il voudrait une réponse facile et à l'avenir corrigeable, mais quel choix avait-il ?
Tous les rôdeurs du Gondor veulent ma chute, il n'y a pas un seul affairiste de la ville qui ne cherche pas à me la mettre. M'associer à l'un d'eux serait courir à ma perte.
Il réfléchit à sa fuite, c'est le moment de se mettre au vert. Une petite étable dans un trou perdu du Rohan semble tout indiquée. Il y aurait aussi la forêt noire... Mais dieu que c'est loin ! Et très inconfortable.
Je pourrais aussi aller dans cette fameuse bourgade perdue qu'on me ravache en permanence, paraît il que c'est le paradis des rôdeurs en quête de discrétion. Comment qu'elle s'appelle déjà ? Prée ou Bree?
La puanteur et l'humidité ambiante commencent à lui brûler les narines.
Tac Tac !
Deux coups de pieds secs font trembler la petite trappe. Le balafré s'extirpe de ses pensées, méfiant, il attrape son épée. Serait-ce cette prostituée du Harad? Si c'étaient les gardes, ils auraient enfoncé la porte.
Avec son pommeau il tape 3 fois sur la paroi rocailleuse.
TAC TAC TAC TAC
Le code est correct.
- Entre ! Qui que tu sois !
La petite trappe s'ouvre et voilà Anarin et Burek tout tremblants qui descendent péniblement la petite échelle.
- Et ben ça alors !? Vous avez réussi à vous échapper ?
Les deux cousins qui n'en revenaient pas eux-mêmes répondirent laconiquement.
- Faut croire que oui…
- Nom d'un chibre de Troll des cavernes, vous m'en bouchez un coin. Je vous croyais déjà au fond d'une geôle.
Ces bleus sont plus malins qu'il ne le pensait. Il afficha un grand sourire, pas d'étables infestées de puces chez les éleveurs de canassons finalement. Bonne nouvelle.
Les deux cousins parurent surpris, ils attendaient un sévère savon de la part du capitaine.
- Vous... Vous n'êtes pas en colère ?

Mon garçon, j'ai passé la moitié de ma vie dans l'armée. Je contrôle chacune de mes émotions et je ne les exprime que si elles me sont utiles. Ce qui est fait est fait, à quoi bon ressasser, il faut penser au coup d'après.
- L'anneau... Il m'a.. Je ne sais pas comment, mais il m'a brûlé.
Personne n'écouta le jeune cordonnier. Burek non plus n'aimait pas ressasser, il regarda le capitaine.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
- On !? Qui c'est "on" ?! Faites ce que vous voulez les bleus, notre collaboration s'arrête ici.
Il posa ses mains sur l'épaule des deux acolytes.
- Le roi Isildur en personne vous a vu. Félicitations messieurs, vous êtes officiellement les hommes les plus recherchés de tout le royaume. Une longue cavale commence pour vous. Moi en revanche, personne ne m'a reconnu. Ma routine quotidienne m'attend.
Les deux cousin se figèrent le regard ahurit, ils digéraient mal la nouvelle.
- Et bien quoi? Vous n'avez pas de cachette loin du pays ? Pas une maison ou même une grotte ?
Aucun des deux n'avait jamais quitté Minas Tirith. Le monde extérieur
Ah ces bleus... Vous savez quoi !? J'ai pitié de vous ! Mine de rien je viens de gagner la meilleure histoire à raconter de toute ma vie. Et sans une seule égratignure.
Il s'approcha du tonneau sur lequel il s'était assis et d'un gros coup de pied le dégagea. Dessous, apparut une plaque d'égout qui masquait l'entrée d'un tunnel.
C'est serré et puant mais discret.
Ça mène où ?
Chez moi voyons !

Manoir du balafré

Le Capitaine s'affairait sur une grande carte. Anarin assis, n'osait pas regarder son cousin. Il prenait conscience qu'il ne verrait peut-être plus jamais Minas Tirith, tout ça par sa faute. Il avait touché du doigt une vie de faste et de luxe, il n'aura en qu'une vie de misère et d'exil.
- Voilà! En rouge je vous ai tracé la route du Rohan et en noir celle de l’Arnor.

Depuis des heures déjà, le Balafré se donnait à un véritable cours de géographie à la bleusaille ignare qu’il avait en face de lui. L’enjeu était de taille : trouver un lieu dans ce monde suffisamment éloigné et dangereux qu’on n’y vienne pas les chercher mais assez sûr pour qu’il ne leur arrive pas malheur.

Seulement la tâche n’était pas facile, Anarin et Burek posaient mille questions et se permettaient même d’exprimer des réserves !

Le Rohan ? C’est non ! Pays de misère !

Le Rhovanion ? Trop loin !

Le Capitaine insista alors sur le petit village de Bree, le fameux coin perdu qu’on lui avait recommandé. Encore fallait-il leur montrer comment s’y rendre. Par où passer et surtout par où ne PAS passer.

La discussion allait bon train quand le majordome fit son entrée et s'approcha de son maître pour lui murmurer trois mots à l'oreille. Le balafré parut interloqué, puis il reprit vite son air normal.
- Et la grande montagne la ? C'est dangereux ?
Le doigt d’Anarin pointait les monts brumeux.
- Par le tonnerre de Numé...
Le balafré faillit s'étouffer
- Et pourquoi pas le mont Angmar tant que vous y êtes ! Bien sûr que c'est dangereux !! C'est infesté de gobelins et d'orcs! À chaque fois qu'une créature maléfique est découverte sur notre petite terre, la moitié du temps elle vient de là-bas ! Manwê seul sait le maléfice qui est à l'œuvre dans les entrailles de cette montagne
La Moria est un grand royaume nain, mais c'est pas le genre à vous offrir l'hospitalité, et si vous voulez traverser, ils vous feront payer cher le droit de passage, ce sont des nains après tout.
- Par où on traverse alors ?
- Par la trouée du Rohan et la forêt aux arbres qui parlent.
- Des arbres qui parlent !?
- Oui monsieur, c'est ce qu'on raconte. On dit qu'ils sont plus intelligents que les rohirims... J'ai tendance à le croire, en même temps ce n'est pas bien compliqué.
Vous passerez après par le pays des Dunedains. Méfiez-vous d'eux. Des péquenaux encore plus sales que ceux du Rohan. Ils n'aiment pas trop les gens du Gondor à ce qu'on dit. Paraîtrait qu'on serait hautain, les gueux ont de ces idées.
Ensuite allez vers l'ouest en direction de l'Arnor, mais n'y entrez surtout pas. Si vous êtes recherché ici vous le serez là-bas. Dans le no man's land frontalier vous trouverez le fameux village. Tree ou Bree, un truc dans le genre. C'est le repaire des rôdeurs, les hommes du roi ne vous y chercheront pas des poux.
- Un rôdeur ça porte des bottes non ? interjecta énergiquement Burek
- Oui...
Il se leva brusquement et tourna en rond le visage fermé et les paupières ouvertes.
- Qu'est-ce qui lui arrive ? Demanda le balafré inquiet
- Rien... C'est juste qu'il... Il réfléchit...
- Ah.
- Mais oui ! La nuit j'irai dans les auberges faire des trous dans leurs bottes et toi au petit matin tu te posteras à l'entrée avec ton établi de cordonnerie, moi je jouerai le client pressé prêt à payer plus cher, ça fera monter le prix. C'est bon ça.. Très bon même.
Anarin regarda son cousin un moment. Après tout ce qu'il venait et s'apprêtait à vivre par sa faute, il aurait mérité une haine et une rancoeur féroce de sa part. Mais ce n'était pas dans le caractère de son cousin, il se mit à penser que sous ses airs, Burek était finalement trop bon pour cette terre.
- C'est une excellente idée cousin. Peut-être la meilleure que tu aies eue !
Et voilà les deux compères prêts à prendre la route.
- Il faut vite quitter la ville, ne perdons pas de temps, allons-y.
- Oh là ! pas si vite ! S’inquiéta subitement le Balafré
- Pourquoi donc ?
- Et bien… Le capitaine paraissait gêné.
Pour le verre d'adieu voyons ! C'est la tradition chez les affairistes, novices ignares.
Il frappa dans ses mains et le majordome amena pressément un plateau en argent avec des boissons peu ragoûtantes.
- Oh non ! La pisse d'orc!?? Pas encore ! 
- Sois pas impoli, on lui doit bien ça. Lui rappela Anarin

Les trois gaillards soulevèrent leurs verres.
- À la santé du roi Isildur et de son fichu anneau!
Anarin avala son verre cul sec en grimaçant mais Burek ne résista pas, il recracha tout. 
- Miserable impoli ! Cria la balafré vert de rage
Il se leva et quitta la pièce hors de lui.
- Bravo idiot! Tu l'as vexé.
- Et alors !? On s'en fiche, on n'a plus besoin de lui, qu'on s'en aille maintenant.

Peu importe maintenant, Allons-y

Burek se leva, Anarin voulut lui emboîter le pas, mais aucune de ses deux jambes ne bougea.

Purin de gobelin… je n’arrive plus à bouger.

Le visage du cordonnier devint tout pâle. Sa tête était soudain si lourde qu’il se mit à piquer du nez.

Je me sens… pas bien…

En quelques secondes Anarin était paralysé, son corps ne répondait plus. Burek se pencha sur son cousin.

- Qu’est-ce qu’il t’arri…

Un sifflement strident résonna et une flèche transperça la nuque de Burek. Le petit larcineur s’écroula raide mort sous les yeux de son cousin.

Anarin voulut crier de toute son âme mais son enveloppe charnelle n’était plus qu’une statue de pierre.

- Alors !? Notre petite boisson fait son effet à ce que je vois !

Le balafré fit son entrée, une grande arbaltète à la main. Les pupilles d’Anarin fixaient le Capitaine avec toute la haine qu’il était humainement possible d’exprimer.

- Oh ne me regarde pas comme ça ! Ce n’est rien de personnel. Un petit changement de programme c’est tout. Tu m’envoie désolé pour ton cousin, je n’avais pas prévu de le tuer, mais il a refusé ma mixture...

À la haine, s’ajouta l’incrédulité.

- Figure-toi qu’il y a une prime sur ta capture. Alors moi je ne fais que mon travail tu sais. C’est une opportunité comme une autre.

Le regard inquisiteur d’Anarin semblait doucement l’irrité.

- Mais qu’est-ce que tu croiyais ?! Ce n’est pas un métier de bon samaritain qu’on fait, si on veut réussir il faut un peu salir les mains. Sinon il fallait rester cordonnier mon garçon.
L’autre fois ton cousin m’a demandé d’où venait ma cicatrice. Je vais te le dire, ça te fera une histoire à méditer.
Vois-tu, ce n’est pas moi qui ai volé la couronne du roi nain. C’était bien trop risqué, je suis audacieux certes, mais pas fou. Alors j’ai envoyé un bon ami à moi, un brave gars qui n’a peur de rien. À son retour je l’attendais avec ma fidèle arbalète. Seulement j’ai raté le premier coup et le temps d’en mettre un deuxième j’ai pris un revers de lame salé. C’est la vie…

Le gondorien regardait le corps sans vie de son cousin. Bien que paralysé, de chaudes larmes coulaient le long de sa joue.

Majordome ! Enballe le dans du linge et amène son trophé à notre ami le Rodeur du Harad.


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