Les bras s'agitaient, les mains remuaient et les poumons éructaient. Tout le monde voulait serrer ou ne serait-ce que toucher la main du roi.
Isildur affichait un grand sourire. Cette affection presque hystérique n'était pas pour lui déplaire. Il embrassait les enfants, saluait les hommes et enlacait les femmes. Dans la foule, c'était la cohue. Rohéna jouait des coudes pour garder sa place. Le roi n'était plus qu'à quelques pas sur sa droite. Il allait clairement dans sa direction, une minute de plus et c'était gagné.
Les complices s'échangèrent un hochement de tête furtif. Tout le monde est prêt.
Isildur n'était plus qu'à deux pas, la séduisante l'haradrim arrangea une dernière fois sa robe. Le chasseur attendait son gibier... Et soudain, elle fut bousculée.
- Hé là ! Regarde où tu marches !
C'était une grosse dame qui tenait quelque chose dans ses bras.
- Oh non... Misère !
Ce quelque chose, c'était un petit bébé, une mignonnerie toute gémissante qui attirait tous les regards.
- Chiotte de gobelin ! Elle va tout faire foirer !
Ça n'échappa pas au reste de la bande. Le visage du Balafré vira au rouge. Il se pencha vers Anarin.
- Il faut la faire dégager ! Pousse cette grosse mégère hors d'ici.
Le jeune gondorien fut rejoint par Burek. Les deux jouèrent de leurs épaules avec hargne.
- Hé oh ! Arrêtez de pousser !
La foule était devenue trop compacte, la grosse dame était inbougeable.
Isildur était maintenant à leur hauteur, au premier rang un petit vieux l'avait alpagué et lui racontait ses souvenirs de porte-étendard au service du défunt Elendil.
- Vite vite ! Qu'est-ce que vous foutez !
- On n’y arrive pas...
Anarin réfléchit un instant et fut frappé d'une fulgurance.
- Le Balafré ! Tu n'as pas dit que tu avais toujours une pièce d'or dans la poche !?
- Si...
- Jette la devant elle, ça la fera bouger.
- Bonne idée le cordonnier.
Il sortit une jolie pièce dorée, l'exhiba devant l'assemblée et la jeta par terre. Aussitôt au sol, un quidam marcha dessus sans faire attention et la pièce disparut.
- Fion de Balrog...
Les cris du nourrisson avaient déjà atteint le roi, du coin de l'œil, il remarqua l'adorable sujet. Il n'y avait plus de doute sur qui serait le prochain à recevoir sa royale attention.
Anarin était à court d'idées.
- Merde, merde, merde...
Les complices s'échangeaient désormais des regards désabusés, la situations était désespérée. Le petit cordonnier leva les yeux au ciel. Y avait-il encore une chose qui pouvait les sauver ?
- Bureeek ! Cousin... Je t'en supplie... Improvise quelque chose.
Ces mots le touchèrent en plein cœur. Ça y est, son moment est venu. C'est dans ces instants qu'il brille, il sait déployer toute l'étendue de son talent.
- T'occupes cousin.
Burek s'avança et prit une grande inspiration.
- POUR LE ROI ISILDUR ! VIVA VIVA VIVA
Toute l'assistance reprit le chant avec enthousiasme et bientôt l'air fut saturé de décibels enjoués. On n’entendait plus rien d'autre.
Sur ce, Burek arracha le bébé des mains de sa grosse mère et... Le balança dans la foule comme un ballon de rugby.
- Mon bébé !! La pauvre affolée s'agita et bouscula la foule pour retrouver son nourrisson. En même temps le balafré s'écarta d'un pas. La voie était ouverte.
Il n'y avait dès lors rien d’autre dans le champs de vision du roi, que la magnifique et ténébreuse Haradrim.
- Siiiiire ! Laissez moi vous embrasser la main !
Isildur la vit et ne résista pas longtemps. Il fendit la plèbe et s'avança jusqu'à elle.
- Et bien ça alors, une femme du Harad ! Voilà qui n'est pas commun.
Rohena se prosterna.
- Oui Sire, j'ai fui mon pays pour trouver refuge dans votre majestueux royaume. Grâce à vous, j'ai échappé à la peste et la désolation.
Sa voix fut prise d'un petit trémolo, on aperçut même une larme couler sur sa joue. Elle était décidément très douée...
- Oh Sire je suis si émue ! Laissez-moi vous étreindre !
Rohena se jeta au cou d'Isildur. La foule attendrit par la scène, se confondit en applaudissements. C'est le moment que choisit le balafré pour se mettre juste derrière le roi. Avec sa grande stature, il bloquait la vue de la garde royale.
- Hé toi ! Bouge de là !
Le capitaine balafré s'exécuta immédiatement. Anarin qui avait observé la scène balbutia.
- Mince ! C'est foutu, il n'a pas eu le temps...
Puis il croisa le regard du voleur chevronné. Il arborait une mine confiante.
- À moins que..
Le gondorien baissa les yeux. Au sol, entre les bottes et les souliers, la chaîne était là.
Et à portée de sa main, étincelant, le petit anneau doré du roi Isildur.
Anarin fit ce qu'il avait appris et répété, il se baissa l'air de rien pour tripatouiller ses souliers.
Il était là. Sagement posé par terre. Le fameux petit anneau doré qui valait 10 000 pièces d'or. Le gondorien n'avait plus qu'à tendre le bras. Mais au moment d'agir il fut pris d'un sentiment étrange. Le petit bout de joaillerie si simple d'apparence était si agréable à regarder.
Comment un si simple alliage d’or pouvait avoir une telle valeur ? De son austère simplicité, se dégageait pourtant une pureté évidente.
A voir de plus près, on distinguait des petites inscriptions dessus, elles étaient en partie effacées.
Anarin fronça les sourcils mais il n'avait jamais vu ce langage. Il eut soudain très envie de savoir ce qu’il y était écrit. Il se baissa encore d’un cran.
J'ai l'impression que plus j'approche ma main, plus il scintille, quelle curieuse petite chose...
Sa main s'approchait encore et encore. Autour de lui plus rien n'existait. Il n'avait d'yeux et d'oreilles que pour l'anneau.
Il est si joli...
Soudain il crut entendre un murmure. Une légère note sifflottante qui lui caraissait l’oreille. Comme si une voix éssayait de lui dire quelque chose. Une voix douce et flateuse.
Il a l’air si précieux...
Les murmures s'intensifiaient, la petite voix se faisait plus dure. Anarin n'était plus qu'à un centimètre de l'anneau. Brusquement, Il sentit des fourmis dans ses bras, ses mains furent prises de tremblement. La voix dans sa tête était devenue sombre, intimidante et grasse.
Fiente d'orc ! Je.. Je n'arrive plus à bouger...
Ses muscles ne répondaient plus, son front perlait de sueur. On aurait dit qu'une force mystique voulait l'empêcher de s'en emparer.
Autour, il n'avait même pas vu que le roi s'était éloigné, le souverain serrait des trognes dans les rangs d'à côté et personne n'avait remarqué l'anneau au sol. Les minutes passaient et la petite bande regardait Anarin l'air anxieux. Qu'est-ce qu'il fait ?
Le balafré ne supportant plus l'incompréhensible scène, s'approcha de son complice et lui envoya un gros coup de pied dans le derrière.
Anarin fut brusquement sorti de sa stupeur. D'un geste terminé il se saisit de l'anneau.
- AAAARRGHH !! Ça bruuule !!
Le bijou était si chaud qu'il le lâcha immédiatement. Sa main toute entière était rouge écarlate.
Son cri de douleur fendit l'atmosphère. Toute la foule s'était retournée. Il y eut d'abord un silence d'incompréhension. On se demandait bien comment ce gueux avait pu se brûler. Et puis, Isildur se retourna à son tour.
Son visage se figea, ses yeux devinrent rouges, son sang ne fit qu'un tour.
À ces mots, la foule fut prise de terreur. Ce n'était pas la voix de son roi qu'elle venait d'entendre, mais plutôt celle d’un serviteur de Morgoth.
Les gardes bousculèrent alors la marée humaine pour attraper le voleur. Anarin se tenait toujours la main endolorie, pris de stupeur il n'arrivait pas à bouger. Autour de lui, le balafré et l'haradrim avaient disparu. Burek lui attrapa l'épaule.
- Ramène-toi cousin ! Tu as encore tes jambes, cours !!
Il remit Anarin sur ses deux pieds et les deux détalèrent à grandes enjambées.
- Mon anneau !! Que personne ne touche mon anneau !!
Isildur hurlait comme un possédé. Ses yeux étaient si rouges, on aurait dit ceux d'un Balrog. Sa voix n'avait plus rien d'humaine. Les gardes étaient tellement troublés qu'ils en oublièrent presque les deux malfrats.
Un soldat, voulant bien faire, se baissa vers l'anneau pour le rendre à son souverain.
- N'y touche pas misérable !
Isildur, avec la hargne d'un fou, dégaina son épée et la souleva au-dessus du malheureux. Des cris épouvantés résonnèrent dans l'assemblée
- Père ! Nooon !
La lame allait s'abattre sur le cou du pauvre soldat quand Elendur surgit et stoppa la folie de son père juste à temps. Isildur lâcha son épée et ramassa son anneau.
Tout à coup ses yeux retrouvèrent leur couleur et sa voix redevint normale. Il regarda son fils l'air incrédule.
- Que vient-il de se passer mon fils ?
- Sire ! On a essayé de vous voler votre a... Le chambellan n'eut pas le temps de finir sa phrase.
- Rien! Il n'est rien passé père ! Un simple mouvement de foule c'est tout. Vous êtes fatigué, il est temps de prendre congé.
Elendur se pencha vers son conseiller et chuchota.
- Chambellan, nous nous occuperons de ces voleurs plus tard. Rappelez les gardes et rassemblez vos informateurs. Que personne ne sache ce qu'il vient de se passer.
Les deux compères, déjà loin, couraient toujours sans regarder derrière eux.
Ils entendaient les cliquetis d’armes et de bottes, trois gardes étaient encore à leur trousse. Les grandes rues dégagées et verdoyantes de la ville haute offraient peu de cachettes.
- Arrêtez-vous ! Au nom du roi, halte !
- Couuurs ! T’arrêtes pas !
Plusieurs fois un homme de la foule tenta un croche-patte, il s’en fut de peu pour les deux cousins d’aller câliner les pavés au sol. On n’aime pas les troubles fêtes en ce jour si sacré. A mesure qu’ils avançaient, la foule se faisait moins compacte, aucun obstacle à opposer à leurs poursuivants.
- À gauche là !
Les fuyards prient la première ruelle qu’ils trouvèrent, ils guéttaient pour une maison où se cacher, mais les murs qui les entouraient étaient trop hauts. D’une petite rue à une autre, alors que leurs forces s’amenuisaient, la garde leur collait au dérrière à toute allure.
- Il faut aller à la ville base !
- On ne peut pas aller à la porte cousin ! Elle est gardée !
- On est coincé...
Après avoir épuisé toutes les ruelles de la ville haute, ils revinrent sur les pas et regagnèrent la grande rue. La course poursuite tournait à l’avantage des deux voleurs qui n’avaient pas d’armures en maille à se trainer. Les bruits de bottes étant moins audibles, Anarin tourna la tête pour mieux voir. Il ne vit pas le majestueux Hêtre feuillu devant lui et se mangea le tronc en pleine figure.
- Cousin ! Lève-toi vite !
- Je… Je peux plus courir..
Burek l’attrapa et le remit sur ses deux jambes. Les bruits de bottes se rapprochaient. Il leva les yeux au ciel.
- Et ben t’as qu’à grimper !
Anarin s’agrippa à la première branche et se hissa, poussé par son cousin qui lui emboitait le pas.
Les gardes passèrent l’arbre à toute vitesse puis s’arrêtèrent à 100 pas de là.
- Ils ne sont pas devant ! Cria l’un d’eux
- Ils se sont forcément cachés ici, tout près. Répondit un autre.
Ils firent demi-tour et se mirent à chercher. Un pauvre banc, une petite fontaine et c’était tout. Il n’y avait rien d’autre qui puisse dissimuler un homme.
- Et les arbres !?
Les deux cousins gloussèrent un grand coup.
Ils inspectèrent les cimes une à une.
- On est foutu…
Plus qu’un arbre à inspecter, Burek sortit son coutelas.
- Oh soldats ! Cessez la traque immédiatement, on vous rappelle à la citadelle !
Un gradé venait de hurler de toutes ses forces. Les gardes ne bronchèrent pas et tournèrent les talons.
Anarin était rouge, la langue pendante, il haletait comme une vache au soleil. Sa respiration était si forte qu'il sautillait sous les va-et-vient de son thorax.
- Tu vois quelqu'un ?
- Non
- Tu crois qu'ils sont vraiment partis ?
- Ça se pourrait bien cousin...
Un long silence s'installa, les deux cousins se regardèrent l’air désemparé et quelque peu gêné. Les événements avaient largement dépassé leur univers familier. Une question terriblement simple s’imposait. Encore un moment pour souffler et Burek se lança:
- On fait quoi maintenant ?
Anarin n’avait bien sûr pas la réponse. Qui pourrait l’avoir ? Les voici, un apprenti cordonnier et un larcineur de bas étage, les deux hommes les plus recherchés dans tout le royaume du Gondor, et qui sait, peut-être même de la terre du milieu.
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