L'elfe Noire et la Communauté de l'Anneau
Après un dîner frugal, les Hobbits tombèrent de sommeil et partirent se coucher. Ils furent vite suivis par Gimli et Boromir. Alors qu’Aragorn conseillait aux autres membres de la Communauté d’en faire autant et qu’il allait prendre le premier tour de garde, la jeune princesse refusa.
« Je suis désolée Aragorn mais il faut que je sorte. Ma magie n’est pas totalement réapparue depuis la guérison de Frodon et j’ai besoin de me ressourcer. Si mes souvenirs des récits que me racontaient les Anciens sont bons, Organda possède une source druidique. Il faut que je m’y rende. »
Les trois hommes froncèrent simultanément les sourcils. L’idée de la laisser sortir seule dans la nuit ne leur plaisait pas et ils lui firent savoir. Finalement, après une discussion animée – tout en veillant à ne pas réveiller leurs compagnons – l’héritier d’Isildur et le prince de la Forêt Noire décidèrent d’accompagner Eliana à la source tandis que Gandalf monterait la garde. Cette décision n’enchantait pas spécialement la princesse. Elle savait qu’ils la questionneraient sûrement sur tout ce qu’elle n’avait pas dit mais qu’il avait perçu. Mais, afin de ne pas créer encore plus de tensions, elle se plia à leur volonté.
Les trois personnages partirent donc de nouveau à travers les ruines. Mais cette fois, ils s’éloignèrent du cœur de la cité. Aragorn et Legolas étaient sur leurs gardes, la main posée sur le pommeau de leurs armes, prêts à dégainer à tout instant. La nuit était sombre, et l’on entendait au loin des cris d’animaux, parfois coupés par des grondements étranges et inconnus, ce qui ne rassuraient pas nos guerriers.
« -Eliana, savez-vous où nous allons ?
-Etrangement, oui Aragorn, je le sais. J’ignore comment, car je ne suis jamais venue ici auparavant, mais j’ai l’impression de connaître cette cité comme si j’y avais grandi.
-Et que cherchons-nous, dame Eliana ?
-Une source druidique, prince Legolas. Ce genre de source peut paraître tout à fait banal lorsqu’on la voit, mais le fait qu’elle ait été bénie par les Hauts-elfes druides lui confère des pouvoirs particuliers. Notamment celui de revigorer ses adeptes ainsi que ceux qu’ils invitent à la source. Ce qui signifie que vous pourrez probablement bénéficier de ses soins. »
Au bout de quelques minutes de marche, ils arrivèrent enfin devant une petite source, située dans un endroit très sombre, et que des yeux non-informés n’auraient pas découvert.
« Ne vous inquiétez pas des éventuels gêneurs. Le pouvoir de la source permet de protéger ceux qui se trouvent en son sein. »
Et avant qu’Aragorn ou Legolas puisse répondre, la princesse elfique commença à se dévêtir. Alors que les deux hommes ouvraient des grands yeux stupéfaits, Eliana sourit. Que croyaient-ils ? Elle n’allait pas se dévêtir entièrement, mais ils étaient hors de question qu’elle se purifie avec tous ses habits sur le dos. Alors elle garda uniquement son fin dessous, qu’elle portait sous sa tunique, ainsi que son pantalon moulant. Elle entendit derrière elle des exclamations étouffées et se retint de s’immerger complètement. Elle s’attendait à une réaction à la vue de son corps.
Au bout de quelques instants, une sensation de bien-être l’envahit. Eliana soupira. La source lui prêtait sa force. Legolas hésita un instant avant d’entrer dans l’eau à son tour, tandis qu’Aragorn restait sur le bord. Les deux avaient les yeux fixés sur les épaules dénudées de la jeune elfe. Le silence qui régnait fut brisé par le prince de la forêt Noire :
« -Quelle est la signification des courbes noires qui parcourent vos épaules dame Eliana ?
-Il s’agit de ce que vous autres, elfes sylvestres, appelez « runes ». Celles que vous voyez sont des runes de guérisons.
-A quoi servent-elles ?
-D’après la tradition des Nimrôls, les runes nous permettent d’entrer en communion avec la Nature quand nous avons besoin d’elle. Il en existe très peu aujourd’hui. Les runes de guérison sont les plus puissantes. C’est grâce à elles que j’ai pu soigner Frodon. Elles me relient à la Nature. En revanche, une fois que je les ai utilisé jusqu’à un certain point, elles ne peuvent plus se ressourcer toutes seules et, par conséquent, mon pouvoir diminue. Dans ces cas-là, je dois venir à une source druidique pour récupérer la totalité de ma force. »
Le silence retomba. Aragorn était perdu dans ses pensées. Legolas, lui, ne pouvait détacher ses yeux de son homologue féminin. Il était profondément troublé. Jamais encore il ne s’était senti si attiré par un corps de femme. Les sentiments qu’il ressentait le laissaient perplexe. Il savait qu’il aurait dû la haïr mais, au fur et à mesure qu’il découvrait la princesse, son ressentiment diminuait. Plus étrange encore, il avait l’impression que si elle venait à disparaître, quelque chose en lui se briserait. Pris dans ses étranges tourments, il ne vit même pas le regard attendri que portait Aragorn sur lui.
Le Dunedain se retenait de sourire. Le trouble de Legolas était visible pour quelqu’un qui le connaissait bien. La jeune elfe n’avait pas l’air de laisser le fier prince elfique totalement indifférent. Etait-ce une bonne chose ? L’homme n’en savait rien. Mais il connaissait assez son ami pour savoir que celui-ci devait se sentir perdu. Peut-être qu’il allait falloir lui donner un coup de main pour qu’il réalise…
Soudain, Aragorn réalisa que le moment pouvait être propice aux confidences. Il savait que Legolas avait autant remarqué que lui que la princesse d’Organda n’avait pas tout dit. Peut-être accepterait-elle de se confier…
« -Eliana ?
-Je sais ce que vous voulez Aragorn. Vos pensées actuelles se lisent sur votre visage. Et je suppose que le prince Legolas se pose les mêmes questions.
-C’est probable dame Eliana. Vous m’avez dit vous-même que vous gardiez certains secrets. Pensez-vous pouvoir nous en confier certains ? Vous pouvez avoir confiance en nous.
-J’ai confiance en vous, prince de la Forêt Noire. En vous et en Aragorn, ainsi qu’au reste de la Communauté. Mais ce que je vais vous dévoiler ici ne doit pas parvenir aux oreilles des autres. Mithrandir sait déjà tout ce que je cache. Mais j’aimerais que les Hobbits le sachent le plus tard possible, pour les préserver. Promettez-le-moi. »
Gravement, les deux guerriers hochèrent la tête. Bien qu’ils ne sachent pas pourquoi ils devaient promettre cela, l’air de la jeune elfe était suffisamment grave pour les inquiéter. Cette dernière prit une profonde inspiration et, traçant des cercles dans l’eau, commença son récit :
« -Depuis que vous me côtoyez, vous m’avez plusieurs fois vu effrayées par la simple mention des forces du mal. Comme vous, je crains pour la sécurité de ce monde. Je crains l’anneau, de qui j’entends la voix malsaine lorsque je relâche mes pensées. Mais plus encore que l’anneau ou les orcs, je crains Saroumane et son maître Sauron.
-Qu’ont-ils fait pour vous mettre dans l’état où vous étiez lors du passage des oiseaux ou de la voix du magicien dans le col, dame Eliana ?
-On ne peut pas dire qu’ils m’aient fais quelque chose physiquement, comme on ne peut dire qu’ils ne m’aient rien fait. Vous connaissez tous mon statut et la condition de mon peuple. Vous savez aussi que les Nimrôls se tournent de plus en plus vers le mal. Si mon frère m’a fait quitter le royaume, c’est pour ma sécurité. Les partisans de Saroumane sont de plus en plus nombreux. Et s’ils tolèrent encore mon frère, ils ont des projets pour leur princesse.
-Quel genre de projets ?
-Les fidèles ont su par Saroumane que Sauron était seul, terriblement seul. D’après le magicien, il lui faudrait quelqu’un pour gouverner à ses côtés. Alors, afin de tous gagner les bonnes grâces de Saroumane et de leur maître, ils se sont mis en tête de lui trouver…
-Une compagne… »
La voix de Legolas semblait brisée. Lui comme Aragorn venait de réaliser l’ampleur de ce que leur disait la princesse d’Organda. Saroumane cherchait une compagne pour Sauron. Il voulait une femme digne de régner aux côtés de son maître. Et quoi de mieux qu’une princesse, elfe qui plus est ? S’en prendre à la Dame Galadriel ou à Arwen Undomiel était trop risqué, même pour les serviteurs du mal. Mais aller chercher la princesse d’un royaume déchu, dont la puissance semblait être importante ? Saroumane avait du voir cela comme un jeu d’enfant.
« -Oui, prince Legolas. Une compagne. Une manière pour Sauron d’avoir une descendance. Voilà ce que je suis pour lui. Mon frère a eu vent de ce projet et a réussi à me faire quitter le royaume tout en prévenant Mithrandir. Je fuis un mariage qui m’amènerait sûrement à la mort. Je fuis le mal. Et, bien que les sbires de Saroumane et de Sauron recherchent l’anneau, ils me cherchent aussi.
-Voilà qui justifie bien votre peur, Eliana. Merci de vous être confié à nous. Vous ne craignez rien. Vous faîtes partie des nôtres. Nous vous protègerons. »
Quelque peu indécise, Eliana jeta un regard en coin au prince de la Forêt Noire. Elle ne doutait pas de la sincérité d’Aragorn mais Legolas voudrait-il vraiment la protéger ? Après tout, on ne pouvait pas dire qu’ils étaient les meilleurs amis du monde. Mais le hochement de tête du prince et son regard franc la rassurèrent mieux que n’importe quelle parole. Alors, doucement, elle relâcha la tension qui s’était accumulée en elle, avant de leur sourire. Intérieurement, elle bénit Mithrandir qui lui avait dit de faire confiance aux deux hommes. Il avait raison. Elle n’aurait pu trouver meilleurs alliés que ces deux-là.