Sienna

Chapitre 22

2897 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/01/2020 18:08

Newt rejoignit sa table, encore sous le choc. Il s’assit sans s’en apercevoir sous les regards de ses amis. 

- Hé, ça va, mec ? S’inquiéta Minho. 

- Ouais… Ouais, ça va, balbutia t-il en s’éclaircissant la voix. 

Minho se pencha vers lui.

- C’est vraiment Sienna ? Ta Sienna ? 

Newt secoua la tête et ne put s’empêcher de sourire.

- C’est…

- …complètement dingue, termina Thomas à sa place.

- Ouais, c’est ça, confirma Newt. 

- Et pourquoi elle est pas avec toi ? S’étonna Winston. 

Il chercha les regards de Minho et Thomas.

- Elle n’a pas confiance en Jensen. Elle préfère rester discrète. 

- Pourquoi ? S’intéressa Thomas. Pourquoi ne lui fait-elle pas confiance ? 

- Elle a surpris des trucs bizarres.

- Développe, s’impatienta Thomas. 

Newt lui lança un regard agacé. 

- Minute, papillon. Des civières. Avec des corps dedans. Transportés la nuit par Crawford.

Les garçons réfléchirent à la nouvelle.

- C’étaient peut-être des malades, suggéra Fry. On nous a bien fait comprendre que c’était pas jojo à l'extérieur. 

- Ou les corps de ceux que Jensen appelle chaque jour, lâcha Thomas.

Minho leva alors la tête et son visage se figea. 

- C’est elle ? Demanda t-il à Newt. 

Newt se retourna et vit Sienna entrer dans le réfectoire. C’était comme s’il était devenu sourd et complément imperméable au monde extérieur. Elle captait la lumière et resplendissait. Sentir les regards de ses amis posés sur elle lui déplut. Se mordant l’intérieur de la joue, il se dit qu'il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas ressenti ça ; la jalousie. Encore un aspect qu’il allait devoir réapprendre à gérer.

Newt croisa son regard tandis qu’elle rejoignait sa table et il crut déceler un petit clin d’œil. Un sourire béat sur les lèvres, il l’observa s’asseoir. Quand il parvint à détourner son regard d’elle, il s’aperçut que ses amis la dévisageaient toujours. Newt prit sur lui pour ne pas leur fourrer la tête dans leurs assiettes et s'éclaircit calmement la gorge. 

- Vous pourriez au moins être discrets, déclara t-il en haussant un sourcil désapprobateur. 

Thomas, Minho, Winston et Fry reportèrent leur attention sur lui, bouche bée. Fry fut le premier à recouvrer l’usage de la parole :

- Bah, mon vieux, t’as pas choisi la plus moche, lâcha t-il, les yeux comme des soucoupes. 

- C’est clair, enchaina Winston. Sérieux, comment t’as fait pour… ? 

Il laissa sa phrase en suspens mais Newt comprit parfaitement où il voulait en venir. Heureusement qu’il n’était pas susceptible…

- Ça va devenir vexant, là, rétorqua t-il. 

Thomas lui adressa une grimace un peu moqueuse tandis que Minho secouait la tête en souriant. 

- Mon pote, dit-il, tu m’avais dit qu’elle était belle comme le jour mais je croyais que c’était ton imagination qui te jouait des tours. 

- Moi aussi, répondit Newt avec un petit rire. 

- C’est cool, lâcha Thomas en lui donnant un léger coup d’épaule. 

Newt secoua la tête et posa à nouveau son regard sur Sienna. Elle lui tournait le dos et parlait à sa copine Camille. Il l’imagina furtivement au coin d’un feu de camp, sans espoir que le lendemain soit différent de la veille. Et sa mâchoire se serra de colère. 

- A quoi tu penses ? S’enquit Minho.

- Elle a vécu trois ans là-bas. Comme moi. Ça me rend dingue de l’imaginer…

- Elle a l’air d’aller bien, l’interrompit Thomas. Et tu ne pouvais rien y faire.

Newt s’apprêtait à répondre mais Jensen fit son apparition et les salua. Puis il sortit un bloc note et commença à énumérer des prénoms :

- Alice, Benton, Charly, Clay et Catherine. 

Newt les observa se lever un par un pour aller se poster derrière Jensen, le sourire aux lèvres. L’espoir de partir vers une vie meilleure se lisait sur leurs visages. Etait-ce vraiment ce que leur proposait Jensen ?

L’attention de Thomas se porta soudainement sur les baies vitrées situés en face d’eux. Newt suivit son regard et aperçut Teresa, accompagnée d’un petit groupe, passer derrière les vitres. Ils étaient guidés par Crawford. Ils disparurent par une porte coulissante sur la gauche tandis que le petit groupe rassemblé par Jensen passait la porte à leur tour.

Newt ne vit pas le coup venir. Thomas se leva brutalement de sa chaise et se dirigea vers les portes vitrées, devant lesquelles étaient postés deux gardes. 



J’entendis un claquement, comme si quelqu’un avait tapé sur une table. Puis je vis la plupart des têtes se tourner vers le fond du réfectoire. Vers la table de Newt. Avec étonnement, je vis un jeune homme brun marcher d’un bon pas vers la porte, par laquelle étaient en train de sortir les cinq nominés du jour. Je fronçai les sourcils en me demandant ce qu’il comptait faire. S’il essayait de sortir, il se ferait forcément refouler. Je me retins de me tourner pour interroger Newt du regard. Il m’avait parlé d’un Thomas, qui n’était « pas comme les autres ». Je ne serais pas étonnée d’apprendre que c’était lui. 

Le « présumé Thomas » continua à marcher en baissant la tête, comme pour essayer de passer inaperçu. Comme prévu, il n’atteignit pas la porte. Les deux cowboys qui servaient de gardes se plantèrent devant lui. L’un d’eux posa brutalement la main sur son torse pour le stopper. 

- Hé, qu’est ce qu’il y a ? Dit-il. J’ai pas entendu ton nom. 

- J’en ai pour deux minutes, plaida le jeune homme en essayant de forcer à nouveau le passage. 

Cowboy numéro 1 l’arrêta une nouvelle fois et s’approcha de lui pour le repousser.

- C’est une zone où l’accès est interdit, déclara t-il, toujours relativement calme. 

Le jeune homme recula d’un pas. Je crus qu’il allait renoncer mais il s’adressa une nouvelle fois au garde. Je tendis l’oreille. 

- Laisse moi passer, je veux juste voir ma copine. S’il te plait. 

J’étais intriguée. Il ne semblait pas bête au point d’espérer convaincre cow-boy numéro 1 de le laisser passer. Alors pourquoi s’acharnait-il ? Le garde pointa un index menaçant sur sa poitrine. 

- Tu vas retourner poser ton cul sur ta chaise. 

Après un court instant pendant lequel la tension fut palpable, le jeune homme tourna les talons et fit quelques pas. Mais contre toute attente, il fit demi tour et se précipita sur les gardes. Il se fit brutalement repoussé et ils en vinrent presque aux mains. Avec angoisse, je vis Newt et son groupe d’amis se précipiter vers eux pour les séparer. J’eus envie de lui crier de ne pas s’en mêler mais me retint de justesse. Mon regard se posa sur la main du jeune homme brun. Rapidement, je la vis plonger dans la poche du garde, en ressentir un objet qui ressemblait fortement à un badge et retourner dans sa propre poche. Je souris intérieurement. Ce mec était malin. 

- C’est quoi ton problème ? Cracha t-il à cowboy numéro 1 alors que Newt et un type asiatique le faisaient reculer. 

Dans le chaos et le brouhaha, j’entendis le cri de Jensen. Les choses n’allaient pas s’arranger. Il débarqua dans le réfectoire, en fureur. Il écarta les deux gardes pour passer et se planta devant le jeune homme brun. Je n’aimais pas voir Jensen aussi proche de Newt. 

- Qu’est-ce qu’il se passe, ici ? Eructa t-il, les joues rouges.

Il regarda tour à tour ses hommes et le groupe de Newt. 

- Thomas, dit-il – je ne m’étais pas trompée- on peut plus se faire confiance, nous deux ? S’enquit-il en posant une main sur l’épaule du jeune homme. 

Jensen avait la même attitude envers lui qu’envers moi. Ce comportement qui se voulait paternel mais qui sonnait tellement faux. 

- Je te rappelle qu’on est tous dans le même camp, ajouta Jensen en ayant retrouvé son calme. 

- Ah oui ? Souffla Thomas, sans cacher son scepticisme. 

Je vis le regard de Jensen flamboyer. 

- Je vois. Aurais-tu déjà été…influencé par des personnes aux mauvaises intentions ? Demanda t-il à Thomas. 

Puis il tourna la tête et son regard calculateur se posa…sur moi. Et merde. Je soutins son regard tandis qu’il s’approchait de ma table. 

- Parce qu’il s’avère justement que nous en avons quelques-unes. 

Je haussai les sourcils, abasourdie de me retrouver ainsi embarqué dans cette histoire. Je n’aurais pourtant pas pu me faire plus discrète. Jensen se pencha légèrement vers moi et me sourit avec amabilité.

- Sienna, aurais-tu…distiller ton poison à ce jeune homme ? 

Je l’observai, interdite. Ce type était taré. Je jetai un coup d’œil à Thomas, en évitant difficilement le regard angoissé de Newt. Puis je revins sur Jensen.

- Je ne le connais pas, dis-je simplement. 

Il m’observa intensément quelques secondes puis se redressa. Il s’adressa à ses hommes :

- Emmenez les dans leur dortoir, ordonna t-il en désignant le groupe de Newt et Thomas. Et Sienna aussi. Avec sa copine, ajouta t-il, ça lui fera de la compagnie.

Je lançai un regard noir à Jensen et m’insurgeai en silence. Je repensai au badge que Thomas avait maintenant dans sa poche. Je ne voulais pas faire capoter sa petite victoire. Mais Camille ne paraissait pas l’entendre de cette oreille.

- Mais…pourquoi ? Protesta t-elle. C’est complètement injuste !

Je me levai et lui attrapai le bras pour qu’elle en fasse de même. Me penchant rapidement, je lui soufflai à l’oreille :

- Calme toi et bouge. Je t’expliquerai. 

Elle m’adressa un regard étonné mais capitula. Le groupe de Newt était maintenant entouré de plusieurs gardes qui commençaient à les pousser vers la sortie du réfectoire. Je passai devant eux, suivie de Camille. Ignorer Newt fut un supplice. Mais j’eus tout juste le temps de croiser le regard de Thomas ; il paraissait désolé. Puis j’arrivai à Jensen. Il semblait beaucoup s’amuser. 

- Je rêvais justement d'une bonne nuit, lâchai-je ironiquement en passant devant lui. 

Son regard brilla d’une lueur malsaine. Camille et moi remontâmes le couloir, escortées de deux gardes. Newt et son groupe étaient juste derrière, sous bonne garde également. Nous arrivâmes devant nos dortoirs respectifs. Je cherchai rapidement le regard de Newt avant qu’il ne me soit enlevé pour la nuit. Ses yeux trahissaient la même frustration que moi. Je ne pus me plonger dans ses iris qu’une seconde, avant d’être brutalement poussée à l’intérieur du dortoir. Camille subit le même traitement et la porte claqua bruyamment derrière elle. 

- Qu’est ce qui leur prend ? S’énerva Camille en réajustant sa veste. Et pourquoi tu t’es laissée faire ? 

- Parce que Thomas a profité de son altercation avec le type stéroïdé pour lui piquer son badge. 

- Et alors ?

- Et alors, j’espère bien qu’il en fera bon usage.



Newt, Thomas et les autres furent littéralement jetés dans leur dortoir. A peine la porte fut elle refermée que Minho s’approcha de Thomas.

- C’était quoi ce délire, Thomas ? Demanda t-il, réprobateur.

- Tu croyais quand même pas qu’il allait te laisser passer ? Ajouta Newt, dubitatif. 

- Non, bien sur que non, répondit Thomas en sortant le badge de sa poche. 

Il le brandit devant eux. Newt poussa un soupir en levant les yeux au ciel.

- Je vais découvrir ce qui tourne pas rond.

- Ok, lâcha Newt, l’air pas convaincu. 

- Newt, il se passe des trucs bizarres, insista Thomas. Même ta copine te l’a dit.

- Pourquoi Jensen s’en est prit à elle d’ailleurs ? Releva Minho en se tournant vers Newt. 

- J’en sais rien. Elle m’a dit qu’il s’intéressait bizarrement à elle.

- Tu m’étonnes, intervint Fry à qui Newt décocha un regard agacé.

- Newt, reprit Thomas, je suis persuadé qu’il nous mentent sur leurs intentions. 

- Non, Thomas, t’es persuadé de rien, répliqua sèchement Newt. La seule chose dont on est sûrs, c’est qu’ils nous ont sortis du labyrinthe. Ils nous ont filé des fringues, donné à bouffer. On a même des plumards. Ça faisait un bail qu’on avait pas pioncé dans un vrai lit…

- D’accord, mais…, tenta de l’interrompre Thomas. 

- …et pour certains, plus longtemps que d’autre, termina Newt en plantant son regard dans le sien.

Il comprenait les arguments de Thomas mais il avait peur que ses actes ne les mènent à la catastrophe. S’il y avait une chance pour que Jensen tienne ses promesses, il ne voulait pas la louper. Surtout maintenant qu’il y avait Sienna. 

Thomas secoua la tête, un instant gêné et étonné du ton qu’avait employé son ami. Mais il n’avait pas l’intention de changer d’avis. Aris, le type qui était avec Sienna, avait pris le temps de lui expliquer un peu plus tôt dans la journée qu’il était possible d’emprunter les canalisations ; il lui avait également indiqué l'endroit où les corps étaient emmenés. Thomas s’accroupit près de la grille d’aération du dortoir et l’enleva de son socle. Puis il leva la tête vers les autres.

- Vous avez peut-être raison, je me fais peut-être une crise de parano. Mais je dois aller voir pour en être sur. Je compte sur vous pour me couvrir. Je reviens dès que je peux. 

Thomas se faufila dans la conduite et disparut.


Après de longues minutes passées à quatre pattes dans les conduits, Thomas trouva enfin le couloir gris éclairé par de longs néons dont Aris lui avait parlé. Il sauta et referma la grille sans bruit. Il vérifia à droite et à gauche que personne n’arrivait et sortit le badge de sa poche. Puis il s’approcha de la porte équipée d’un lecteur et y passa la carte. La diode rouge passa au vert et la porte s’ouvrit avec un bruit de décompression. Thomas déboucha dans un sas, pratiquement plongé dans l’obscurité, mise à part une étrange lueur bleue émanant des murs. Des blouses blanches étaient accrochées à un porte manteau sur sa droite. Il fit prudemment quelques pas vers la seconde porte et, en passant devant une longue vitre, il comprit d’où venait cette étrange lumière bleutée. De l’autre côté de la vitre, se trouvaient d’énormes tubes remplis d’un étrange liquide et baignés de lumière bleue. Et à l’intérieur, d’horribles créatures ; on aurait dit de gros escargots, munis d’antennes ou de pinces. Elles ne bougeaient pas. 

Thomas se détourna et atteignit la seconde porte du sas. Il passa à nouveau le badge devant son lecteur et arriva dans une énorme salle, elle aussi éclairée d’une lumière bleue. Quand il regarda devant lui, il sentit son estomac se retourner et resta un moment immobile, abasourdi par le spectacle qui s’offrait à lui.

Des dizaines de corps, branchés à des machines, se balançaient à quelques dizaines centimètres du sol. Ils étaient surmontés d’un genre d’auréole, à laquelle étaient branchées de nombreuses perfusions. Ils n’étaient pas morts. Mais ils n’étaient pas en vie non plus. Thomas retrouva l’usage de ses jambes et avança lentement, les yeux rivés sur les visages de ces pauvres gens. Qu’étaient-ils en train de subir ? Etait-on en train de leur prélever quelque chose ? Les avait-on plongés dans un profond sommeil ? 

Il fit le tour de la pièce un moment, observant cette scène inimaginable. Puis, estimant qu’il en avait suffisamment vu, il tourna les talons et sortit précipitamment. Newt et les autres allaient être obligés de l’écouter maintenant. 


Laisser un commentaire ?