Elanor

Chapitre 8 : Chapitre 7 - Salade de pissenlits

9600 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:57

-Serra -

 

Depuis un bon moment, j’étais assise au seuil de la porte de Thorin, dos à l’escalier. Le jour n’était pas encore levé lorsqu’il avait entrepris de jouer de la harpe. Ces quelques notes douces et mélodieuses avaient fini par me tirer de mon sommeil.

Sur la pointe des pieds, je m’étais alors rapprochée de sa chambre afin de coller mon oreille contre la cloison, de façon à pouvoir mieux discerner la musique. N’ayant encore jamais rien entendu d’aussi délectable et raffiné, j’avais beaucoup de mal à accepter que ce soit en réalité mon rustre de voisin nain qui composait actuellement cette berceuse.

À un moment, je l’avais même entendu chanter ! Thorin passait le plus clair de son temps à beugler après moi en me reprochant toutes sortes de choses. Comment aurais-je su qu’il pouvait avoir une voix aussi exquise ?…

 

À chaque minute, le soleil s’élevait un peu plus haut dans le ciel. Il pouvait être n’importe quelle heure.  J’aurais plutôt dû me préparer pour me rendre chez Elrond, mais je n’en avais pas envie. Je préférais ne pas bouger et continuer mon écoute attentive…

Mais à contrecœur, je finis par me résigner à retourner dans ma chambre, car le savoir d’Elrond m’intéressait bien plus que la harpe de Thorin.

Une petite voix vint m’interrompre dans mes pensées :

— Que fais-tu par terre, Serra ?

C’était Balin. J’avais été tellement captivée par la musique que je ne l’avais pas entendu monter les escaliers. Cette situation était gênante… Comment justifier le fait que j’écoutais aux portes ? J’avais beau réfléchir, mais rien ne me venait à l’esprit.

La musique cessa aussitôt et j’entendis les pas lourds du nain qui se rapprochaient de nous. Il fit coulisser l’ouverture de sa chambre et me lança un regard perplexe.

Il fallait que je trouve quelque chose et vite pour éviter de paraître stupide devant ces deux là.

— Que personne ne bouge ! criai-je en levant les bras au ciel.

Les nains me dévisageaient en attendant des explications. Mais je n’avais rien trouvé de mieux  à faire que de me gratter les aisselles comme un singe ! Mais quelle honte, je ne m’étais même pas coiffée… Avec mon épaisse tignasse et mon comportement de simien, je devais plus tenir d’un primate que de l’humaine à l’heure actuelle !

Mais une idée me vint…

— J’ai perdu une lentille ! Plus personne ne bouge ou vous allez l’écraser avec vos gros pieds !

À quatre pattes et à tâtons, je cherchai ce fameux objet que j’étais supposée avoir perdu. J’aurais mieux fait d’avouer que j’écoutais aux portes car comme je le craignais ils se moquèrent de moi ! Je n’avais pas revu Thorin rire aussi fort depuis le soir où Dorala m’avait frappée à la tête.

—Bon, tant pis… Je vais prendre une nouvelle paire ! leur répondis-je d’un air crispé.

Je courus dans la salle de bains pour m’y réfugier et attacher ma chevelure. Je les entendais ricaner et il y avait de quoi ! Mais qu’est-ce qui m’avait pris d’agir de cette manière ? Heureusement pour moi qu’aucun de ces deux-là n’avaient vu de chimpanzés auparavant, ou ils m’auraient comparée à une de ces bêtes !

—Thorin, je venais juste pour te rappeler de la réunion de dernière minute à propos de la révolte…

Je ne pus entendre la suite car Balin s’était mis à chuchoter. Curieuse comme j’étais, je mourais d’envie d’en apprendre davantage sur cette révolte. Ils ne s’apprêtaient tout de même pas à rentrer en conflit avec nous ?

Mais je ne sus rien de plus. Balin proposa à son ami de se joindre à lui et à son frère pour prendre le petit-déjeuner, mais il refusa prétextant qu’il avait déjà prévu quelque chose.

C’était aussi mon cas, puisqu’Elrond m’avait demandé de venir de bonne heure, je devais donc me préparer rapidement pour pouvoir sauter au volant de ma voiture. Pour gagner du temps, je fis une croix sur le maquillage, car après tout, ces elfes étaient répugnaient à tous ces produits chimiques que nous pouvions nous étaler sur le visage !

Depuis samedi dernier, je faisais la tête à Fili… Je n’avais pas apprécié de me retrouver seule, en pleine nuit, à plusieurs kilomètres de chez moi, sans aucun moyen de locomotion. Il avait essayé de se défendre de son mieux en me certifiant qu’il m’avait appelée tôt dans l’après-midi pour me prévenir que la soirée serait annulée. Et il l’avait fait ! Mais sur mon fixe…

Même si Fili ne pouvait connaitre la différence entre un fixe et un portable, je lui en voulais tout de même.

Lorsqu’il m’avait proposé ce rencard, j’avais perdu tous mes moyens au moment de refuser … Mais à présent, je possédais une excuse valable me permettant de renoncer aux futures propositions qu’il pourrait me faire !

C’était tout moi ! Je ne savais pas décliner les invitations qu’on pouvait me faire, si bien que je m’étais déjà retrouvée dans de beaux draps ! Et étrangement, cela me plaisait.

Quant à Dis… Et bien, c’était une naine charmante ! Mais la pilule ne passait pas quand elle me voyait déjà fiancée avec son fils… Cela avait le don de m’énerver.

— Tu n’as pas de tatouage ?

Je me retournai pour constater qu’il s’agissait bel et bien de mon voisin de chambre. Il s’était enfin décidé à m’adresser la parole ! Mais qu’avaient-ils donc tous à vouloir être tatoués de la tête aux pieds ?

—Non.

—Pourquoi ? Cela ne te tenterait pas d’en avoir un ?

—Oh la la ! Je ne préfère pas imaginer la tête de ma mère si elle me voyait avec un tatouage ! rigolai-je.  Et puis, il y a tant de possibilités.

—J’ai le nécessaire pour en faire si tu le souhaites, me proposa-t-il.

Je n’aimais pas les tatouages car ils étaient tout déformés par l’apparition des premières rides ! Et puis, cela faisait sale… Mais le fait que ma mère puisse en être contrariée me donnait soudainement envie de m’en faire un ! Elle finirait peut-être par comprendre que j’avais besoin d’elle...

—Ok, pourquoi pas ?

—Vraiment ? me demanda-t-il étonné.

—Oui. Mais tu as une idée ?

—Je peux…

—Je n’ai pas envie qu’il soit gros et je le veux sur mon poignet ! l’interrompis-je.

Il me conduisit alors dans sa chambre où je me suis assise sur son lit en tailleur, attendant le moment fatidique où j’allais être marquée à vie ! La folie m’avait gagnée depuis que je côtoyais tout ce petit monde… L’ancienne Serra n’aurait jamais accepté de se faire tatouer par un nain teigneux.

Thorin cherchait son matériel dans une de ses commodes. Je n’avais pas pu observer ses esquisses l’autre soir et j’espérais donc qu’il sache correctement dessiner.

—Je te fais confiance, ne me fais pas n’importe quoi !

—Essaie de te détendre.

—Au fait… Comment as-tu trouvé mon dessin ? finis-je par lui demander.

Il ne m’en avait pas reparlé, je m’étais pourtant bien appliquée sur cette table de bowling avec mon cocktail à la main !

—Cela ne me ressemble pas vraiment…

—Bah si ! Tu trompes ! rigolai-je. C’est toi sans ton horrible tatouage sous la fesse droite après plusieurs heures de musculation acharnée et une bonne séance d’épilation à la cire chez une esthéticienne !

—Tu l’as remarqué… Je ne pensais pas que tu étais aussi observatrice ! me répondit-il en souriant.  

Arrête de rougir.

Il se redressa et se rapprocha de moi avec ses outils à la main.

—Non mais j’hallucine ! m’écriai-je.  

Je contemplai les instruments qu’il avait étalés sur le lit : l’un était un pic blanc tranchant qui semblait être fait d’ivoire, le second était un petit marteau de fer et le dernier un pot si poussiéreux que je pouvais discerner les traces de doigts de Thorin… Je n’étais pas convaincue par la stérilité de ses outils !

—Je… J’ai changé d’avis. J’irai chez un de nos tatoueurs…

—Tu plaisantes ? Reste là ! Tu n’as qu’à fermer les yeux si cela te rend si anxieuse ! m’ordonna-t-il.

—Je ne suis pas franchement rassurée par la propreté de ton matériel, lui avouai-je sur un ton dépité. Combien de nains sont passés avant moi ? Et c’est quoi cette boîte répugnante ?

Il pesta avant de me bander les yeux avec un vieux chiffon tout en répliquant qu’il n’avait encore jamais tué personne de cette manière. Je l’avais vexé, mais il y avait pourtant de quoi se sentir inquiet ! M’allongeant sur son lit, j’essayais d’attendre le plus sereinement possible... L’idée d’attraper une maladie incurable m’horrifiait au plus haut point,  mais je tentai tant bien que mal de me persuader que tout comme les autres, je ne serais pas souffrante. Malgré tout, mon cœur battait à la chamade et mes mains tremblaient.

Pourquoi est-ce que je ne protestais pas ? Il me suffisait de prendre la fuite. Pourtant j’étais toujours allongée sur son lit, et j’attendais… Car je voulais qu’il le fasse.

—J’ignore comment vous les faites, mais nous, nous procédons de cette manière. Ne t’inquiète pas et reste tranquille, m’ordonna-t-il de nouveau en saisissant mon poignet.

Je sentis une lame m’entailler la chair, c’en était déjà de trop ! Je m’efforçais de ne pas crier mais la douleur était bien réelle.

—Arrête ! Tu es en train de me couper les veines ou quoi ?

—Cesse de bouger ! intima-t-il. J’ai fini.

Il répandit une poudre sur la plaie qu’il venait de me faire. A cet instant, je m’étais sentie rassurée car je pensais qu’il avait enfin terminé… Erreur ! Il reprit son outil de torture et commença à le frapper à l’aide du marteau que j’avais pu apercevoir auparavant. Il ne martelait pas aussi fort que s’il avait voulu enfoncer un clou dans un mur, mais il ne fallait pas non plus être douillette ! La douleur était insupportable, il valait mieux pour ma pauvre mère qu’elle ignore de quelle manière que je m’étais fait faire ça …

—C’est presque fini, m’assura-t-il.

Je me mordais la langue pour éviter de me plaindre, je ne voulais pas paraître ridicule car je doutais très sérieusement que les nains qu’il avait pu tatouer auparavant eussent gémi de la sorte… Comment pouvaient-ils tous apprécier de souffrir ainsi ?

J’en avais des sueurs froides !

—Qui t’a fait les tiens ? lui demandai-je pour m’occuper l’esprit.

—Dwalin.

—C’est toi qui t’es occupé de son crâne ?

—Oui… C’est terminé ! m’annonça t-il. Je vais te faire un bandage. Garde-le tant que ce n’est pas cicatrisé.

J’ôtai instantanément le torchon qu’il avait placé sur mes yeux et je fus déçue de ne pas pouvoir admirer le massacre qu’il avait pu faire. Voyant ma déception, il m’expliqua alors la technique naine pour tatouer, pensant sûrement me faire plaisir...

Ils utilisaient un pic d’os d’orc taillé de façon très coupante pour réaliser de profondes entailles  dans la peau, puis, ils introduisaient dans la plaie une sorte de suie de façon à colorer la cicatrice et ils finissaient par marteler la blessure.

"Pour colorer la cicatrice". Cela signifié donc que j’étais dorénavant marquée à vie et que je ne pourrais jamais m’en débarrasser grâce au laser… Mais pourquoi est-ce que je n’y avais pas réfléchit plus tôt ?

Il m’informa par la même occasion que mon poignet allait enfler mais que c’était tout à fait normal et que je ne devais pas m’inquiéter. C’était pour cette raison qu’il l’avait caché…

Chez nous, on appelle ça une réaction immunitaire due à la présence d’antigènes dans notre organisme ! Crétin.

Thorin aurait mieux fait de s’abstenir et garder ses explications pour lui. S’il pensait m’avoir rassurée et bien c’était raté ! L’idée de savoir qu’il venait de m’entailler le poignet avec un os me répugnait, mais je ne pouvais m’en prendre qu’à moi même.

Une petite visite chez mon médecin afin d’avoir un traitement antibiotique allait s’imposer.

Cependant, je devais bien admettre que j’étais très surprise de voir qu’il possédait de véritables bandes de crêpe et qu’il n’avait pas utilisé un vulgaire chiffon !

—Arrête de faire la tête ! Ce n’était pas aussi terrible que ça ! s’exclama-t-il. Les orcs utilisent le fer rouge…

—Mouais… Bah chez nous autrefois, on le réservait au bétail… Je ferais mieux d’y aller ou je vais être en retard.

—Quoi ? Tu vas où ? Il est tôt…

—Chez le seigneur Elrond. Il m’a invitée.

—Encore un elfe ! Vous êtes toutes les mêmes… Tu ferais mieux de partir, j’ai suffisamment perdu mon temps avec toi !

—Que je parte ? Mais pourquoi est-ce que vos deux races se haïssent tant ? Qu’avez-vous bien pu faire pour…

—Nous ?  s’écria-t-il. Les elfes ont commencé… Le roi Thranduil est responsable !

—Thranduil, mais pas Elrond ! Alors pourquoi ?…

—C’est un elfe, il est comme ceux de sa race. Il aurait agit de la même manière, tu ne peux pas comprendre.

—Explique-moi alors ! m’écriai-je.

—Non ! Tu me fais perdre mon temps !

Sur ce, il quitta sa chambre pour rejoindre les autres au rez-de-chaussée. Ce nain était bipolaire, je ne voyais pas d’autre explication ! Je n’arrivais pas à comprendre comment ses neveux et sa sœur pouvaient le supporter… Thorin représentait à lui seul cent quatre vingt quatorze années de supplices !

Qu’importe, je partis à mon tour pour rassembler à la hâte mes affaires avant de me rendre à Brest. Avec un peu de chance, j’aurais un accueil plus chaleureux de la part des elfes ! Mais avant, j’allais devoir faire un crochet chez mon médecin pour obtenir un traitement au plus vite… Elrond comprendrait  mon retard.   

J’avais vraiment hâte de revoir Legolas. En fait, je ne l’avais pas revu depuis ce fameux gala car celui-ci m’en voulait pour une raison obscure. J’avais beau réfléchir, je ne parvenais pas à me souvenir de ce que j’avais bien pu faire… Peut-être était-il tombé sur une cerise véreuse provenant du panier gourmand de mon jardin ?

En bas, ils étaient tous assis à la grande table du salon, plusieurs tartines de beurre et de confiture volaient un peu partout. Seul Thorin et Balin mangeaient proprement sans faire de gaspillage. Kili, Fili et Ori s’étaient déclarés une guerre acharnée de flocons d’avoine… Cela m’était égal du moment qu’ils ne me faisaient pas nettoyer leurs saletés.

Pauvre Belren ! Je ne pouvais qu’espérer que ses deux enfants ne soient pas comme leur père ! Cela devait leur faire des vacances à toutes ces femmes de ne pas avoir leur homme…

Fili me fit signe de venir m’asseoir à ses côtés afin de prendre le petit-déjeuner avec lui, mais je n’en avais aucune envie, et il en était de même pour Thorin qui rechignait à ma présence en déclarant aux autres que j’avais un rendez-vous avec un seigneur elfe…

—Quel sale caractère de nain, chuchotai-je en quittant l’endroit. 

 

-Chez les elfes -

 

 

Ce fut Arwen qui vint m’ouvrir la porte et j’entrai avec empressement. L’endroit était splendide : ces elfes avaient de bien meilleurs goûts en décoration que mes amis nains !

Le hall d’entrée me parut gigantesque avec ses murs et ses fenêtres de plusieurs mètres de hauteur. Ce qui était sûr, c’est que je n’aurais pas aimé être celui qui devait astiquer ces carreaux ! Le sol ainsi que les marches d’escalier étaient en granite et je pouvais apercevoir une petite fontaine qui trônait au centre de la pièce.

Les personnes qui s’étaient chargées d’attribuer les logements avaient été généreuses avec eux. Ce bâtiment était magnifique et ancien… Il leur avait été probablement octroyé grâce aux titres de Thranduil et d’Elrond.  

Les nains avaient décoré leur hall avec des armes et armures faisant partie de leurs effets personnels tandis que les elfes avaient embelli l’endroit par plusieurs plantes, toutes aussi jolies les unes que les autres.

Je pouvais distinguer parmi celle-ci plusieurs orchidées, la plupart étaient roses, mais il y en avait une qui possédait des pétales bleutés… Il y avait aussi  du lierre qui recouvrait plusieurs piliers dans la salle.

J’ignorais qu’un tel endroit pouvait exister en Bretagne ! De dehors, la bâtisse n’avait rien d’exceptionnel, mais vue de l’intérieur, on aurait pu se croire dans un film.

—Je suis désolée, mon père est absent, m’informa tout de suite Arwen. Il a dû se rendre à une réunion concernant les troubles survenus en Amérique. Néanmoins, vous pouvez rester parmi nous, mon frère est là. Quant à Legolas que vous connaissez déjà, il ne devrait plus tarder à arriver.

Des troubles ? De quoi pouvait-elle bien parler ? Il s’agissait probablement de cette réunion secrète où devait se rendre Thorin.

—Comment ça…  Vous parlez d’une révolte ?

— C’est exact. Vous n’êtes donc pas au courant ? C’est arrivé durant la nuit. Plusieurs orcs et gobelins se sont rebellés dans une prison… Si je me souviens bien, il s’agit du pénitencier  Alger Correctional Facility, dans l’état du Michigan. C’était suite à plusieurs mauvais traitements infligés par vos hommes. Vos… guerriers les ont tous exécutés sans exception.

L’accent anglais d’Arwen me surprenait, à croire que j’avais une américaine en face de moi ! Après ça, je commençai à me poser des questions… Comment une bande de nains et d’elfes pouvaient être si rapidement au courant de l’actualité, contrairement à moi qui étais Terrienne ! De plus je ne me doutais pas que les elfes pouvaient se préoccuper autant des orcs. Tauriel m’avait pourtant bien dit qu’ils ne les portaient pas dans leur cœur.

Ne sachant pas quoi dire, je m’étais contentée de l’observer attentivement. Comme celui des autres elfes, le visage inexpressif d’Arwen était étrange et je ne pouvais distinguer aucune émotion dans ses yeux. J’ignorais donc ce qu’elle ressentait, mais au ton de sa voix, je devinais qu’elle méprisait mon peuple.

Je ne les haïssais pas comme Thorin, mais je n’arrivais pas à comprendre comment Kili pouvait être amoureux d’une elfe… A moins que Tauriel ne soit différente en sa compagnie ? Ils ne se montraient peut-être réservés qu’avec les inconnus, et non avec ceux qu’ils aimaient ?

Voyant que je ne bronchais pas, elle continua son discours :  

— Plusieurs personnalités importantes de notre monde vont se rassembler... Avec votre technologie, nous pouvons sans problème en discuter avec ceux qui se trouvent sur d’autres continents.

— De quoi voulez-vous parler exactement ? m’inquiétai-je.

— Votre race représente une menace pour nous tous. Nous devons donc en débattre…

— En débattre ? Mais vous tuez aussi des orcs ! Tauriel m’en a parlé ! Vous les elfes, vous n’êtes pas aussi pacifique que vous le prétendez ! commençai-je à m’emporter. Vous nous reprochez de nous entretuer, mais vous avez fait de même par le passé…

— Ne parlez pas de choses dont vous ne savez rien ! me coupa-t-elle à son tour. Vous représentez une menace par votre puissance. Nous avons entendu dire que vous possédiez des armes capables d’exterminer plusieurs milliers de personnes… Est-ce exact ?

Arwen devait probablement faire référence à la bombe atomique. Je préférai garder le silence à ce sujet plutôt que d’essayer de la contredire, car après tout, mon pays en possédait bien une... Mais que pouvaient-ils avoir en tête ? Ils ne souhaitaient tout de même pas nous déclarer la guerre ? Il y en avait déjà bien assez sur notre planète, pas la peine d’en rajouter une en plus !

Cette conversation n’aboutirait à rien de bon et l’idée qu’ils puissent nous faire du mal m’effrayait suffisamment…  Ils me parurent tous soudainement très hostiles, même les nains.  

— Je ne comprends pas… En quoi Thorin est-il important ? demandai-je en essayant d’apaiser les tensions.

— Je vous demande pardon ?

—Vous aviez dit que plusieurs personnalités importantes se rendaient à cet entretien… Thorin s’y rend. En quoi est-il important ?

—Vous devriez plutôt lui demander, je ne peux vous en parler.

J’avais le pressentiment que cette journée allait être longue et ennuyeuse ! Je ne m’y étais pas préparée…

Elle me conduisit jusqu’à sa chambre qui n’avait rien d’elfique. C’était le genre de mobilier qu’on pouvait acheter chez Ikea ! Cependant, sa parure de lit ainsi que ses rideaux avait dû être confectionnés par ses soins. Plus loin, je pouvais apercevoir un métier à tisser ce qui aurait expliqué leurs vêtures étranges… Oui, car aux dernières nouvelles, il n’y avait pas encore de ShopMiddleEarth sur cette planète !

—Vous fabriquez vos propres vêtements ?

—Oui, mais autrefois je les achetais… Pour le moment, aucune de nos ouvrières ne peut en produire davantage, car elles doivent elles aussi se vêtir ! C’est un travail assez long qui demande de la patience car nous exigeons la qualité…

Un bon jogging made in China ne lui ferait pas de mal !

—Un jean et un t-shirt ne vous tenteraient-ils pas ? lui proposai-je.

Elle éclata de rire ; mais personnellement, je ne voyais pas tellement ce que j’avais pu dire de si drôle... Décidément, j’étais bien mal à l’aise à ses côtés… Même si elle devait être bien plus âgée que moi, devoir la vouvoyer me paraissait si saugrenu ! Il avait fallu beaucoup de temps à Tauriel pour qu’elle puisse me tutoyer et qu’elle accepte que je fasse de même. Cela devait être encore un truc d’elfe !

—Mon père m’a dit que vous alliez vous joindre à nous pour le dîner ce soir et que vous aviez souhaité apprendre nos coutumes… Je vous ai donc préparé une robe, ainsi, vous aurez l’allure d’une elfe, me disait-elle tout en me la tendant. Ne vous inquiétez je vais me  retourner et vous pourrez vous changer.

C’est ce que je fis sans gêne car contrairement à elle je n’étais pas pudique. Lorsque je faisais du sport au collège et au lycée, nous étions toutes en slip et en soutien-gorge. Et je ne vous parle même pas des douches collectives ! Il y avait toujours une ou deux malignes qui arrivaient à filmer avec leur portable dans les vestiaires, pour pouvoir les montrer à leurs copains… Autrement dit, je ne me serais absolument pas sentie gênée si Arwen avait dû me voir en petite tenue !

—Elle est magnifique. Merci beaucoup, c’est d’ailleurs l’une de mes couleurs préférées !

Mais cela ne me faisait pas oublier pour autant les mauvaises intentions de son peuple envers le mien.

Il s’agissait d’une somptueuse robe bleu saphir. Elle était bien plus belle que celles que les stars portaient sur les marches de Cannes. Mais qui disait elfique disait aussi pas de décolleté ! Le haut de la robe était un bustier, elle y avait mis de la broderie argentée de style baroque et y avait ajouté quelques pierres fines à peine plus grosses que l’ongle de mon petit doigt.

—Ce sont des calcédoines.

J’étais bien trop préoccupée pour faire attention à sa remarque…

—Je vois bien à votre air que je vous ai effrayée… Ce n’était pas dans mes intentions. Nous ne comptons pas vous faire de mal, n’ayez crainte.

Mais lorsqu’elle disait "vous", parlait-elle uniquement de moi ou de mon peuple ?

Elle me fit asseoir sur une chaise et commença à me coiffer en faisant plusieurs petites tresses au niveau de mes oreilles, qu’elle rejoignit ensuite au centre de ma tête avec à l’aide d’une pince argentée ayant la forme d’un papillon.

Plusieurs coups se firent entendre à la porte, mais cela ne la perturbait pas dans son activité. Elle restait impassible et n’autorisa la personne à entrer que lorsqu’elle eut fini de me coiffer. 

Dans le reflet de la glace, je pouvais reconnaître son frère Elrohir qui vint nous rejoindre avec un pot de fleurs dans les bras.

—Je ne vous suis pourtant pas inconnu… s’indigna-t-il.

—Mais bien sûr que non, voyons ! Comment allez-vous ? demandai-je par politesse.

—Cela ne pouvait pas mieux aller. Regardez donc, ma plante commence à fleurir !

Il s’assit à mes côtés et posa le pot sur mes genoux. Ses yeux s’illuminaient à la simple vue de ces fleurs… Qu’avaient-elles de si extraordinaire ? Il n’y avait pourtant pas de quoi en faire un plat ! Je n’avais pas la main verte mais j’avais déjà réussi à faire germer des radis en primaire…

—Un garde sylvestre possédait quelques graines de cette plante qui provient de notre monde, m’expliqua-t-il. Nous appelons ces fleurs Elanor. Elles poussent en hiver. Nous nous en servons en cas d’insomnie…

—Elles chassent les mauvais rêves, renchérit Arwen.

Je comprenais mieux dorénavant l’intérêt que pouvait porter Elrohir à ces fleurs si elles le rattachaient à leur ancien monde… Elles ressemblaient à la badiane par leur forme d’étoile mais elles étaient bien plus jaunes…

—Elanor… C’est du sindarin ?

—C’est exact, cela veut dire étoile ou soleil.

Tiens donc, mais ces elfes possédaient aussi de très bonnes connaissances en astronomie ! Je connaissais plus d’une personne de mon âge ignorant que le soleil était une étoile et non une planète ! 

Après ce petit aparté, ils me proposèrent d’étudier leur langue et j’acceptai une fois de plus, malgré moi. J’étais différente, je ne possédais pas leurs capacités intellectuelles me permettant d’assimiler aussi rapidement des connaissances.

Nous y passâmes plusieurs heures et je n’avais le droit à aucune pause… Ils étaient sans pitié ! Arwen avait fini par s’absenter me laissant seule avec son frère qui ne baissait pas les bras face à ma difficulté d’apprendre le sindarin. Je me faisais peut-être de fausses idées, mais j’avais l’impression qu’Elrohir aimait m’instruire.

Des consonnes, des voyelles, de la phonétique et des accents toniques à perte de vue… Pitié ! Je ne suis qu’une humaine !

J’étais en mode saturation ne souhaitant qu’une seule chose : m’affaler sur une banquette avec une bière à la main… On verrait bien si Elrohir aurait toujours autant envie de m’enseigner sa langue !

Et c’était reparti !

—Première personne du singulier ?

—Min !

—Seconde personne du singulier et je vous laisse tranquille avec les sujets…

—Amen !!!! m’écriai-je.

Mais cela ne le fit pas rire, loin de là. Il ne devait pas connaître la signification de ce mot…

—Men et min… On a bien travaillé, on pourrait peut-être faire une pause ? essayai-je de marchander avec lui en lui faisant les yeux doux…

Je doutais qu’il puisse être sensible à mes charmes mais j’allais très vite devenir cinglée si cela continuait plus longtemps. Je me souvenais étant plus jeune lorsque je devais apprendre l’espagnol… C’était la bonne époque !

—Sauriez-vous me le demander en sindarin ?

—Oh la non, j’en serais incapable ! admis-je en riant.

—Alors on continue… Troisième personne du singulier au féminin…

—Elrohir… Pourquoi est-ce que vous me vouvoyez si le tutoiement fait partie de votre dialecte ?

—Ce n’est qu’une formule de politesse, nous n’appartenons pas à la même famille.

—Tauriel le fait bien avec moi…

—Elle n’a plus personne. Elle a probablement plus d’estime pour vous que vous ne l’imaginez. Le sindarin est une langue passionnante qui a survécu au fil des siècles. Lorsque nous aurons fini, je vous apprendrai le quenya.

—Le Kenya ?

—Le quenya. Je vous explique : le quenya était la langue des Vanyar et Ñoldor sur les terres de Valinor, contrairement au sindarin qui était celle des Sindar de Beleriand. Après l’exil des Ñoldor en Terre du Milieu, ils adoptèrent le sindarin comme langue quotidienne et conservèrent le quenya comme langue d’érudition. Si cela peut vous aider à comprendre, le quenya équivaut à votre latin !

Oh la la, mais comment voulait-il que je retienne tant de choses ? S’il continuait ainsi, j’allais finir par me barricader chez mes nains !

—Continuons, je vous écoute. Troisième perso…

Par chance, quelqu’un frappa à la porte et l’ouvrit aussitôt, il s’agissait de Legolas. Mais quel bonheur ! Il arrivait juste à temps pour stopper ce cauchemar interminable.

—Je dois m’entretenir avec Serra, si c’est possible.

—Cela ne peut pas attendre ? Nous sommes occupés.

—C’est bon Elrohir, on reprendra après, m’empressai-je de dire. Une petite pause ne me fera pas de mal.

J’attendis qu’il quitte la pièce pour pouvoir m’adresser au blond.

—Qu’est-ce que j’ai bien pu vous faire pour que vous m’en vouliez au point de rejeter tous mes appels ?

—Qu’est-ce qui vous a pris d’organiser un rendez-vous entre Tauriel et ce nain ? Vous avez perdu l’esprit ? Maintenant elle passe tout son temps libre là-bas ! Je ne sais plus quoi dire à mon père !

—C’est une grande fille, elle est suffisamment intelligente pour choisir ses fréquentations elle-même ! répliquai-je.

— Si mon père venait à l’apprendre, il la ferait exiler ! Elle serait alors sans patrie… Je ne sais pas si vous arrivez à imaginer ce que c’est d’être confronté à une vie d’immortelle !?

J’essayais de le calmer mais il ne m’écoutait pas et continuait à se plaindre. Il exigeait que je ramène Tauriel à la raison, mais c’était hors de question. Il n’allait pas commencer à me faire des caprices comme son père tout de même ?

—Il est tout aussi petit et laid que ceux de sa race !

—Arrêtez donc, vous exagérez ! Kili est plutôt beau garçon… Mais oui, je viens de comprendre !… Vous êtes jaloux.

—Pouvez-vous répéter ?

—Vous êtes jaloux car vous êtes amoureux d’elle... Oh mon Dieu mais ça crève les yeux ! rigolai-je.

A ma plus grande satisfaction, il resta sans voix ! Je pus donc m’exprimer librement et lui faire un cours sur le droit des femmes ! Tauriel était très belle, il était donc normal qu’elle puisse plaire à d’autres hommes… Mais ce n’était pas un objet, elle était libre. S’il tenait réellement à elle, il finirait par l’accepter.

Dans le cas contraire, rien ne l’empêchait de faire concurrence à Kili, mais sans lui casser la figure, bien sûr ! Par ailleurs, je lui rappelai au passage que Tauriel était intelligente et qu’elle devait connaitre les conséquences de ses actes… Si elle était prête à se faire exiler pour pouvoir vivre aux côtés de Kili, c’était son choix.

Le sujet était clos jusqu’à nouvel ordre car Arwen revint pour nous conduire au diner. Il nous avait fallu monter les escaliers et traverser un long couloir pour parvenir à la salle de réception qui était décorée comme le hall d’entrée.

Elrond fut le premier à me saluer, s’excusant de m’avoir fait faux bond. A son bras, son épouse Celebrian qui ressemblait tant à sa mère, Galadriel, accompagné par son mari Celeborn. La rumeur disait qu’elle était la doyenne des elfes, j’ignorais si c’était vrai, mais sa beauté manifeste continuait à ensorceler les hommes. Même si je n’en étais pas un, je trouvais pourtant que sa petite fille la surpassait largement !

 Le Roi était aussi présent, fidèle à lui même. Avec un peu de chance, il ne m’adresserait pas la parole durant le repas. Son fils vint s’installer à ses côtés.

Elrohir me proposa la chaise sur sa droite… Je ne pouvais la refuser car elle était à l’opposé du Roi Thranduil !

—Serra sait parler le sindarin maintenant, annonça-t-il à la cantonade.  

—Votre fils exagère ! Mais je progresse vite, mentis-je.

Qu’est-ce qu’il lui prenait ? J’étais incapable d’aligner deux mots !

Mon ventre grognait de faim. Il y avait eu tellement de monde dans la salle d’attente que j’avais quitté le cabinet médical après l’heure du déjeuner. Mon dernier repas remontait donc à la veille, et j’espérais qu’ils avaient prévu autre chose que ces petits pains elfiques insipides.

Un serviteur arriva avec un plateau bien chargé qui me mit l’eau à la bouche, j’avais si faim que j’aurais pu avaler n’importe quoi ! Il déposa l’assiette juste devant moi…

Miam, quel régal !

 J’avais trois feuilles de salade et des pissenlits… Non, j’exagérais, mais il y avait bel et bien des fleurs dans mon assiette ! J’ignorais qu’on pouvait en consommer.

—Vous ne vous attendiez tout de même pas à de la viande ? me demanda Galadriel.

—Non… Vous seriez surprise, cela fait un moment que je n’en ai pas mangé. Tout comme mes nains ! Une semaine jour pour jour… Si cela continue, il risquera d’y avoir des actes de cannibalisme ! dis-je en riant.

Je m’étais soudain sentie bien seule, car personne n’avait ri à ma plaisanterie. Bien sûr, comme j’étais bête ! Une fois de plus, il ne s’agissait que d’un geste de violence perpétué par les miens.

—Savez-vous où se trouve Tauriel ? me demanda le Roi. Elle avait mis beaucoup de temps à venir nous apporter les provisions qu’elle était venue chercher chez vous l’autre jour…

Je détournai aussitôt mon regard sur son fils, qui me fit signe de ne rien dire. Ces elfes étaient vraiment étranges… Tauriel n’était pas une adolescente qui avait fait le mur pour aller à un concert de rock ! Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Lorsqu’elle devait travailler, elle était présente, c’était l’essentiel.

—Oui, je sais. Cette pollution lui donnait le mal du pays… je l’ai donc conduite à un endroit sauvage que j’apprécie particulièrement, la falaise donne vue sur l’océan et plusieurs fleurs sauvages jonchent les terres…  Vous n’y voyez pas d’inconvénient j’espère ? Elle y est probablement retournée seule.

Aucune réponse de sa part, mentir n’était pas ma spécialité. Dès que possible, il faudrait que j’informe mon amie pour qu’elle corrobore ma version…

Ces elfes étaient peut-être de parfaits décourateurs, mais je préférais amplement la compagnie des nains. Ils formaient une joyeuse troupe qui ne se préoccupait pas du regard des autres sans faire de manières à tout bout de champ. 

Pendant que nous mangions, plusieurs elfes jouaient de la musique. L’un d’eux avait une harpe qu’il ne savait pas aussi bien utiliser que Thorin ! Cette ambiance me parut si soudainement pesante, voir  oppressante… Je n’étais pas à l’aise à l’idée d’être à table, sachant que d’autres nous observaient en jouant de la musique.

C’était à peine si j’osais parler ! Mais ce silence n’avait que trop duré.

—Elrohir m’a parlé de l’exil des Ñoldor en Terre du Milieu. Vous êtes immortels, existe-t-il encore des Ñoldor parmi vous ?

—Je vois que vous avez commencé à parler d’histoire, intervint Celeborn. Oui, il en reste un… me répondit-il en prenant la main de son épouse.

—Je fais partie de la lignée royale des Ñoldor, fille de Finarfin et d’Eärwen. J’ai vécu autrefois à Valinor. Je ne saurais vous décrire la beauté des lieux… Un jour, une rébellion éclata suite à la destruction des deux arbres. Certains Ñoldor suivirent Fëanor qui lança l’attaque contre nos cousins Teleri afin de leur voler leurs navires pour regagner la Terre du Milieu…

Deux arbres… Ils se sont entretués pour des arbres ? Et après ils nous traitent de sauvages ! Il valait mieux pour eux qu’ils ignorent de ce que nous avions pu faire à notre forêt amazonienne…

—… je suis venue en aide aux Teleri accompagné de mes frères et de mon oncle Fingolfin. Nous avions pourchassé les elfes de Fëanor jusqu’à ce vaste monde qui était encore inexploré à cette époque, contre l’accord de Manwë… Ce qui entraîna notre exil. Les années s’écoulèrent et les Valars finirent par accorder leur pardon à ceux qui n’avaient pas orchestré l’attaque du port. Les autres sont demeurés sur leur nouvelle terre d’accueil jusqu’à leur mort, causée par une des nombreuses guerres.

—Pourquoi n’y êtes-vous jamais retournée ?

—Je dois rester auprès des miens. 

A cet instant, je compris qu’Arwen et Elrohir avaient, contrairement à moi, une famille. Quant à Celebrian, elle pouvait compter sur sa mère à tout moment…

 

-Plus tard dans la soirée -

Dans quelques heures, j’allais devoir me rendre à mon travail.

Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit à cause de mon poignet qui me faisait un mal de chien ! J’avais l’impression de faire une crise de goutte… Et puis mon ventre faisait un de ces raffuts ! Mais je ne trouvais pas aussi le sommeil à cause d’Arwen qui m’avait effrayée avec ses propos. Elle n’avait peut-être pas eu l’intention de me faire peur, mais à l’heure actuelle, j’étais recroquevillée sur moi-même imaginant toutes sortes de scénarios.

Méfiante à l’égard de tout le monde, j’avais hésité à rentrer dormir chez moi cette nuit. Les nains ne m’appréciaient peut-être plus depuis l’incident… J’étais même réticente envers Elrond qui avait été si attentionné en acceptant de me dévoiler ses connaissances. J’avais été incapable de partager avec lui mes craintes… J’avais besoin de savoir s’ils avaient réellement peur des miens… De moi ! J’étais innocente comme beaucoup d’autres humains !

Il me fallait des réponses.

Je partis rejoindre Thorin en souhaitant qu’il soit dans son lit et non dans la salle de bains comme la dernière fois. J’entrai prudemment m’assurant qu’il était habillé avant de le réveiller. Il ne portait pas de haut, juste un caleçon. Je m’en contenterais…

Pour un guerrier, il dormait profondément… N’importe qui aurait pu le tuer durant son sommeil ! Cela voulait donc dire qu’il ne se sentait pas en danger suite à la tuerie organisée par les miens. Du bout des ongles, je gratouillai la plante de ses pieds ce qui le fit sursauter.

—Tu sais, dans notre monde, on a un truc formidable qui s’appelle un coupe-ongle !

—Va-t-en ! grogna-t-il en se réfugiant sous son oreiller.

—Non attends ! J’ai des questions à te poser… insistai-je en le lui arrachant des mains.

—Ça peut attendre. Va te coucher !

—Non ! Je n’arrive pas à m’endormir, il me faut des réponses ! répliquai-je en haussant le ton.

Il garda le silence et se contenta de rabattre la couverture sur sa tête.

—Je ne partirai pas tant que tu ne m’auras pas répondu !

Je m’étais alors assise sur son lit, les bras croisés en attendant une réaction de sa part… Mais il n’en fut rien ! S’il préférait garder le silence, qu’il le fasse ! Mais je pouvais devenir une vraie plaie lorsque je n’obtenais pas rapidement ce que je désirais.

—Je sais que tu as rencontré le seigneur Elrond aujourd’hui. Je sais aussi que vous vous êtes tous réunis pour débattre sur mon peuple.

Décidément, j’avais choisi les bons mots car il fit immerger le bout de son nez avant de jeter sa couverture par terre. Thorin ressemblait à un ours qui venait d’hiberner ! Cela me faisait rire, mais le pauvre ! J’allais devoir lui accorder quelques instants pour qu’il puisse retrouver ses esprits.

—Et c’est quoi le problème, au juste ?

—Est-ce que vous… allez nous tuer ?... Me tuer ?

—Hum… Attends voir, pourquoi est-ce que je voudrais te tuer ?

—Parce qu’Arwen m’a dit que nous représentions une menace pour vous tous.

—Ah ! Ça… Je pensais que tu parlais plutôt du fait que tu sois invivable ! s’esclaffa-t-il.

Lorsqu’il s’agissait de moi, il ne prenait jamais rien au sérieux ! Ne pouvait-il donc pas arrêter de se moquer de ma petite personne ? Thorin était si pénible que je lui avais lancé son oreiller à la figure…

Oui, je sais, c’était bête ! Mais je n’avais rien d’autre sous la main. Son corps était recouvert de cicatrices dues aux nombreuses batailles auxquelles il avait participé, ce n’était donc pas un oreiller qui allait l’effrayer !

—Tu peux parler, toi ! Non mais… sérieusement ?

—Tu dois peser même pas cinquante kilos toute mouillée ! plaisanta-t-il. Par contre, si ta bestiole poilue continue de couiner, elle risque de passer à la casserole…

—Orion ? Mais ça ne va pas la tête ? Je suis toujours ici, je ne peux pas le laisser seul chez moi… Oh ! Et puis merde, ma question n’est pourtant pas si compliquée !?

—Tu peux dormir tranquillement, nous ne vous ferons pas de mal du moment que nous sommes traités correctement. Il y a environ sept milliards d’habitants sur votre monde, et vous possédez des armes capables de détruire des villes entières… Par conséquent, nous n’avons pas l’intention de vous déclarer une guerre ! Ce n’était que des orcs, ils ne manqueront à personne ! Si j’avais pu, j’aurais aidé vos guerriers à les affronter !

Bon, et bien, on pouvait dire que c’était sorti du fond du cœur !

—Ton seigneur elfe a un bon fond… J’ai appris aujourd’hui que mon grand-père Thror l’avait connu et respecté… Cela me suffit pour l’apprécier, même s’il s’agit d’un elfe. Il était chagriné de ne pas avoir pu t’accueillir comme prévu.

Et une fois de plus je m’étais imaginé des choses ! Si j’avais su !… Je repasserais les voir avec quelques fruits de mon jardin pour les remercier.

—C’est ton ventre qui gronde comme ça ?

—Ouais, j’ai eu des fleurs comme plat de résistance… Lorsqu’ils ont apporté les fraises pour le dessert, je me suis goinfrée comme jamais ! Demain, tu devras me supporter, un p’tit dej s’impose !

—Bon, t’as fini ? Tu vas réussir à dormir maintenant ? me demanda-t-il tout en me poussant.

—Je pense, pourquoi ? Ça te préoccupe ?

—Mais oui ! Je n’ai pas envie que tu reviennes me réveiller ! Si tu fais des cauchemars, il y a assez de place pour deux ici, me suggéra-t-il en tapotant le matelas.

—Même avec trois grammes d’alcool dans le sang je ne dormirais pas dans ton lit ! refusai-je en riant. 

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