Jeux de Nains

Chapitre 19 : Discours

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 02:47

Lenka se réveilla en sursaut, en proie à un cauchemar indéfini, qui se brisa et s'effilocha comme des lambeaux de brumes alors qu'elle cherchait à reprendre son souffle. Elle inspira, puis repoussa une mèche de cheveux collée à son front couvert de sueur ; sa peau était moite. Thorin endormi à ses côtés dans le lit ouvrit un oeil. Elle retrouva doucement son calme. Elle ne savait pas exactement de quoi elle avait rêvé, mais cela l'avait terrorisée. Le nain s'approcha d'elle et blottit sa joue contre sa hanche, l'observant d'un regard encore ensommeillé.

« Tu veux que je t'aides à te détendre ? » fit le nain d'une voix un peu atone, mais pleine d'amusement et de taquinerie.

Lenka sourit et le repoussa en lui plaquant les deux mains sur le visage, amusée par le côté coquin du nain - il était plus tendre et plus câlin qu'il ne le montrait. Mais elle se retrouvait souvent enserrée dans ses bras. Elle avait soif de sa chaleur, de son contact ; elle se glissa sous la couverture qu'elle avait rejeté dans son sommeil agitée et se retrouva collée contre lui. Il renifla puis la serra contre son torse, pour l'apaiser.

« Ca va mieux ? » demanda t-il finalement.

« Oui. Rendormons-nous, personne n'a l'air levé. »

« On est pas obligés de dormir » tenta de nouveau Thorin avec un large sourire paillard, mais il ne récolta qu'un petit rire.

Lenka se sentait trop fatiguée, et même si elle n'osait pas le dire, le cauchemar qu'elle avait fait la tourmentait. Elle ne s'en souvenait pas, mais elle avait encore le coeur battant la chamade, la nausée. Elle se serra doucement contre un Thorin déjà rendormir. Mais le sommeil la fuyait ; elle se concentra sur lui. Il semblait doux et gentil, quand ils étaient dans ce genre de moment à deux. Il n'était plus le même ; moins bourru, plus tendre. Elle caressa son torse, écoutant sa respiration calme. Elle leva les yeux et observa son visage au repos ; des rides étaient là, autour de ses sourcils et de sa bouche. Elle leva la main et caressa la peau de son front, puis ses cheveux noirs aux endroits parsemés de blanc. Elle sourit et vint déposer un baiser sur ses lèvres.

« Toujours pas .. obligés de dormir ... » marmonna t-il en souriant, endormi, et Lenka leva les yeux au ciel, faussement exaspérée. Elle lui tira sur un poil de torse et il grogna, puis se tut. Elle se remit contre lui, et cette fois, le sommeil la trouva.

Elle se leva le lendemain matin, pas aussi reposée qu'elle le voudrait, et surtout sous le regard de deux nains aux regards ébahis. Ils étaient bruns, sans barbe, l'air jeune, et observaient sans vergogne Thorin encore endormi et la naine tout juste réveillée.

« Allez zou ! » fit-elle comme on chasse un chat, mais les deux nains ne bougèrent pas, penchant la tête d'un air curieux.

« Tu ne chasseras pas Ofir et Gofir comme ça, ma chère » fit Thorin en ouvrant les yeux et en s'étirant. Il se tourna vers les deux petits nains et sourit, puis grogna et sortant du lit, leur courut dessus. Les deux garçons s'écrièrent, l'air ravi, et se mirent à courir en tous sens. Lenka les observa, médusée ; Thorin avait l'air de savoir s'y prendre avec eux, les connaissait-il ? Sûrement. Elle en eut confirmation quand elle entendit l'un des nains s'écrier, alors que Thorin le mettait sur son épaule comme un sac de patates :

« Non tonton, c'est de la triche ! »

Lenka sourit, puis Thorin les fit sortir, comprenant que la naine voulait s'habiller. Elle se leva, observant que l'espèce de chambre commune allouée était vide. Elle observa sa chemise de nuit déchirée par endroit et haussa les épaules ; elle trouva ses vêtements un peu plus loin et s'en vêtit. Elle sortit et pris une direction au hasard, qui se révéla être la mauvaise ; une naine lui indiqua la salle à manger et elles s'y rendirent à deux.

Lenka vint chercher sa place près de Bilbo et de Dwalin, installés auprès d'un barde nain qui chantait au son d'une harpe. Thorin était déjà assis avec les deux nains près d'un feu, et leur racontait une histoire avec force grognements.

« Il a toujours voulu des enfants » fit une voix féminine, et Lenka tourna les yeux vers Béline. Elle avait un regard rêveur, pensif, posé sur Thorin. Elle secoua la tête et posa ses yeux sur Lenka, et sourit tristement ; Lenka lui répondit, timidement. La naine s'éloigna et alla s'attabler avec son père, laissant la blonde perplexe. Cette remarque était-elle pour elle ? Lenka décida de ne pas faire attention et mangea, mais  l'appétit lui manqua.

« Tu vas mieux ? » demanda Bilbo pendant qu'ils débarrassaient la table des couverts sales, quand ils eurent fini de manger.

« Oui »

« Tant mieux. J'avais cru que tu ne sois choquée. J'ai d'ailleurs une sale nouvelle à t'apprendre. Thorin et Béline sont fiancés. »

Lenka le regarda ; bien sûr il ne savait pas. Elle sourit et hocha la tête ; le hobbit sembla perplexe qu'elle réagisse aussi bien et fronça les sourcils. Mais Lenka refusa de lui en dire plus. Un son de corne de brume résonna au dehors et tous sortirent. Thorin était là, avec à ses côtés Béline et Belos. Le vent soufflait fort, et faisait voltiger les cheveux de Thorin sur son visage, ce qui lui donnait un air de bête féroce qui amusa ses neveux, dans les premiers rangs de la foule qui s'était amassée dehors. Gandalf était près de l'entrée, l'air ombrageux. Lenka et Biblo le rejoignirent.

« Je suis ici pour récupérer notre maison. Je deviendrais roi, en récupérant l'Arkenstone, d'une manière ou d'une autre. J'aurais peut-être besoin de l'aide de nains courageux, mais je ne forcerais personne. »

Belos s'avança enfin, il n'avait pas l'air content.

« Je tiens aussi à vous annoncer que le prince Thorin a décidé de briser ses fiançailles avec Béline, ma fille. »

Un brouhaha, commençant en murmures et finissant en huée, s'échappa de la foule. La plupart des gens présents ne comprenaient apparemment pas la raison de cette décision et le faisaient sentir.

« Peuple. Je sais que Béline est une femme forte, indépendante, qui aurait fait une reine superbe. Mais j'ai décidé de choisir une autre naine. »

Lenka était rouge pivoine ; non, non, non ! Elle essaya de s'esquiver, mais Bilbo la retint, avec un grand sourire. Alors, quand la plupart des nains se tournèrent vers elle en attendant qu'elle rejoigne Thorin, elle crut mourir de honte. Passant dans le chemin que la foule libérait devant elle, elle se concentra sur Thorin et le fusilla du regard. Elle se tint à ses côtés, en essayant d'avoir l'air le plus confiant possible, mais ce devait être dur. Les neveux de Thorin observaient avec une admiration béate leur oncle, mais la plupart des regards qu'elle rencontra lui furent hostile.

« Je vous présente Lenka. Elle ... »

« Elle n'est pas de chez nous, mon prince ! Qui nous dit qu'elle fera une bonne reine, hein ? »

« Moi, je le dis, Goron de la LandeBleue. N'est-ce pas suffisant ? »

« Moi aussi je le dis ! » s'écrièrent en même temps Kili et Fili.

Puis les membres nains du groupe s'avancèrent pour donner leur avis, tous favorable. Ils se mirent à se chamailler avec leurs voisins qui semblaient perplexes. Lenka hésita entre sourire et s'enfuir. Elle pencha pour la première solution, bien qu'elle ne fut guère concluante.

« Je le dis, moi aussi » déclara la voix calme et posée de Béline.

Le silence se fit, étonné, et même Thorin lui jeta un regard surpris, bien que affectueux. Lenka se retint de lui prendre le bras de façon possessive. Elle se sentait soudain le besoin de dire à tous que Thorin était à elle, mais ça n'aurait pas été très gracieux de faire ça. Néanmoins, elle lui en voulait toujours ; il ne lui laissait pas le choix, et elle détestait cela ! La parole sembla lui échoir, et elle s'éclaircit la gorge, pendant ce qui lui sembla être des millions d'années sous les regards aux sourcils froncés.

« Je ... »

Elle s'étrangla et toussa, puis essaya de se reprendre, les mains tremblantes ; Thorin esquissa un sourire, l'air de rien, amusé devant l'embarras de la naine. Mais doucement il vint poser sa main sur son épaule, un instant, avant de la retirer. Lenka tira son courage de ce contact furtif.

« Je suis nouvelle arrivée parmi votre race. Notre race, en fait. Il est normal que vous soyez hostiles, perdus. Surtout si vous connaissez Béline et qu'elle et Thorin étaient déjà fiancés. Je n'avais pas l'intention de leur faire briser leur serment, j'en suis navré. Je ... Je n'avais jamais vécu avec des nains avant de rejoindre la quête de Thorin. Et autant être claire : je ne souhaite pas être reine. Régner ne m'intéresse pas. Je n'ai aucune qualité pour être reine. Alors je ne vous commanderais pas, je ne serais pas votre reine. Mais je compte bien suivre Thorin dans sa quête. C'est un être bon, qui mérite d'avoir ce qui lui revient de droit. Il est né prince, et il doit être roi sous la montagne. Ce n'est pas juste le destin qui veut ça ! Sentez vous cela ? Regardez-le ! Il est roi, il l'était bien avant de devenir fort, avant de devenir un nain. Il émet cette aura de puissance que seuls les rois peuvent émettre. Il mérite de récupérer l'Arkenstone, et je refuse de rater l'occasion de l'aider !  Il s'inquiète pour son peuple. C'est un nain loyal compétent. Ma vie est sienne. »

Elle disait ce qui lui passait sur la tête, mais quand elle s'arrêta, essoufflée, une vague de hourras retentit. Thorin la regardait, à la fois éberlué, chamboulé, et heureux, fier. Elle comprit qu'il était heureux de l'effet qu'elle avait fait, mais qu'il était triste qu'elle eut refusé encore de l'épouser, de devenir reine. Elle rougit quand il détourna le regard et poussa un cri guerrier, puissant, qui ébranla tous ceux qui étaient présents. Lenka ne remarqua pas le regard de Béline, triste et fier.

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