Jeux de Nains

Chapitre 14 : Enchantements.

Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/02/2013 06:05

Deux autres jours de voyage s'effectuèrent avant qu'ils ne traversent une gigantesque forêt, signe qu'ils approchaient de plus en plus de la Montagne Solitaire. La proximité toute relative d'Erebor redonna un peu de joie aux nains, mais tous devenaient également mélancoliques, impatients. Ils allaient devoir abattre Smaug, et ils espéraient tous que le dragon soit encore endormi.

Ils traversaient l'orée du bois, pénétrant dans les méandres tortueux de la forêt. Il s'agissait de la forêt de Grand'Peur, ou appelée aussi la Forêt Noire. Ils allaient devoir la traverser en direction du Nord-Est. Les arbres de la forêt étaient grands, et leurs frondaisons cachaient presque entièrement la lumière du soleil, la transformant en rayons couleur de feuilles, d'or ou de terre. Il y régnait une tiédeur moite et une pénombre étrange. Ils marchèrent quelques instant sur les sentiers, avec l'impression que la végétation se refermait sur eux. Peut-être n'était-ce pas qu'une impression car, quand Bilbo, Gandalf et Thorin se retournèrent, le chemin qu'ils venaient de traverser se fondait dans la masse de racine, sans laisser aucune traces. Etaient-ils tombés dans un piège ? Ils n'avaient d'autre choix que de continuer à avancer.

Gandalf sentait une aura maléfique, dans cette forêt. Il n'aurait sût dire exactement quoi, ni d'où elle venait, mais il le sentait jusqu'au fond de lui. Quelque chose ici avait été perverti. Il se sentait mal à l'aise, et ce sentiment était partagé par Balin et Thorin, et un peu Bilbo. Les autres paraissaient trop insouciants pour y songer. Ils continuèrent à marcher. Soudain un cri vint de derrière. C'était Bombur qui s'était assis sur une grosse racine et refusait de continuer à avancer.

« J'ai faim ! Mais vous refusez toujours qu'on mange entre les repas ! Avez-vous pensé à ma ligne ? Je n'ai aucune chance de passer pour un bon parti quand les naines reviendront à Erebor, et ce sera votre faute à tous ! Je vous déteste ! »

« Tais-toi, le gros lard ! Et moi, alors ? Regarde l'état de ma belle barbe » s'exclama Bofur, en lâchant son sac et en passant ses mains dessus.

Tous se mirent bientôt à se plaindre à gémir. Thorin se sentit l'envie de le faire aussi, mais alors qu'il s'apprêtait à parler de ses problèmes, ils lui semblèrent trop intime, et il se retint difficilement. Gandalf avait réussi à éviter cette espèce d'enchantement qui les prenait tous : chacun se mettait sur le dos des autres, à lui crier dessus, à l'accabler de reproches. Lenka reçut des injures sur sa façon de se comporter, et il faillit y avoir une bagarre quand Kili, s'approchant d'elle, la frappa.

« Tu n'es qu'une garde ! Pourquoi ne pas m'avoir choisi moi ? Tu es comme cette Mliwyn que tu hais tant ! Mais tu le caches mieux. Voilà ; tu es une garde avec un masque ! »

Et d'autres profitèrent de l'occasion pour engueuler ces deux là, que ce soit la naine ou le nain sans barbe. Ils en vinrent presque aux mains, les coups se mirent à pleuvoir, et Thorin, la tête entre les mains pour se retenir d'intervenir, pour s'empêcher de venir les accabler lui aussi, se tourna vers Gandalf. Bilbo était en train d'enfoncer ses petits poings dans le ventre de Bombur, lui hurlant qu'il ne savait pas cuisiner.

« Qu'est-ce qui fait ça ? Que faire ? Magicien, agissez, avant que l'on ne s'entretue » réclama t-il d'un ton royal.

« Plus facile à dire qu'à faire » siffla Gandalf.

Il cherchait encore si cela ne venait pas des champignons, quand tout cessa. Les nains se redressèrent et ce fût comme si rien ne s'était passé. Un regard interrogateur du Roi lui fit savoir que Gandalf n'avait rien fait ; quel était cet envoûtement ? Ils se dépêchèrent de s'en aller et la marche fit du bien ; personne ne se souvenait de rien, et Thorin en était heureux, il était sûr que Kili aurait passé un mauvais quart d'heure sinon.

Mais la journée continua, et eut son lot d'étrangetés. Vers midi - ou à peu près, il était difficile sans voir le soleil de dire quelle heure il était, mais ils comptaient sur Bombur et son horloge à nutrition interne pour leur dire quand le repas devait être pris - ils s'assirent dans une clairière ronde, bordées d'arbres aux troncs tordus et noirs. Et là encore, un envoûtement pris les nains, et cette fois Thorin ne put y échapper.

Bombur se mit à piller la nourriture et à la manger. Bofur prit un miroir et se mit à se coiffer, sans aucune honte devant les autres, à faire des grimaces. Gandalf essayait de retenir Bilbo qui essayait de grimper à un arbre en criant : « Regardez-moi, je suis agile ! Je suis le meilleur ! » et à côté de lui, Dwalin et Bifur se battaient, pas vraiment pour rire ; ils avaient toujours eu envie de mesurer leurs forces. Fili se moquait de Kili qui n'avait pas de barbe, et ce dernier amena une rixe en frappant le nain blond. Thorin regardait tout cela et vit Lenka, unique femme, assise sur une racine en train de pleurer. Il s'approcha, mais alors qu'il pensait avoir le contrôle de lui même, il sentit sa main monter. Il allait la frapper lui aussi ! Il essaya de se retenir, mais le coup partit et cueillit sa cible dans un claquement sonore. En cet instant, Thorin désirait lui faire mal, pour le mal qu'elle lui avait fait. Elle se mit à pleurer encore plus. L'esprit du nain se demandait pourquoi elle pleurait, une autre voix en lui rétorqua qu'avec la gifle qu'elle avait reçu, elle avait tout à fait raison de pleurer.

Thorin leva la main, qui se transforma en poing cette fois. Non ! Il refusait de faire ça ! Mais son corps ne lui obéissait plus ; il ne pleurait pas, mais son coeur était gros, et il ferma les yeux pour éviter ceux de Lenka, posé sur son visage, écarquillés de peur. Aucun de pouvait bouger.

« ASSEZ ! » rugit Gandalf, adossé à un arbre, épuisé de retenir les nains ; d'un grand coup de bâton, le sort cessa alors qu'un flash blanc se transformait en brume et retombait au sol.

Lenka cessa de pleurer et eut un hoquet. Thorin reprit son bras, sa main le brûlait d'avoir frappé si fort. La joue de la naine était rouge, et sa pommette bleuie. Kili et Fili se redressèrent, cheveux ébourriffés, de la cohue qu'ils avaient créée. Mais que se passait-il, ici, nom de nom ? Gandalf soupira encore puis les regarda durement, tous.

« Cette forêt est vivante, je crois. Mais ce n'est pas elle qui nous fait cela. Ce sont des créatures. Elles étaient autrefois paisibles, mais quelque chose les as corrompues. A présent, elles profitent de nos moments de pauses pour nous ensorceler, nous faire voir ce que l'on ne veut pas, nous obliger à faire ce que nos coeurs veulent. Je n'ai pas beaucoup de moyens de les contrer, et nous devons faire très attention. »

Lenka eut un frisson, sa main sur sa pommette enflée et lancinante de douleur. Cette forêt serait leur tombeau, elle en avait la conviction. Ils ne réussiraient jamais à en sortir. Pourquoi ne pas s'asseoir et attendre que ces créatures viennent à eux ? Bilbo la secoua soudain, l'air pensif.

« Tu vas bien ? Attends, mets ça sur ta joue » dit-il et il lui tendit un petit pot de pommade. Lenka fit ce qu'il dit et une agréable fraîcheur s'empara de sa joue. Elle sentait encore la douleur, mais moins fortement.

Ce fut Gandalf qui prit la tête, avec Balin qui était décoiffé, ayant pris part à la rixe. Tous étaient encore sous le choc. Lenka n'en revenait pas que Thorin l'ait frappée. Pourquoi ? N'était-ce pas la preuve qu'il ne l'aimait pas ? Elle n'y comprenait rien, et se demandait où était passé le temps où ils n'étaient rien d'autre que des amis et où ils se chamaillaient gentiment. Enfin, relativement gentiment. Ils n'auraient jamais dû sauter le pas. Ca avait été une erreur.

« Nous avons tous frappé les autres, globalement, sauf Bombur qui a fait bombance. Même moi j'essayais d'attirer votre attention. Je voulais que vous soyez fiers de moi. Pourquoi pleurais-tu, toi ? »

« Quel sort crois-tu que c'était ? » contra t-elle, d'un ton fatigué.

« Peut-être faire la chose que vous cachez dans votre coeur, celle que vous désirez ? Hm, je ne pense pas, en fait. »

Ils continuèrent de s'interroger sur la forêt ; elle avait mille et une particularités physiques qui la rendait particulière. Ses herbes pouvaient parfois avoir des couleurs inattendues, et certains arbres étaient littéralement dévorés par des champignons dont le couvre-chef était d'un rouge sombre et qui possédait des sortes de petites dents à la base de son pied, enfoncé dans les écorces. C'était comme des sangsues végétales ; Lenka eut un frisson de dégoût. La journée passa, ils ne cessèrent de marcher qu'au soir lorsqu'ils établirent un campement.

Ils mangèrent en silence et allèrent se coucher. Thorin et Bilbo prirent le premier tour de garde. Le hobbit n'avait pas sommeil, et ce dernier fuyait Thorin. Ils se postèrent près du feu, espérant que la nuit tiendrait loin d'eux les enchantements et les créatures qui les faisaient.

« Vous avez frappé Lenka » fit enfin Bilbo, quand il perçut les ronflements un peu plus loin. Néanmoins, il avait parlé d'une voix basse, pour être sûr que seul Thorin l'entendrait. Le nain ne répondit pas, mais la lueur du feu se refléta sur deux yeux brillants et des joues rouges.

« Je me serais attendu à ce que vous vouliez l'embrasser » continua le semi-homme, d'un ton badin, légèrement sifflante, essayant de cacher sa voix aux oreilles indiscrètes. « Vous avez cessé de l'aimer pour la frapper ainsi ? »

« Tu ne sais pas de quoi tu parles, mon ami. »

« Alors expliquez-moi ? Regardez, je m'approche. »

Il y eut un silence, puis Bilbo s'approcha du roi nain. Thorin lui jeta un regard et trouva son sourire étrange. Il était large, et semblait noir, la peau autour était étirée. Les yeux du semi-homme étaient sombres, et ses cheveux tombaient non plus en boucles mais en filets épars. Ce n'était pas Bilbo. La créature se révélait tranquillement, et une main aux griffes pointues se figèrent dans le visage de Thorin, l'empêchant de réveiller les autres nains.

« Vous n'y avez vu que du feu » ricana la créature. Sa peau était dans une sorte de cuir noir, ridé ; ses longs bras ressemblaient à des branches fines mais cachaient une force surhumaine ; son crâne chauve était recouvert de quelques mèches de cheveux pâles. Ses petits yeux étaient comme deux noirs brillantes, et sa bouche était un éternelle sourire, étiré de droite à gauche dans un rictus immonde, révélant des dents éparses mais pointues. Il s'agissait de Morragols. Mais ceux là avaient été corrompus, comme l'avait dit Gandalf. Des couches se levèrent alors trois autres créatures, qui avaient tenu les places de Kili, Bombur et Dwalin. Thorin voulait parler, crier, mais la peau sur sa bouche se couvrit d'une substance poisseuse qui englua ses lèvres, et il se sentit soudain las, lourd.

« Vous serez le dîner de nos Femelles » déclara " Bilbo " et il eut un rire qui déchira le ciel. Puis il souffla sur Thorin son haleine fétide, empoisonnée, et le nain s'évanouit.

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