Jeux de Nains

Chapitre 13 : Voyage

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:28

Lenka finissait d'empaqueter ses affaires, la mine sombre. Thorin n'avait plus reparlé de cette demande idiote, mais cette dernière lui avait fait froid dans le dos. Ils n'étaient intimes que depuis hier et voilà que le mariage s'annonçait déjà ? Non ! Elle refusait. C'était totalement idiot ; ils avaient réagi à une pulsion de leur corps, elle voulait bien l'avouer. Ils s'étaient senti attirés l'un par l'autre, mais rien ne disait qu'ils s'aimaient. D'ailleurs, même si il avait été doux et gentil avec elle, il ne lui avait montré aucune affection particulière/ C'est sur cette décision qu'elle descendit dans la salle de l'auberge. Les humains étaient rassemblés et continuaient de remercier les nains qui se conduisaient en nains : orgueilleux, ils prenaient les flatteries et les compliments avec beaucoup de ravissement.

« Voici la reine de la journée » déclara Bilbo en la rejoignant, son paquetage sur l'épaule.

« Non, pitié, ne m'appelle pas comme ça » geignit Lenka en le fusillant du regard.

Elle entendit Bilbo pouffer et s'éloigna, vexée. Personne n'avait entendu ce que Thorin lui avait dit, mais elle l'avait répété au hobbit, et elle n'aurait pas dû. Il était persuadé qu'elle devait finir avec Thorin, parlait de destinée, ce genre de choses. Lenka n'y croyait pas. Les nains firent leurs adieux, certains plus chaleureux que d'autres, et Kili et Fili laissèrent deux jeunes femmes en pleurs.

« Vous saurez où revenir, quand cette quête sera finie ; vous serez toujours bien accueillis par ici » leur déclara Dwalin avec un sourire amusé. Le groupe éclata de rire, imaginant sans peine que ces deux jeunes femmes ouvriraient leurs lits aux deux nains quand ils reviendraient.

Leurs sacs sur l'épaule, ils se remirent en route à pieds. Le terrain dans cet endroit devenait trop escarpé pour le pied pas assez agile de chevaux ou de poneys. Le paysage était grandiose, bordé de buissons d'épines, d'arbres rabougris, et pourtant le terrain était de roche, de craie, couvert d'une mousse sèche, jaune ou verte. Les étendues sauvages étaient immenses et ils avaient facilement l'oeil admiratif en observant au loin des groupes d'animaux sauvages paissant. Lenka et Kili chassèrent avec leurs arcs, et ramenèrent un oiseau aux ailes écailleuses, au bec crochu, dont la chair était à la fois savoureuse et coriace. Lenka voyageait de concert avec Bilbo, et ils bavardaient comme deux pies de tout et de rien ; le hobbit n'avait jamais sa langue dans sa poche, racontant des histoires, des recettes de grand-mère, ou bien imaginant des contes qui se passeraient sur la lande. Quand ils s'arrêtèrent enfin pour manger, il en était à imaginer l'histoire de leur quête et Lenka était étonnée de savoir comment tout cela avait commencé, riant en imaginant un Bilbo effrayé  l'idée des aventures qui l'attendaient.

« Arrêtons nous ici pour manger un peu de cette bête qu'ont tué Kili et Lenka » annonça Balin en s'asseyant lourdement sur un rocher.

Tous firent de même, épuisés. Peut-être avaient-ils perdu le rythme en s'installant quelques jours à Roncépine, en tout cas ils se sentaient déjà exténués. Ils découpèrent un cuissot et le firent rôtir et en déjeunèrent. Lorsque le soleil fut à son plus haut, beaucoup s'installèrent pour faire une sieste, car le soleil tapait fort à cette heure. Lenka s'installa derrière un gros rocher, à l'abri du soleil mais appréciant sa chaleur, et se laissa tomber dans une somnolence digestive très agréable. Elle sentit une présence à côté d'elle et vit Thorin qui observait une carte. Elle se redressa sur un coude, encore gorgée de sommeil.

« Les autres dorment, sauf Gandalf qui est train de préparer un autre emplâtre pour mon épaule » déclara le roi d'un ton pas franchement enjoué, ce qui fit rire la naine.

« Au fait ... Ta proposition ... C'était pour rire, hein ? » demanda t-elle, le coeur serré. Elle ne savait pas si elle désirait qu'il dise oui ou non. Il se retourna lentement et l'observa, pensif.

« Oui, bien sûr » finit-il par dire en se détournant, et elle eut l'impression qu'il mentait.

« Vous avez tord. Bilbo pense aussi que je ferais une bonne reine, mais vous avez tord ; je serais exécrable. Je ne connais pas mon peuple, je ne connais que vous. Comment pourrais-je gouverner des gens dont je ne sais rien ? Et puis, je n'ai pas envie de gouverner. Je veux être libre. »

« Parfois le choix ne t'appartiens pas. »

A sa voix, elle sut qu'elle l'avait froissé : à cause de son refus ou parce qu'elle avait parlé d'une sorte de liberté qu'il n'avait pas eue ? Elle s'en voulut, mais ne sût pas comment réparer ça, et le laissa s'en aller quand il se redressa pour aller réveiller les autres.

Ils reprirent la route, et Thorin ne vint pas parler à Lenka, ni l'après-midi, ni le soir ni la journée suivante. Elle ne savait pas comment s'excuser, car ce qu'elle avait dit était la vérité, et elle ne voyait pas pourquoi elle aurait dû demander pardon. Alors elle le laissait faire ce qu'il voulait, et elle-même faisait ce qu'elle voulait. Elle le détestait en journée, marchant devant elle, parlant avec Balin ; il ne l'ignorait pas, car quand elle lui parlait il répondait, mais c'était souvent de façon polie et froide. Gandalf soignait l'épaule du roi trois fois par jours, après chaque repas ; la blessure guérissait mal mais au moins elle n'était plus ouverte. L'emplâtre puait, et Thorin détestait cela.

Quand, au bout de trois jours de voyage, ils tombèrent sur  une vieille maison en ruine, sûrement une ancienne bergerie, ils y élurent domicile pour la nuit. Le vent soufflait fort sur la lande, la nuit ; Lenka posa a couche à côté de celle de Bilbo.

« Tu n'en a pas marre d'être fière ? » fit remarquer à voix très basse son ami quand tous furent endormis.

« De quoi tu parles ? » grogna la naine, à moitié endormie, agacée qu'on la réveille pour la critiquer.

« Je parle du mal que tu fais à Thorin en le délaissant comme ça. »

« Attends, c'est lui qui a boudé en premier ! »

Lenka était outrée ; Bilbo était son ami et habituellement il la soutenait. Pourquoi cette fois, alors qu'elle était dans son bon droit, il la traînait au fond du puits ? Elle n'avait rien fait de mal ! Elle était à présent parfaitement réveillée.

« Peut-être, mais votre distance le rends triste, d'autant plus que tu lui as dit non. »

« Mais il n'a pas à être triste ! Et puis, sa demande c'était une blague ... Grrr ça n'en était pas une. Salaud de fils de ... Mais je ne peux pas me marier avec lui. On ne s'aime pas. Je ne crois pas. C'est idiot tout ça ! » Lenka commençait à être en colère, mais pas uniquement contre Thorin ou Bilbo : contre elle-même. Est-ce que le roi était aussi triste que ça, pour que son ami la prévienne ? Elle n'avait rien remarqué ; normal il l'évitait ! Cette pensée mit le feu aux poudres.

« Bilbo, je suis libre ; je refuse de gouverner un peuple dont je ne connais rien. Et à quoi pense Thorin de me demander ma main, comme ça ? On se connaît si peu ! Et puis c'est sa faute, il m'évite. Je refuse de me donner à un homme que je ne connais pas bien. »

« Tu l'as déjà fait. »

Et il se retourna ; la discussion était close. Lenka rougit, furieuse, et continua de grommeler. Allons bon, voilà qu'ils se liguaient contre elle. Elle tourna elle aussi le dos et soupira. Elle finit par s'endormir d'un sommeil agité.

Thorin, quelques lits plus loin, avait tout entendu. Il souffla, ayant retenu sa respiration ; son regard se perdit dans les étoiles tandis que Morphée le fuyait.

***

Quatre jours de voyage en plus furent obligatoires, car ils durent passer par des ravins à cause d'un éboulis dans les montagnes. Ils descendirent le long d'une rivière asséchée, puis traversèrent un pont à moitié défoncé. Bombur faillit tomber, entraîné par son poids, mais Baldur et Dwalin réussirent à le retenir, tirant sur la boucle de sa barbe rousse pour le remonter. Après cela, ils atteignirent un large lac qu'ils durent traverser et subirent les attaques intempestives de poissons dotés d'ailes membraneuses et aux nombreuses dents. Néanmoins, Bombur se révéla un adversaire coriace et bientôt, les poissons s'enfuirent, de peur que Bombur ne les attrapent avec ses crocs pour les manger. La chaîne alimentaire de ces carnassiers venait d'être perturbée.

« Je remarque que vous et Lenka semblaient en froid, mon roi » déclara avec douceur Balin, qui voulait réconforter son roi et le conseiller. Thorin ne répondit pas.

« Mon roi ? »

Balin s'en voulait de lui faire ça, mais Thorin se devait de lui raconter si il voulait le conseiller. Mais peut-être n'avait-il pas envie de ses conseils. Il allait partir quand Thorin grogna. Le nain prit cela pour assentiment, et resta encore à marcher à ses côtés, en tête ; derrière eux, le groupe poussait des cris, des rires. Gandalf se mêlait à eux, chantant d'une voix de fausset une chanson où il était question de belettes rangées dans des slips.

Thorin grogna un instant quelque chose, mais trop bas pour que Balin puisse comprendre ; le nain posa la main sur l'épaule de son roi puis commanda au groupe de monter le camp. Puis, l'amenant à l'écart ils se mirent à marcher le long d'un sentier.

« Elle ne doit pas vous détourner de votre quête. Elle traîne trop dans vos pensées pour que cela soit bon, mon roi, si je puis me permettre ... »

« Je sais. »

« Avez-vous une alternative pour vous la sortir de la tête ? »

« Elle a déjà refusé ma proposition d'alternative » fit-il en grondant.

Balin resta un instant muet puis retrouva la parole, les joues rouges, le regard lançant des éclairs.

« Ne me dites pas que vous avez demandé sa main ?! »

« Je pensais qu'elle accepterait, Balin, mon ami ! »

La voix perdue du toi força le nain à taire sa colère. Il soupira encore puis s'assit sur un rocher devant une mare d'eau croupie, où vivotait une grenouille. Le roi resta debout, contemplant le spectacle du batracien.

« Je ne veux pas la perdre. Et pourtant, je ne peux pas la faire mienne. C'est idée m'est difficile ; pourquoi dirait-elle non, me suis-je dit. Mais elle n'est pas comme Mliwyn, que j'agite devant elle un tire de reine ne l'attirera pas. »

Il y avait de la colère mais une pointe de fierté, aussi, dans ce qu'il disait.

« Pourquoi l'avoir fait ? Ce n'était guère intelligent. Songez que, de votre part, vous êtes un roi et que vous devrez offrir à votre peuple une reine, pas votre épouse. Quelqu'un qui saura gouverner avec sagesse, et qui saura tout des ficelles à tirer. C'est important, surtout chez notre race. » Balin adoucit son ton. « Lenka a dû avoir peur. Elle ne connaissait pas les nains, avant ; votre proposition a dû la surprendre, l'effrayer, bien qu'elle ne l'admettra pas. Laissez lui le temps, laissez-vous le temps, à vous, mon roi, et à vous deux. Personne ne sait ce dont sera fait demain. Alors attendez un peu avant de faire des plans. »

Thorin se sentit apaisé. Il y avait du vrai dans ce que son ami disait. Mais il ne sentait pas comme lui la brûlure de ses entrailles quand il imaginait Lenka partir. Sa fierté lui disait de la laisser, qu'elle ne le valait pas si elle se refusait à lui ; en même temps, il était épris d'elle. Qu'elle ait pu dire non, qu'elle ait pu penser qu'il plaisantait l'avait froissé plus fort qu'il n'avait pu l'imaginer. Il lui en voulait beaucoup. Mais Balin avait raison ; il avait d'autres projets, d'autres choses à faire que se tourmenter sur une amourette.

Quand il se redressa, c'était le roi Thorin que Balin avait en face de lui. Il lui sourit, puis lui fit signe de le suivre. Ils devaient retourner au campement.

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