Jeux de Nains

Chapitre 8 : Mliwyn

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:31

La pire, c'est que le rythme de la chanson avait été entraînant rythmé, et qu'elle avait vraiment une jolie voix, cette satané Mliwyn. Lenka s'en voulait de ses paroles : les autres devaient la croire jalouse. Qui ne le serait pas devant un corps pareil ? Mais ce n'était pas pour ça qu'elle était sorti : elle était certaine que cette fille voyait dans les nains une manière de partir d'ici, et que Thorin représentait pour elle le summum du mari : il était de sang royal, et il devait être riche dans ses rêves. Quelle gourde ! Elle ne savait rien faire de ses dix doigts ! Le travail de la terre, s'occuper d'une maison ! Elle ne devait pas savoir faire.

Lenka donna un coup de pied furieux dans une pierre et s'éloigna pour se mettre à l'abri de la pluie glacée sous une porche. Elle resta là, jusqu'à entendre le brouhaha de la salle de l'auberge : quelqu'un était sorti. Un des nains ? Kili, pour s'excuser de ses méchancetés ? Elle n'en était pas revenue qu'il puisse dire cela ! Lui qui avait tenté de l'embrasser - enfin, du moins l'avait-elle compris comme cela. Est-ce que ces paroles voulaient dire qu'elle s'était trompée ? Elle avait envie de pleurer - les hommes étaient tous des cons. Voilà.

« Ce nest plus de mon âge tout ça » grogna Balin en se cachant de la pluie à côté d'elle.

Sa longue barbe blanche dégoulinait d'eau. Lenka baissa les yeux ; était-elle déçue que ce ne soit pas Thorin ? Ou même Kili ? Peut-être. Mais elle se sentait aussi soulagée que ce ne soit pas Kili : elle n'avait toujours pas envie de s'expliquer pour la situation du matin.

« Lenka, je dois vous parler sérieusement. »

Le ton était grave et Lenka délaissa ses pensées futiles pour se tourner vers le nain. Elle repoussa une mèche de cheveu humide, et haussa les sourcils. Avaient-ils décidés de la laisser derrière ? De l'abandonner ? Peut-être même qu'ils allaient prendre Mliwyn avec eux ?

« C'est au sujet de ce matin. Mais aussi au sujet de Thorin, et de Fili. Et des autres. »

Lenka sentit son coeur se mettre à battre très fort. Mais elle se tut, le laissant continuer.

« Nous vous connaissons un peu, depuis que vous traversez avec nous les plaines. Nous avons tous appris à vous apprécier. Et certains plus que d'autres. Votre présence met en jeu plus que pour un autre : vous êtes une femme. Et une présence féminine amène toujours des problèmes : l'amour, l'attirance. Je crois que vous avez été surprise, ce matin. Votre fuite le montre. Je pense aussi que vous avez compris que Kili se sent attiré par vous. Et, d'après mon expérience, je peux dire que Fili et sûrement Ori aussi, bien que ces deux derniers soient un peu plus timides. »

« Je ... Je n'ai jamais voulu ... » La naine s'étranglait sur ses mots.

« Jeme doute. Ecoutez, je suis mal placé pour vous donner des conseils. Mais peu importe. Qui que vous choisissiez, que ce soit l'un d'eux ou un autre, vous les blesserez. »

« Vous voulez que je parte ? » déclara t-elle d'un ton dur, alors qu'elle endiguait des murs autour de son coeur en attendant le coup de grâce.

« Oh que non ! Je pense que, même si cela est embêtant sur certains points, votre présence est bénéfique. Ne serait-ce que pour Thorin. » Et il eut un petit gloussement. Il se reprit, toussota, et continua : « Sachez que ... Je ne peux pas vous commander sur vos choix mais ... Soyez prudente dans vos gestes. Dans vos paroles. Et ne les faites pas rêver. Mieux vaut que vous fassiez le point sur ce que vous voulez. »

Et après un sourire et un hochement de tête, il retourna à l'auberge chauffée. Lenka resta, dégoulinante, aussi froide que l'air ambiant. Elle ne s'était pas imaginé que sa présence impliquait cela. Kili ... Il avait bien voulu l'embrasser, alors ! Et Fili, et Ori ? Et pourquoi cela faisait du bien au prince ? Parce qu'elle le taquinait ? Ou bien lui aussi ... ? Elle rougit, et repoussa l'idée : le prince ne pouvait pas la trouver attirante. Cette idée la gênait bien plus que pour les autres, c"était .. Bizarre. Et puis, il avait eu l'air bien plus intéressé par les seins de Mliwyn ! Lenka soupira et retourna finalement à l'auberge. Mliwyn était en train de chanter pour Thorin, debout à côté de lui, à moitié avachie sur son dossier, pour pouvoir presser ses seins sur lui, son souffle sur sa tempe droite. Les nains étaient là aussi, dont Balin qui hocha la tête vers lui.

Mais où étaient Gandalf et Bilbo ? Elle les chercha et les trouva près de la cheminée. Bilbo essayait de faire cuire quelque chose. Elle s'approcha d'eux et remarqua qu'en fait il faisait chauffer ses chaussettes - humides, toutes dégoulinante, tout comme elle qui mettait de l'eau partout. Elle retira sa cape et la mit à sécher près de la cheminée. Gandalf, Bilbo et elle prirent place devant la cheminée, Gandalf dans un fauteuil et les deux autres par terre, sur la moquette usée.

« Allez-vous bien, Lenka ? »

Lenka haussa les épaules. Elle était déçue mais aussi heureux que ces deux-là ne fussent pas sous l'emprise de la vipère aux yeux verts.

« Je suis d'accord avec vous, elle est bien trop vulgaire. »

Cet assentiment, venant de Bilbo, lui réchauffa le coeur. Dans un élan de sentimentalisme, elle lui prit la main et la serra. Pour lui dire le merci qu'elle était trop fière pour prononcer. Bilbo rougit un peu mais lui sourit.

« Je suis sûr que vous pourriez chanter tout aussi bien. »

« Non, je chante comme une casserole. » dit-elle en riant.

Ils se turent, les rires et les chansons de la demoiselle en fond. Les nains semblaient bien s'amuser. Gandalf soupira puis donna de son avis :

« Je suppose que vous avez dû remarquer que cette demoiselle s'intéresse de très près au prince ? »

« Vous aussi ? Merci Gandalf ! J'avais cru me faire des idées ! Kili n'aurait jamais dû me dire ce genre de choses, aussi. Il faudra faire attention cette nuit ! Je suis sûre qu'elle va vouloir mettre le crochet sur Thorin, et je suis certain aussi que cet idiot est assez con pour la laisser partager son lit ! »

Elle jeta un coup d'oeil au magicien et au hobbit ; ils la dévisageaient avec surprise. Puis éclatèrent d'un rire sourd.

« Vous êtes franche, et vous ne mâchez pas vos mots, ma chère. Oui, nous devrons nous mettre sur nos gardes en ce qui concerne ses intentions. Néanmoins, même si ces nains semblent tous sous son charme, je ne m'en ferais pas pour ça, hmmm ? »

Lenka sut que cette remarque était pour elle. Gandalf savait pour ce matin. Bilbo les regarda tour à tour puis, comprenant que cette phrase ne s'adressait pas à lui, laissa passer. Ils passèrent finalement la soirée à discuter, notamment au sujt des voyages de Gandalf. Bilbo et Lenka buvaient ses paroles : le magicien avait beaucoup voyagé, et il avait vécu beaucoup d'aventures. Bilbo était exalté, et Gandalf était heureux qu'il se prit d'affection pour ces voyages. Il avait bien changé depuis le début de l'aventure, où il avait si peur pour son mobilier.

La soirée était bien avancée quand Gandalf déclara qu'il allait se coucher. Il prit une des chambres que l'aubergiste avait réservée, et monta aux étages supérieurs - il y en avait deux, et à chaque étage six chambre avec quatre lits individuels. Thorin avait réservé quatre chambres ; voulait-il dormir seul dans l'une d'elle, pour pouvoir être rejoint par Mliwyn ? Lenka soupira et frissona ; ses vêtements n'avaient pas vraiment séché.

« Je ne sais pas ce qu'ils lui trouve » dit finalement Bilbo.

Il avait l'air sincèrement étonné. Il avait eu la bouche ouverte, tout à l'heure, mais à présent il était indifférent aux charmes de Mliwyn. Lenka était heureuse d'en voir au moins un qui n'était pas hypnotisé devant elle.

« Je vous préfère vous. »

Une phrase, si simple, de simples mots, mais qui avait peut-être plus de sens qu'elle n'en semblait. Plantant ses yeux verts émeraude dans ceux du hobbit, Lenka resta silencieuse. Le hobbit n'avait pas rougit, et souriait d'un air innocent. Lui plaisait-elle à lui aussi ? La naine ne voulait pas avoir à se poser la question à chaque phrase, dès qu'on lui disait quelque chose de gentil. Elle aurait préféré que Kili s'abstienne.

« Allons nous coucher aussi » proposa t-elle.

Sûrement pour la réconforter, le hobbit lui proposa le bras. Amusée, Lenka le lui prit et remarqua qu'ils faisaient à peu près la même taille. Les hobbits sont normalement plus petits que des nains, mais Bilbo se trouvait être grand pour un hobbit - ou peut-être était-ce elle qui était petit pour une naine. Bras dessus bras dessous, une main sur le bras de son ami, ils montèrent doucement. Sans remarquer quelques paires d'yeux braqués sur eux : Fili et Kili avaient cessé de rire, et Thorin avait les narines qui palpitaient, ne faisant plus attention à Mliwyn ; la naine et le hobbit paraissaient enfermés dans une bulle intimide, pris dans leur conversation, et le temps d'une montée d'esclaier sembla durer pour les nains qui regardaient chaque pas douloureusement. Car ils formaient un couple étonnant, mais ce geste doux, ce contact ... Chacun le voulait pour lui.

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