Jeux de Nains

Chapitre 6 : Convalescence

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:02

« Ce n'est pas obligé ! » s'ecria la naine alors que Thorin se détournait d'elle et prenait la tête du groupe.

La naine eut un soupir excédé et jeta un regard aux deux nains à côté d'elle : des sorte de gardes. Ils étaient là pour palier à ses besoins et discuter avec elle. Il est vrai que, pour le moment, elle n'avait guère fait connaissance avec le groupe. Elle se promit d'y remédier mais pas allongée comme une infirme. Elle voulut se lever mais Gandalf l'arrêta d'un geste de son bâton.

« Ne bougez pas. Vous allez vous faire mal. »

« Mais ma plaie est partie ! Disparue ! Comme si il ne s'était rien passé ! »

« Peu importe. Votre corps, lui, sait qu'il a été blessé. Ne faites pas l'enfant. Vous donneriez des idées à Bilbo. »

Le magicien eut un sourire que lui rendirent Kili, Fili et Lenka. Cette petite boutade était bonne enfant, et ils le savaient bien. Bilbo était près de Thorin à discuter avec le prince et son conseiller Balin. Il n'avait pas entendu. Lenka, assise sur le traîneau fait en écroce que tiraient Bombur et Dwalin - avec une aisance remarquable au vu de son poids bien loin des canons de beauté chez les elfes - se tourna vers ses deux amis nains et se gratta le nez, gênée de ne savoir quoi dire.

« Pourriez-vous nous donner encore votre version de l'histoire ? Vous racontez tellement bien la floraison de la fleur, et c'est si triste quand la licorne meurt ! »

Fili passa sa main dans sa barbe blonde tressée et lança un regard amical à Lenka qui ne put s'empêcher de lui rendre. Son ami Kili, loin d'être taciturne, ajoua d'une voix amusé :

« Regardez le à baîller aux corneilles en rêvant de licornes ! »

Ils se poussèrent, se chamaillèrent un instant, l'un tirant la veste de l'autre dans une camaderie plaisante à voir. Lenka s'en voulut de n'avoir pas encore fait ami-ami avec les autres nains ; chacun semblait être une personne à part, bien particulière, et pourtant elle ne connaissait pas encore le nom de chacun, à sa grande gêne. Mais la journée allait remédier à cela : à chaque arrêt, environ toutes les deux heures, les nains changeraient pour être de garde. Ainsi, elle aura la connaissance de chacun ce soir. Mais Lenka aurait préféré parler avec eux en marchant plutôt qu'en restant étendue. Mais Gandalf la surveillait : l'air de rien, il fit un geste vers elle avec ses doigts, et lui lança un regard de côté, rapidement. La naine grogna.

Elle se mit à raconter l'histoire, et ce devait être un don qu'elle avait : elle savait mettre les accents là où il fallait pour accentuer l'émotion. Tous les nains se turent bientôt pour l'écouter, pour réécouter cette histoire qu'ils avaient à moitié vécue. La naine avait une voix douce, quand elle narrait son histoire, plus douce que lorsqu'elle parlait. C'était une voix au rythme tranquille, ni trop soutenu ni trop lent. Puis, d'une histoire à l'autre, elle se mit à raconter des anectodes de la ferme. Comment la chèvre était tombée dans le puits, comment son père avait réussi à rester coincé entre deux racines d'arbres, comme elle-même, une fois, elle avait réussit à tomber d'un arbre dans un buisson d'épines et qu'elle était restée pendant un mois avec des épines dans les fesses.

« Ce devait être bien douloureux ! Moi, une fois, j'ai cuisiné une soupe mais le feu était si fort qu'elle a jaillit et m'est retomée dessus. J'avais le visage tout verdâtre ! » s'exclama Bilbo, qui avait rejoint les nains qui entouraient à présent le traîneau. Tous formaient un arc de cercle autour de Lenka, même Gandalf s'était joint à eux, sauf Bombur et Dwalin qui tiraient le traîneau, et Thorin accompagné de Balin qui marchaient, quelques mètres en avant.

Les nains et Lenka éclatèrent de rire. C'était à présent à qui raconterait l'anectode la plus drôle. C'était souvent Bilbo qui, arrivant à se rabaisser avec comique, faisait le plus rire la naine. Elle riait à voix basse, les joues rosies par tant d'attention et de gentillesse. Kili, Fili et Nori se disputaient à voix basse pour savoir qui avait, un jour, roulé sous la table à force d'avoir trop bu et avait vomi dans les chaussures de Bombur - tous trois pensaient que c'était lui.

« Qu'y a t-il de si drôle, hm ? » gronda Thorin, l'air boudeur.

« Qu'y a t-il de mal à rire, mon bon prince ? » murmura Balin, puis, avec un sourire amusé, il toucha du doigt le problème : « Seriez-vous jaloux ? »

Le bon nain ne comprenait pas : il n'y avait pas matière à être jaloux. Au contraire : un membre de l'équipe avait failli y passer ; il fallait se réjouir, fêter cela dignement ! Balin jeta un coup d'oeil au prince qui avait rougi, plissant les paupières d'un air décidé et bougon.

« Je ne suis pas jaloux. C'est juste idiot de faire autant de bruit, on risque de se faire remarquer. »

Balin eut un sourire narquois ; son prince se cherchait des excuses et ils le savaient bien tous les deux. Le vieux nain posa la main sur son prince et ami, en continuant de marcher avec en bruit de fond les rires et les cris qui venaient de derrière.

« Il n'y aurait aucun mal à ce que vous alliz vous enquérir de sa santé. Après tout, elle fait partie du groupe et vous en êtes le chef. »

« Je sais bien ! J'irai la voir tout à l'heure. »

Il avait dit cela d'une manière colérique ; était-il soulagé d'avoir l'aval de quelqu'un ? Ou en colère d'avoir dû attendre que Balin lui dise cela pour oser le faire ? Le nain secoua la tête en soupirant ; dans quoi allait se fourrer Thorin, encore ? Les nains firent le voyage à côté de Lenka, qui se dandinnait dans son traîneau ; il était visible que l'inactivité lui faisait plus de tord que sa blessure disparue, et Gandalf accepta à la mi-journée qu'elle se lève et se dégourdisse les jambes sur quelques kilomètres.

« Pourquoi avez-vous accompagné des nains pour qu'ils puisse reconquérir leur cité » demanda t-elle à brûle-pourpoint tandis que Bombur et Dwalin allaient se reposer et que les autres sortaient de leurq paquetages de quoi faire à manger. Gandalf se tourna vers elle en posant son regard d'acier sur la naine blonde.

« Les aventures ne sont pas un mal. Au contraire. Bilbo serait resté chez lui, si je ne l'avais pas induit à venir avec nous. Il aurait raté tellement de choses. Et puis, participer à un fait aussi historique que la reconquête d'Erebor par le prince Thorin, n'est-ce pas une aventure que vous voulez partager ? N'est-ce pas trépidant de se dire que nous vivons l'histoire en ce moment même ? »

Lenka comprenait où il voulait en venir, et hocha la tête sans rien dire : il n'y avait rien à répondre à de telles phrases grandiloquentes. Elle se joignit au repas plus que frugal, et à la fin du déjeuner, elle s'approcha de Kili qui était en train de sortir son arc.

« Puis-je t'aider à chasser ? S'il te plaît ! Depuis ce matin, je ne bouge pas, il faut bien que je m'occupe ! »

Elle fit les yeux doux, et Kili, naïvement, s'y laissa prendre. Il soupira, puis après avoir repoussé une mèche de cheveux en s'empêchant de rougir sous le regard vert et tendre posé sur lui, il déclara :

« Mais tu m'accompagnes juste. Tu abattras la bête une fois qu'elle sera touchée par mes flèches. D'accord ? Pas de course effrénée ou de danger inutile. Tu es convalescente. »

« Contre mon gré ! » grogna t-elle en faisant la moue.

Kili soupira, amusé, et éclata d'un rire bas. Quel caractère. Ils saluèrent les nains, qui furent tous contents d'apprendre qu'ils mangeraient de la viande au dîner. Fili et Gloin voulurent se joindre à eux, mais Kili refusa d'un geste.

« Non. Nous serons déjà bien assez de deux. »

Et ils partirent, Kili en avant, l'arc bandé, une flèche encochée ; Lenka suivait d'une démarche souple, bien que moins agilement que d'habitude. La plaine était un peu plus herbue que les jours pécédents, mais c'était encore des paysages de montagnes, de la pierre rocailleuse et grise. Il y avait peu d'arbre, mais Kili réussit à dégotter un terrier. Cinq lapins furent abbatus d'une flèche dans le flanc. Lenka alla les ramasser tandis que le chasseur remarquait des empreintes dans la mousse. C'était une chance : le sol étant caillouteux, les empreintes n'y restaient pas longtemps.

« Regarde, ce sont des empreintes de Nephalm. »

« De quoi ? » fit Lenka pendant qu'elle dépeçait les bêtes et jetait les détritus.

« De grosses bêtes avec des cornes et des griffes. Ils ont un long museau aplati, des oreilles pointues, ils sont aussi grands que des daims. Leur viande est savoureuse, et ils vivent en clan de quelques bêtes seulement. Suivons la piste ! Nous aurons peut-être la chance de tomber sur eux ! »

Ils firent ainsi, et marchèrent quelques instants. Le terrain changea doucement : l'herbe était plus verte et ce n'était plus de la pierre mais de la terre sous leurs pieds. Il était évident que les bêtes avaient cherché refuge dans un endroit ombragé, peut-être avec une rivière. Ils parvirent à l'orée d'une forêt aux grands arbres gigantesques, aux troncs noirs et noueux.

« Je monte dans les arbres. Attends moi là, je n'en ai pas pour longtemps. »

Il disparut dans les branchages, et Lenka le suivit du regard. Une fois qu'elle ne l'entendit ni ne le vit plus, elle partit sur ses traces, manquant de tomber de l'arbre. Mais il n'était pas dit qu'une chasseuse comme elle manquerait une chasse ! Elle bondit de branche en branche, loin d'être gracieuse, mais elle faisait le moins de bruit possible. Elle remarqua enfin que les arbres entouraient un petit lac où les Nephalms étaient venus boire. Kili était prêt d'eux, dans un arbre, l'arc bandé. Il décocha sa flèche, et tua le petit. Les parents, devenus fous par la mort de leur progénitude, se mirent à charger dans tous les sens. L'un d'eux heurta l'arbre de Lenka qui se rattrapa aux branches. Kili vint à sa rescousse. Il atterit près d'elle sur la branche et attrapa sa main.

« Attention, c'est glissaaaaannnnnnnnnnnnnt. »

Ce n'était pas faute de le dire : les branches étaient, dans ce coin de la forêt, très glissantes à cause de la brume et de l'eau environnante. Kili glissa et Lenka tomba à sa suite, entraînée par son poids. Ils dévalèrent le talus de pierre, de terre et de feuilles, et se cognèrent le front l'un contre l'autre. Lenka s'assit, couverte de terre et de plantes mortes. Elle frotta son front et ouvrit les yeux : Kili assit devant elle, tenait son visage à quelques centimètrès du sien. Son regard sombre brillait dans la pénombre du bois.

« Kili ? »

Lenka avait la voix tremblante. La chute ne lui avait pas fait mal, mais la situation était trop étrange pour elle. Elle se recula un peu, mais Kili se rapprocha, comme hypnotisé. Un bruit de branchages les fit se retourner : Balin et Bifur se tenaient près de l'eau, observant avec intérêt ce qui se passait. Lenka, qui remarqua que Kili était penché sur elle, le repoussa et se redressa, en colère contre ce que pouvaient bien penser les deux nains. Qu'avait-il donc dans la tête, Kili, quand il s'était approché d'elle ainsi ? Elle grogna quand les deux nains lui demandèrent ce qu'ils faisaient, et s'éloigna. Ses joues la brûlaient. Elle avait besoin de marcher seule.

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