L'elfe bénie par Manwë

Chapitre 3 : La chute d'Erebor

3339 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/06/2022 10:25

Une silhouette au dos bombé déambulait à travers les ruelles escarpées. Elenna avait l’habitude de cacher ses ailes sous une cape de voyage lorsqu’elle quittait Erebor, pour éviter les regards curieux. Elle réajusta sa capuche, ses cheveux n’étaient pas discrets non plus. La jeune elfe détestait faire ça, mais elle ne souhaitait pas que son existence attire à nouveau les foudres d’un dragon en mal d’égo. Les yeux brillants elle scrutait les nombreux jouets disposés sur les stands, si célèbres à Dale. C’était une ville d’Hommes, prospère et non loin de la montagne, ils marchandaient énormément avec les nains. Elenna venait régulièrement s’y balader, malgré son esprit vif son âme d’enfant ne pouvait rester insensible à toutes ses merveilles. La jeune elfe acheta un bibelot et reprit tranquillement la route en direction de la montagne solitaire. Lorsqu’elle fut en compagnie des nains elle put enfin se libérer de son subterfuge. Son œil alerte repéra Thorin sur les hauteurs des remparts, d’un mouvement d’ailes elle le rejoint, un large sourire fendant son doux visage. Il l’accueillit tout aussi chaleureusement et taquina :


- Encore partie chercher des jouets à Dale jeune fille ?


En réponse Elenna extirpa de sa poche une magnifique toupie en acier. Elle la lança devant lui, dans tourbillon interminable suivi d’un cliquetis mélodieux.


- J’ai l’impression que cette ville est de plus en plus resplendissante quand je m’y rends, souffla-t-elle, je n’imaginais pas les Hommes aussi ingénieux !

- Ils peuvent être doués de leurs mains en effet, murmura Thorin pensif, les richesses de la montagne permettent cela…


Du coin de l’œil elle observait Thorin, il semblait bien plus mature qu’elle malgré la proximité de leur naissance, il avait la véritable allure d’un prince. Elle s’exclama joyeusement :


- Un jour ça sera toi le roi sous la montagne ! Et Erebor sera encore plus resplendissant d’ici là !


Le nain se tourna vers elle, surprit, il répondit hésitant :


- J’ai encore beaucoup d’années devant moi et je ne suis pas sûr d’avoir l’étoffe d’un roi…

- Tu as ce qu’il faut en toi pour être un grand roi, affirma Elenna, tu es bon et tes pairs t’apprécient. J’entends souvent du bien de toi et tu sais bien que mes paroles ne sont pas mielleuses.


Thorin ne laissa rien transparaitre, mais ces simples mots de la jeune elfe suffisaient à remplir son cœur de bonheur. Il la dévisageait, perdu dans ses pensées. Ses traits étaient de moins en moins enfantin pensa-t-il et sa beauté ne cessait de s’épanouir. Il chassa ses idées d’un mouvement de tête, c’était sa sœur adoptive et ça devait rester ainsi. Le ventre d’Elenna se manifesta soudain, le nain arqua un sourcil amusé alors que la jeune elfe faisait mine de rien n’avoir entendu, scrutant les nuages.


- Je ne t’ai pas vu à la collation ce matin, tu es encore partie sans te substanter ?


Elle le fixa avec de grand yeux ronds, l’air ahuri et tenta une manœuvre habile pour changer de sujet. Mais Thorin y était habitué et continua, son ton frôlant le reproche :


- Tu es distraite depuis le retour de ton dernier voyage. Tu es sûr de m’avoir tout raconté ?


Intérieurement Elenna se décomposait, le mensonge n’était pas son fort, d’autant plus avec son frère adoptif…


- Thorin, je te raconterais tout si tu me promets de n’en parler à personne, supplia-t-elle dans un murmure.


Il le savait ! pesta le jeune nain. Avant qu’il ne puisse fulminer sur les cachoteries de sa sœur elle le coupa :


- Mais on peut manger d’abord ? S’il te plait ?


Et à nouveau un grognement plaintif se fit entendre, provoquant l’hilarité de Thorin. Il l’invita à le suivre en direction des cuisines royales. Sur le chemin de nombreux nains saluèrent le prince, mais aussi Elenna. Elle était largement appréciée parmi le peuple d’Erebor. Malgré les querelles avec les elfes, elle était à part.


A son arrivée Thráin avait décrété de la traiter comme sa propre fille, mais les débuts n’avaient pas toujours été facile avec les nains. Déjà il eut barrière de la langue et la méfiance était présente malgré tout. Jusqu’au jour où ses ailes lui permirent de venir en aide à un jeune mineur en difficulté. Sa loyauté envers Erebor n’étant plus à prouver les nains l’acceptèrent enfin et à chaque accident ils sollicitaient son aide.


Lorsqu’ils arrivèrent dans les cuisines Elenna chaparda quelques mets. Ils se posèrent dans un coin discret où nulles oreilles malvenues pourraient les entendre. Thorin attendu patiemment que la jeune elfe finisse son repas avant de demander des réponses. Elle le sentit et se crispa légèrement, elle ignorait quelle serait sa réaction.


- Est-ce qu’il y a de quoi m’inquiéter ? interrogea soudain Thorin, qui ne pouvait plus se retenir.

- Non, répliqua-t-elle immédiatement, mais tu ne vas peut-être pas aimer ce que je vais dire…


En douceur, Elenna commença à lui raconter son aventure parmi les elfes de la Forêt Noire. A mesure qu’elle transmettait son histoire, Thorin se tendait, tel un arc prêt à décocher.


- Tu vas nous quitter ? demanda-t-il sèchement.

- Je… De… Quoi ?


La jeune elfe fixait son frère, totalement perdue, elle ne comprenait pas où il voulait en venir, ce qui l’agaça d’autant plus.


- Te rends-tu compte que tu es allée pactiser avec nos ennemis ?! souffla Thorin.

- Quels ennemis ?! rétorqua Elenna, piquée au vif.


Elle se leva brusquement de sa chaise, qui bascula avec fracas, attirant le regard curieux des autres nains. La noirceur dans le cœur de Thorin souilla l’esprit de la descendante des Noldor. Un mal qui avait corrompu ses ancêtres des siècles auparavant la saisit.


- Les elfes sont vos ennemies, pas les miens ! chuchota-t-elle, je n’ai que faire de vos vieilles querelles absurdes ! Tu crois que ça a toujours été facile pour moi de vivre parmi un peuple qui n’est pas le mien ?! En sachant que je ne serais jamais totalement acceptée comme tu peux l’être ?


Le nain resta figé face à Elenna, de toute sa vie, jamais il ne l’avait vue en colère. Les larmes envahirent les yeux de l’elfe et elle continua, la voix tremblante :


- Mais je croyais que toi tu m’avais accepté Thorin… Comment peux-tu penser, ne serait-ce qu’un instant… Que je te laisserais tomber ?


Le jeune prince fut totalement désemparé, incapable de rétorquer le moindre mot. Alors Elenna le planta là et s’envola en direction des remparts. Afin de chercher un lieu calme où laisser exprimer sa peine. Plusieurs heures s’écoulèrent, durant lesquelles Thorin arpentait de long en large les hauteurs pour la retrouver, rongé par la culpabilité. Il s’arrêta, scrutant l’horizon, les yeux perdus dans ses souvenirs.


Il revit une Elenna, enfant, arrivée il y a peu à Erebor. Elle venait encore de faire un cauchemar du terrible dragon Smaug. Secouée de sanglots elle gémissait « Emil ! Emil ! ». Thorin n’eut pas besoin de parler la langue elfique pour comprendre qu’elle réclamait sa mère. Le jeune nain grimpa dans son lit, posant sa petite main sur celle d’Elenna :


- Ne t’inquiète pas ! Tu n’es plus toute seule ! Je promets que je ferais tout pour que tu ne sois plus triste !


Même si l’enfant apprenait la langue des nains que récemment, elle sembla comprendre Thorin. Un sourire timide flotta sur lèvres. Quand son père lui avait dit qu’Elenna deviendrait un membre de la famille il avait pris son rôle d’ainé très à cœur.


La tête dans les mains, abattu,Thorin jura. Comment avait-il pu tenir de tel propos à son encontre ?! Elenna atterrit avec fracas à ses côtés, faisant sursauter le jeune prince. Il s’apprêta à se confondre en excuses lorsqu’il croisa le regard terrifié de sa sœur.


- Quelque chose de gigantesque se dirige vers nous !


Un vent chaud souffla soudain sur la montagne. Les pins craquaient, menaçant de céder sous sa puissance. Une terrible peur la figea l’elfe, se mit à trembler de tous son corps, cette sensation…


- Que se passe-t-il ? interrogea Thorin inquiet.

- Il… Il est de retour…


Le prince nain comprit immédiatement et hurla à l’adresse des gardes « Un dragon ! Sonnez l’alarme ». A ce moment-là un terrible rugissement raisonna dans la vallée, un éclat doré fendit le ciel. Il se dirigeaient dangereusement sur Dale. Les trompettes des Hommes retentirent, ce qui sortit la jeune elfe de sa torpeur. Elle se claqua le visage pour se ressaisir et s’envola à vive allure.


- Que fais-tu ?! tonna Thorin à son encontre.


Elle ne se s’arrêta pas en passant à sa hauteur, continuant son vol effréné, elle n’avait pas le temps de discuter il fallait agir vite. Elle plongea en piquée en direction de la forge et arriva dans l’armurerie, où les nains courraient dans tous les sens. Au milieu de ce chaos elle ordonna :


- Mon armure ! Vite équipez moi de mon armure !


Une vingtaine de petits hommes s’agitèrent autour de la jeune elfe. Avec efficacité ils l’équipèrent d’une splendide armure, faite d’un acier solide mais léger. Un nain à l’aspect sage s’approcha d’elle, un heaume entre les mains, c’était Balin, un proche de Thorin.


- Tu ne comptes quand même pas affronter le dragon ?! C’est pure folie !


D’un mouvement sec elle lui arracha le casque des mains et l’enfonça sur son crâne. L’heure n’était pas à la négociation et elle s’envola sous ses protestations. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter Erebor à vol d’oiseaux une masse se jeta sur elle, la faisant lourdement chuter. Elle releva un regard courroucé vers le malvenu et croisa les yeux suppliants de Thorin.


- Ne fais pas ça !


Le cœur de l’elfe se serra face à la détresse de son ami, un sourire triste flotta sur ses lèvres et elle murmura :


- Je vais essayer de le retenir, j’ai déjà perdu trop de temps, évacue la cité.


D’un puissant mouvement d’aile elle envoya Thorin valser et se jeta dans le vide avant qu’on l’en empêche. Elenna fonçait vers Dale, déjà en proie aux flammes du dragon et à la destruction. Smaug venait de finir son œuvre, ce n’était que pure cruauté. Son objectif était les richesses d’Erebor. Le reptile se dirigait vers la montagne lorsqu’un bruit métallique retentit, il scruta autour de lui en quête du misérable insecte qui avait osé le toucher. Elenna pesta, cachée derrière une épaisse nappe de fumée. Ses écailles étaient solides et sa lame avait tout simplement rebondit. Comment faire ? Une énorme masse fonça dans sa direction, elle eut juste le temps de plonger sur le côté.


- Qui es-tu ?! tonna Smaug.


Son cri était puissant et fit trembler les alentours, Elenna opta pour une stratégie et prit de la hauteur. Le soleil se refléta sur son armure, éblouissant le dragon qui resta un instant transit devant une telle lueur. Tout ce qui brillait attirait le regard des salamandres.


- Je suis Elenna, fille d’Anoriel, reine des cieux ! Comment oses-tu fouler mon royaume Ó Smaug ?


Le reptile comprit immédiatement qui il avait face à lui et entra dans une rage folle, sa queue fouettant furieusement l’air.


- Toi ?! Comment ?! Ta chair aurait dû fondre sur tes misérables os !


Un halo apparut dans la gueule de Smaug et ses naseaux commencèrent à fumer. Elenna retint son souffle puis prit la fuite à vive allure. Le dragon la talonna et une tornade de feu ne tarda pas à s’abattre sur elle. Effectuant des virages serrés elle faisait de son mieux pour éviter ses assauts. De large goutte coulait le long de son front, la chaleur provoquée par les flammes, combinée à son armure rendait sa respiration difficile. Aveuglé par la rage le dragon ne réalisait pas que l’elfe l’éloignait d’Erebor. Ils se dirigeaient vers la rivière de la Forêt Noire. L’elfe ne souhaitait pas mettre les Hommes de Lacville en danger. Pendant de longues minutes ils effectuèrent un ballet mortel dans les airs, Elenna était essoufflée et au bord du malaise. Smaug scruta les alentours et comprit immédiatement sa pitoyable tentative. Il lâcha avec dédain :


- Je n’ai pas de temps à perde avec un moucheron… Je reviendrais mettre fin à ta vie après avoir pris possession d’Erebor.


Le dragon rebroussa chemin, une sensation glacée la saisit, elle devait tout faire pour le ralentir. Elenna se jeta alors sur lui, s’agrippant férocement à ses cornes tout en lui assénant des coups d’épée sur ses paupières. Le lézard secoua violement sa tête dans tous les sens, hurlant, jurant de toutes ses forces. L’elfe perdit prise, Smaug l’éjecta les airs et sa mâchoire claqua à côté d’elle. Un large sourire fendit le visage d’Elenna, ce dragon était un peu gauche, comparé à lui elle était plus rapide et agile.


Elle évita les uns après les autres les assauts de Smaug puis parvint à lui entailler la paupière, provoquant la rage du dragon. Il se posa, piétinant furieusement le sol et grattant son œil. Elenna y vit une faille et plongea en piquée. Un rictus narquois se dessina sur les lèvres du reptile et sa queue fouetta l’air. La jeune elfe se prit l’attaque de pleins fouets, elle sentit ses côtes s’écraser sous le choc et son corps fut projeté sur des dizaines de mètres.

Elenna chuta lourdement dans la rivière, le poids de l’armure l’amenant vers le fond. A moitié paralysée par la douleur, elle détacha une à une les sangles de son armure. Smaug quant à lui la considéra comme morte et reprit son envol en direction d’Erebor. Le courant emporta l’elfe, la malmenant parmi les rochers. Chaque choc était terriblement douloureux et elle peina à garder la tête hors de l’eau. Même si elle savait les chances maigres, elle appela à l’aide. L’eau ne tarda pas à envahir ses poumons, la noyant. L’elfe disparut parmi les remous furieux du torrent.

 


Un silence pesant régnait parmi les soldats, brisé de temps à autres par des cris d’agonis en provenance d’Erebor. Thranduil, chevauchant un cerf majestueux, était préoccupé. Il refusait de mettre son peuple en danger face à la colère destructrice du dragon. Il lui semblait avoir vue Smaug poursuive quelque chose avant de rebrousser chemin. Malgré ses yeux elfiques il n’avait pas pu distinguer la silhouette. A ses cotés Legolas avaient la même pensée, il souffla :


- Père… Peut-être était-ce Dame Elenna ?


Le roi sylvain ne releva pas, si c’était le cas alors elle avait rejoint les Cavernes de Mandos, il se refusait de le verbaliser. Legolas le toisait, il lâcha avec impulsivité :


- Nous devons aller vérifier !


D’un geste vif de la main Thranduil ordonna l’arrêt de ses troupes. Il eut un regard dur à l’encontre de son fils, mais il s’adoucit rapidement. Il était jeune, il fut comme lui à une époque, il avait encore beaucoup à apprendre sur ce monde.


- Je ne peux vous mettre en danger inutilement, murmura son père, tu comprends ? Prends des éclaireurs avec toi pour inspecter les environs et rejoins-nous après.


Legolas le remercia du regard et interpella deux pairs en monture. L’escouade galopa en direction de la rivière en contrebas et arrivèrent rapidement sur les lieux de l’affrontement. De nombreux arbres étaient couchés et le sol retourné, l’œuvre d’une colère titanesque. Le jeune prince scrutait les environs, perdu dans ses pensées et repéra de grosses traces de sang sur le sol. Le dragon s’était battu contre quelque chose avant de repartir, mais il n’y avait plus d’âmes qui vivent dans les environs. Son regard s’arrêta sur les eaux vives, et si…


- Descendons le long du courant ! ordonna Legolas.


Le groupe continua sa route tout en inspectant les environs, l’un des éclaireurs interpella le jeune prince :


- Sir Legolas ! J’ai trouvé quelque chose !


Il lui tendit un objet métallique, c’était une pièce d’armure. L’elfe reconnut immédiatement le travail des forgerons nains, mais elle n’était pas destinée à une personne de petite taille.


- Continuons les recherches.


D’autres pièces furent trouvées, parsemées ici et là le long de la rivière. L’elfe observait un bustier richement décoré, il n’était pas destiné à un homme… Son cœur se serrait dans sa poitrine, ses craintes étaient en train de se confirmer. La nuit commença à décliner lorsqu’ils tombèrent sur une masse étendue le long de la berge. Legolas se précipita aux côtés d’Elenna, les lèvres légèrement bleutées. Délicatement il la bascula sur le côté, effectuant des gestes pour tenter de dégager l’eau de ses poumons. La jeune elfe fut prise d’un violent spasme et cracha du liquide en abondance mélangée à du sang. Maintenant qu’elle était réveillée la douleur la submergea, elle avait la sensation d’avoir son corps brisé en milles morceaux. Elle eut du mal à retenir ses gémissements plaintifs, Legolas nota que l’une de ses ailes avait un angle anormal. Conscient qu’ils seraient incapables de la transporter dans cet état, il envoya l’un des éclaireurs demander de l’aide auprès des siens.


- Vous êtes inconsciente… glissa le prince, la voix tremblante. Affronter toute seule un dragon, quelle pure folie !


Elenna n’avait pas la force de rétorquer, à vrai dire elle était à peine consciente. Elle ne réalisa même pas ce qu’il se déroulait lorsque des elfes revinrent la mettre sur une civière. Ils lui parlaient, tentant d’évaluer son état mais aucun mot ne vint. Elle perdit à nouveau connaissance, ses côtes avaient subi de graves dommage, rendant sa respiration difficile. Thranduil détacha alors un groupe de soldats pour l’escorter au plus vite à leur royaume, son état le préocuppait grandement.


Erebor… Legolas était songeur, c’était bien la direction qu’elle avait prise lors de leur rencontre, des mois durant. Que faisait-elle chez les nains ? Peut-être était-elle simplement à Dale ? Alors pourquoi affronter le dragon ? Beaucoup de questions qui travaillaient l’esprit du prince elfique. 


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