Les petites histoires de Lady Oscar
Enfin il était là ! Bernard tenait son fils dans ses bras, entouré uniquement d’Alain et d’une jeune voisine, amie de son épouse restée au lit. Le sacrement du baptême se faisait donc sans elle, pour son bien. Il était fier de son fils, sa petite merveille bien portante et aux pleurs légers, presque inaudibles. Le nourrisson d’à peine quelques heures se mit à gigoter lorsque l’eau fut versée sur son front, fronçant les paupières, mécontent de ce qu’il se passait. Bernard lâcha un léger rire en voyant les mimiques de son fils. Alain posa une main sur l’épaule du journaliste, un grand sourire sur son visage, heureux de voir le bonheur de son ami.
« Tu as fait du bon travail, nul doute que François te ressemblera. » lui dit-il.
Le journaliste secoua sa tête, ne semblant pas tout à fait en accord avec le militaire.
« Je n’ai pas fait grand-chose. C’est Rosalie, ma reine, qui a tout fait. Tout ce que je pouvais faire, c’était attendre que ces longs mois passent. Tu sais combien on peut avoir la sensation que le temps ne s’écoule pas, dans ces situations ? On voit le ventre de notre épouse s’arrondir, on doit la rassurer, on doit la soutenir dans les moments où elle se sent malade… Mais nous, les hommes, ne faisons pas grand-chose de plus que patienter. »
Alain n’hésita pas à croire en les paroles de son ami. N’ayant pas vécu ces instants et ne pensant pas les vivre un jour, il ne pouvait qu’imaginer combien les hommes pouvaient se sentir impuissants face à une grossesse, mais surtout face à la naissance.
« Marie m’a dit que tu avais refusé de laisser Rosalie pendant l’accouchement, c’est vrai ? » demanda la jeune voisine.
Bernard se mit à sourire de toutes ses dents, amena son fils contre son torse et déposa doucement son menton sur son crâne tout en faisant attention à sa fontanelle. L’enfant dormait à poings fermés et plaqua sa petite oreille contre le cœur de son jeune père.
« Oui. Je ne supportais pas l’idée de laisser ma femme traverser cette épreuve seule. J’ai senti qu’elle était rassurée lorsque je suis arrivé. Merci encore d’être venu me chercher dès que les premières contractions se sont fait ressentir. »
« C’est normal, les pères ont leur place auprès de leurs épouses dans ces moments-là, même si l’accouchement reste une affaire de femme. » expliqua la jeune voisine. « En plus, Rosalie ne disait que ton prénom, elle ne voulait personne d’autre que toi. »
« Tu n’as pas eu trop de craintes ? Enfin, je veux dire… Tu te sentais vraiment à ta place ? » s’inquiéta Alain, devenant blême.
« Tu sais, à ce moment-là, tu ne fais que prier, même si tu ne crois pas spécialement en un dieu, tu pries pour espérer que tout se passe pour le mieux. Ce qui était le plus dur, c’était de voir la souffrance de Rosalie, je n’avais aucun pouvoir pour l’aider, ce qui m’a attristé. Pendant des heures, je l’entendais gémir, elle serrait ma main si fort qu’elle avait pris une couleur bleue inquiétante. Mais quand il est né, qu’on m’a annoncé que j’avais un fils, que tout allait pour le mieux pour Rosalie et l’enfant, c’était un soulagement. J’ai honte de le dire, mais je n’ai pas pu retenir mes larmes. Lorsque la matrone a posé François sur la poitrine de Rosalie, que mes yeux ont capté son petit visage… Je crois qu’aucun mot ne serait assez fort pour décrire ce que j’ai ressenti. »
L’émotion se lisait encore sur le visage du jeune père. Alain et la voisine s’échangèrent des regards complices, observèrent une dernière fois le père et son enfant puis sortirent de l’église.
De retour chez lui avec le nouveau-né, Bernard se hâta de grimper les marches qui menaient à l’étage, désirant retrouver son épouse au plus vite. Délicatement, il ouvrit la porte de leur chambre, songeant qu’elle pouvait potentiellement dormir, ce qui fut le cas. Néanmoins, le parquet étant vieux, celui-ci se mit à craquer sous les pas du journaliste, lui tirant des grimaces et ôtant Rosalie de son sommeil. La jeune femme tourna son visage vers son époux et son fils, invita Bernard à venir près d’elle. Il déposa François sur le matelas puis se coucha à ses côtés, liant immédiatement un contact corporel avec son épouse par le biais de leurs mains jointes sur leur bébé.
« Merci, ma chérie, pour m’avoir offert le plus beau de tous les cadeaux. » murmura Bernard, émeut.
Rosalie vint essuyer quelques larmes qui glissaient sur les joues de son époux. En souriant, elle plaça son regard dans le sien.
« C’est aussi grâce à toi qu’il est là. Nous sommes deux à l’avoir conçu. Il est une partie de nous. Il est le nouveau membre de notre équipe, il est le résultat de notre amour. »
Bernard ne put rien répondre à ces paroles. Se redressant avec délicatesse, il déposa ses lèvres sur le front de Rosalie puis alla lui voler un baiser direct, que la jeune femme lui rendit avec bonheur.
Leur statut venait d’évoluer : de simple couple, ils étaient devenus une famille.