Retour à l'océan
Chapitre 16 : Le défilé du Poisson Lune
3743 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 08/12/2022 01:18
Ignorante des agissements de sa fille, après une heure de maquillage et de brushing pour l'événement, Ariel s'était installée sur une des charrettes royales, la seconde après celle transportant la reine-régente d'Atlantica, en compagnie d'Alana, Adella et Attina, les trois plus jeunes après elle.
— Hé, pour une fois que tu arrives à l'heure ! lui avait fait remarquer Adella sur le ton de la plaisanterie.
— Pour une fois que tu arrives de manière générale ! avait ajouté Attina d'un ton plus sérieuse.
— Mieux vaut tard que jamais ! s'était empressé d'ajouter Alana pour détendre l'atmosphère.
Ariel avait compris qu'elles faisaient référence à la tendance qu'elle avait dans sa jeunesse de ne jamais être à l'heure pour les évènements aussi importants. Il lui arrivait même de les manquer complément. Fut-ce un concert qui devait marqué publiquement sa première prestation vocale. Elle était loin d'avoir le sens de l'organisation et de la ponctualité à cette époque, trop souvent la tête dans les nuages ou trop occuper à jouer ou explorer les fonds marins et les épaves avec Polochon pour collecter des trésors ou faire d'autres découvertes. Et cela lui avait valu pas mal de réprimandes de la part de son père, ne voyant pas trop les excentricités de sa fille d'un bon œil, et aussi de Sébastien qui n'appréciait pas non plus son absentéisme lors des répétitions.
Tout cela remontait à si loin...
Cependant, ses sœurs avaient raison. Ariel étaient bien présente et à l'heure... Pour une fois.
Cela avait même surpris Sébastien, chargé de diriger la fanfare devant ouvrir le défilé, qui avec le temps s'était pourtant accoutumé de son absence.
Les sept filles de Triton, le défilé pouvait commencer.
Tout s'était déroulé sans accroc.
Comme convenu, le défilé s'était ouvert avec une fanfare dirigée par Sébastien, composé de poissons trompettes ainsi de poulpes et de raies aux percussions. Puis ils étaient suivis d'une troupe de poissons clowns et d'étoiles de mer qui étaient venus animer le défilé avec leur numéros d'acrobaties aquatiques, suivis de poissons-lunes à qui la fête était attribué, enveloppés d'une myriade de poissons multicolores et qui pavanaient, fièrement et solennellement, témoignant toute leur splendeur à la foule. Puis vinrent des poissons porte-étendard, des espadons et des gardes-sirènes assurant la sécurité des sept princesses toutes installées dans leur calèche royales depuis lesquelles elles saluèrent la foule les acclamant et leur jetant des pétales de fleurs sous-marines à leur passage.
Ariel se contenta d'imiter ses sœurs, saluant la foule de la main avec un sourire plutôt forcée. Malgré l'enthousiasme de la foule, elle eut du mal à en profiter pleinement, ses pensées restant concentrées sur sa fille consignée et son père cloué au lit avec lesquels elle aurait tant aimé participer aux festivités. Elle aurait même préfère rester au palais s'occuper de sa fille et de son père malade plutôt que passer la journée à saluer des badauds et feigner d'être heureuse. D'autant qu'elle avait la terrible intuition qu'elle n'aurait jamais l'occasion de voir le roi Triton participer à d'autres festivités.
Elle fit néanmoins de son mieux pour ne rien laisser transparaître de sa mélancolie, quitte à se forcer à se sourire. Ses sœurs avaient insisté sur combien elles devaient toutes faire impression en tant que princesses, combien c'était vital pour Atlantica que leurs sujets eurent une image positive de leur princesses ainsi que de leur reine-régente.
Ariel fut arrachée de ses pensées par des petits cris appelant son nom. Elle reconnut alors Isabella qui se détachait de la foule et l'interpellait en maintenant la nageoire caudale de Pouf qui semblait plutôt pressé de retourner dans la foule.
Les deux jeunes poissons tentaient de se frayer un chemin jusqu'à la calèche d'Ariel avant d'être stoppé par un des gardes.
— Laissez ! l'ordonna Ariel. Je les connais.
— Princesse Ariel, mon ami ici-présent ! déclara la jeune hippocampe après que le garde lui ait accordé la permission d'approcher la calèche.
Ariel remarqua seulement maintenant que Pouf tenait entre ses dents une fleur sous-marine et le tendait timidement à la princesse touchée par ce geste.
— Ce... Ce n'est pas grand chose, mais... Vous aviez été tellement gentille l'autre jour, balbutia le poisson globe.
— C'est vraiment adorable de ta part, lui répondit Ariel en acceptant la fleur et lui laissant une bise sur le front en guise de remerciement qui fit rougir le jeune poisson-globe avant de finalement le faire gonfler.
Isabella s'empressa de le rattraper par la queue pour l'empêcher de dériver.
— Oh, désolée ! tenta de s'excuser Ariel. Je suis confuse...
— Oh ne le soyez pas ! la rassura l'hippocampe. Ça a toujours été un grand émotif. Une simple émotion forte et HOP ! Gonflé à bloc !
Pouf fut finalement vite dégonflé et retourna avec Isabella au sein de la foule.
Ariel plaça soigneusement la fleur sur son corsage et veilla à ce qu'elle y soit bien accrochée.
Le reste des festivités se déroulèrent sans accrocs dans des jeux et des danses pour le bonheur des habitants d'Atlantica.
Ariel auraient aimé participé à ces jeux comme elle l'avait l'habitude de faire dans sa jeunesse, mais avec ses sœurs, elles devaient respecter le protocole et d'abord serrer des mains à quelques aristocrates avant de pouvoir s'amuser. La sirène cadette qui avait juré de se montrer plus responsable et protocolaire pour une fois, commençait à trouver le temps long, craignant que le festival sera terminé le temps qu'elle sera libérée de ses obligations de princesses et pourra enfin s'amuser.
Quand bien même on en lui laisserait le temps, elle n'aurait sûrement pas le cœur à jouer et danser avec ses sujets en sachant sa fille consignée.
Puis, vers la fin de l'après-midi, un jeune soldat sirènien vint interpeller Aquata, visiblement paniqué et essoufflé.
— Les... Les hommes-requins, votre majesté, dit-il entre deux souffles. Ils... Ils arrivent.
La simple mention des hommes-requins jeta un froid plus mordant que les eaux d'Arctica autant sur les princesse que sur toute la foule. L'ambiance festive s'était instantanément évaporé.
— Que tout le monde garde son calme, clama Aquata d'une voix forte. Ne cédons pas à la panique.
— Combien sont-ils ? demanda soudain Ariel dont le sang n'avait fait qu'un tour.
— Au moins une centaine... À vue de nez, répondit le soldat.
— Sont-ils armés ?
— T'as déjà vu un hommes-requin se pointer sans armes, toi ? lui rétorqua Arista.
Il ne fallut pas longtemps pour qu'Aquata ordonna au branle-bas de combat et à ce que les civils furent mis en sécurité tout en restant dans le plus grand des calmes.
Tandis que ses sœurs restèrent sur place pour épauler leur aînée en pleine situation de crise, Ariel prit la direction du palais à toute allure.
Ce n'était malheureusement pas la première fois qu'elle avait eu affaire aux hommes-requins et leur incessantes tentatives de prendre Atlantica d'assaut.
C'était principalement des brutes épaisses, belliqueuses et sans foi ni loi, mais leur dirigeant, l'empereur Sharga, était réputé pour sa ruse et sa fourberie qui n'avaient d'égal que sa cruauté. Le genre à accepter une proposition de paix de la part du roi Triton uniquement pour mieux envahir son royaume et l'anéantir.
Par chance et avec l'aide de ses amis, Ariel avait toujours su déjouer les plans de l'empereur Sharga en étant plus rusée que lui ou ses sous-fifres, ces derniers étant plus faciles à duper que leur empereur.
Néanmoins, leur venue n'annonçait rien de bon. D'après ses sœurs, les hommes-requins avaient étendu leur empire durant son absence et s'étaient enhardi avec le temps. L'une de leurs dernières avaient vraisemblablement causé la maladie du Roi Triton. Et il serait improbable qu'ils viennent en si grand nombre à Atlantica pour demander la paix ou même une trêve. La sirène rousse les savait trop bellicistes pour parler sincèrement de paix.
Et s'ils attaquaient...
Ariel craignait le pire, non seulement pour son royaume, ses vieux amis, ses sœurs et surtout sa fille.
Pire encore si les hommes-requins triomphaient, elle n'osait imaginer ce qui adviendrait de ses proches dans ce cas.
Mais il était de son devoir de mère ET de princesse d'Atlantica d'empêcher un tel scénario se concrétiser.
Elle ne l'avait pas emmené vivre dans son royaume natale pour se retrouver au beau milieu d'une guerre et encore moins à la merci des assaillants.
Sans prendre le temps de passer par les couloirs du palais, elle se précipita dans sa chambre en passant par une fenêtre, dérangeant au passage Max qui faisait la sieste.
Elle s'empara de la rapière qu'elle avait soigneusement accrochée au mur à son arrivée. C'était là un cadeau d'Eric, lors de leur anniversaire de mariage, qui lui avait au préalable appris les rudiments de l'escrime. Ariel avait par conséquent gardé ce cadeau lors de son déménagement, non seulement comme souvenir mais aussi pour pouvoir se défendre au cas de besoin. Même si en son for intérieur, elle aurait souhaité ne jamais avoir à son servir.
Ariel était avant tout une sirène pacifiste, n'aspirant qu'à la paix et l'harmonie, détestant les conflits et le recours à la violence, nullement intéressé par la gloire ou le pouvoir. De ce fait, elle se voyait difficilement en sirène guerrière. Mais il fallait se rendre à l'évidence et se battre pour préserver cette paix qu'elle chérit tant et ainsi protéger ceux qu'elle aimait.
Et au moins, ses cours d'escrime avec Eric n'auront pas été vain. Ses talents étaient encore rudimentaires comparés à son regretté prince qui s'était entrainé depuis l'enfance mais lui procuraient un avantage sur ses assaillants étrangers à tout art martial venant de la surface.
L'esprit chamboulée par ses émotions, Ariel se rendit tardivement compte de l'absence de Mélodie, juste au moment de quitter la chambre.
Elle se laissa submergé par l'angoisse à l'idée qu'elle ait pu profiter des festivités pour faire le mur et ainsi s'exposer au danger.
Elle n'eut cependant pas le temps de fouiller le palais à la recherche de sa fille qu'elle vit depuis sa tourelle l'armée d'homme-requins se pointer aux portes de la cité.
Elle ne put que prier pour que sa fille fût bien rester à l'abri à l'intérieur du palais et aussi précipitamment qu'elle était venue, elle partie rejoindre ses sœurs, la rapière au poing, prête à en découdre.
Ariel retrouva enfin ses sœurs aux portes de la ville avec toute une rangée de gardes sirèniens et d'espadons pour les épauler. Aquata avait le trident au poing en cas de besoin. Les hommes-requins armés jusqu'aux dents leur faisaient face.
L'un d'eux, plus imposant que les autres, se détacha du peloton et s'avança d'un air menaçant vers les princesses et la reine régente, un sourire carnassier aux lèvres.
Ariel reconnut le commandant Shabada, le plus haut gradé et de facto le bras droit de l'empereur Sharga.
D'instinct, elle s'interposa entre sa sœur aînée et l'homme requin, la rapière pointée sur la bedaine de ce dernier pris de court.
— Touche à une seule écaille d'une de mes sœurs et tu sauras ce que c'est d'être transpercé par un espadon, lui dit-elle d'un ton menaçant.
— Tiens tiens tiens ! La rouquine est de retour ! nargua Shabada aussitôt passé la surprise, d'une voix assez forte pour être entendu par ses frères d'armes. Et la voilà qui joue les dures !
Une vague de rires moqueurs s'éleva depuis le rang des hommes-requins mais Ariel ne se laissa pas impressionnée pour autant.
— Par la barbe de Neptune, qu'est ce que tu fiches, Ariel ? s'indigna Aquata.
— Je... Je nous défends contre l'ennemi ! lui répondit Ariel légèrement interloquée par la réaction de son aînée.
— Ne vois tu pas qu'il est venu parlementer ? lui dit Aquata à bout de nerfs. Baisse moi ce... Peu importe ce que c'est et rentre dans le rang.
Décontenancée et honteuse, Ariel s'exécuta et rejoignit ses sœurs. Comment aurait-elle pu savoir que Shabada était venu jouer les diplomates ? Elle connaissait les hommes-requins depuis suffisamment longtemps pour savoir que la diplomatie n'a jamais été dans leurs cordes, pour peu qu'elle eût fait parti de leur vocabulaire. De ce fait, il était impossible de savoir à l'avance s'il venaient parlementer ou pour attaquer. C'était là toute problème avec les hommes-requins.
— Commandant Shabada, veuillez je vous prie de pardonner l'impudence de ma cadette, implora Aquata.
— Tout est pardonné, reine régente ! lui répondit Shabada. Elle aura démontré un sacré cran !
Une nouvelle vague de rire moqueurs s'éleva du rang des hommes-requins.
— Bien, l'empereur Sharga vous envoie ses sincères et respectueuses salutations, reprit Shabada comme si l'incident n'avait jamais eu lieu. Il vous fait également savoir qu'il commence à se fair vieux et que de ce fait, il souhaiterai également mettre un terme à ce conflit qui nous divise depuis trop longtemps et ainsi voir nos royaume respectifs vivre en paix avant qu'il n'aille nourrir les planctons.
L'annonce sembla intriguer les sœurs tant elle était désespérée. Mais Ariel resta sur ces gardes. Ce n'était pas la première fois que son peuple avait tenté de faire la paix avec les hommes-requins et ça avait failli tourner à la catastrophe pour Atlantica à chaque fois. À plus forte raison quand la proposition venait des hommes-requins. À force, il était clair qu'ils n'étaient nullement intéressé par la paix et la réconciliation, seulement par le pouvoir et la domination. Il y avait forcément anguille sous roche derrière cette proposition soudaine de paix.
— L'empereur Sharga émet cependant une condition, reprit soudain Shabada.
Ariel avait deviné juste.
— Peut on savoir laquelle ? demanda Aquata qui demeurait stoïque.
— Afin d'assurer la paix et l'union entre nos deux royaumes, l'empereur Sharga exige que la reine régente et héritière épouse son fils, le prince Sharpa, répondit Shabada.
— Il n'en est question ! laissa échapper Ariel au bord de l'indignation.
— Pour l'amour de Neptune, veux tu te tenir tranquille pour une fois, Ariel ? se facha Aquata. Tu tiens tant que ça à créer un incident diplomatique ?
— La petite dernière n'a pas refait surface pendant douze ans et elle toujours autant de mal à rester en place ! commenta Shabada moqueur.
Les sept sœurs ignorent les rires moqueurs des hommes-requins et discutèrent entre elles de ce qui convient de faire.
— Tâchons d'être rationnelles, suggéra Alana. Cette proposition... Ce sera peut-être notre unique de chance de mettre fin à ce conflit.
— Oui, c'est ce que père aurait voulu ! approuva Andrina.
— Mais vous êtes sérieuses ? s'indigna de plus bel Ariel. Vous n'allez pas accepter ! Pas après ce qu'ils nous ont fait !
— Serais tu contre la paix, petite sœur ? la questionna sèchement Attina. Préférerai-tu condamner ton royaume à une nouvelle ère de guerre ?
— Mais... Bien sûr que non ! se défendit Ariel qui se sentit seule contre tous. Je désire la paix comme vous toutes. Mais pas de cette manière ! Et puis... L'une de vous le connait, ce prince je-ne-sais-quoi ?
— Pour être franche, c'est la première fois qu'on entend parler de lui, confessa Adella. On ne savait même pas que Sharga avait un fils. On ne sait même pas à quoi il ressemble...
— Et vous vous laissez notre sœur aînée épouser quelqu'un qu'on ne connait ni d'Adam ni d'Ève ? reprit Ariel. Et puis, s'il tient à l'épouser, pourquoi n'en fait-il pas la demande lui-même ?Comme tout bon prince ?
— C'est qui, Adam et Ève ? demanda Arista crédule. Et puis pourquoi ça te dérange ? T'as bien épouser un humain que tu connaissez à peine et ce alors que père détestait les humains !
La remarque de la sirène blonde à queue rouge avait heurté un point sensible et mit Ariel hors d'elle. Qu'on lui reprochait son histoire avec Éric, c'était déjà insultant pour elle, mais qu'on l'assimilait à un mariage arrangé avec un parfait inconnu, on lui aurait collé une gifle qu'elle en aurait moins mal.
— C'ÉTAIT DIFFÉRENT ! lâcha-t-elle. Je le connaissais assez pour savoir qu'il ne ferait de mal ni à moi ni à notre peuple ! Et j'ai du me battre pour gagner son cœur ! Et puis père avait fini par nous accorder sa bénédiction...
— Ça suffit ! protesta Aquata à bout de patience. Aussi difficile soit-elle, cette décision revient à moi seule. Et j'ai besoin de la prendre de le calme le plus complet. Aussi je compte sur votre soutien à toutes les six !
— Tu as mon soutien, grande sœur, lui répondit Andrina la première.
Suivant l'ordre de naissance, les autres sœurs la suivirent d'un "le mien aussi" jusqu’à Ariel qui demeura réticente, sachant d'avance que qu'elle que sera la décision de son aînée, elle sera lourde de conséquence en plus d'être toujours fâchée contre Arista pour sa remarque blessante.
Mais sous le regard insistant de ses six sœurs, elle céda et annonce à moitié-convaincue :
— Tu as tout mon soutien, Aquata.
De toutes façons, elle s'était rendu à l'évidence qu'on ne tenait compte de son avis que quand ça allait dans leur sens.
— Très bien ! déclara Aquata qui se tourna finalement vers les hommes-requins. J'ai pris ma décision. Vous annoncerez à l'empereur Sharga que... J'accepte d'épouser son fils.
Pendant que les hommes-requins acclamaient ce choix qui semblait (trop bien) arranger leurs affaires, Ariel ne put que se mordre la joue pour réprimer son envie de protester à nouveau. Elle venait de donner son aval, elle devait s'y tenir. Même pour une décision qu'elle ne pouvait approuver. Et qu'elle n'approuverait jamais, même en ayant conscience de ses propres antécédents.
Selon elle, c'était une chose de risquer aussi sa vie pour quelqu'un qu'elle connaissait à peine, c'en était une autre de la sacrifier pour quelqu'un dont elle n'avait vu le visage ni entendu le son de voix.
Elle au moins, elle avait vu le beau visage et entendu la douce voix d'Éric avant de décider de l'épouser. Et hormis la distance avec sa famille ou le pacte qu'elle avait dû conclure avec Ursula, c'était un choix qu'elle ne regrettait pas. Car cette décision l'avait non seulement permis d'accomplir son rêve ainsi que trouver son bonheur, mais il avait conduit son père à s'adoucir et s'assagir, à reconsidérer ses lois et sa vision des humains. Et plus important encore, Mélodie ne serait jamais entrée dans sa vie si elle était de rester sous l'océan jusqu'à le fin de ses jours.
Tandis que pour Aquata, elle prédisait un mariage catastrophique avec un hommes-requin et tous les défauts qui allaient avec — les hommes requins n'étant pas vraiment réputés pour leur galanterie ni pour leur charme — et ne pouvait arranger que les hommes-requins, leur permettant de prendre possession d'Atlantica et le remodeler à leur guise.
Ariel eut la nausée à l'idée qu'elle avait donné son aval pour une telle chose. Elle l'avait l'impression de revivre la fois où Ursula l'avait contrainte à lettre son nom sur cette horrible contrat.
— À la bonne heure ! s'exclama Shabada. Vous autres, relâchez les prisonniers !
— Des prisonniers ? demandèrent les sœurs interloquées. Quels prisonniers ?
— On avait prévu un plan B au cas où vous refusiez l'offre de notre empereur, se justifia Shabada. Mais puisque que vous avez accepté, on n'en pas plus trop l'utilité. Et puis pour prouver notre bonne foi...
— Franchement, comment vous arrivez à être à l'aise à l'idée d'unir nos royaumes avec des gens qui font des prisonniers pour s'en servir contre nous ? s'indigna Ariel de nouveau.
— Ariel, ça suffit ! s'impatienta Aquata. Tu as donné ta parole, je te rappelle !
— Et puis ils viennent de montrer leur bonne foi en les relâchant, ajouta Arista qui reprenait les paroles de Shabada.
— À ce propos, tu devrais peut-être voir qui sont ces prisonniers, lui prévient Alana.
Ariel tourna la tête et fut consternée de voir Polochon et Morgane sortir du rang des hommes-requins honteux et embarrassées, comme si on les exposait en public pour avoir commis un crime horrible.
— Neptune tout puissant ! s'écria-t-elle en rejoignant les deux prisonniers fraîchement relâchés. Vous allez bien ? Ils ne vous en pas trop violenter ?
— Moi ça va, lui répondit Polochon. Mais je crois qu'après ça, je vais perdre mon job.
— Princesse Ariel, je vous en prie, ne soyez pas en colère ! la supplia Morgane. Il ne faut pas vous en vouloir.
— Pourquoi ça ? demanda innocemment Ariel qui se laissa envahir par un terrible sentiment de déjà vu.
Il fut soudain distraite par les hommes-requins parmi lesquels il y avait l'air d'avoir du grabuge.
— Allez, fais pas d'histoire et pars ! protesta l'un d'entre eux. Tu es libre ! Retourne auprès de ta mère ! Rentre chez toi !
Et ce fut à ce moment là qu'Ariel la vit. Les cheveux d'un noir de jais en queue de cheval, la queue rose saumon, se faire éjecter de force par les hommes-requins.
Ariel fut comme frappé par une raie électrique en la voyant.
— MÉLODIE !
— Maman !... Je... Je peux t'expliquer...
— Polochon ! Reconduis Morgane chez elle. Je dois m'entretenir avec la fille.
Il était difficile de déterminer si c'était au ton de sa voix, son regard ou le fait qu'elle avait toujours sa rapière à la main.
Mais tous ceux qui avaient connu Ariel ne l'avait jamais vu aussi froide et sévère qu'en cet instant présent.
Même Mélodie n'avait jamais vu sa mère autant en colère et elle avait le sang glacé.