Retour à l'océan

Chapitre 9 : Premier jour au club de Polochon

2922 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/04/2022 23:42

— Mélodie chérie, debout ! susurra Ariel à l'oreille de sa fille au petit matin. C'est l'heure ! Le petit déjeuner est prêt !

— M'man, laisse-moi cinq minutes, s'il-te-plaît ! grommela Mélodie encore à moitié endormie.

Elle reconnaissait bien sa fille. Une adepte de la grasse matinée.

— Allons, lève-toi vite si tu ne veux pas être en retard ! insista Ariel.

— Pour quoi ? demanda Mélodie.

— Pour ton inscription au centre de loisirs qu'organise Polochon ! lui répondit sa mère. Ne me dis pas que t'as oublié, quand même ? On en a parlé hier !

— Et si je n'ai plus envie de m'y inscrire ? protesta Mélodie. Et si je m'inscrivais et que ça se passait aussi mal que... L'autre jour avec les enfants-sirènes ?

— Roh, ne fais pas ta mauvaise tête ! Il n'y a pas de raison pour que ça se passe aussi mal !

— Tu crois ?

— Tu ne trouveras pas plus gentil et serviable que Polochon ! Je le connais depuis tout petit et je peux t'assurer que c'est un amour.

— Et les autres enfants, est-ce qu'il seront aussi gentils que lui ? demanda Mélodie sceptique.

— Il m'a assuré que c'était tous des anges. D'ailleurs, je crois me souvenir que ton amie Morgane en fait partie !

— Morgane ?

Mélodie bondit aussitôt de son lit et s'agita dans toute la chambre à la recherche de sa garde-robe et inspectant sa mine devant la coiffeuse.

— Pourquoi ne l'as tu pas dit plus tôt ? s'impatienta-t-elle. Il faut que je sois présentable ! Je veux dire, pour mon inscription ! Et je ne sais pas quoi me mettre !

Ariel fut à la fois surprise et amusée que l'évocation du nom d'une fille que sa fille avait fréquenté à peine une demi-journée suffisait à lui susciter autant d'émotion. Elle s'empressa toutefois de la rassurer, ainsi que de la raisonner :

— Voyons, ma chérie ! T'as bien vu comment sont vêtues les sirènes ? Tu crois vraiment qu'elles vont accorder tant d'importance à ton accoutrement ?

Et ce fut une bonne chose qu'elles ne se fussent pas installées au couvent Andersen comme l'avait suggéré le cousin Ulrich. On les aurait obligé à porter des robes sombres ainsi qu'un voile de manière à ne pas laisser une mèche de cheveux visible.

— Mais maman, il faut que je fasse bonne impression ! protesta Mélodie qui s'affairait et arrangeait ses cheveux devant la coiffeuse. Je veux dire, pour les autres enfants... Ceux qui ne me connaissent pas encore...

— Pour ça, un coup de brosse et un brossage de dents suffiront, lui dit Ariel en se faisant d'une brosse à cheveux. Pour le reste, sois juste naturelle. Sois toi-même. Comme tu as su le faire avec Morgane. Après tu verras que tout baignera dans l'huile. Mais d'abord, petit déjeuner !


Peu de temps après, les deux sirènes furent en route pour le centre de loisir qui se devait se tenir dans le parc de coraux

Au vu du nombre de parents qui s'attroupaient pour y déposer leurs enfants, elles étaient clairement au bon endroit. Et il n'y avait pas que des sirènes au sein de cet assemblement, on y trouvait également des poissons, des tortues de mer, des crustacés et des mollusques en tout genre. Polochon devait clairement avoir du succès avec son centre d'activités.

Justement, elles virent le poisson jaune accueillant les enfants et faisant signe aux deux sirènes aussitôt qu'il les avait reconnu.

Mélodie fut cependant inquiète. Elle avait beau balayer la scène du regard, elle ne voyait pas l'ombre de Morgane. Il n'y avait que des inconnus dans cette troupe d'enfants.

— Ne t'en fais pas, ma chérie, la rassura sa mère. Je suis certaine qu'elle va arriver d'une minute à l'autre. Allons plutôt dire bonjour à Polochon en attendant.

— Alors, vous vous êtes décidées ? leur demanda Polochon enthousiaste.

— On s'est décidées, oui, et Mélodie est d'accord pour s'inscrire, répondit Ariel, sa fille étant encore trop timide pour s'adresser au poisson.

— C'est bien ! commenta Polochon. Attendez que j'appelle mon assistant. Crevette ! Nous avons une nouvelle !

Arriva alors une crevette avec un dossier de paperasse. Une crevette qui fut étrangement familier pour Ariel.

— Attends, ce ne serait pas...?

— Ah oui ! Excuse-moi, j'avais oublié de te l'indiquer ! dit Polochon confus. J'ai engagé l'ancien assistant de Homard Boulevard. Mais rassure-toi, il s'est repenti et s'est fait gracié.

— En fait, je ne travaille plus pour ce balourd de homard depuis qu'il m'a remplacé par un barracuda, précisa la crevette d'un ton amer.

— Et ça s'est passé avant qu'il ne se fasse bannir par Aquata, s'empressa d'ajouter Polochon. Alors je peux t'assurer qu'il n'y a aucun danger. Depuis qu'il est entré à mon service, il ne m'a jamais défaut.

— J'espère bien, répondit Ariel à moitié convaincue.

— Maman, de qui vous parlez ? demanda Mélodie curieuse.

— D'un homard truand mais plus empoté que réellement dangereux, lui répondit sa mère.

— Bien ! intervint la crevette qui sortit du dossier un relevé d'inscription pour revenir au sujet. Il me faudrait le nom de l'enfant, celui de son espèce, sa date de naissance, son genre, ainsi que le nom de son responsable légal, son rapport avec l'enfant à sa charge, son domicile et son occupation, s'il-vous-plaît.

— Et c'est tout ? demanda Ariel ironiquement.

— Pas tout à fait, il faudrait également nous indiquer si elle a une allergie quelconque, si elle souffre d'une maladie chronique ou un trouble psychique et doit suivre un traitement quelconque, répondit la crevette. Juste par précaution !

— Je ne pense pas que ce sera nécessaire ! rétorqua Ariel. Melodie est d'une santé de fer et un esprit sain dans un...

— Bon, est-ce que je peux m'inscrire ? demanda Mélodie impatiente.


La jeune sirène avait à peine donné son nom et sa date de naissance à la crevette qu'elle fut distraite par une voix essoufflée qui lui fut familière :

— Excusez-moi, monsieur Polochon ! Je suis affreusement en retard.

À sa plus grande joie, ce fut Morgane qui nageait à toute allure et se figea soudain à la vue de Mélodie.

— Je t'avais bien dit qu'elle viendrait d'une minute à l'autre, fit remarquer Ariel à sa fille avec un clin d'œil.

— Ça ne fait rien, Morgane ! rassura Polochon. Nous n'avons pas encore commencé. Nous étions justement en train d'inscrire une nouvelle camarade.

— A... Alors c'est vrai ? s'exclama Morgane. Tu es en train de t'inscrire au club de Monsieur Polochon.

Mélodie lui répondit d'un simple hochement de la tête. Sa nouvelle amie, au bord de l'excitation, la serra dans ses bras.

— C'est géniale ! s'écria-t-elle. On sera copine à temps plein ! Et je pourrais te présenter à quelques copains à moi ! Et...

— Hum... Je ne voudrais brimer votre enthousiasme, mesdemoiselles, mais nous n'avons pas terminer son inscription ! fit remarquer la crevette.

— Allons, laissez-les ! dit Ariel. Je vais finir pour elle.

— Et il y a aussi le règlement d'intérieur qu'il faudra lire et signer.

Les deux sirènes mère et fille roulèrent des yeux. Et encore un papier à signer ! Et des règles à suivre !


Une fois le dossier d'inscription complété et le règlement signé, Polochon emmena Mélodie, rassembla les membres de son club, auxquels vint se joindre Morgane et exigea le silence, sur le point de faire une annonce :

— J'ai l'honneur et le plaisir de vous annoncer l'arrivée parmi nous d'une nouvelle camarade ici-présente. Elle se prénomme Mélodie, elle a onze ans et nous vient du Palais de Triton.

Ce dernier détail suscita une vague d'exclamation au sein de la troupe d'enfants, tous étonnés (à l'exception de Morgane déjà au courant) d'être rejoints par une sirène habitant au palais royal.

— Voudrais-tu ajouter quelque chose, Mélodie ? lui demanda Polochon. Quelque chose que j'aurais oublié de préciser ?

— Et bien... Non, répondit timidement Mélodie. Si ce n'est que... J'habite Atlantica depuis seulement deux jours, et je ne connais pas encore grand monde.

Puis un petit poisson joufflu, qui rappela étrangement Mr Boule en plus jeune à Mélodie, leva et agita nerveusement la nageoire jusqu'à ce que Polochon lui accorde la parole :

— Oui, Pouf ? Tu as une question ?

— Tu viens d'où alors ? demanda le dénommé Pouf. Avant d'habiter Atlantica ?

— Et bien... Comment dire ?... Je viens... De la surface.

À nouveau, une vague d'exclamations s'éleva de la troupe d'enfants, Morgane mis à part. Cela obligea Polochon à réclamer le calme.

— Mais enfin c'est impossible ? s'indigna un jeune hippocampe femelle. Personne ici ne peut vivre à la surface ! Il n'y a pas assez d'eau pour se déplacer. L'air est trop sec. On y mourrait en deux minutes !

— C'est pourtant la vérité, Isabella, intervint Morgane pour prendre la défense de son amie. Elle me l'a dite hier. Et aussi...

Elle chuchota quelque chose à l'oreille d'Isabella — du moins ce qui faisait office d'oreille pour un hippocampe. Le visage de cette dernière s'illumina comme frappé d'épiphanie.

— Bien, les enfants, passons au programme du jour ! reprit Polochon. Aujourd'hui, nous allons assisté au début de la migration des baleines à bosses. (Les enfants s'exclamèrent de joie) Mais attention, par mesure de sécurité, il faudra garder une certaine distance. Aussi placides soient ses animaux majestueux, cela restent pas moins des animaux très puissants qui peuvent vous emporter d'un simple coup de nageoire. Et aussi, elles sont extrêmement sensible au bruit alors il faudra parler doucement. On est bon ?


Au loin, en compagnie d'autres parents qui étaient venus déposer leur progéniture au club, Ariel vit sa fille s'éloigner avec Polochon et les autres enfants.

Bien que persuadée d'avoir pris la bonne décision de confier pendant une journée Mélodie à une personne de confiance dans l'espoir qu'elle arrivât enfin à s'intégrer, elle eu quand même l'estomac noué.

En son for intérieur, elle redoutait que ce premier jour au club de Polochon ne soit un fiasco. Ou pire, qu'elle allait tourné à la catastrophe.

Était-ce dû fait que Polochon les emmenait observer des baleines ?... Peut-être pas. Au vu du nombre de fois où Ariel, dans sa jeunesse, avait nagé avec Polochon auprès des baleines, si près qu'elle avait pu les caresser, elle se doutait qu'il n'y avait pas de danger tant qu'on restait loin de leurs nageoires et de leur gueule.

Peut-être était-ce plutôt le manque d'expérience de Mélodie qui l'inquiétait, qui pourrait la conduire à des accidents ?

Ou bien était-ce juste l'éloignement de sa fille qui lui suscitait une telle angoisse ?

Ariel tenta néanmoins de se reprendre. Elle se devait d'avoir confiance en sa fille et en Polochon. Elle ne voulait pas devenir une mère aussi surprotectrice que son père ou Sébastien ne l'avaient été à son égard.

Et pourtant, elle commençait à comprendre ce que son père devait ressentir chaque fois qu'elle avait pris la tangente.

— C'est votre première fois, n'est-ce pas ? vint l'aborder une raie. Allons, ça va bien se passer ! Et puis, il faut bien les laisser voler de leurs propres ailes, un jour où l'autre.

— C'est vrai ! répondit Ariel qui d'expérience ne pouvait dire le contraire. Mais ça fait quand drôle...

— Vous devriez prendre davantage exemple sur nous ! clama fièrement une tortue de mer. Nous, on dépose nos œuf sur la plage où nous avons vu le jour et aussitôt nés, c'est à nos petits de trouver le chemin vers l'océan.

— Oui, enfin, il n'empêche que sur toute une couvée, une seule de vos progénitures atteint l'âge adulte, fit remarquer d'un air hautain un hippocampe mâle, vraisemblablement le père d'Isabella. Je dis ça, je ne dis rien...

— Ah vous, ce n'est pas parce que vous portez vos petits à la place de vos femelles que vous pouvez vous permettre de me faire la morale ! s'énerva la tortue.

Et puis la discussion dégénéra quand l'hippocampe se plaignit qu'on l'empêchât d'avoir une opinion en raison de son sexe, ce qui exaspérait la tortue.

Assistée par la raie, Ariel tenta de les ramener au calme mais sans succès et finit par se faire rembarrer par les deux opposants.

— Ne faites pas attention ! la rassura la raie. Ces querelles entre espèces sont assez fréquentes, malheureusement.

— Mais comment c'est possible ? se demanda à voix haute Ariel sous le choc. J'ai connu ce royaume plus harmonieux quand je suis partie.

— Les temps changent, princesse, lui confia la raie. Et pas toujours de la manière qu'on souhaiterai. Mais bon, heureusement que ce brave Polochon a eu l'idée de créer ce centre de loisirs pour enfants, afin de maintenir l'harmonie auprès de la nouvelle génération et leur enseigner la tolérance.

Brave Polochon ! songea la sirène admirative.


Pour Mélodie, cette première journée se passa sans accroc.

Avec ses nouveaux camarades, elle traversait plusieurs étendues de récifs.

Au cours de l'excursion, elle fit plus ample connaissance des camarades que lui présenta Morgane. Parmi eux, il y avait déjà Isabella, l'hippocampe intello et Pouf, le poisson-globe sensible dont Mélodie avait déjà eu l'honneur de connaître lorsqu'elle se fut présentée. Mais il y avait aussi Shelly la tortue, Rémi la raie, Paul le poulpe, Thierry le bernard-l'hermite, Grace l'anguille, les jumeaux maquereaux Marco et Polo, Colin le merlu, Sandrine la sardine, Michel le poisson-ange et Amélia le poisson volant.

Tous se révélaient intrigués par les origines peu communes de Mélodie, notamment Amélia ayant pour rêve de survoler la surface de l'océan sur toute son étendue, et même au delà.

La jeune sirène ne sut quoi répondre à tant d'attention et d'intérêt à son égard. Elle qui était habituellement d'une timidité maladive, elle éprouvait là un sentiment nouveau pour elle. Et ce fut nettement une bien meilleure expérience que quand elle fut avec Calypso et ses copines. Au moins ses camarades témoignaient plus de respect pour leur environnement aquatique.

Mais le clou de cet excursion avec Polochon resta la migration des baleines à bosses. Le club dût se rendre jusqu'à la frontière d'Atlantica pour assister, et ce le plus silencieusement possible, à leur départ pour les eaux polaires. Et c'était bien là un spectacle auquel Mélodie n'aurait jamais pu assisté sur la terre ferme.

Plus d'une centaine de cétacés nageaient devant le club admiratif. Ces animaux étaient monstrueusement imposants, au point que même leur progéniture paraissait gigantesque pour une sirène, et pourtant, ils n'étaient pas moins majestueux, voire gracieux. Et même d'une placidité impériale.

Mais le plus beau resta leur chants singuliers que les baleines produisaient en permanence. Des chants qui selon Polochon serait tout simplement le langage des baleines. Un langage très complexe même pour les autres créatures marines. Mais il était clair qu'en chantant, le baleines communiquaient entre temps aussi naturellement que s'ils parlaient de la pluie et de beau temps et que chaque baleine avait sa propre voix, qu'elles se reconnaissaient et se repèraient ainsi.

Cela étonna Mélodie car de la où elle venait, les chants de baleine étaient davantage assimilé aux beuglements d'une vache.

Polochon expliqua également aux enfants qu'en cette période de l'année, les baleines migraient des eaux plus froides, en quête de nourritures et qu'elle reviendraient six mois plus tard, quand la température de l'eau aura baissé, pour la saison des amours.

Mélodie, n'écoutant que d'une oreille se contenta d'observer inlassablement les baleines qui défilaient devant elle. Elle aimait particulièrement voir les jeunes se livrer à des séries d'acrobaties et de dances autour de leur aînés. Elle jura avoir vu un des baleineaux lui faire signe de la nageoire pectorale.

Le spectacle dura plusieurs heures et une fois la dernière baleine partie, Polochon enchaîna avec une série de questions sur les baleines, leur alimentation, leur espérance de vie, leur durée de gestation ainsi que leurs prédateurs naturels, des question auxquels ce fut naturellement Isabella qui connaissait toutes les réponses.

Puis voyant l'heure de fin de la scéance approcher, Polochon ramena les enfants auprès de leur parents à Atlantica.

Sur le chemin du retour, Mélodie ne put s'empêcher de voir une prolifération de méduses violettes, similaires à celle qui avait failli la piquer l'autre jour. Elle avait compris dès lors qu'il ne fallait surtout pas les approcher et encore moins les toucher. La jeune sirène ne fut donc pas rassurer d'en voir en si grand nombre.

— Dites, c'est normal qu'il y ait autant de méduses, dans le coin ? se risqua-t-elle de demander.

— Ah bah les méduses, c'est tout le contraire des baleines ! répondit Isabella. Elles, elles aiment bien les eaux chaudes. Rien d'étonnant à ce qu'elles soient aussi nombreuses.

— Cela dit, il est vrai qu'elles sont très nombreuses, cette année ! lui confia Morgane. On n'en avait jamais vu autant jusqu'à présent.

— Et est-ce qu'il y aurait une signification ? demanda Mélodie.

— J'entends beaucoup parler de "réchauffement climatique", répondit Pouf moins rassuré que Mélodie par la présence des méduses. Peut-être qu'il y aurait un rapport.

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